Oma Done : « Ne pas laisser les autres te définir, c’est déjà du féminisme »

La rappeuse marseillaise nous parle de son parcours dans le hip hop, de son féminisme « libertaire, inclusif, et bienveillant » et de sa marque de vêtements Omagang.

Quand Madame Rap t’a découverte, tu te faisais appeler Don Oma, pourquoi ce changement ?

J’avais choisi le nom Don Oma en clin d’œil à l’un de mes rappeurs préférés : Don Choa. Malheureusement, ce nom n’était pas bien référencé sur internet et j’ai préféré changer pour la sortie de mon album, mais je voulais garder mon blaz initial, Oma.

Oma Done, c’est reprendre les mêmes lettres qui s’agencent autrement. Le « Don » soulignait le masculin. Désormais, on retrouve le mot « madone », je pense que ça symbolise aussi mon évolution personnelle qui correspond mieux à ma part féminine. On retrouve aussi le mot « done » qui joue sur l’anglais « I’m done ». Like « I’m done with this couvre feu period. »

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?  

Petite, par des radios comme Skyrock, puis par des connaissances et des amis qui m’ont fait écouter IAM, NTM, la Fonky Family, Rockin’ Squat, Keny Arkana

Comment as-tu commencé à rapper ?

Avec des potes, on s’amusait à improviser des phases sur des prods face B trouvées sur internet. En soirée, je croisais le mic hors scène avec des MCs et j’ai commencé à kiffer (tout ça en improvisant).

Après, on a commencé à aller à des open mics et je me suis prise au jeu. J’ai commencé à travailler des textes pour aller sur scène et faire des freestyles. De là, on m’a dit « toi là, t’as du flow », alors j’ai fait des battles comme Redbull Dernier Mot, ou des bails comme ça qui m’ont fait gagner des premières parties d’artistes comme Reverie, Davodka, Lefa…

Tu dis que tu fais de la « trap tripée ». Peux-tu nous expliquer ce que tu entends par là ?

Je ne me rappelle pas avoir dit ça. Peut-être ! Je ne sais pas vraiment comment décrire ma musique. Je pose des rimes sur des prods, je réfléchis à des flows originaux pour exprimer des choses… Est-ce que c’est de la pop, du rap, de la trap, du cloud ? Un peu de tout ça ? Peut-être. Je ne suis pas fan des étiquettes.

Tu as sorti récemment le clip Aucun Regrets, extrait de ton premier album Omaley. Comment et avec qui as-tu travaillé sur ce projet ?

J’avais envie que les meufs sur le tournage se sentent à l’aise, alors j’ai préféré travailler avec une fille à la réalisation. J’avais repéré sur les réseaux sociaux le travail de la jeune photographe @akaxstudie aka Axelle F. Je lui ai proposé de gérer la réalisation du clip tout en partageant avec elle mes idées et envies sur ce projet (meufs en voiture, scènes de cuisine, tenues…) . Un gros big up quand même aux preneurs de vues qui ont été respectueux, patients et dont les initiatives ont également donné de beaux résultats. Je suis très satisfaite du rendu et des tournages qui ont été super cool.

@makaro_labase nous a régalé avec des plateaux traiteurs, @kosmik vintage et Hold Up Wear nous ont prêté des fringues, on a vraiment passé de super moments, faits de rencontres imprévues (on pense à « Trotinetteman » rencontré par hasard à qui on a proposé de tourner avec nous lol.) On n’a pas beaucoup, mais on fait avec le cœur et ça nous laissera à jamais des méchants souvenirs. C’est toujours des bons moments les tournages, on rigole, on chill, on prend la pose, on tourne, on se rate, on refait, on rencontre de nouvelles personnes…

Un gros big up également à tou·te·s les figurant·e·s qui sont venu·e·s aussi of course. Je suis très visuelle quand j’écris mes chansons et c’est grâce à toutes ces personnes que mes idées peuvent prendre vie. Merci encore à tou·te·s. <3

La scène rap marseillaise regorge de rappeuses. Es-tu en relation avec certaines artistes et si oui, collaborez-vous parfois ensemble ?

Je ne vois absolument pas de qui vous parlez lol. Oui, je suis en contact avec certaines artistes dont j’apprécie la musique et la personnalité mais avant tout la musique c’est un feeling, et faire des feat c’est au feeling aussi.

Quelles sont les femmes, connues ou pas, qui t’inspirent ?

