"We’re Muslim Don’t Panic"! De la danse hip hop en niqab ?

De la danse hip hop en niqab ? C’est la démarche étonnante du trio féminin We’re Muslim Don’t Panic (nous sommes musulmanes, pas de panique) pour lutter contre les préjugés de la société envers la religion musulmane.

La chorégraphe Amirah Sackett s’est entourée de Iman et Khadijah, déjà remarquées en 2012 dans le clip Mourning in America du rappeur Brother Ali, visionné plus d’un million de fois sur Youtube.

« Je veux éduquer les gens et montrer la beauté des musulmanes. Oui, il y a des femmes oppressées dans le monde musulman, comme partout ailleurs. Ce sont nos luttes communes. », a-t-elle déclaré.

Rebeca Lane : « Les femmes ont toujours été oppressées depuis le début de l’humanité »

Ta biographie est assez folle ! Peux-tu nous résumer le contexte politique dans lequel tu es née et en quoi cela t’a menée au hip hop ?

C’est assez difficile pour une sociologue comme moi, haha. Mais je vais essayer. Il y a eu une guerre au Guatemala entre 1954 et 1996. Je suis née en 1984, durant les plus dures années de la guerre. Les autorités ont perpétré un génocide ciblant les communautés indigènes et commandité des kidnappings, des disparitions forcées et des meurtres d’activistes politiques. Ma tante, Rebeca Eunice, a été kidnappée par le gouvernement militaire en 1981 et je m’appelle Rebeca en son hommage. A cause de tout ça, j’ai commencé à militer très jeune pour la justice sociale et le devoir de mémoire collective envers les victimes de guerre.

Pendant la guerre, les jeunes ne pouvaient rien faire, même pas de l’art. Alors après la signature des accords de paix en 1996, on a commencé à s’organiser en termes d’activisme politique et d’art. On parlait de la guerre et de nos expériences respectives. J’écrivais de la poésie, je faisais du théâtre et j’étais une grande fan de la scène hip hop, qui grandissait très rapidement. Alors, j’ai rejoint un groupe de hip hop nommé Última Dosis et j’ai commencé à rapper avec eux.

Comment le rap est-il perçu au Guatemala ? Est-ce une musique populaire ?

Pour beaucoup de jeunes, la culture hip hop représentait une échappatoire à toute la violence que l’on vivait. Même si la guerre a pris fin, la violence n’a jamais cessé, surtout envers les jeunes. Cette culture est devenue très populaire dans les quartiers défavorisés, et offrait l’opportunité à des gens qui n’avaient pas la chance d’avoir reçu une artistique de devenir des artistes et des activistes au sein de leur communauté. Le hip hop constituait aussi un moyen de fuir les gangs et les groupes armés liés au banditisme et au trafic de drogues.

Pour toutes ces raisons, notre culture est stigmatisée par les autorités et ils usent de la violence de multiples façons pour contrer l’activisme hip hop. Certains collègues ont été tués ou ont disparu. Et c’est aussi compliqué de trouver des salles pour faire des concerts.

Malgré cela, nous sommes une grosse communauté qui continue de grandir, de trouver des espaces pour enseigner le hip hop aux autres et des lieux qui nous soutiennent artistiquement et politiquement pour faire des festivals et des concerts. Nous ne sommes pas mainstream et nous ne sommes soutenus par personne dans l’industrie de la musique, mais cela ne nous a pas arrêtés.

Tu es passionnée de théâtre et de poésie et tient un blog intitulé « Mujeres de bolsa grande ». Quel est le point commun entre tout ça ?  

Le théâtre et la poésie m’ont aidé à rapper et à performer, mais je ne le fais plus de manière régulière. Ma dernière pièce de théâtre remonte à il y a environ trois ans. Et mon blog rassemble des archives de mes poèmes. Je travaille à la publication de deux livres de poésie mais avec toutes les tournées et le travail que je fais dans la musique, j’ai peu de temps à y consacrer.

Tu sembles autant impliquée en tant que militante qu’en tant qu’artiste. Quels sont tes principaux combats ?

Je me bats toujours pour la justice sociale et le devoir de mémoire par rapport au génocide et à la guerre. Mais je suis aussi engagée dans les luttes féministes et l’empowerment des femmes à travers le hip hop. Je fais partie d’une structure qui s’appelle “Somos Guerreras”, qui a créé un réseau de femmes dans le hip hop en Amérique Centrale, organise des festivals, des ateliers et produit un documentaire avec d’autres rappeuses et activistes hip hop, comme Nakury, Nativa et Audry Funk.

Comment décrirais-tu la condition des femmes au Guatemala ?

Le Guatemala est l’un des pays qui a le plus haut taux de féminicides, qui s’explique par des violences conjugales envers les femmes. On nous tue. Le nombre de grossesses précoces est aussi très élevé et résulte de viols, très souvent commis au sein même de la famille. Aussi, le nombre de viols est énorme. C’est presque comme si le Guatemala était en guerre.

Un autre gros problème est que les femmes s’opposent à d’immenses projets lancés par des multinationales (du Canada, des Etats-Unis et d’Europe) qui s’octroient des terrains protégés par les communautés depuis des centaines d’années. Elles veulent prendre nos ressources naturelles pour en tirer profit. Ce contexte a amené les mouvements féministes à lutter pour la protection de notre environnement et de notre terre.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Oui. Je suis féministe parce que le féminisme m’a permis de comprendre que les femmes ont toujours été oppressées depuis le début de l’humanité et m’a appris à me défendre avec de l’amour-propre et de l’amour pour mes sœurs. C’est grâce au féminisme que j’ai appris à voir les autres femmes comme des alliées et non comme des rivales, et à travailler avec elles pour nous valoriser mutuellement.

Madame Rap a récemment interviewé Nina Dioz. Comment en êtes-vous arrivées à travailler ensemble sur “No Mas Ne Lo Mismo” et de quoi parle ce morceau ?

Tout a commencé quand je lui ai écrit pour lui dire que j’étais en tournée au Mexique, que je souhaitais la rencontrer et peut-être l’interviewer pour le documentaire de Somos Guerreras. Et elle m’a dit qu’elle vivait à Los Angeles. Quand je suis partie en tournée à LA, on s’est vue là-bas. J’avais déjà rencontré Sista Eyerie au Guatemala et nous étions en contact avec la rappeuse espagnole Aid qui habitait aussi à LA.

Nous avons décidé de nous retrouver et de travailler sur un titre. Au cours du processus créatif, nous avons évoqué nos contextes et nos de pays différents et discuté du fait d’être de nomades comme faisant partie de notre statut de rappeuses. Nous avons donc décidé d’écrire sur ce sujet. Heureusement, Cynthia Vance a pu filmer le processus d’écriture et l’enregistrement du morceau et en a fait un joli clip.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J’aime toujours écouter des rappeuses. Alors, j’écoute Garee, Zeidah, Miss Bolivia, Sara Hebe et Syla.  

Quels sont tes projets à venir ?

En ce moment, je suis en tournée en Allemagne et quand je rentrerai au Guatemala, je travaillerai sur mon prochain album “Alma Mestiza”. En septembre, j’ai une petite tournée à Los Angeles et en octobre en Espagne. Donc l’année prochaine, je serai sur les routes avec mes nouveaux morceaux. Nous travaillons également avec l’équipe de Somos Guerreras sur la post-production du documentaire sur les femmes dans le hip hop en Amérique Centrale. Du coup, nous sommes à la recherche de fonds pour le finir.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je trouve que vous faites du super boulot. Grâce à vous, on se sent moins seule et ça permet de créer des ponts entre des artistes du monde entier. Vous arrivez à parler des femmes sans les réduire à leur genre mais aussi en rappelant que ce sont des artistes.

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KT Gorique : « C’était très difficile pour moi de m’identifier à une femcee car il y en avait peu »

Comment et quand as-tu commencé à t’intéresser au hip hop ? 

Enfant, lorsque je vivais en Côte d’Ivoire, j’écoutais surtout de la musique africaine, du gospel, et le Roi de la pop. C’est d’abord la danse qui m’a interpellée. Michael Jackson avait cette manière de bouger que je n’avais jamais vue. Il était comme une sorte d’extraterrestre venu du futur. Aucun de ses mouvements ne ressemblait à quelque chose que je connaissais. Je me souviens avoir bossé mon moonwalk pour lui ressembler, comme tous les enfants autour de moi. Danseuse depuis l’âge de 4 ans, c’est par cette porte que je suis entrée pour la première dans la maison Hip Hop.

Tu as remporté le prix de Championne du monde de Freestyle en 2012. Que t’a apporté cette consécration ? 

Ma victoire au mondial End of the Weak World (EOW) en 2012 a permis à de nombreux amateurs de hip hop underground d’entendre parler de mon travail. D’abord par le biais de toutes les délégations qui avaient participé cette année-là, mais aussi (et surtout) grâce au nombre incalculable de scènes que j’ai faites par la suite.

En effet, je suis la première et seule femme à avoir remporté cette compétition pour l’instant, la plus jeune et aussi la première Suisse. Les gens ont été très surpris qu’une « jeune femme de 21 ans au tout petit gabarit, venue d’une minuscule ville d’un minuscule pays » affronte les meilleurs freestylers du monde à New York et revienne avec le trophée de la victoire. Beaucoup de programmateurs et autres organisations ont alors commencé à me solliciter pour des shows ou des démos d’impro. Comme je l’ai dit précédemment, j’ai fait mes premiers pas sur scène par la danse dès l’âge de 4 ans, et c’est quelque chose qui a énormément enrichi mon rap. Quand on danse, on s’entraîne et on se conditionne pour la scène, comme un joueur de foot avant son match. Le contact direct avec le public est vraiment l’objectif principal. Or, quand on rappe, ce n’est pas forcément le cas. La plupart du temps, l’apprentissage de la scène se fait dans un deuxième temps. Je pense donc que ce qui me différencie peut-être d’autres artistes, c’est le fait que la majorité des gens qui me suivent aujourd’hui m’aient découverte en concert avant de m’écouter sur internet.

