Playlist #42 – Septembre 2022

Retrouvez notre playlist #42 sur YouTube, Spotify, Deezer et Apple Music avec 20 titres de rappeuses et rappeurs·euses LGBT+ du monde entier !

Avec :

  • La Valentina (Colombie/France)
  • Andy S & Vicky R (Côte d’Ivoire/France)
  • Lapsuceur (France)
  • Nathalie Froehlich (Suisse)
  • KT Gorique (Suisse)
  • Santa Salut (Espagne)
  • Tribade (Espagne)
  • Duku, Salvia & Candela Cuore (Espagne)
  • Mina Criis (Brésil)
  • Lisaholic (Allemagne)
  • Silvana Imam (Suède)
  • Since (Corée du Sud)
  • Toya Delazy (Afrique du Sud/UK)
  • Fatou (Sénégal)
  • Dee MC (Inde)
  • Nanna Goodie (Toronto, Canada)
  • Abigail Asante (UK)
  • Cakes Da Killa (USA/Allemagne)
  • Rico Nasty (Washington D.C., USA)
  • Oya Baby & Trina (Miami, USA)

21. Madame Talk x Calamine

Découvrez notre podcast Madame Talk avec la rappeuse québécoise queer et non-binaire Calamine !

Originaire de Québec et basée à Montréal, Calamine fait ce qu’elle appelle du « rap de gouine ».

Multi-instrumentiste, elle joue du piano depuis l’âge de 5 ans, de la guitare depuis l’âge de 10 ans et du banjo. Au lycée, elle passe un bac en arts visuels et pratique la photo et la peinture. Elle fait ses premiers pas dans la musique au sein d’un groupe de garage rock/bluegrass puis se lance dans le rap quand elle déménage à Montréal, où elle rencontre le beatmaker Kèthe Magané, qui deviendra un fidèle collaborateur.

Après avoir sorti l’album Boulette Proof , en 2020, Calamine se retrouve en finale des Francouvertes, concours musical qui a lieu tous les ans à Montréal et qui met en lumière des artistes émergent·es francophones. L’année suivante, elle est nommée révélation rap de l’année par Radio-Canada, la plus grande radio publique du pays.

Boostée par cette visibilité et cette reconnaissance, elle sort son deuxième projet solo Lesbienne woke sur l’autotune en juillet 2022. La rappeuse y aborde les sujets qui lui sont chers : féminisme, lesbianisme, anticapitalisme, écologie, véganisme, cyclisme, justice sociale ou encore décolonialisme. L’amour et l’humour occupent également une place centrale dans ses textes.

Dans une industrie musicale régie par les structures patriarcales, l’artiste nous explique son choix d’être indépendante, son envie d’amener plus de RnB dans le rap québécois, son projet d’EP rap et rock avec son groupe Les Shirley et son troisième album solo déjà en préparation.

Madame Talk est totalement indépendant, sans publicité et gratuit. Vous pouvez soutenir le podcast en faisant un don ponctuel ou mensuel ici.

Écouter le podcast sur toutes les plateformes.

© Marie-Mike

VIDÉO – 6 titres à écouter cette semaine #4

Découvrez notre sélection de 6 titres à écouter cette semaine !

 

Avec :

  • Rok – Entrailles (Toulouse, France)
  • Théa – Grisaille (Paris, France)
  • Jahnvi – My Body My Rights (Inde/France)
  • Astrid Cruz – Keep It R (Mexique)
  • Toya Delazy – Tini (Afrique du Sud/UK)
  • Lady XO – Divine (Chicago, USA)

Violences sexistes et sexuelles et LGBT+phobies : les formations de Madame Rap pour faire bouger les lignes

Pourquoi des formations ?

Comme le reste de la société, les milieux associatif, de la culture et du spectacle sont confrontés à des questions liées au sexisme, aux LGBT+phobies et aux violences sexuelles. Ces problématiques peuvent se retrouver au sein des équipes des lieux, des instances dirigeantes, des artistes, des membres des structures ou au sein des publics et relèvent tant des ressources humaines que du management et de la communication interne et externe.

Il est impératif que ces milieux se saisissent de ces sujets et assainissent leur fonctionnement pour proposer un environnement sain et safe à tous les individus qui les traversent et y évoluent.