De Rosa Parks à Keny Arkana en passant par Cardi B, la liste pourrait être longue. Dans les inconnues, il y a mes grands-mères, mes tantes, mes amis gay et drag qui m’apprennent beaucoup sur la féminité. Il y a mes amies féministes aussi plus cérébrales, conceptuelles, les meufs de mon club de boxe et toutes celles qui s’entraînent et essayent de diffuser un message de force au féminin.

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?  

Mon féminisme est libertaire, inclusif, et bienveillant. « Je veux que mes go soient à l’aise, tant mieux si dans c’monde de merde je fous le malaise ». Je n’ai pas attendu les trends Insta pour imposer mes poils, arrêter de mettre des soutifs et apprendre à aimer mon flatty booty.

Je ne prône pas un féminisme précis bien défini. Que tu aimes t’épiler et t’occuper de ton foyer, ou que tu ailles caillasser des CRS seins nus pour dénoncer les injustices de ce monde, si tu es heureuse, c’est le principal. Si tu te sens accomplie dans ce que tu fais, que tu sois trans, travailleuse du sexe, lesbienne, activiste, garçon manqué, voilée, féminine, peu m’importe, ma musique est ouverte à tou·te·s. Il est là pour donner la force, que les meufs se sentent déter, courageuses. Rebeu, renoi, blanche, on est dans un monde où tout est fait pour nous opprimer, nous définir comme faibles et victimes, mais c’est faux. On a toutes des choses à faire pour contribuer à ces changements. Et si ma musique peut guider, conseiller ou encourager des meufs, alors je touche un peu à mon but.

Je crois que c’est ça mon féminisme : donner de la force aux meufs et représenter. Je pourrais écrire une thèse, mais je pense que mes paroles et le fait déjà d’être dans un milieu de mecs, c’est mon féminisme à moi : aller en cabine dans un studio de gros bonhomme et chanter « j’prends la bite de mon keum et j’t’assome avec » ou encore « j’te dis texto t’es qu’un sex toy », est-ce que c’est féministe ?

Après, ce mot est encore malheureusement très connoté… Mais oui, je suis féministe, même malgré moi je pense… S’affirmer et ne pas laisser les autres te définir, c’est déjà du féminisme.

Quels sont tes projets à venir ? En quoi la crise du Covid impacte-t-elle tes activités ?

J’ai récemment lancé ma marque de vêtements Omagang (@omagang.fr sur Insta) que je vous invite à follow. Bientôt le site internet et ma première collection, dont on aperçoit parfois des pièces dans mes clips. Je suis trop heureuse. Ça me demande beaucoup de travail, mais c’est un projet génial, qui, j’espère, permettra de développer de belles choses. On collabore avec l’ONG colombienne Heart of the Earth, à laquelle on reverse une partie des ventes pour aider des tribus indigènes.

Quant au Covid, malheureusement pas de concerts, moins de scènes et d’événements. J’en profite du coup pour développer ce projet sur internet. Rendez-vous sur Insta pour plus d’infos !

Que penses-tu de Madame Rap ?  Des choses à changer/améliorer ?  

J’aime beaucoup, je découvre des artistes internationales grâce à vous. Pour ça, merci beaucoup ! Sinon, peut-être partager le travail d’artistes graphiques : photographes, illustratrices, dessinatrices de BD, humoristes… Diversifier un peu le feed pour toucher plus de gens. Sinon c’est vraiment top, merci à vous pour ce que vous faites, grosse force a vous et à bientôt l’équipe !

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La Deyabú : « En Amérique du Sud, les inégalités se reflètent de manière beaucoup plus cruelle »

La rappeuse et autrice-compositrice chilienne La Deyabú nous parle de ses influences, de la place des femmes sur la scène hip hop dans son pays et de ses projets.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

Dans le quartier où j’ai grandi, je me suis d’abord intéressée à la danse (breakdance) jusqu’à ce que je découvre le rap, qui ne m’a jamais quittée depuis. J’organise aussi des événements pédagogiques autour du hip hop. J’anime notamment des ateliers pour des enfants et des jeunes, en utilisant le hip hop comme un outil artistique qui sert à transformer nos réalités. 

Comment as-tu commencé à rapper ? 

J’ai toujours aimé chanter, danser et jouer. Dès que j’ai découvert le rap, j’ai voulu en faire. J’ai commencé par des freestyles, puis je me suis mise à écrire des morceaux.

Quel titre conseillerais-tu d’écouter en premier à quelqu’un qui veut découvrir ta musique ?   