Tes morceaux sont empreints d’influences ragga. En quoi la culture du toasting a-t-elle influencé ton penchant pour le freestyle ? 

J’ai commencé à écouter du reggae/ragga vers l’âge de 12 ans. D’ailleurs le premier album que je me suis acheté de ma vie était « Bob Marley – The greatest hits ». Ce que j’ai surtout aimé quand j’ai découvert cette culture, c’est la philosophie. Le freestyle est venu beaucoup plus tard. À la danse, on s’essayait à tous les styles hip hop et dérivés: pop, lock, house, smurf, break, krump, dancehall, raggajam… C’est surtout comme ça que j’aimais le ragga. Ce n’est que plusieurs années plus tard, lorsque j’ai commencé les freestyles, que toutes ces influences musicales qui avaient guidées mon corps se sont naturellement retrouvées dans ma musique. Je ne m’en suis même pas forcément rendu compte, parce que ça fait partie de moi, au même titre que la culture musicale africaine.

Dans quelle mesure tes origines ivoiriennes influencent-elles ta musique ? T’intéresses-tu à la scène hip hop féminine en Côte d’Ivoire ? 

C’est assez difficile pour moi de répondre à cette question car j’ai vraiment le sentiment que l’influence se fait naturellement. Mes origines métisses, mon immigration, mes expériences de vie, la musique qui m’a inspirée, et tellement d’autres choses encore, sont des facteurs qui définissent mon identité, et ma musique c’est moi… Donc forcément, toutes ces choses l’influencent et aucun facteur n’a plus d’importance que les autres.

Je m’intéresse à la scène hip hop africaine tout court. Femmes ou hommes, pour moi, la musique n’a pas de genre. Je pense néanmoins qu’étant une femme, mon intérêt pour le rap fait par d’autres femmes est peut-être plus poussé. Je me souviens qu’à mes débuts, il était très difficile pour moi de m’identifier à une femcee car il y en avait tellement peu. Du coup, je suis toujours curieuse et heureuse à chaque fois que je découvre une rappeuse dont le travail me parle. Être une femme dans ce monde de fous est tellement compliqué – et tellement peu se démarquent – que ça fait du bien de voir que partout dans le monde, d’autres mènent le même combat que moi. Big up aux femcees sénégalaises Eve Crazy et GOTAL d’ailleurs. Des tueuses!

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ? 

Il y en a tellement ! De tous les styles et de tous les horizons… Musicalement parlant : Lauryn Hill, Bahamadia, MC Lyte, Da Brat, Missy Elliott, Aaliyah, Yo-Yo, Lady of Rage, Casey, Keny Arkana, Ladea, Nina Miskina, Pand’Or, Rah Digga, Lin Que, Mother Superia, E.V.E, Foxy Brown, Dynasty, Rapsody, Coely, Nina Simone, Tracy Chapman, Mary J. Blige Aretha Franklin, Mahalia Jackson, Patra, Queen Omega, Lady Saw, Etana, Rokia Traoré, Angélique Kidjo, Cesaria Evora, Nach, Antoinette Allany et plein d’autres… Je pourrais aussi citer des personnages historiques comme Harriet Tubman, Ching Shih, Angela Davis, Mère Teresa… C’est trop dur de faire cette liste. Il y a beaucoup d’hommes qui m’inspirent aussi !

Te considères-tu féministe ? Pourquoi ? 

Non, pour plusieurs raisons. La première c’est que je ne supporte pas d’être dans une case. J’ai toujours pensé et agi avec mon cœur et mon intuition, et tous deux détestent l’injustice. Je n’ai pas eu besoin de connaître ce mot ni sa définition pour réagir lorsque je me retrouvais face à une injustice envers moi ou une autre femme. C’est l’instinct qui a toujours parlé. Tout comme j’ai toujours réagi face à une injustice envers une race, une croyance spirituelle ou n’importe quelle « attaque gratuite contre celui qui est différent ». Nous devons nous détacher le plus possible des schémas qui nous détruisent pour nous trouver. S’identifier en tant qu’être unique faisant partie d’un équilibre universel, où toutes formes de vie ont la même importance. La vraie liberté c’est d’Être et être engagé envers soi, donc envers les autres. Suivre son cœur, ses convictions et aspirations profondes, refuser de se mentir quitte à se retrouver seul au monde, prendre du recul sur la vie pour comprendre les choses par soi-même. Une fois qu’on a conscience, qu’on voit, qu’on sait, on n’a plus besoin d’être une femme, un homme, noir, blanc, de gauche, de droite, féministe, machiste, chrétien ou musulman. On est soi et tous. On devient juste « juste », et pour ça il faut être libre.

Comment as-tu rencontré la rappeuse britannique Oracy et pourquoi as-tu souhaité collaborer avec elle sur « Que Du Love«  issu de ton premier album Tentative de survie, sorti en mars 2016 ?

Oracy est une des EOW UK AllStars. Nous avions donc déjà quelques connaissances et amis en commun au sein de la communauté End Of the Weak. Je connaissais son travail et elle le mien, et nous étions toutes deux fans l’une de l’autre ! En 2013, nous nous sommes rencontrées dans le cadre du festival Femcees Fest festival à Saint-Etienne, où nous étions toutes deux programmées. Le lien s’est fait naturellement, donc nous avons gardé contact et sommes devenues amies.

Oracy et moi avons la même vision de « comment vivre sa vie » et de la musique. Nos croyances spirituelles se rejoignent également et c’est un peu tout ce que raconte « Que du Love ». C’est comme un hymne à la solution à tous nos problèmes: L’Amour bienveillant.

On a pu te voir l’année dernière à l’affiche du film « Brooklyn » réalisé par Pascal Tessaud, qui a connu un certain succès, notamment en festivals. Que t’a apporté cette expérience et quels sont tes projets à venir, dans la musique ou le cinéma ?

Brooklyn a été l’une des expériences les plus intenses de ma vie. La rencontre avec Pascal Tessaud et toute l’équipe du film restera à jamais gravée dans mon cœur. J’ai vécu des moments magiques avec des personnes toutes plus exceptionnelles les unes que les autres. Des vrais passionnés, battants et engagés. Des personnes talentueuses, avec une vraie vision de l’art et de la vie. Même si je vis loin d’eux tous et que le tournage a parfois été difficile, Brooklyn reste et restera ma famille.

Dans le futur, je ne me ferme pas à l’idée de jouer dans d’autres films (on peut me voir dans le film Marie et les Naufragés de Sébastien Betbeder sorti cette année), même si ma passion reste la musique et que c’est avant tout ce à quoi j’aspire.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

En ce moment, j’écoute plein de choses différentes comme Chronixx ou Jesse Royal en reggae, sinon des artistes hip hop comme Ocean Wisdom ou Machine Gun Kelly, du rap suisse comme La Base & Tru Comers, et pas mal de chanteuses comme Camille Safiya, Oshun ou Ibeyi.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je suis via Instagram et Soundcloud et j’aime beaucoup. J’ai découvert plusieurs artistes vraiment bien grâce à Madame Rap donc merci. Continuez comme ça ! ONE LOVE.

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Qbala : « J’ai compris l’importance de me battre en première ligne pour les droits des femmes »

Tu es née à Loveland et vis à Fort Collins. A quoi ressemble la scène hip hop dans le Colorado du Nord ?

Fort Collins est en train d’exploser. Il y a beaucoup de place pour de nouvelles choses et de nombreux artistes et groupes se développent. Le fait de s’inquiéter de qui fait quoi s’est transformé en comment réussir à s’entraider.

Tu as été joueuse de basket. Quels points communs vois-tu entre le basket et le hip hop ?

Un été, j’ai joué en Australie pendant quelques semaines avec l’équipe de mon université et rejoint une équipe qui devait se rendre en Hongrie. On ne m’a jamais proposé de signer un contrat professionnel. La musique a été l’une des raisons qui m’a poussé à m’éloigner du sport. Ce sont les différences entre ces deux milieux qui m’ont amenée à faire de la musique. Les gens n’arrêtaient pas de dire qu’il fallait être de nature compétitive pour réussir dans les deux milieux. Ca me plaît. C’est naturel chez moi.

Sur ta page Facebook, tu cites Queen Latifah, Lady of Rage, les Fugees et Janis Joplin comme certaines de tes influences. Selon toi, pourquoi ces femmes sont-elles spéciales ?  

Elles chantent avec leurs tripes et elles ont toujours été des femmes de pouvoir pour moi. En plus, elles sont incroyablement talentueuses. Leur influence est la bienvenue.

Ton dernier EP Battle Cries” est un message fort d’empowerment par rapport à la sexualité et l’identité des femmes. Dois-tu te battre pour être acceptée telle que tu es sur la scène hip hop ?

C’est délicat. J’ai lutté pour comprendre l’obsession qu’avait  le monde avec le fait d’être un homme. J’ai eu du mal à m’accepter pour tout ce que je suis parce que je voulais être la meilleure. Les hommes ont toujours été mieux traités que moi, même si je travaillais plus et si j’avais de meilleurs résultats … La liste est longue. Alors, dans mon esprit, c’était évident que les hommes étaient naturellement meilleurs. Maintenant je nous perçois tous comme de l’énergie. Nous serons toujours l’étiquette que nous avons choisie. Je suis dans une phase créative intensive depuis que je n’ai plus peur de ne pas correspondre à ce que le monde attend que je sois. J’ai aussi compris l’importance de me battre en première ligne pour les droits des femmes. Que ce soit sur scène ou au travail.

Le titre préféré de Madame Rap est “ Pride “. Peux-tu expliquer la genèse de ce morceau ?

Je raconte beaucoup de choses vraies dans ma musique. Je parle de ce qui aurait pu se passer si j’étais née en Californie où vit mon père biologique et je m’excuse auprès de ma mère et de ma fiancée parce que je ne suis pas sûre de vouloir donner naissance à un enfant ou même d’en avoir un. Ma musique reflète vraiment ma vie. Ca m’aide à clarifier mes sentiments et ils peuvent comprendre où j’en suis à travers mon expression artistique. Ce n’est pas facile de parler avec moi. Je deviens très enthousiaste et l’énergie s’intensifie. Dans un passage de cette chanson, je parle de mon beau-père. Il a fait tellement de choses pour nous, je lui suis reconnaissante. Parfois, j’exprime mon amour à travers ma musique. C’est comme ça que je gère mes pensées. C’est comme ça que j’écris. Parfois, j’entends un beat et je me mets à écrire. D’autres fois, j’écris puis j’ajoute un beat. Ce titre était d’abord une lettre.