Depuis 2015, Madame Rap propose différents types de formations pour accompagner les acteurs·rices du monde associatif, de la culture et du spectacle, leur permettre de mettre en œuvre une réelle égalité femmes-hommes et de lutter contre toute forme de violences.

À qui s’adressent les formations ?

Nos formations s’adressent à tous les lieux culturels et éducatifs, associations et professionnel·les s de la culture et du spectacle (équipes, direction, compagnies, artistes associé·es…).

Qui anime les formations ?

Nos formations sont animées par des professionnel·les, eux·elles-mêmes formé·es sur leurs domaines respectifs d’intervention.

Les supports pédagogiques sont réalisés sous la supervision de la thérapeute qui intervient dans le cadre des formations.

Les formations

Toutes nos formations se déroulent en ligne et sont modulables et adaptables en fonction de vos besoins et de vos disponibilités.

1) Lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu associatif, la culture et le spectacle

FORMULE A : 2 jours/12 heures/En ligne (2000 euros) – 2 formatrices

FORMULE B : 3 jours/18 heures/En ligne (2500 euros) – 2 formatrices

Objectifs

  • Identifier les violences sexistes et sexuelles.
  • Réaliser un état des lieux et créer un espace safe dans lequel la parole peut se libérer.
  • Réfléchir  à des dispositifs spécifiques face à d’éventuelles violences sexistes et sexuelles en interne.
  • Mettre en place une communication non-sexiste en interne et en externe : développer des supports de communication non-stigmatisants, veiller à employer une terminologie adéquate et inclusive, instaurer une égalité réelle de traitement entre femmes et hommes au sein des équipes (horaires, responsabilités, augmentations, prise de parole et de décision…) et respecter la parité dans la programmation.
  • Fournir des outils pour combattre les discriminations et promouvoir l’égalité et l’inclusivité.
  • Fournir des outils pour savoir comment réagir face à des violences sexistes et sexuelles au sein de l’association/des équipes/avec les artistes/le public.

Contenu et supports pédagogiques

  • Groupes de paroles en non-mixité.
  • Groupes de parole en mixité.
  • Ateliers d’écriture.
  • Discussions à partir de vidéos et d’articles de presse.
  • Fiches pédagogiques sur les violences sexistes et la sexualité.
  • Lexique.
  • Questionnaire sur les violences au travail à l’attention des professionnel·le·s des lieux.
  • Questionnaire sur l’identification des mécanismes de domination.
2) Lutter contre les LGBT+phobies dans le milieu associatif, la culture et le spectacle

2 jours/12 heures/En ligne (2000 euros) – 2 formateur·ices

Objectifs

  • Identifier les LGBT+phobies.
  • Réaliser un état des lieux et créer un espace safe dans lequel la parole peut se libérer.
  • Réfléchir à des dispositifs spécifiques face à d’éventuelles violences LGBT+phobes en interne.
  • Mettre en place une communication non-LGBT+phobe en interne et en externe : développer des supports de communication non-stigmatisants, veiller à employer une terminologie adéquate et inclusive.
  • Constituer des équipes inclusives et proposer une programmation inclusive.
  • Fournir des outils pour combattre les discriminations et promouvoir l’inclusivité.
  • Fournir des outils pour savoir comment réagir face à des violences LGBT+phobes au sein de l’association/des équipes/avec les artistes/le public.

Contenu et supports pédagogiques

  • Groupes de paroles en non-mixité.
  • Groupes de parole en mixité.
  • Ateliers d’écriture.
  • Discussions à partir de vidéos et d’articles de presse.
  • Fiches pédagogiques sur les violences sexistes et la sexualité.
  • Lexique LGBT+.
  • Questionnaire sur les violences au travail à l’attention des professionnel·le·s des lieux.
  • Questionnaire sur l’identification des mécanismes de domination.
3) Les Masculinités En Question (MEQ)

La lutte contre les violences sexistes, sexuelles et LGBT+phobes ne concerne pas uniquement les victimes de ces discriminations ou agressions, mais aussi les individus qui les produisent. Pour cette raison, Madame Rap propose une formation en non-mixité à l’attention d’hommes cisgenre qui réfléchissent à leur place dans cette lutte, questionnent leur masculinité et souhaitent déconstruire les mécanismes de domination.

