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Rell Rock : « En tant que femme, tu peux faire tout ce que tu as décidé sans être considérée comme un objet sexuel »

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A quel âge as-tu découvert le hip hop pour la première fois et qu’est ce qui t’a donné envie de faire du rap ?

J’ai grandi en écoutant du hip hop mais j’ai commencé à vraiment comprendre son sens vers 12 ou 13 ans. Je dirais même 11 ans, puisque j’ai écrit mon premier texte et je savais que c’est ce que je voulais faire plus tard. La passion était déjà là, la flamme était allumée.

Tu as sorti ton premier album à l’âge de 14 ans sur ton propre label Zock Rock Records. Comment as-tu réussi à créer ta structure aussi jeune ?

En fait, mon père a lancé ce label a la fin des années 1980. Ce type de structure indé et DIY, où l’on détient ses propres masters, m’était familière. Quand il a vu que j’adorais faire de la musique et évoluer dans ce milieu, il m’a nommée copropriétaire et j’ai sorti mon premier album à l’âge de 14 ans. Quand j’ai eu 21 ans, le label m’appartenait complètement et c’est moi qui ai repris le flambeau.

Est ce que tu produis ta musique ? Si non, avec qui travailles-tu et quelles qualités recherches-tu chez un producteur ?

Non, je reste dans ma voie d’artiste et d’auteure. Je suis à la recherche de producteurs qui ont un son unique, comme Zone Beats de Minneapolis, Xplosive qui vient d’Europe et qui a travaillé avec Nicki Minaj et d’autres, ou la New-Yorkaise Chyna Black qui a collaboré avec Foxy Brown et Wu Tang Clan. J’ai fait quelques sons dance électro avec Tony Quattro de New York et d’autres producteurs européens. Actuellement, je travaille avec Froback, qui a produit les artistes de R&B Jhene Aiko et Teedra Moses. Il est basé à Londres. Nous finissons un EP de 5 titres en ce moment.

Ton titre « Uptown Anthem Freestyle » est très politique. Pourquoi est-ce important pour toi d’aborder des problèmes de société dans tes paroles ?

C’est très important d’aborder des problèmes de société pour moi parce qu’il est temps que le hip hop évolue. Je parle de ce qui est naturel pour moi. Je suis consciente de ce qui se passe et concernée par l’actualité internationale, tout n’est pas rose. J’essaie d’avoir un équilibre entre tout ça dans la musique que je fais. Depuis le premier jour, sur TOUS mes albums. Sur mon premier opus, je parle des violences physiques faites aux femmes sur le morceau Broken Hearts, et de problèmes sociétaux avec des titres comme Change, Black Girl Lost, Black Excellence, Survive with Saigon, et beaucoup d’autres. Chacun de mes projets porte une sorte de message, ça fait partie de moi.

Dans ta bio, tu expliques « ne pas avoir peur de (te) démarquer de la ‘norme’ attendue dans le hip hop particulièrement quand il s’agit des femmes ». Qu’entends-tu par là ?

Je veux dire que les femmes sont perçues d’une certaine manière dans le hip hop. On leur demande de vendre du sexe ou de se cacher derrière une équipe d’hommes, d’expliquer combien elles sont sexy et ce qu’elles peuvent faire sexuellement. Moi, je parle de tout et je n’ai pas peur d’être différente. Je suis là pour prouver que, en tant que femme, tu peux faire tout ce que tu as décidé sans être considérée comme un objet sexuel. Tu peux être ta propre patronne et posséder ton entreprise sans avoir à être toujours intronisé dans le monde patriarcal du hip hop par un autre rappeur. Je suis avant-gardiste et spirituelle mais aussi réaliste dans mes textes.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Queen Latifah, Lauryn Hill, Oprah, Madame CJ Walker… De nombreuses femmes m’inspirent pour des raisons différentes : leur art, leur mots, leur sens du business… Toute femme qui  s’accepte est une inspiration pour moi.

Te considères-tu féministe ? Pourquoi ?

Oui, parce que je suis pour l’empowerment des femmes et les droits humains. Je ne suis pas extrémiste mais je préfère encourager les femmes à être en bonne position plutôt que de les dénigrer ou de me battre avec elles.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J Cole, Kendrick Lamar, Dave East, Jay Z, Nas, Lauryn Hill… J’écoute peu de nouveaux artistes mainstream à la radio parce que ça me fait perdre mon son et ma marque de fabrique. Je suis beaucoup influencée par « l ‘âge d’or » du rap, et ça m’aide de rester attachée à ces fondations et d’y ajouter mon style pour en faire un son nouveau et frais.

Ton troisième album American Hustle est sorti à l’automne dernier. Quels sont tes projets à venir ?

Je travaille sur un EP de 5 ou 6 morceaux avec le producteur londonien Froback Beats. Nous n’avons pas encore de titre pour le projet mais il va être intéressant et comportera de nouvelles sonorités.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je ne ressens que de l’amour face à l’espace et à la reconnaissance que vous offrez aux rappeuses ! Vous allez vous améliorer avec le temps mais c’est déjà bien. Rien que de l’amour !

Retrouvez Rell Rock sur son site, Twitter et Soundcloud.