Le hip hop est généralement considéré comme plus sexiste et homophobe que le reste de la société. Partages-tu cet avis ?  

Le monde entier a peur de quelque chose. Je suis là, prête à agir. Nous finirons par mettre un terme à tout ça.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je me considère comme une battante. J’essaie toujours d’aider ceux qui en ont besoin. A un moment donné, il faut se défendre. Je n’aime pas trop les étiquettes, mais la société se fait sa propre opinion.

Qu’écoutes-tu en ce moment ? As-tu écouté l’album surprise de Kendrick Lamar “Untitled Unmastered “. Si oui, qu’en as-tu pensé ?

Je suis d’une humeur très créative en ce moment alors j’écoute beaucoup de morceaux instrumentaux. Honnêtement, je ne l’ai pas écouté. Je tente de trouver une créativité originale sans être influencée par les autres. J’essaie surtout d’être inspirée par leur engagement et leur travail.

Quels sont tes projets à venir ?

Je travaille sur un EP éponyme. Je veux juste continuer à être dans une bulle créative. Je fais aussi un peu d’autoproduction en live. Je crée des beats sur scène avec un mini synthétiseur et une boîte à rythme Maschine Mikro. C’est génial. Je ne suis pas pressée de sortir un autre EP cette année. Je préfère me concentrer sur mes projets actuels et les faire aboutir.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

On vient juste de se rencontrer. On verra bien !

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Justina : « En Iran, les gens pensent que les femmes ne devraient pas chanter »

Figure phare du rap en Iran, Justina  est active dans le hip hop depuis l’âge de 16 ans. La rappeuse nous raconte son parcours et ses combats dans un pays où les femmes qui chantent seules en public risquent la prison.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?  

Je suis passionnée de musique depuis que je suis enfant et j’ai toujours chanté, mais je n’aurais jamais pensé que je deviendrais chanteuse un jour. Je connaissais le rap américain mais j’ai découvert le rap perse quand j’avais 16 ans avec le groupe de hip hop underground iranien Zedbazi. J’étais adolescente à l’époque, j’avais beaucoup d’énergie et de rêves et je me sentais forte. J’ai réalisé que le hip hop et le rap pouvaient être mes meilleurs amis, m’aider à comprendre mes émotions et me rendre plus forte. J‘écoutais des rappeurs iraniens et américains.

Tu écris, tu chantes et tu rappes. As-tu commencé les trois en même temps ?

J’ai commencé à écrire des poèmes classiques quand j’avais 10 ans et je n’avais aucune expérience dans l’écriture de textes de rap avant l’âge de 16 ans.

En Iran, être une chanteuse ou rappeuse politique est passible de prison. C’est pour cette raison que tu as enregistré de nombreux titres en cachette. Comment vis-tu toute ça ?

Ca signifie que je prends de nombreux risques, tout comme toutes les chanteuses underground, mais on veut faire ce qu’on veut ! Et on ne peut pas tirer un trait sur nos rêves.

A quoi ressemble la scène hip hop féminine en Iran ? Existe-il d’autres rappeuses qui défient le pouvoir comme toi ?

Je vis à Téhéran, en Iran et la scène hip hop « féminine » ne se porte pas bien là-bas. Les gens pensent que les filles ne devraient pas chanter, encore plus rapper, parce que dans notre culture, quand une femme chante ou fait de la musique, cela signifie qu’elle rencontre d’autres artistes masculins qui peuvent abuser d’elle. De nombreuses filles ont peur de s’exprimer et de réaliser leurs rêves à cause de notre gouvernement. Mais il y a d’autres femmes comme moi qui ne peuvent pas se cacher.

Selon toi, qu’est ce qui devrait être changé dans la société iranienne pour améliorer la vie des femmes ?

Tout d’abord, les gens doivent changer leur manière de penser et comprendre que les femmes sont des êtres humains. S’ils comprennent ça, tout sera plus facile pour nous.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Non. Parce que je revendique mes droits, mes droits humains, des droits que les hommes ont, mais que je n’ai pas.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

De la bonne musique de tous genres avec des bons textes.

Quels sont tes projets à venir ? Aura-t-on la chance de te (re)voir bientôt en France ?  

J’ai quelques projets qui vont sortit bientôt et mon nouveau clip « Mesle Ham » est sorti il y a quelques jours. J’espère revenir à Paris et y faire un gros concert.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

C’est une bonne idée et je pense que ça peut devenir une émission de télé, comme une sorte d’introduction aux rappeuses.

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Valore : « J’adore la tête que font les gens quand je leur dis que je suis une rappeuse »

Sur ta page Facebook, tu te décris comme “un cactus vert vif qui apporte de la couleur à une toile de sable aride”. Qu’est ce que cela signifie ?

Ca vient de l’un de mes poèmes, la suite dit : « viens à moi et trouve du réconfort, ressens la musique et regarde les étoiles. Donne du sens à une chanson ». Le cactus a beaucoup de significations différentes. C’est une métaphore pour dire que je n’ai pas vraiment ma place. Je suis une étrange plante grasse dans les marais de Savannah en Géorgie. Je dénote et apporte de la couleur à la vie. C’est aussi un cactus gonflable dénommé Pedro. Le cactus symbolise le bonheur. Les gens adorent Pedro, j’ai remarqué qu’il les aidait à se relaxer, danser et à se lâcher. J’ai eu environ huit cactus gonflables différents. Certains sont morts à des festivals de musique ou après une tournée. Les plus vieux se trouvent sur mon mur et ont été dédicacés par des amis ou sont recouverts de stickers « I like » de groupes géniaux. Chaque nouveau Pedro est comme un nouveau chapitre de ma vie.

Tu es étudiante en sciences de gestion à l’Université d’Armstrong à Savannah en Géorgie et tu travailles dans un restaurant. Comment trouves-tu le temps de faire de la musique ?

Je fais de la promo, je cherche des dates et j’envoie des mails pendant mes pauses au travail ou à la fac. C’est du non-stop. Je joue avec des super musiciens en ville ou des gens que je rencontre. J’ai toujours un djembé et un saxophone dans ma voiture. Bien que je sois stressée par ma quantité de travail, la musique et la scène me permettent de garder la tête sur les épaules. Je m’assure également de ne pas forcer ma musique. J’écris et j’enregistre quand je sens l’inspiration arriver. Le fait d’avoir mon studio dans ma cave arc-en-ciel (mon salon) est pratique parce que je peux enregistrer très facilement et rapidement quand je le souhaite. J’ai enregistré « Shakespearean Rap » de Lizard Girl un jour entre deux cours, ça m’a pris environ une heure. Je fais seulement une ou deux prises pour mes couplets.

Tu mélanges du spoken word, du funk et du hip hop alternatif. A quels artistes t’identifies-tu le plus ?

Kate Tempest est mon idole et une déesse aux textes impénitents et sans filtre. J’aimerais l’épouser un jour. Son travail te pousse à t’observer de l’extérieur et de l’intérieur. Je m’identifie aussi beaucoup à Janis Joplin. Des gens m’ont dit récemment que je lui ressemblais quand mes cheveux sont décoiffés et que je suis au micro sur scène, alors je me suis mise à faire des recherches sur sa vie. Elle voulait juste que les gens dansent et se lâchent, et lors d’une performance, a demandé à l’audience de la rejoindre. Je comprends très bien ça parce que parfois j’ai l’impression de regarder un champ de zombies peu engageant qui me snapchatte. Je veux que les gens dansent.

Sur ton dernier EP “Lizard Girl” tu as travaillé avec 10 autres artistes. Peux tu nous raconter comment s’est déroulé ce projet collaboratif ?

Obamabo a joué un rôle énorme dans cet EP, il a produit 5/6 des beats, a mixé et masterisé le tout. Vinay Arora (mon DJ) a produit “Acne Scars” dans laquelle il a développé le beat à partir de la piste de ma voix. Pour le design, je me suis rapprochée de tous mes artistes visuels préférés et leur ai demandé de me représenter sous forme de lézard.

C’est la seule  indication que je leur ai donnée et c’était génial de voir comment chacun l’a interprétée de manière différente. Chibu m’a fait des GIFs et des badges, Pavonine Packaging m’a fait des cassettes, Naomi Weiner a réalisé la pochette, Apple Xenos la typographie et les posters, Toss et Shibby Pictures les vidéos et Ottpopart les effets graphiques. J’ai payé tous ceux qui souhaitaient être rémunérés, car c’est très important pour moi. Je veux indemniser les artistes pour leur travail. Je considère cela comme un investissement important. Je crois au fait que les gens puissent gagner de l’argent avec leur art et prospèrent.

Quelle est l’histoire du titre et du clip de “Reptilian Funk” ?

C’était la première fois que je collaborais sur un titre avec Obamado. Il a remixé « Never Comin’ Down » des artistes locaux Miggs Son Daddy & MothaBug produit par Tha Monsta. Je lui ai renvoyé mes voix le jour suivant et nous avons réalisé que nous avions une forme de magie dans notre relation musicale, alors nous avons fait Lizard Girl. J’ai dit à Toss Productions que je voulais faire un clip où je conduisais et rappais.

On a parcouru la ville en voiture avec une caméra sur le capot pendant que Steve regardait les images sur la banquette arrière, derrière Pedro. Tout le temps que je rappais, je me disais que cette caméra hors de prix allait tomber mais ça na pas été le cas. Ma reine chérie Ottpopart a ajouté des effets déformants aux images pour leur donner du caractère. J’adore l’idée que nous soyons tous réunis sur ce projet et j’aime beaucoup le produit fini. Il a ce côté funk psychédélique qui augmente progressivement avec la musique. Tout le monde a fait du super boulot.