Je dirais Matria ou Jardinera. Matria est le single extrait de mon premier album, qui porte le même nom. Les paroles de cette chanson représentent mon manifeste en tant que femme et se marie bien avec la musique.

Je recommanderais aussi Jardinera, car c’est une morceau inspirant aux vertus guérissantes. Il m’a beaucoup aidé. C’est aussi le single de mon deuxième album CHAKANA, que je vais sortir à la fin de l’année.

Vu d’Europe, on a l’impression que le rap en Amérique du Sud a une dimension beaucoup plus politique que dans n’importe quelle autre région. Qu’en penses-tu ?

 C’est un territoire où les inégalités sociales et politiques et le manque d’opportunités se reflètent de manière beaucoup plus cruelle. Nous nous retrouvons actuellement au cœur de luttes importantes pour nos droits, nos terres, nos forêts et nos eaux. Personnellement, je sens que la musique accompagne ces processus, inspirés directement par la communauté. On peut aussi trouver plusieurs genres de rap, il y a beaucoup d’artistes qui font des choses belles et différentes.

Quelle place les femmes occupent-elles sur la scène hip hop au Chili ? 

La scène hip hop est magnifique. Il y a des B-girls, des danseuses internationalement reconnues, des DJs, des beatmakeuses, des beatboxeuses, des graffeuses qui peignent des fresques dans le monde entier, et des MCs. J’ai un éventail très diversifié de collègues, allant de la soul, au rap hardcore, en passant par du rap classique et du rap plus expérimental. Je pense qu’il y a un énorme potentiel chez les femmes artistes de la scène hip hop, qui proposent de la musique innovante, des rimes authentiques et sont de véritables passionnées.

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?  

Je suis féministe. Avec la musique, cela fait partie de mes principaux combats. Mon féminisme s’apparente au courant indigène, qui défend nos corps et notre terre comme des territoires libres, et combat le système capitaliste hégémonique.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Les femmes et leurs histoires, bonnes et mauvaises, leurs luttes et leurs passions, sont ma plus grande source d’inspiration. Mes amis m’inspirent aussi beaucoup, ma mère et mes sœurs, mes grands-mères et quiconque rêve de mettre fin à la violence et la misogynie.

Mais si je dois en nommer une seule, je dirais Violeta Parra, une chanteuse chilienne du siècle dernier. J’admire sa musique et elle m’inspire beaucoup.

Quels sont tes projets à venir ? 

J’ai prévu de sortir plusieurs singles et plusieurs clips, dont des collaborations avec des collègues chiliens et des artistes d’autres pays d’Amérique latine. En plus, je prépare pour la fin de l’année mon deuxième album solo intitulé CHAKANA, qui est actuellement en post-production.

En quoi la pandémie de coronavirus a-t’elle impacté tes activités ? 

La pandémie a été difficile pour tout le monde je suppose, mais sur le plan artistique, cela m’a aidé à m’organiser, à terminer plusieurs projets qui étaient en suspens et à mûrir mon album. J’ai pu travailler à distance sur un clip que nous avions tourné avec la rappeuse espagnole Zeidah et donner plusieurs concerts en ligne, diffusés au Chili et à l’étranger. 

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

J’aime beaucoup votre plateforme ! J’y découvre toujours de nouvelles femmes artistes qui ont des idées différentes et cela m’inspire. Je crois que maintenant plus que jamais nous devons créer une communauté et c’est ce que propose votre plateforme.

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JEU CONCOURS – Gagnez un pack T-shirt + CD de Pumpkin !

À l’occasion de la sortie du clip Méchante petite femme, la rappeuse nantaise Pumpkin et le beatmaker Vin’S da Cuero vous font gagner un T-shirt et un exemplaire CD de leur nouvel album Abysses Repetita !

Pour participer, rien de plus simple :

1. Likez les comptes de Pumpkin et Madame Rap sur Facebook, Instagram ou Twitter.

 

2. Partagez le clip Méchante Petite Femme sur les réseaux.

 

3. Commentez le post avec une proposition de titre alternatif à « Méchante Petite Femme ».

 

4. La/le gagnant·e sera tiré·e au sort parmi les meilleures propositions !!

 

À vous de jouer !

EXCLU – Pumpkin sort le clip « Méchante petite femme »

La rappeuse nantaise Pumpkin et le beatmaker Vin’S da Cuero sortent le clip Méchante petite femme en exclusivité sur Madame Rap !

La MC nous explique la genèse du morceau et du clip, 3e extrait de l’album Abysses Repetita, et nous parle des projets du binôme.