FORMULE A : 2 jours/12 heures/En ligne (1200 euros) + 1 conférence (700 euros) – TOTAL : 1900 euros – 1 formateur

FORMULE B : 3 jours/18 heures/En ligne (1600 euros) – 1 formateur

Objectifs

  • Réfléchir en tant qu’homme cisgenre à son rôle, direct ou indirect, dans la fabrique et la perpétuation des violences sexistes et des violences en général.
  • Créer des espaces de réflexion, d’échange et de partage d’expériences.
  • Proposer une écoute bienveillante et attentive, qui permet des changements dans les mentalités et les comportements.

Contenu et supports pédagogiques

  • Groupes de paroles d’hommes cisgenre en non-mixité.
  • Discussions à partir de vidéos musicales sur les masculinités et les représentations.
  • Fiches pédagogiques sur les violences sexistes et la sexualité.
  • Questionnaire sur les violences au travail à l’attention des professionnel·le·s des lieux.
  • Questionnaire sur l’identification des mécanismes de domination dans l’intimité.
4) Améliorer sa pratique d’accompagnement des plus jeunes (à l’attention des artistes intervenant·es dans des structures culturelles)

2 demi-journées/7 heures/En ligne (800 euros) – 1 formateur·ice

 Objectifs

  • Définir son projet personnel et son identité.
  • Apprendre à identifier ses besoins et ses ressources.
  • Se fixer des objectifs atteignables.
  • Organiser ses répétitions et son travail en vue d’atteindre ses objectifs.
  • Réfléchir à sa posture d’intervenant·e accompagnant des projets culturels et artistiques.
  • Mettre en place des outils pertinents.
  • Enrichir ses propositions d’accompagnement des publics.

Contenu et supports pédagogiques

  • Ateliers d’écriture.
  • Questionner sa posture d’intervenant·e et les enjeux en œuvre.
  • Apprendre à accompagner la création d’un morceau de musique en partant de zéro.
  • Se regarder faire et transmettre.
  • Apprendre à éviter les confusions /“le projet que j’accompagne n’est pas mon projet”.

Infos et contact

Pour toute demande de renseignements (plaquette détaillée, calendrier, devis…), merci d’écrire à madamerap@gmail.com.

7 : « Je reste assez libre dans la conception de mon identité »

Née au Cameroun, la rappeuse et productrice 7 vit en Belgique depuis dix ans. L’artiste bruxelloise, qui se définit comme agenre et androgyne, nous parle de ses débuts dans le hip hop, de son projet en développement, de sa musique « alternative et multi-dimensionnelle » et de son féminisme intersectionnel.

Peux-tu te présenter brièvement ? Quels pronoms doit-on utiliser ? Comment te définis-tu en termes d’identité de genre ? …

Je m’appelle 7 (Seven). J’ai 24 ans, j’ai grandi au Cameroun et j’habite en Belgique depuis dix ans. « Elle » est le pronom qui me convient le mieux. En termes d’identité de genre, je me définis plutôt comme une personne agenre et androgyne parce que je sais que je ne rentre pas dans les cases de ce que la société attend d’une femme ou d’un homme. Il y a des jours où je me sens plus d’un côté que de l’autre.

Je suis une personne qui n’aime pas trop être mise dans des cases. Ça m’arrive parfois de sortir du « contexte LGBT+ » et d’être juste moi.  Même si la communauté est très soudée, on a tendance à mettre les gens dans des cases et à leur dire « tu as dit que tu étais ça et finalement tu n’es plus ça… »’. Je reste assez libre dans la conception de mon identité. C’est quelque chose qui est hyper fluide et qui varie.

D’où vient ton nom de scène ?

Mon nom de scène est encore en construction. Au début, je m’appelais XY pour marquer la séparation de genre parce qu’à un moment, je ne me sentais absolument pas femme.

Après, je suis passée à 7XY parce que le chiffre 7 était comme un chiffre porte-bonheur. Quand je n’arrivais pas à prendre de décision, je regardais autour de moi et si je voyais le chiffre 7, ça voulait dire que j’étais dans la bonne direction.

