Darkksun : « Ma musique est douce comme le miel »

Rappeur trans de 17 ans originaire de la banlieue de Toulouse, Darkksun fait du rap « émotionnel ». L’artiste nous parle de son enfance bercée par le hip hop, de son rapport à l’écriture et de son identité musicale.

Pourquoi avoir choisi le nom « Darkksun » ?

« Soleil noir », ça me définit bien. « Dark », « sombre », c’est l’un de mes facettes et le double « k », c’est juste pour l’esthétique.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

J’ai un peu grandi dedans. Mon père et ma mère écoutaient beaucoup de rap et mes oncles faisaient du breakdance et du skate. Dès tout petit, je m’habillais à l’américaine et je faisais des graffitis sur des feuilles.

Depuis quand rappes-tu ? 

J’ai fait des freestyles quand j’étais petit mais ça ne fait qu’un an que je me suis réellement mis au rap. J’ai acheté un peu de matos et je fais avec les moyens du bord.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de rapper ?

J’ai toujours écrit et aimé la littérature et à un moment, j’avais trop de textes qui n’étaient jamais lus et que je ne partageais pas. J’avais l’impression d’écrire dans le vide.

Alors j’ai mis une instru et j’ai commencé à kicker un peu dessus. Je me suis dit que ça pouvait donner un truc pas mal. Quelques années après, j’ai fait un freestyle devant une pote qui m’a incitée à le poster et c’est comme ça que je me suis créé un compte Instagram dédié à ma musique. 

Comment définirais-tu ta musique pour des gens qui ne la connaissent pas ?

C’est très compliqué parce que je ne saurais pas la définir moi-même : il y a un peu de lo-fi, du rétro, du XXXTentacion … Je suis vachement ancré dans mon propre univers, je n’ai pas un style particulier et je peux toucher à tout. D’un côté, c’est un défaut, parce que certaines personnes vont aimer l’un de mes titres et après ne plus aimer parce que je change de style, mais c’est vrai que ça peut varier d’un son à l’autre.

Tout ce que je peux dire, c’est que ma musique est faite pour être écoutée pendant un coucher de soleil ou une nuit étoilée. C’est une musique pour les gens seuls, les gens tristes, ou les gens qui aiment tout simplement se poser et chiller. Ma devise, c’est qu’elle est douce comme le miel. C’est un peu éparpillé et très imparfait.

Comment écris-tu tes morceaux ?

L’univers est très inspirant, ce qui fait que je peux être inspiré à chaque seconde. Par exemple, j’adore le ciel, quand il est couleur vermeil, les levers et couchers de soleil.

Je n’ai pas de rituels, soit j’écris et je trouve une instru après, soit je trouve une instru et je cale un texte dessus ensuite. J’essaie aussi de tâter la guitare et le piano.

Quels sont tes thèmes de prédilection ?

 Je parle principalement d’amour, de tristesse et de sentiments, c’est vraiment émotionnel.

Le rap est souvent présenté comme sexiste et homophobe. As-tu déjà confronté à ce type de réflexions ?

Je n’écoute pas les gros raps bangers mais c’est vrai que le rap est souvent présenté comme sexiste, homophobe et violent. . Vu que mes sons sont doux et poétiques, je n’ai jamais eu à faire à ce genre de propos. Mais mon rap n’est clairement ni homophobe ni sexiste.

Quel·le·s sont les artistes qui t’inspirent ?

Nekfeu, Lomepal, et Lonepsi sont trois artistes qui m’ont poussé à écrire et rapper et que j’admire beaucoup.

Est-ce que tu envisages de faire du rap ton métier ?  

C’est une idée qui me plairait énormément. Si je ne vis pas de ma musique, j’aimerais au moins être dans l’univers audiovisuel et le monde artistique.

Quels sont tes prochains projets ?  

De faire un EP ou un album. Le projet est quasiment prêt mais il manque encore un ou deux morceaux. Je n’ai pas envie de sortir un projet dans le vide alors j’attends une ouverture et le bon moment.

Que penses-tu de Madame Rap ?  Des choses à changer/améliorer ?