En quoi être une femme sur la scène hip hop aujourd’hui est-il difficile ?

J’adore la tête que font les gens quand je leur dis que je suis une rappeuse. La plupart est décontenancée ou impressionnée parce que je ressemble à Marcia Brady (personnage de la série américaine The Brady Bunch interprété par Maureen McCormick). Quand j’ai commencé à rapper, je voulais désespérément qu’on m’accepte comme rappeuse et pas seulement comme artiste de spoken word. Un rappeur m’a dit un jour « Valore, quand est-ce que tu vas balancer des rimes ? » Le fait que mes rimes ne ressemblent pas à du old school ou du hip hop mainstream ne signifie pas qu’elles n’en sont pas. Je savais que mon son était unique et je n’ai pas fait de compromis. Je n’essaie plus vraiment de me faire accepter, je laisse juste mes mots et mes performances parler à ma place. Une fois, un mec m’a dit que les femmes ne savaient pas rapper alors je lui ai balancé un rap qui l’a laissé sans voix. Si tu as confiance en toi et que tu balances des textes crus qui touchent les gens, ils ne se préoccuperont pas de la couleur de ta peau ou de ton genre. Ils écouteront seulement tes rimes.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Oui parce que je pense que le genre ne devrait pas définir notre statut dans la société. Nous devons offrir l’égalité des chances à tout le monde.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

SMYLE, le nouvel album de KYLE (du math rock super dansant) Space and Simplicity de Yani Mo (c’est la meilleure rappeuse qui existe en ce moment), Culture Vulture (je danse comme un folle à chacun de leurs concerts) Jungle Pussy (c’est toujours complètement ouf), The Mother Goddess (une sensuelle femcee de Toronto), The Gumps (du swamp punk), Tokalos (toutes les femmes que je préfère en un seul groupe), la liste s’allonge tous les jours. Presque tous les soirs, je vais voir des concerts de groupes de tout le pays qui jouent dans des appartements ou des bars. Je tombe aussi sur des sons cool sur Soundcloud et Bandcamp. Internet est un endroit incroyable, la preuve, tu m’as trouvé dans cet abîme. J’ai écoute le nouvel album de Kendrick Lamar et ça déchire, ça donne à mon âme envie de danser la samba. J’adore son orchestre de sons et son flow si propre avec une flopée de ruptures en rythme.

Quels sont tes projets à venir ?

J’ai commencé le saxophone et je suis sous le charme. Jouer du sax, c’est comme apprivoiser le vent qui souffle en moi et le transformer en tonalités sensuelles. Mon prochain projet mélangera une large palette de mes poèmes avec du sax et des éléments électroniques. J’ai écrit ces poèmes à une période très intime et poignante de ma vie. Je lance également un groupe de folk/punk/rap avec le cool et excentrique Matt Hewitt aka Mustard Shankly. Nous avons déjà 5 titres et allons bientôt commencer les concerts. L’une de nos chansons s’appelle “Covered in Blood” et raconte comment Jésus revient en Ronald McDonald pour nous insulter. Je vais aussi partir en tournée en Europe. Je viens de réserver mon vol et je serai à Paris du 6 août au 1er octobre. Si vous connaissez des lieux cool pour jouer, contactez moi. Collaborons et traînons ensemble.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Continuez comme ça, j’adore !! C’est génial de présenter des rappeuses qui déchirent. Vous pourriez peut-être ajouter des citations cool de leurs chansons.

Retrouvez Valore sur Soundcloud, Facebook et Bandcamp.

Sianna : « On ne naît pas raciste, on le devient en manquant de réflexion »

Ton premier EP “Sianna” est sorti en mars 2015. Comment se sont passées ta rencontre et la signature avec Warner Chappell ?

J’ai d’abord rencontré mes deux managers, Mohand & Seven qui m’ont ensuite présenté Sandrine Runser, mon éditrice. On s’est directement bien entendu, on voyait les choses de la même manière. C’était l’éditrice de Diam’s et elle recherchait une rappeuse au moment où j’ai rencontré mes managers. Le destin est bien fait.

A quoi ressemble la scène hip hop à Beauvais et en Picardie ?

Depuis 3 ou 4 ans, la scène hip hop de Beauvais commence à évoluer. Il y a de bons rappeurs que je suis et que je connais (pour la plupart). Je connais plus la scène de l’Oise que la scène picarde. Mais il y a de très bons rappeurs, et grâce à internet c’est plus simple de se faire repérer en indépendant. Et je partage les rappeurs de chez moi sur les réseaux sociaux.

Dans tes textes, notamment « Ainsi va la vie » et « Incomprise« , tu évoques tes origines maliennes et le racisme dont tu as été victime. Selon toi, la société française est-elle raciste ?

Les Français ne sont pas racistes. Ce sont les médias qui les trompent et leurs font croire des choses fausses ou bien ficelées pour que la haine s’installe. Le racisme c’est bête, on ne naît pas raciste, on le devient en écoutant des bêtises et en manquant de réflexion. Il y a de la discrimination dans le monde entier et pas seulement contre les Noirs. Pour moi, tout ça se sont des bêtises.

Sur le titre « Appel manqué« , Mac Tyer dit : « Sianna, une vraie petite sœur pas une chienne comme Rihanna« . Que penses-tu de l’image de Rihanna et de sa musique ?

Rihanna c’est la deuxième artiste dont j’étais fan étant petite. Je la suis plus ou moins depuis qu’elle a commencé sa carrière. J’aime beaucoup ce qu’elle fait, après il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas forcément d’accord mais ce n’est pas mon image donc ça ne me dérange pas. Je me contente d’écouter et regarder ce que j’aime de Rihanna. Comme pour tous les artistes que je suis. Je ne rage pas quand je n’aime pas, je n’écoute pas, c’est tout.

Quelles sont les artistes hip hop qui t’inspirent ? 

J’aime beaucoup ce que fait Jay-Z, même si il n’est plus très actif depuis ces dernière années. C’est un artiste dont je me lasse rarement car je trouve qu’il innove dans chaque album, ça change de ce que j’écoute habituellement. Ensuite, en France j’écoute beaucoup Booba et Niro depuis quelques années. Ils m’étonnent et m’inspirent un peu je pense, bien qu’on ne soit absolument pas dans le même créneau. Et Maître Gims aussi, que je respecte énormément.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

En ce moment, j’écoute Khelani, une artiste américaine que j’ai découvert l’année dernière avec qui j’ai accroché directement. Et j’écoute pas mal de rap français indépendant ces derniers temps, ça faisait longtemps que je n’avais pas écouté de rap français. J’écoute aussi MHD, L’Artiste, Niro, SCH, Ninho … J’écoute de tout.

En quoi le fait d’être une femme t’a t’il aidé/gêné dans ton parcours ? 

Ça m’a beaucoup aidé parce que il n’y avait pas de femme dans le game. Mais c’est aussi compliqué de se faire accepter par les hommes et le public qui n’a pas forcément l’habitude d’entendre des femmes rapper. A part Diam’s, personne n’a vraiment réussi à honorer le rap féminin en France. A nous de jouer !

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Féministe, non. J’ai l’impression que ce terme donne le droit aux femmes d’abuser des droits qu’elles ont déjà depuis des années.

Quels sont tes projets à venir ?

Je finis le 1er album, on prépare la sortie et les concerts. J’ai vraiment hâte de voir comment le public accueille mon premier album.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Ce serait cool si vous interrogiez des rappeurs à propos du rap féminin dans le monde entier. (Rires)

Retrouvez Sianna sur Facebook, Twitter et iTunes.

Liza Monet : « Je suis féministe »

Depuis la sortie de ton album « Monet Close » en octobre 2013, le clip de « My Best Plan » a été vu plus de 5 600 000 sur Youtube.  Comment expliques-tu ce succès ?

Ce n’était pas vraiment un succès, c’était plutôt un « badbuzz » ! LOL. Curiosité, scandaleux et tout ce qui s’ensuit…

Ton image hyper sexualisée et l’aspect très cash et cru de tes paroles ne passe pas auprès de tout le monde. Tu as été victime de harcèlement en ligne et reçois des flots d’insultes.  Comment réagis-tu face à cette violence et comment l’analyses-tu ?

Avant c’est vrai que je n’étais pas bien du tout, mais avec le temps j’ai su faire face à tout ça. Ce n’est que du spectacle.

Je suis une artiste mais les gens prennent tout au sérieux et mon personnage ne passe pas auprès de tout le monde, On aime ou on n’aime pas et si beaucoup de gens ne m’aiment pas c’est qu’il faut que je change mon image et j’y ai travaillé (je continue d’y travailler d’ailleurs. )

Pourtant dès les années 1990, des artistes telles que Lil’ Kim, Foxy Brown ou Trina aux Etats-Unis, ou Roll-K en France, s’inscrivaient dans un rap « trash » et sexuellement explicite. Idem pour Nicki Minaj ou Rihanna aujourd’hui qui parlent de sexualité sans détours… Selon toi, pourquoi ton approche choque-telle encore en 2016 ?

Je pense que beaucoup de filles s’identifieront à moi… Depuis que j’ai relancé cette tendance en France, beaucoup reprennent le même schéma mais avec plus de moyens et des mecs derrière pour gérer.

De quelles autres rappeuses te sens-tu la plus proche d’un point de vue artistique ? Pourquoi ?

Je me sens plus proche de Nicki Minaj car je peux jouer de ma voix sur plusieurs instrus et je n’ai pas peur de chanter ce que je veux.

Qu’écoutes tu en ce moment ?

En ce moment j’écoute beaucoup de rap chanté dans le style de Young Thug. Et je suis de nouveaux artistes US qui émergent.

Tu as mis en ligne un extrait du titre « Evil Queen » dans lequel tu dis : « Trop de meufs qui rappent, ça devient de pire en pire« . Pourtant les rappeuses sont absentes des médias grand public. Pourquoi as-tu l’impression que de plus en plus de femmes investissent la scène hip hop ?