Finalement, j’ai gardé 7 (prononcez Seven, ndlr), parce que je me suis dit qu’il y avait des jours où je me sentais hyper femme et j’aime bien embrasser ma féminité. Donc j’ai juste gardé le chiffre 7. Mais si ça se trouve, demain j’aurai un autre nom de scène parce que je suis encore en développement !

Quand et comment as-tu été en contact avec la culture hip hop pour la première fois ?

Depuis le berceau. J’ai des oncles et des grands frères qui sont dans le rap. C’est vraiment une chose avec laquelle j’ai grandi. Quand j’étais plus jeune, j’étais la seule fille dans ma famille et autour de moi il n’y avait que des hommes. C’est ce qu’ils écoutaient et c’est ce que j’ai toujours écouté depuis que je suis née.

Comment as-tu commencé à rapper ?

C’est du hasard total. J’ai toujours rappé, mais au départ, je rappais les sons des autres, à l’école, pour déconner. Quand mon frère a commencé à produire, en écoutant ses prods, je me suis dit « pourquoi ne pas écrire des textes sur ses sons » ?

Tu es également productrice. As-tu reçu une formation particulière ou es-tu autodidacte ?

Comme je l’ai dit, je suis entourée de personnes qui sont dans l’industrie de la musique ou qui font de la musique par passion. Mon frère est producteur et m’a montré ce qu’il faisait. C’est comme ça que je me suis dit que je pouvais aussi essayer de le faire moi-même.

En fait, on a toujours produit ensemble même si je n’étais pas directement derrière l’ordinateur. Il me disait « tu veux rajouter un truc ? Tu veux tester quelque chose ? » J’ai toujours fonctionné comme ça avec les personnes avec qui je travaillais.

Et aujourd’hui, j’essaie de le faire toute seule à 100 %. Mais évidemment, c’est toujours plus fun de produire avec d’autres personnes. Pour moi, c’est comme un amusement. Tu mets une couche et puis j’en mets une autre.

Comment définirais-tu ta musique et ton univers ?

Je pense que je suis quelqu’un d’assez alternatif. Même si je rentre dans la case hip hop, ma musique n’est pas à 100% hip hop. Comme mon identité et ma relation à ce monde, avec tous les voyages et les déménagements que j’ai pu faire, ma musique et mon univers sont multi-dimensionnels et évoluent tout le temps.

Comment composes-tu un morceau en général ?

Je m’assieds, j’écoute la prod et j’écris en même temps que le producteur ou moi ajoutons des éléments. Ça se fait naturellement sur le coup. J’ai du mal avec le fait qu’on m’envoie une prod et que j’écrive dessus. Pour moi, ça doit être un processus sur le moment, instantané. On rajoute, on enlève, on change, et moi j’adapte, j’écris, je barre… C’est comme si j’allais au sport et que je faisais des exercices !

Tu as sorti le EP « 3 à 5 » au mois de juillet. Comment as-tu travaillé sur ce projet ?  

Mon EP s’est fait un peu comme ça. Les producteurs avec qui je travaillais faisaient des sons et je leur demandais d’ajouter ou d’enlever des éléments. Quand on a fini, on a retravaillé l’ensemble. À chaque fois, c’était un peu hasardeux.

Je me suis dit : « arrête de dépendre des gens, finis cet EP, fais ce que tu as faire et apprends à produire toi-même. Comme ça tu seras 100 % indépendante. »

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?

Oui, je me considère comme féministe. Mon féminisme dit aux femmes qu’elles ont le droit d’être qui elles veulent tant qu’elles ne nuisent pas à la société.

C’est un féminisme intersectionnel parce que je suis noire et il y a plein de fois où dans l’industrie, le féminisme ne m’a pas sauvé. Malheureusement, en tant que femme noire, la question du féminisme ne se pose pas forcément à 100 % parce qu’on doit déjà faire ça aux gros combats que sont le racisme et le colorisme. Malgré le fait que je sois féministe, c’est quelque chose qui m’a parfois porté préjudice.