Qu’est ce qui t’a inspiré ce texte ? 

Méchante Petite Femme est un morceau faussement léger. J’y règle un peu mes comptes avec tout un tas de personnes dont je n’apprécie pas le comportement ou les valeurs, et j’y aborde aussi le fait d’avoir la sensation d’être en décalage. On est souvent partagé entre l’envie d’ignorer les agissements toxiques pour se préserver, et l’envie de les dénoncer. La chance que l’on a en tant qu’artiste c’est que l’on peut transcender tout ça et transformer les énergies négatives en quelque chose de positif et d’esthétique. Chacun sa démarche.

Quand j’écrivais ce morceau, je me projetais sur scène à gueuler « J’aime vraiment pas les gens » dans le micro, c’est jubilatoire et ça fait vraiment du bien. J’ai écrit ce track comme un gros fuck en réponse à toutes les situations dans lesquelles je n’ai pas pu ou su réagir.

Le titre du track est le surnom que Vin’S me donne quand je suis désagréable avec lui. C’est ce surnom qui m’a donné l’idée du track. Je me moque aussi de cette idée selon laquelle, c’est mal vu qu’une femme prenne de la place, fasse du bruit ou conteste l’ordre des choses.

Comment est née l’idée du clip ?

Le clip est né d’un brainstorming avec le réalisateur Sébastien Marqué. L’idée de départ a énormément évolué au fur et à mesure de nos échanges et des contraintes : budget, lieu, Covid-19, temps. Ce clip est un clin d’œil au personnage d’Eleven dans la série Stranger Things. Pour la petite histoire, c’est moi qui ai fabriqué le casque que j’ai sur la tête à partir d’une photo  extraite de la série et à partir d’éléments trouvés dans un magasin de bricolage, jusqu’à minuit la veille du shooting.

C’était un gros kif de faire ce clip. D’abord, parce que c’était un challenge technique car il s’agit d’un vrai plan séquence. Nous avons tourné seulement 3 prises pour garder la meilleure. Je n’avais que 3 exemplaires de ma tenue. Sur un plan séquence, on n’a pas le droit de se planter et pourtant nous étions si nombreux que les probabilités de foirades étaient assez élevées. La technique vidéo, la lumière, le jeu des figurants, mon playback, mon attitude, tout devait être carré.

C’était un vrai travail d’équipe avec beaucoup de mise en place en amont avec les figurants et quelques prises de répétition. Je suis bluffée par le résultat et hyper contente de ce moment passée avec toute l’équipe. Le making off vidéo arrive bientôt !

Vous venez de sortir (le 23 octobre) votre 3e album en duo Abysses Repetita suite à une campagne Ulule. Pourquoi avoir choisi de recourir au crowdfunding ?

C’est la deuxième fois que nous lançons une campagne de financement participatif. Au départ, je n’étais pas très à l’aise avec cette idée, et puis on s’est rendu compte que finalement ça plaisait à notre fanbase. C’est une manière de l’impliquer dans la production de l’album, en circuit court, ce qui permet de créer des liens solides entre nous sur le long terme. Notre campagne était en réalité une sorte de pré-commande de luxe à destination des fans hardcores.

Cette campagne est également un outil de communication intéressant pour un groupe underground avec peu de moyens pour la promo. La somme récoltée avec ce crowdfunding représente environ un quart du budget global de l’album.

Quels sont vos projets pour les prochains mois (malgré le contexte sanitaire) ? 

Nous gardons le cap coûte que coûte depuis le début de la crise. Je ne te cache pas que c’est très compliqué de garder la motivation sans perspective de tournée et avec tout un tas de bâtons dans les roues. Maintenir la sortie d’Abysses Repetita c’était aussi un acte de résistance en cette période difficile. On fait le maximum pour faire vivre ce projet, différemment.

C’est aussi l’occasion de ré-inventer les manières de faire. Je pense que nous n’avons pas d’autre choix que de faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité. De belles choses nous arrivent malgré tout, c’est notre moteur pour avancer. Nous allons sortir pas mal de contenus vidéo : clips, session live, vlog, making off, en croisant les doigts pour que les concerts reprennent normalement bientôt. Nous avons fait des résidences, notre nouveau show est prêt. On est prêts !

On fait aussi beaucoup d’ateliers Rap et beatmaking tous les deux. Pour me changer les idées et me rendre utile, j’anime aussi La.Club, un club de rap pour rappeuses et j’organise des clean walks hebdomadaires sur Nantes.

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© Franck Lebègue