Et bien tout simplement parce que je suis dedans et que les gens à l’extérieur ne le voient pas. Mais c’est vrai qu’elles sont absentes des grands médias je l’avoue. Seulement quand tu es à l’intérieur tu penses vraiment que le truc est grand et que tout le monde pense comme toi alors que pas du tout.

Tu dis également : « Ces pétasses qui n’ont pas de classe et se ressemblent comme des sœurs jumelles« .  Tu vises des personnes en particulier ? : )

Je vise toutes les meufs car elles font toutes la même chose et n’innovent pas. On dirait qu’elles n’ont pas de cerveau et que ce sont des pantins. Tout ce qu’elles font est du vu et revu. Et celles qui ne sont pas féminines reproduisent les mêmes codes que les rappeurs, c’est dégueulasse.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je suis féministe car je suis pour l’égalité homme/femme. Un homme n’est pas supérieur à la femme, l’homme a besoin de la femme comme la femme a besoin de l’homme.

Quels sont tes projets à venir ?

Je vais sortir une mixtape qui s’appellera Pyrrha en référence à Pyrrha et Deucalion dans la mythologie grecque.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Le site est vraiment pas mal et bien détaillé ça nous permet de connaitre des artistes rap féminines. Il nous faut plus de sites comme ça !

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Rell Rock : « En tant que femme, tu peux faire tout ce que tu as décidé sans être considérée comme un objet sexuel »

A quel âge as-tu découvert le hip hop pour la première fois et qu’est ce qui t’a donné envie de faire du rap ?

J’ai grandi en écoutant du hip hop mais j’ai commencé à vraiment comprendre son sens vers 12 ou 13 ans. Je dirais même 11 ans, puisque j’ai écrit mon premier texte et je savais que c’est ce que je voulais faire plus tard. La passion était déjà là, la flamme était allumée.

Tu as sorti ton premier album à l’âge de 14 ans sur ton propre label Zock Rock Records. Comment as-tu réussi à créer ta structure aussi jeune ?

En fait, mon père a lancé ce label a la fin des années 1980. Ce type de structure indé et DIY, où l’on détient ses propres masters, m’était familière. Quand il a vu que j’adorais faire de la musique et évoluer dans ce milieu, il m’a nommée copropriétaire et j’ai sorti mon premier album à l’âge de 14 ans. Quand j’ai eu 21 ans, le label m’appartenait complètement et c’est moi qui ai repris le flambeau.

Est ce que tu produis ta musique ? Si non, avec qui travailles-tu et quelles qualités recherches-tu chez un producteur ?

Non, je reste dans ma voie d’artiste et d’auteure. Je suis à la recherche de producteurs qui ont un son unique, comme Zone Beats de Minneapolis, Xplosive qui vient d’Europe et qui a travaillé avec Nicki Minaj et d’autres, ou la New-Yorkaise Chyna Black qui a collaboré avec Foxy Brown et Wu Tang Clan. J’ai fait quelques sons dance électro avec Tony Quattro de New York et d’autres producteurs européens. Actuellement, je travaille avec Froback, qui a produit les artistes de R&B Jhene Aiko et Teedra Moses. Il est basé à Londres. Nous finissons un EP de 5 titres en ce moment.

Ton titre « Uptown Anthem Freestyle » est très politique. Pourquoi est-ce important pour toi d’aborder des problèmes de société dans tes paroles ?

C’est très important d’aborder des problèmes de société pour moi parce qu’il est temps que le hip hop évolue. Je parle de ce qui est naturel pour moi. Je suis consciente de ce qui se passe et concernée par l’actualité internationale, tout n’est pas rose. J’essaie d’avoir un équilibre entre tout ça dans la musique que je fais. Depuis le premier jour, sur TOUS mes albums. Sur mon premier opus, je parle des violences physiques faites aux femmes sur le morceau Broken Hearts, et de problèmes sociétaux avec des titres comme Change, Black Girl Lost, Black Excellence, Survive with Saigon, et beaucoup d’autres. Chacun de mes projets porte une sorte de message, ça fait partie de moi.

Dans ta bio, tu expliques « ne pas avoir peur de (te) démarquer de la ‘norme’ attendue dans le hip hop particulièrement quand il s’agit des femmes ». Qu’entends-tu par là ?

Je veux dire que les femmes sont perçues d’une certaine manière dans le hip hop. On leur demande de vendre du sexe ou de se cacher derrière une équipe d’hommes, d’expliquer combien elles sont sexy et ce qu’elles peuvent faire sexuellement. Moi, je parle de tout et je n’ai pas peur d’être différente. Je suis là pour prouver que, en tant que femme, tu peux faire tout ce que tu as décidé sans être considérée comme un objet sexuel. Tu peux être ta propre patronne et posséder ton entreprise sans avoir à être toujours intronisé dans le monde patriarcal du hip hop par un autre rappeur. Je suis avant-gardiste et spirituelle mais aussi réaliste dans mes textes.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Queen Latifah, Lauryn Hill, Oprah, Madame CJ Walker… De nombreuses femmes m’inspirent pour des raisons différentes : leur art, leur mots, leur sens du business… Toute femme qui  s’accepte est une inspiration pour moi.

Te considères-tu féministe ? Pourquoi ?

Oui, parce que je suis pour l’empowerment des femmes et les droits humains. Je ne suis pas extrémiste mais je préfère encourager les femmes à être en bonne position plutôt que de les dénigrer ou de me battre avec elles.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J Cole, Kendrick Lamar, Dave East, Jay Z, Nas, Lauryn Hill… J’écoute peu de nouveaux artistes mainstream à la radio parce que ça me fait perdre mon son et ma marque de fabrique. Je suis beaucoup influencée par « l ‘âge d’or » du rap, et ça m’aide de rester attachée à ces fondations et d’y ajouter mon style pour en faire un son nouveau et frais.

Ton troisième album American Hustle est sorti à l’automne dernier. Quels sont tes projets à venir ?

Je travaille sur un EP de 5 ou 6 morceaux avec le producteur londonien Froback Beats. Nous n’avons pas encore de titre pour le projet mais il va être intéressant et comportera de nouvelles sonorités.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je ne ressens que de l’amour face à l’espace et à la reconnaissance que vous offrez aux rappeuses ! Vous allez vous améliorer avec le temps mais c’est déjà bien. Rien que de l’amour !

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Phyr : « J’ai de l’empathie pour toutes les femmes »

A quoi ressemble la scène hip hop dans le Queens aujourd’hui ?

La scène hip hop dans le Queens ressemble à ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire du rap de grande qualité. Il y a eu de nombreux artistes par le passé, et aujourd’hui encore, qui viennent du Queens, mais toute la ville de New York déchire.

De la France, on a l’impression que la scène hip hop féminine à New York a explosé au cours des dernières années. En quoi est-ce difficile de se démarquer des autres artistes ?

Ce n’est pas très compliqué tant que tu as ton PROPRE son. J’insiste sur PROPRE parce que c’est vraiment l’originalité qui permet de se faire connaître. C’est comme avec la mode, tout le monde veut suivre la toute dernière tendance. La meilleure manière de se démarquer des autres artistes consiste à proposer ton propre style.

Quelles artistes femmes t’inspirent ?

En tant que chanteuse et rappeuse, je suis influencée par de nombreuses artistes féminines et hip hop. Dans la pop et le R&B, je dirais Britney Spears, Avril Lavigne, Björk, Sia, K Michelle, Brandy, Mya, Beyoncé, Melanie Fiona, Corinne Bailey Rae, Mary J. Blige, Jasmine Sullivan, Marsha Ambrosius, Total, Missy Elliot, Ciara et de nombreuses autres dont je ne me souviens plus de tête. Dans le rap, je citerais Lauryn Hill, Lil’ Kim, Foxy Brown, M.I.A., Nicki Minaj, Trina et EVE. Je rends hommage à toutes ces femmes qui ont établi leurs critères, enfoncé les portes et ouvert le voie à d’autres rappeuses et artistes.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je me définis comme féministe. Je suis POUR LES FEMMES. Je suis une femme et je comprends très bien ce que cela implique. J’ai de l’empathie pour toutes les femmes mais je respecte aussi les hommes, qui sont nos égaux.

Qu’est ce qui t’a donné envie d’écrire tes premières chansons quand tu étais petite ? As-tu reçu une éducation musicale ?

J’ai commencé par écrire de la poésie, puis j’y ai ajouté une mélodie et mes poèmes sont finalement devenus des chansons. J’ai appris à composer des refrains. J’ai toujours adoré la musique depuis que je suis petite. Quand ma mère était enceinte de moi, elle me faisait écouter une boîte à musique à travers son ventre pour me calmer.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

En ce moment, j’écoute de la musique actuelle. Rihanna‘s Anti, Kanye West, Yo Gotti, Taylor Swift, Songs about Jane de Maroon 5, Sia, Cardi B, Future, Drake, Justin Beiber – son album était incroyable – Ariana Grande, Young Thug, Kodak Black, Handsome Balla, Chris Brown, K Michelle, Pusha T et beaucoup d’autres.

Madame Rap aime beaucoup l’atmosphère sensuelle de « Bottle Service ». Peux-tu nous en dire plus sur ce titre ?

Je suis ravie que ce soit l’un de vos préférés. « Bottle Service«  est extrait de mon E.P. Club PHYR. Ce morceau raconte mon envie de faire la fête. Parfois, c’est tout ce dont on a besoin après avoir travaillé toute la semaine, de se retrouver sur la piste de danse ou dans le carré V.I.P. C’était une chanson amusante à écrire et je l’écoute de temps en temps pour me détendre. Comme vous l’avez dit, l’atmosphère est sensuelle, et je voulais que le gens se sentent bien et sexy en l’écoutant. « Bottle Service«  est le genre de titres que tu mets sur ta playlist fun.

Sur ton compte Twitter, tu as annoncé la sortie d’un nouveau single  « WHIP IT « . Quand et où sera-t-il disponible et à quoi doit-on s’attendre ? As-tu d’autres projets à venir ?