Aujourd’hui, je ne peux plus me plus me définir uniquement en tant que féministe, je suis obligée de rajouter le mot intersectionnel. Parce que si je ne prends pas en compte le fait que je suis noire, je me fais aussi écraser par les autres femmes qui se considèrent au-dessus de moi parce qu’elles ont une autre couleur de peau.

Est-ce que la musique est ton métier aujourd’hui ? Si non, est-ce un objectif à terme ?

Ça fait quelques mois que j’ai compris que la musique allait être mon métier. Même au niveau de la santé mentale, quand je n’écris pas, que je ne suis pas derrière un micro ou que je ne crée pas quelque chose, ça ne va pas !

Quels sont tes projets à venir ?  

Travailler et apprendre. Apprendre à faire les choses. Je ne suis pas dans la précipitation. Je pense que j’ai déjà montré une petite part de ce que je savais faire. Je laisse les gens apprécier et venir à moi. Je suis ouverte à tout pour travailler parce que c’est pour le fun qu’on fait ça. Même si j’aimerais pouvoir en vivre !

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

J’aime beaucoup et j’admire Madame Rap. C’est dommage que le média n’ait pas plus d’impact dans la sphère publique. Parce que le travail que vous faites est incroyable et nécessaire. On ne peut pas se passer de ça.

D’ailleurs, j’organise maintenant des événements pour promouvoir des artistes féminines plus jeunes que moi et qui ne savent pas par où commencer. J’essaie de leur dire : « venez ici, ne vous perdez pas dans l’industrie, faites ce que vous aimez et vous allez trouver une place en étant vous-même ». C’est ce sur quoi je travaille en parallèle : faire des soirées, créer un « safe place », promouvoir les talents…  Peut-être qu’un jour on fera une collab ensemble !

Retrouvez 7 sur Instagram, Soundcloud et YouTube.

©Marie Lennertz (@fille.reussie)

VIDÉO – 6 titres à écouter cette semaine #3

Découvrez notre sélection de 6 titres à écouter cette semaine !

Avec :

  • La Valentina – Nuevo terreno (Colombie/France)
  • Reverie – Los Angeles ft. Sick Jacken (Los Angeles, USA)
  • Lapsuceur – Hémorroïdes (France)
  • Malake – Rich (Iran/Suède)
  • Since – Compass ft. Chin (Corée du Sud)
  • Andy S – Rap décalé (Côte d’Ivoire)

En Amérique Latine, l’union des rappeuses féministes fait la force

La parité dans le monde du rap, c’est encore une utopie. Pourtant, en Amérique Latine, les rappeuses féministes ne comptent pas s’effacer au profit d’une industrie musicale sexiste. Elles s’unissent, s’organisent et passent par des réseaux alternatifs pour être reconnues en tant qu’artistes et font bouger les lignes dans le secteur musical de toute la région. 

Colombie. Au dernier étage d’un immeuble près du centre de Cali, Maria Rosé, Nicole et les quatre autres membres de leur crew répètent l’un de leur dernier son : “je suis une femme et j’ai des valeurs, alors je n’aime pas que tu me dises bonjour mon amour.” Casquette sur la tête, large t-shirt et tatouages sur le bras, Javier Cordoba les regarde fièrement. Aussi connu sous le nom de scène Reivaj_sow, il vient ici, deux fois par semaine, pour transmettre les valeurs du hip hop aux jeunes du quartier. Réflexion sur l’homophobie, acceptation des différences, discussions autour de l’actualité et surtout, cours d’écriture et d’apprentissage au rap… Les interventions de Javier Cordoba brassent large.

Ce processus, initialement imaginé et créé pour de jeunes garçons, n’est pas resté longtemps dans cette configuration. Les filles ont rapidement demandé à rejoindre le groupe.

Elles ont aussi voulu avoir leur crew, leur propre groupe de rap. Puis elles ont trouvé leur nom : pouvoir féminin, pour montrer le pouvoir qu’elles ont et que toutes les femmes ont dans le hip hop et dans la vie. Elles le montrent en s’exprimant avec leurs paroles, leur engagement et leur discipline. “ Bien que garçons et filles apprennent désormais ensemble, c’est chacun son crew. Celui des filles s’appelle le “Crew Feminal Power” parce qu’il est important selon elles de mettre le mot “féminin” dans un groupe de rap.

Au quotidien, dans le cercle familial ou à l’école, les stéréotypes de genre leur collent à la peau. “Il y a des hommes qui disent que tu ne peux pas faire de rap parce que ce n’est pas féminin mais ils mentent parce qu’en étant des femmes, on peut obtenir toute la lumière, clame fièrement Angie, de longs cheveux roux et de la colère dans la voix.

Derrière elle, Maria Rosé, 12 ans, poursuit : “ Les garçons d’ici nous soutiennent et on les soutient, mais au collège je montre ce que je fais et les gens rient mais je m’en fiche parce que quand on sera plus grandes, ils changeront de visage quand ils nous verront et ils arrêteront de se moquer.” Ici, les jeunes filles s’entraident et se poussent vers le haut, apprennent à être fières de ce qu’elles font et passer au-dessus des moqueries. Mais en arrivant, ce n’était pas la même histoire, se souvient Javier Cordoba, le président et initiateur de cette association : “la méthodologie d’apprentissage reste la même, il n’y a aucune différence de genre dans la manière d’enseigner. Pourtant, les filles ont plus peur d’y aller, elles ont besoin de se sentir en confiance, elles avaient du mal à se lancer”.

L’union fait la force

Un peu plus à l’Est, toujours dans la banlieue de Cali, Sandra Milena Londoño ouvre la porte de son studio. À l’intérieur, un piano, un micro, de la mousse sur les murs et un ordinateur. Depuis plus de 20 ans, cette rappeuse connue sous le nom d’artiste MC Saya se bat pour aider les femmes à être visibles dans la culture hip hop en Amérique Latine. Militante, féministe, MC Saya ne fait pas seulement de la musique. Ces dernières années, elle a créé un collectif, notamment pour donner des cours de rap aux femmes, des interventions en université et une mixtape réalisée avec des rappeuses du Mexique, de Bolivie, du Guatemala, de Colombie et d’Équateur afin de parler des discriminations qu’elles rencontrent dans chaque pays.

En Amérique Latine plus qu’ailleurs, les rappeuses féministes comptent sur l’union pour faire la force. Elles diffusent leur musique sur des plateformes non conventionnelles, donnent des concerts dans des lieux de luttes sociales, créent des collectifs souvent non-mixtes ou organisent des évènements festifs d’éducation populaire. “On est toujours occultées. On attend toujours des femmes qu’elles correspondent à certains types de musique, de paroles. Ces espaces entre femmes ont été créés parce qu’il n’y en a pas dans le hip hop. Entre femmes, on se reconnait et on s’entraide. En créant des collectifs, on s’aide à se visibiliser » regrette MC Saya.

Un constat partagé par Lise Segas, maîtresse de conférence en littérature et culture latino-américaine à l’université Bordeaux Montaigne. Depuis plusieurs années, elle étudie les mouvements féministes dans les cultures urbaines de plusieurs pays d’Amérique Latine.

« Les collectifs sont nés très rapidement de ce besoin de se retrouver, de sororité et d’entraide face à une société extrêmement machiste et violente et un secteur musical qui l’est, à l’image de la société dans laquelle il se développe. Ce besoin de se réunir est né d’une forme de survie, de protection aussi contre différents types de micro agressions ou d’agressions tout simplement. Mais je pense que la nécessité du collectif vient à la fois de cette culture extrêmement puissante de l’organisation militante féministe propre à l’Amérique Latine ainsi que d’un manque de moyen criant dans le secteur culturel musical.”  

Sur le continent, l’émergence des collectifs féministes dans le monde du rap remonte aux années 2010. L’un des plus connus s’est formé au Mexique sous le nom de Batallones Femeninos avec pour objectif, la lutte contre les violences faites aux femmes à travers le rap. Dans ce collectif, 14 femmes essentiellement du Mexique et des Etats-Unis dénoncent les nombreux féminicides et parlent sans retenue de menstruations, de stéréotypes de genre où d’avortement. On pourrait aussi citer Somos Guerreras, un groupe également formé dans les années 2010 par trois rappeuses d’Amérique centrale : Nakury du Costa Rica, la Guatémaltèque Rebeca Lane et la Mexicaine Audry Funk. Dans cette partie du continent où l’industrie culturelle est très peu développée, l’union relève de la nécessité pour pouvoir émerger.