En fait, mon nouveau single s’appelle « Bubblin’ UP« . J’en ai aussi fait la promo sur Twitter en même temps que mon autre single « WHIP IT». Je viens juste de tourner le clip de « Bubblin’ UP« , qui est qui est très amusant et créatif. Les deux morceaux seront disponibles sur iTunes mi-juin. Ce sont deux titres dance uptempo, « Bubblin’ UP » est plus dansant et « WHIP IT » est plus séducteur.

Que penses-tu de Madame rap ? Des choses à changer ou à améliorer ?

Je trouve que Madame Rap est génial et je n’ai pas eu de mal à vous trouver sur Soundcloud. Je vous ai découvertes parce que vous aviez aimé ma musique sur ma page Soundcloud. Je ne pense pas que Madame Rap nécessite des améliorations pour le moment parce que je vois bien tout le travail que cela représente. Les interviews que j’ai lues étaient super. Vraiment centrées sur le fait de montrer ce que chacune des artistes est ou a envie d’être. Merci pour cette interview. Je trouve ça cool que vous soyez basées en France et que vous dénichiez des talents américains. J’aimerais beaucoup avoir une copie de mon interview en anglais et en français !

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Dee MC : « Les femmes sont toujours discriminées dans la majeure partie de l’Inde »

Tu as commencé à faire de la scène à l’âge de 5 ans. Quelle a été a première rencontre avec le hip hop ?

J’ai commencé le bharata natyam (forme de danse classique indienne) quand j’avais 5 ans. J’ai commencé à écouter du hip hop quand j’étais au collège, vers la quatrième.

Tu racontes que si tu n’étais pas devenue rappeuse, tu aurais essayé d’être B-girl professionnelle. En quoi la danse est-elle importante dans tes performances aujourd’hui ?

En tant que rappeuse, la danse n’est pas très importante parce que tout le monde n’est pas capable d’en faire. Mais j’ai l’intention d’en incorporer à mes performances futures.

A quoi ressemble la scène hip hop à Bombay ? Les rappeuses sont-elles nombreuses ?

La scène hip hop de Bombay est en plein boom actuellement. Elle connaît un essor évident mais malheureusement, les femmes y sont toujours très peu nombreuses dans tout le pays. Si on comptait toutes les rappeuses actives en ce moment, on arriverait à un chiffre inférieur à 15 ou 20.

Travailles-tu avec d’autres artistes/producteurs ou un label ?

Je travaille avec des artistes indépendants et des producteurs selon les projets. La plupart du temps, je collabore avec des producteurs de différents genres en Inde ainsi que des chanteurs et des rappeurs.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Toute femme qui croit en elle et qui a une devise dans la vie m’inspire. Nous vivons toutes avec des chaînes imaginaires aux pieds et aux mains qui nous expliquent pourquoi nous ne pouvons pas réussir à accomplir quoi que ce soit à cause de notre genre. Toute femme suffisamment forte pour briser ces chaînes est une source d’inspiration.

Ton morceau « Deeva » parle d’inégalités et de sexisme. Que penses-tu de la condition des femmes en Inde ?

Je crois que le gens ne se rendent pas compte que les femmes sont toujours discriminées dans la majeure partie de l’Inde. Parler de discrimination est un moyen de minimiser ce qui se passe vraiment dans l’Inde rurale. Il y a vraiment beaucoup de choses à améliorer, même dans les zones urbaines, où le sexisme et les inégalités existent de manière indirecte, quand elles ne sont pas visibles au grand jour.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je me définis comme féministe, simplement parce que je refuse les stéréotypes et la stratégie de représentation de la société en général. Surtout dans un pays comme l’Inde où les inégalités commencent à la maison la plupart du temps (de manière subjective). Quand tu n’es pas respectée et reconnue chez toi, comment attendre autre chose de la société ? Le fait de me battre pour moi et les femmes que je côtoie est une forme de féminisme à mes yeux.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J’écoute les albums de Chiddy Bang, Jhene Aiko et Angel Haze.

Quels sont tes projets à venir ?

Cette année, je vais travailler sur mon album et en parallèle, j’espère sortir un clip par mois.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à modifier/améliorer ?

Je pense que c’est merveilleux d’offrir une plateforme à des femmes artistes du monde entier comme moi. Si vous pouvez organiser des collaborations internationales entre rappeuses, ce serait génial !

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Red Shaydez : « Le fait que le hip hop soit dominé par les hommes n’est pas un secret »

Tu as commencé la musique à l’âge de 7 ans. Comment cela s’est-il passé ? Est ce que tu écoutais déjà du hip hop à l’époque ?

J’ai été exposée au hip hop très jeune. Mon père faisait partie d’un groupe de rap à l’époque et j’ai assisté à tout le travail qu’il faisait pour réussir à percer dans le milieu. J’assistais aux enregistrements en studio, aux tournages de clips et je l’accompagnais pendant la promotion de leur album. J’ai rapidement suivi ses traces, j’étais tellement captivée par cette culture.

Peux-tu nous raconter ton expérience à la radio et ta rencontre avec MC Lyte ?

C’est l’un de mes meilleurs souvenirs. J’animais une émission de radio en ligne en 2009 sur BlogTalk Radio. Je suis tombée sur le site de MC Lyte HipHopSisters.com. MC Lyte était l’un des administrateurs du site et a vu mon post où je faisais la promotion de mon émission de radio. Le sujet lui a plu et elle a m’a proposé de m’interviewer ou de me faire de la pub. Je pense qu’elle a aimé le fait que je sois si jeune et que je fasse des choses positives pendant mon temps libre. Peu de temps après, elle m’a envoyé un jingle où elle citait mon nom et j’ai failli hurler ! Je l’ai intégré à ma mixtape « Take1: Behind The Scenes, Behind The Shaydez » que j’ai sortie en 2010.

Tu as reçu le prix de « Meilleure Rappeuse de l’Année » aux Underground Music Awards 2015 à New York. En quoi cette récompense t’a-t-elle aidé dans ta carrière ?            

Ca m’a aidé à me faire connaître dans le circuit underground. J’avais fait une longue pause et cette nomination m’a fait vraiment du bien, alors que j’étais revenue dans la musique depuis seulement quelques mois.

Que penses-tu de la scène hip hop actuelle ? Est-il difficile pour les femmes de se démarquer ?

La scène hip hop évolue constamment. Il faut rester à l’affût des dernières tendances, comme les nouvelles tactiques marketing, les outils promotionnels, les moyens de toucher ton audience cible… Personnellement, je ne trouve pas que ce soit difficile pour les femmes de se démarquer dans le hip hop parce qu’elles sont peu nombreuses dans le circuit mainstream. Le fait que le hip hop soit une industrie dominée par les hommes n’est pas un secret, du coup les gens prêtent automatiquement attention aux rappeuses, si elles ont du talent.

Sur ta page Soundcloud, tu dis  « Je suis l’outsider, mais tout est temporaire. » Qu’entends-tu par là ?  

Je veux dire que je suis en vue pour le moment, mais que rien ne dure éternellement. Je suis très patiente et je sais que mon moment est venu. Les gens observent TOUT LE TEMPS.

Pourquoi as-tu décidé de faire un titre intitulé « Serena Williams » ? Que représente-t-elle pour toi ?

Je voulais faire un disque qui dénote par rapport aux autres chansons qu’on entend en ce moment. Il n’y a pas tant d’albums que ça qui représentent une forme de force et qui demandent le respect. J’avais envie de mettre ces sujets en première ligne. Serena Williams représente la force et le pouvoir. La présentation officielle de mon clip explique tout ça en détail : « Quand on entend le nom « Serena Williams », on pense toute de suite à l’excellence. Force, puissance. Une femme qui poursuit ses désirs et qui affirme ses positions, elle est l’incarnation de la grandeur. La rappeuse Red Shaydez s’inspire de son héritage. Son dernier titre « Serena Williams » est une ode à la star de tennis. La présentation de la bande-annonce du clip a interrogé beaucoup de personnes sur le sens du morceau. Personne n’a besoin d’avoir tout juste. Cela ne dérange pas du tout Red Shaydez parce qu’elle est sûre que quand les gens verront le clip, ils comprendront son sens. »

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je ne dirais pas que je suis féministe en soi, mais je partage de nombreuses visions similaires. Je suis pour l’empowerment des femmes et les droits des femmes. Je n’ai pas l’impression d’avoir suffisamment contribué au mouvement pour être appelée une féministe. Un jour.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J’écoute beaucoup de R&B et de rap des années 1990 et 2000, du trap, du reggae et tout ce qui sonne bien.

Quels sont tes projets à venir ?

Je vais sortir mon premier projet depuis six ans, intitulé « Magnetic Aura: The EP« . Je suis très contente ! Je pense qu’il sera disponible à la fin de l’été 2016.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à modifier/améliorer ?

J’adore Madame Rap. La personne qui s’occupe du site est vraiment bonne parce qu’en cherchant sur le blog, on trouve des rappeuses du monde entier. Sachant que le projet vient juste d’être lancé en 2015, je dirais que Madame Rap est en bonne voie.

Retrouvez Red Shaydez sur SoundcloudFacebook et son site.

Pumpkin : « Etre artiste rap femme, indé, en marge des codes, est en soit un acte politique »

Tu racontes avoir découvert le hip hop en écoutant MC Solaar, sans comprendre que c’était du rap. Quels sont les autres artistes qui t’ont donné envie de rapper ?

Il y a aussi IAM, NTM, Oxmo Puccino, Triptik, Raggasonic, Les Sages Poètes de la rue, Diam’s, Mélaaz, Alliance Ethnik, Ménélik, Fabe, Sens Unik, Nas, The Fugees, Warren G, les artistes de la cassette de La Haine… Et puis dans un deuxième temps, Blackalicious, Common, Mos Def, Bahamadia, Jurassic 5, Dilated Peoples, De La Soul ou A Tribe Called Quest m’ont beaucoup influencée.

Tu viens de Brest mais a vécu à Barcelone pendant plusieurs années avant de t’installer à Nantes. Que t’a apporté cette expérience catalane d’un point de vue artistique ?