Contourner les réseaux traditionnels pour rester fidèle à ses convictions

Pour se faire connaître sur la scène du rap latino-américain, les rappeuses comptent donc sur la sororité. Virtuellement, elles s’organisent via les réseaux sociaux mais aussi via les plateformes de distribution gratuites sur lesquelles elles diffusent leurs musique. La démarche n’est pas forcément commerciale, il s’agit de partager au sein d’un public conquis.

En refusant de négocier avec l’industrie musicale et de se conformer aux normes de genres exigées dans le secteur, les plateformes alternatives deviennent donc une solution au manque de diffuseur·euses. La rappeuse équatorienne Caye Cayejera résume ce choix en quelques phrases : “je ne fais pas du rap pour devenir connue, je suis engagée dans ce travail car je sens qu’il y a des choses à dire. Vendre ma musique à la grande industrie musicale, ce serait compromettant pour ma lutte. L’art, avec sa capacité à transformer, est un outil que je veux utiliser en faveur des espaces où je suis acceptée et où je peux faire entendre ma voix, mais je ne veux pas transformer mon ego pour être au centre de l’industrie musicale. Ce serait comme vendre mon corps, j’ai des convictions très claires : je ne vais pas censurer mes paroles ni changer mon style vestimentaire pour faire partie de cet ensemble. Ces espaces de production ont un filtre très masculin”.

Physiquement, les rappeuses féministes partagent donc leurs musique dans des espaces autogérés militants : syndicats, locaux associatifs de défenses pour personnes LGBTQI+, festivals féministes… À Mexico par exemple, la Gozadera, un local se définissant comme « lesbo féministe vegan », ouvre régulièrement sa porte à des rappeuses militantes féministes pour proposer différents types d’initiatives : ateliers d’écritures, de réflexion, scène ouverte en non-mixité.

Ces différents lieux leur permettent de se faire connaître au sein de réseaux militants, souvent puissants et connectés entre différents pays. “Je veux vendre mon travail avec de l’argent social dans des lieux de rencontres comme les marches, les mobilisations, les centres communautaires, les syndicats… Ce sont des plateformes de productions populaires, c’est là que je veux être. S’il n’y avait pas cette sororité entre femmes, amies, collègues, je n’aurais pas montré mon travail dans tant de pays. Il y a une capacité de production féministe pour la partie organisation qui fait circuler l’art des femmes. Grâce à ça, j’ai pu voyager sur tout le continent” poursuit Caye Cayejera.

Résultat : face au manque de moyens et de changements dans l’industrie musicale classique, les rappeuses sont plus souvent connues hors de leur pays que chez elles.

Des mouvements minoritaires mais en plein développement

Bien que la musique des rappeuses militantes féministes se développe essentiellement sur des réseaux alternatifs, la présence des femmes dans le secteur traditionnel augmente petit à petit. Depuis le début de la lutte, quelques messages d’espoirs surgissent pour les rappeuses, à l’image de la nomination récente de l’une d’elles à la présidence du plus grand festival de hip-hop d’Amérique Latine, Hip-hop al Parque en Colombie. Depuis, les femmes sont beaucoup plus nombreuses à y être programmées. “De plus en plus d’initiatives et de stratégies sont mises en place. On est au tout début d’un mouvement qui va s’amplifier et gagner en force” prédit Lise Segas.

Partout sur le continent, plusieurs festivals mettent à l’affiche uniquement des femmes. C’est le cas du Ruidosa fest au Mexique, au Chili et au Pérou, le cas également du Matria Fest au Chili où encore plus récemment, le Festival de mujeres músicas del Perú.

En 2018, le collectif féministe latino-américain Somos Ruidosa a mené une étude sur la représentations des femmes dans les festivals latino-américain. Résultats : seuls 10 % de groupes composés de femmes. Un an plus tard, en 2019, l’Argentine votait une loi pour garantir au moins 30 % de femmes dans la programmation des festivals. Partout ailleurs, la route est encore longue pour les rappeuses féministes d’Amérique Latine.

Texte et photos : Maud Calves