J’y ai rencontré des tas de personnes accueillantes et bienveillantes avec lesquelles j’ai collaboré, enregistré mes premières démos en solo, fait des concerts. J’ai été backeuse dans un groupe de hip hop avec des musiciens, une sorte de collectif d’une dizaine de personnes dont j’étais la seule fille. Toutes ces expériences durant 6 ans, à l’écart de la scène française, m’ont permis de commencer à sculpter le projet Pumpkin (solo), comprendre ce que je souhaitais faire et comment. A l’époque, je disais oui à presque toutes les propositions de collaborations parce que je pensais que c’était un bon moyen d’apprendre. C’était très formateur. J’en garde de très beaux souvenirs et quelques sons assez nazes aussi.

Comment et pourquoi as-tu cofondé la structure associative Mentalow Music avec ton acolyte Vin’S da Cuero ?

Avoir une structure, même associative, c’est une première étape qui fait la différence lorsque tu commences à produire des disques. Nous avions envie de sortir des projets librement et sans avoir à attendre qu’un label veuille bien de nous. Nous sommes depuis le départ très impliqués dans tous les aspects des projets depuis la création jusqu’à la sortie. Nous avons dû apprendre le fonctionnement de plein de trucs comme la Sacem, les codes ISRC, la fabrication d’un vinyle, les newsletters, les sites internet, la distribution, la comptabilité, les contrats… Nous apprenons un peu plus chaque jour, à notre rythme de petite structure artisanale. La priorité actuelle est de sortir nos propres projets et cela prend énormément de temps et d’énergie, mais à l’avenir, nous aimerions pouvoir sortir les albums d’autres artistes qu’on aime.

Sur ton dernier album Peinture Fraîche, tu as notamment travaillé avec 20syl de C2C et Hocus Pocus et Dynasty. Comment se sont passées ces collaborations ?

J’ai rencontré 20syl pour la première fois en 2007 à Madrid dans un festival de hip hop. Depuis nous sommes restés en contact. Il a produit le morceau « Play » sur mon EP Silence Radio mais j’avais toujours eu vraiment envie de partager le micro avec lui. C’est assez naturellement que nous avons eu envie Vin’S et moi de l’inviter sur l’album. Il a donc co-produit le beat et co-écrit et rappé le texte avec moi. La prod s’est faite en ping pong via internet et sur deux journées nous avons écrit à quatre mains et enregistré le morceau ensemble chez lui à Nantes. C’était vraiment une expérience cool.

Dynasty, je l’ai rencontrée à Nantes où nous avons partagé la scène lors du Festival Hip Opsession. C’est une excellente rappeuse et une fille très chouette. Nous avons ensuite bossé la track via internet, elle est basée en Floride.

Les mots occupent une place centrale dans ton travail. Comment se passe le processus d’écriture ? As-tu des rituels ? Quels sont tes sujets de prédilection ?

C’est vrai que j’accorde une place parfois trop importante à l’écriture. J’aimerais être plus emcee et moins rappeuse, plus spontanée et moins cérébrale. Je prends autant de plaisir à écrire que l’écriture me fait souffrir, c’est assez étrange comme rapport. Au fil des années, à force de réflexion, mon cerveau a pris l’habitude d’être en alerte, ce qui fait que j’ai souvent des idées qui me viennent, des mots, des jeux de mots, des thèmes et puis j’y reviens lors de session d’écriture. Je suis assez psychorigide, même si je fais un travail sur moi-même, j’ai besoin de réunir plusieurs facteurs afin de me sentir prête à écrire. Il faut que j’ai l’esprit libéré de tous ces « trucs qu’il faut que je fasse absolument » qui me parasitent et m’empêchent d’être complètement disponible mentalement.

J’accède à une sorte d’état second dans lequel j’aime rester des heures, à mon bureau avec mon ordi portable, mon casque, mes enceintes, des feuilles de papiers, et des feutres de couleur. J’utilise Word et le papier, ils sont pour moi complémentaires. Sur Word, je change souvent de typographie d’écriture et de couleur pour le papier, pour rendre mon processus de travail moins routinier. J’écoute un son en boucle pendant des heures et j’écris. Parfois je coupe le son pour écrire sans musique. Je passe beaucoup de temps sur les textes et puis quand je suis satisfaite, j’enregistre une maquette pour voir si ça tient la route et au besoin, j’apporte des modifications. Quand ça ne vient pas, je m’accroche et je finis toujours par trouver des idées. Même si elles me semblent complètement nulles sur le moment, elles peuvent se révéler utiles quelques jours plus tard dans un autre contexte ou état d’esprit.

En France, les rappeuses demeurent peu médiatisées et restent estampillées underground. Pourquoi d’après toi ? Et que faudrait-il faire pour changer les choses ?

Je pense que c’est un mélange de plusieurs facteurs. Pour commencer, un truc tout bête : nous restons très minoritaires en France donc proportionnellement il y a moins de chances de voir des femmes sortir de l’ombre. Ensuite, le vrai développement d’artistes n’existe plus. Les maisons de disques guettent internet et les comportements des jeunes (le rap est devenu une musique de gamins, c’est assez triste) et sortent « des coups » en pensant à très court terme, ce que les médias estampillent à chaque fois comme « le nouveau phénomène rap ». Ensuite, il y a une certaine idée de ce à quoi le rap doit ressembler et par qui ou comment il doit être exécuté. Même chez les hommes, il est assez rare de voir des personnalités complexes et singulières émerger au-delà des niches. A ça, il faut ajouter le fait que nous sommes dans un genre musical encore assez attaché à certaines valeurs face à une industrie qui fait pression et a tendance à dénaturer l’essence de notre art. Pleins d’artistes talentueux et intéressants ne passent pas certains paliers qui pourraient les faire sortir de l’ombre parce qu’ils font des choix qui les en empêchent. On peut y voir une façon de se préserver ou de se couper l’herbe sous le pied, tout dépend du point de vue. Personnellement, on m’a fait des propositions qui auraient pu me positionner ailleurs, mais cela impliquait de faire des choses qui ne me ressemblent pas. Par ailleurs, bien souvent lorsqu’on parle de rappeuses, c’est pour mettre en avant le fait que nous sommes des femmes, nous ne sommes pas toujours traitées comme des artistes à part entière. La musique est de toute manière un milieu masculin en général.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

OUI ! Depuis le jour où j’ai lu la définition du terme. Comment ne pas vouloir l’égalité homme-femme ? C’est vrai que je ne le répète pas à longueur de morceaux et je ne suis pas une activiste hardcore, mais je le suis à travers ma démarche et mon approche au quotidien. Etre artiste rap femme, indé, en marge des codes, est en soit un acte politique et une démarche engagée qui, je pense, peut participer au changement du regard de l’homme sur la place de la femme et aider les jeunes filles à se projeter hors des cases dans lesquelles la société les place.

J’ai des échanges hyper intéressants à ce sujet lorsque je participe à des ateliers. J’aborde tant avec les filles que les garçons la question du genre en les faisant se poser des questions sur leur comportement conditionné et je les pousse à s’autoriser des libertés.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

James Blake, Anderson Paak, Hiatus Kaiyote, The Dø, Oddisee, Kendrick Lamar, Beatspoke, Alltta, Supafuh

Quels sont tes projets à venir ?

Un EP en duo avec Vin’S da Cuero pour la fin de l’année avec une série de concerts, quelques collaborations ici et là et un album pour 2017.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à modifier/améliorer ?

Plutôt qu’un Tumblr, je verrais un site internet clair, simple et ergonomique avec un système de hiérarchie des contenus intuitifs qui rendrait la consultation ludique. Ça mettrait en valeur la quantité de contenus et les anciens posts ne se retrouveraient pas noyés avec le temps. Aussi, une base de donnée « artistes » avec moteur de recherche, interviews, clips et quelques infos basiques : pays, ville, petite bio et liens. En anglais et français, ça deviendrait une vraie base de données et un site de consultation sur le sujet à un niveau international.

Retrouvez Pumpkin  sur Facebook, Soundcloud et son site.

© Singe

Nouveau clip : Latinoamerica de ERA & HECHIZERA

http://www.youtube.com/watch?v=XOLMSv8qhJc

ERA & HECHIZERA, duo de rappeuses latines originaires de région parisienne, sortent leur premier clip « Latinoamerica ». Le binôme mêle des sonorités rap et latino-américaines (salsa, cumbia, andine, tango, bolero, son cubano…) avec des textes empreints d’une forte conscience sociale principalement écrits en espagnol.

Le binôme mêle des sonorités rap et latino-américaines (salsa, cumbia, andine, tango, bolero, son cubano…) avec des textes empreints d’une forte conscience sociale principalement écrits en espagnol.

Les deux MCs travaillent actuellement sur leur premier album de 11 titres, prévu pour octobre 2016.

Pour nous faire patienter, un single sera disponible courant juillet sur toutes les plateformes de téléchargement légal ainsi qu’une seconde vidéo.

Stay tuned!
Retrouvez ERA & HECHIZERA sur Facebook et Soundcloud (ERA) (HECHIZERA).

Niña Dioz: « Les temps sont encore durs pour les femmes au Mexique »

Quand et comment as-tu décidé de devenir rappeuse ?

J’avais une amie d’enfance qui adorait le hip hop. On écoutait les Fugees et TLC ensemble quand on avait 8 ou 9 ans. Quand j’ai découvert qu’il y avait d’autres femmes dans le milieu, je rêvais de devenir rappeuse. Mais quand j’ai entendu du rap en espagnol, c’est là que ça m’a scotchée. Je ne savais pas qu’il existait des rappeurs dans ma ville natale qui marchaient très bien. Control Machete a été une grande inspiration mais leur carrière a été brève et ils se sont séparés après deux albums, ce qui a fait émerger de nombreux mouvements underground à Monterrey.

Plus tard, à l’âge de 17 ou 18 ans, j’ai discuté avec quelques personnes lors d’un forum hip hop et on s’est retrouvé pour enregistrer des titres ensemble. C’était ma première fois et ils ont été très impressionnés. Après cela, c’est devenu une passion.

Tu viens de Monterrey au Mexique. A quoi ressemble la scène hip hop féminine là-bas ?

Je connais des meufs qui font des trucs cool comme Chulas Artes, mais je ne vis plus à Monterrey depuis huit ans alors je suis un peu déconnectée de cette scène underground dont je faisais partie autrefois. Mais je sais qu’il existe de nombreuses autres rappeuses très talentueuses partout au Mexique. Ca prend beaucoup d’ampleur ces derniers temps.

Que penses-tu de la situation actuelle des femmes au Mexique ?

Les temps sont encore durs pour les femmes au Mexique et partout ailleurs dans le monde. Il y a beaucoup de machisme et de gens qui pensent que les femmes ne devraient pas rapper parce qu’elles en sont incapables. Bien que je leur ai donné tort à plusieurs reprises, je reçois toujours des attaques de nombreux haters masculins sur internet. Mais ce machisme est présent partout. Des femmes se font tuer et agresser tous les jours et notre gouvernement ne fait pas grand-chose à ce sujet. C’est tellement triste que notre gouvernement soit aussi corrompu.

Ton dernier EP  « Libre » est très politique. En quoi est-ce important pour toi de parler de problèmes sociétaux tels que les violences policières et la liberté d’expression ?

Je ne l’ai pas choisi. Je rappe toujours à propos de mon environnement et de ma culture. Il y a des moments où je sens que je peux célébrer la vie plus que d’autres. Je pense que le pouvoir du micro est très important. Nous disposons de cet outil très puissant et nous devons parler de ce qui se passe autour de nous. Les violences policières sont très graves au Mexique et en Amérique alors j’ai décidé de parler de ce sujet que très peu de rappeurs osent aborder dans leurs paroles. Les étudiants et les gens ont le droit d’exprimer leur avis et de manifester si nécessaire sans risquer de se faire tuer par la police ou le gouvernement.

Quelle est l’histoire du titre « Alquimista » ?

J’ai été inspirée par le livre L’Alchimiste de Paulo Cohelo, bien que je l’ai lu quand j’étais petite, et par l’idée de rechercher du banal pour le transformer en or et en quelque chose de précieux. Ca m’a attiré. Pour moi, mon art se résume à ça. La source est ma douleur et mon combat et je les transforme en quelque chose de beau pour moi et les autres, je trouve cela incroyable. C’est quelque chose que je ne peux toujours pas expliquer, je puise juste mon inspiration dans une source supérieure ou divine.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je me considère comme pro femmes. J’encourage le pouvoir féminin et aborde ce thème dans de nombreuses chansons. Et si c’est ça le féminisme, alors je le suis peut-être, mais je ne suis assurément pas le type de féministe qui ne s’épile pas et pense que tous les hommes sont stupides.

Qui sont tes modèles féminins et pourquoi ?

Je trouve que Frida Kahlo et Maria Felix déchirent. Elles étaient fières de leurs racines, belles et très talentueuses. Quand on voit tout ce qu’a traversé Frida Kahlo et la manière dont elle a continué à faire de l’art, je pense que c’est elle la véritable alchimiste.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J’écoute beaucoup Kendrick Lamar. J’adore aussi J Cole, Logic, Run the Jewels… J’ai beaucoup aimé la dernière mixtape de Lil’ Mama et Missy Elliott défonce toujours tout.

Quels sont tes projets à venir ?

Je viens de sortir un nouvel EP que vous pouvez télécharger gratuitement ici.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je trouve ça génial d’avoir créé cet espace pour nous, merci beaucoup !

Retrouvez Niña Dioz sur Bandcamp, Soundcloud et Facebook.

New Track : Phlowetic Justice de Phlow

La rappeuse nigériane Phlow sort un nouveau morceau intitulé « Phlowetic Justice« , inspiré de « Poetic Justice » de Kendrick Lamar.

La MC basée à Lagos vient de sortir son premier EP « Mind, Body & Flow » sur le label Str8Buttah Productions. Elle prépare actuellement de nouveaux titres avec le producteur et DJ Teck-Zilla et le producteur suédois Ryko.

Retrouvez Phlow sur Facebook, Soundcloud et Twitter.

Klutch Kollective : « La clé de la vie est l’égalité »

A 26 ans, la chanteuse/danseuse/pianiste/productrice de Johannesburg Toya Delazy vient de fonder Klutch Kollective, le premier groupe de rap 100% féminin d’Afrique du Sud. Alors que l’artiste vient d’être présélectionnée pour jouer au Midem Artist Accelerator à Cannes début juin 2016, Klutch Kollective a accordé sa première interview internationale à Madame Rap !

Quelle est la situation pour les femmes dans le hip hop en Afrique du Sud ?

C’est un véritable défi parce que l’on peut rencontrer beaucoup d’hommes chauvins dans le milieu hip hop et ce pays est assez macho : ). La plupart du temps, nous, rappeuses, ne sommes pas prises au sérieux. Pour cette raison, créer un collectif est la meilleure manière de changer cette culture.

Comment est né Klutch Kollective et pourquoi penses-tu que l’Afrique du Sud ait besoin d’un groupe de rap 100% féminin ?

Lors des South African Hip Hop Awards 2015, presque aucune rappeuse issue du hip hop africain n’était représentée. Il y avait une catégorie féminine qui était réservée à 5 concurrentes mais qui comportait seulement 3 nominées ! Cela m’a fait me demander pourquoi les rappeuses sud africaines étaient si mal représentées alors que je connaissais de nombreuses artistes talentueuses ?! J’ai téléphoné à plusieurs de mes amies pour leur proposer de composer un titre 100% féminin afin de montrer à cette industrie que les femmes étaient bien présentes, douées pour l’écriture, et prêtes à êtres reconnues. J’en ai parlé à Mandisa Nduna (FIAH), une amie que j’ai rencontrée à l’université, Marcia Buwa (Genius) avec qui je jouais lors de concerts de rue à l’époque où j’apprenais le métier à Durban et enfin D.K., que j’ai rencontrée un an auparavant. Nous avons formé Klutch Kollective. L’Afrique du Sud a besoin de voix collectives de femmes en ce moment pour se requinqer et partager quelque chose de nouveau. Nous avons besoin de diversifier le hip hop, c’est pour ça que nous sommes là, pour donner un nouveau ton.

Sur “Back To the Roots” tu chantes “ Back to the roots, back to the real hip hop”. Que veux tu dire par là et que penses-tu du hip hop actuel ?  

“Back to the roots/back to the real hip hop” a un sens évident. Jusqu’à aujourd’hui, la scène hip hop en Afrique du Sud s’est focalisée sur la danse et moins sur le rythme et le côté poétique. Cette chanson parle de tous les éléments originels qui constituent le hip hop à nos yeux, cette narration poétique et ces rythmes qui nous font bouger la tête.

D’après toi, en quoi le hip hop peut-il être un outil politique ?

En 2016, en tant que musiciens, et pas seulement en tant qu’artistes hip hop, nous sommes plus que jamais influents. Les politiciens ont perdu leur crédibilité. Nous observons notre environnement pour raconter ces histoires au monde, tel qu’elles sont, sans aucune censure. De ce fait, le hip hop peut aisément être un outil politique, la jeunesse a besoin de nous maintenant plus que jamais pour partager notre vision du monde. La musique est un mode d’expression artistique très fort.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Oui. Je crois très fort en l’égalité pour tous. Je suis une femme donc je suis automatiquement étiquetée comme féministe, probablement parce que je ne me mets pas en position d’infériorité face à mes homologues masculins. Je pense que la clé de la vie est l’égalité, pour que tout le monde ait sa chance et son mot à dire. Les femmes ne devraient pas avoir à lutter pour réussir, que ce soit dans l’art ou dans le monde de l’entreprise.

Comment as-tu réussi à percer en tant que productrice et selon toi, que devrait-on faire pour changer la situation ?

A la base, j’ai une formation de pianiste de jazz et j’ai seulement commencé à produire sur mon 2e album studio Ascension. Personne ne s’y attendait car il est très rare de rencontrer des femmes productrices, surtout en Afrique.

Initialement, les gens ne prenaient pas mes productions au sérieux, jusqu’à ce que j’aille aux Etats-Unis et que mon pote Jazziel Sommers devienne mon 3e œil. Il a mixé toutes mes productions et elles sont devenues les meilleurs titres de l’album. Ecoute par exemple “In My Head”, “Out of My Mind” et “Sophomore” sur mon album Ascension. J’ai coproduit 3 autres titres avec des producteurs que j’aime bien comme Card on Spokes de Cape Town (“Dreamer”, “Star Trek”, “Cheeky”) et LosKop originaire de Los Angeles et d’Afrique du Sud (“Forbidden Fruit”, “Why Hate”). “Forbidden Fruit” a reçu le prix de la Meilleure Chanson Internationale de l’Année début 2016 aux Out Music Awards à New York. A partir de là, j’ai su qu’il fallait que je continue dans la production.

Quelles femmes sont des modèles pour toi ?

Nina Simone, Skin de Skunk Anansie, Lauryn Hill, Missy Elliott, Jean Grae, j’aime aussi beaucoup Christine and the Queens, je vais d’ailleurs la voir en concert à Londres en mai ! Et.. ma mère lol. Cucu, mais véridique.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

Genius écoute Justin Bieber, Chris Brown, AKA, Nasty C, EVE, parce que pour eux la musique représente plus que des sons et des paroles, mais c’est la vie. Pour ma part, j’écoute James Bay, Flume, Chester Watson, ou Triex en ce moment. Bieber est cool aussi.

Quels sont les projets de Klutch Kollective ?

Nous allons sortir le clip de “Back To the Roots”. Le tournage était fou, nous avons tout fait en deux jours, comme le 48H Film Project !  Nous avons travaillé avec une équipe et un lieu incroyables. J’ai hâte que tout le monde voit cette production grandiose, ça devrait sortir le mois prochain.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Madame Rap fait du bon boulot en soutenant des artistes femmes dans le hip hop quels que soient leur notoriété et leur emplacement géographique. Cela nous valorise et nous donne l’opportunité de rentrer en contact avec des gens au-delà des frontières !

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