J’adore Madame Rap, c’est vraiment une communauté énorme. Vous donnez de la force à toutes les femmes dans le game. Vous soutenez plein d’artistes, ça devrait ramener plus de monde. Il n’y a rien à changer mais il faudrait juste que les gens investissent plus dedans !

Retrouvez Darkksun sur InstagramSpotifySoundcloud, YouTube et Twitter

Le programme de la résidence itinérante de Madame Rap en Seine-Saint-Denis

Lancée en octobre 2019, la résidence itinérante de Madame Rap en Seine-Saint-Denis se poursuit cette année ! Découvrez ci-dessous le programme des différents événements, qui est complété et mis à jour régulièrement. 

ATELIERS

  • Du lundi 10 au vendredi 14 février : Ateliers de beatmaking/DJing pour les enfants animés par Kelyboy avec La MOMO au collège Joséphine Baker (Saint-Ouen).
  • Du mardi 21 avril au mardi 2 juin : Ateliers d’écriture rap animés par Shani au Chapiteau de La Fontaine aux Images (Clichy-sous-Bois).

TABLES RONDES

  • Vendredi 28 février : « Le rap est-il un outil politique ? » à La Maison Populaire (Montreuil).
  • Samedi 25 avril : « Le rap lesbien existe-t-il ? » au 6b (Saint-Denis).

OPEN-MIC et CYPHER de rappeuses

  • Vendredi 27 mars : Cypher à La Pêche (Montreuil).
  • Samedi 25 avril : Open-mic au 6b (Saint-Denis).

Vous êtes rappeuse (cis, trans ou non-binaire) et souhaitez participer à l’open-mic du 25 avril au 6b ? Inscrivez-vous ici ! 

CONCERTS de rappeuses

  • Vendredi 27 mars : Ryaam + Le Juiice à La Pêche (Montreuil).
  • Vendredi 10 avril : Illustre + Vicky R + La Gale à Mains d’Oeuvres (Saint-Ouen).
  • Samedi 25 avril Tribade au 6b (Saint-Denis)
  • Vendredi 19 juin : Shani au Chapiteau de La Fontaine aux Images (Clichy-sous-Bois).

Pour avoir plus d’infos sur la résidence c’est par ici et l’événement Facebook c’est par là.

Blu Samu : « Parfois, il faut se libérer de ses propres chaînes »

Après Moka en 2018, Blu Samu a sorti un second EP tout aussi réjouissant, ctrl alt del, en novembre dernier. La rappeuse, compositrice et chanteuse belgo-portugaise nous parle de son évolution musicale et de ses projets pour 2020. 

Tu as sorti un nouvel EP intitulé ctrl alt del le 15 novembre. Comment as-tu évolué musicalement parlant depuis ton précédent EP Moka ?

 J’ai pas mal évolué et j’ai essayé sur ce projet de rajouter ma petite touche spéciale. J’ai l’impression que cet EP montre beaucoup mieux toute l’énergie que j’ai et que je ramène aussi dans mes concerts. On a enregistré et mixé chez Benjamin Lemoine et il m’a beaucoup aidé a trouver exactement comment je voulais que tout sonne. Donc pour moi cet EP est plus travaillé et réfléchi !

Avec le recul, quel regard portes-tu sur Moka ?

Moka était plus calme, plus smooth. Encore aujourd’hui j’aime beaucoup ce projet, ce n’était peut être pas aussi réfléchi qu’aujourd’hui mais Moka présentait un côté plus doux, plus retenu et timide de ma personnalité.

Quels sont les thèmes qui t’inspirent et comment écris-tu ?

J’ai toujours écrit sur mes sentiments, les choses qui m’arrivaient. Je ne vais jamais chercher très loin. C’est la vie de tous les jours, l’information que je reçois de mes proches et des médias, tout ce que j’essaie de comprendre et d’intégrer.

Aujourd’hui, le format de l’album semble désuet et de plus en plus d’artistes optent pour des EPs ou des singles…

Je prends mon temps pour un ALBUM. C’est comme pour un bébé. Il a besoin de beaucoup d’amour, de temps, de patience et surtout qu’on soit stable (financièrement parlant) pour pouvoir investir ce qu’il faut. Le format album n’est certainement pas dépassé pour moi. C’est juste une étape qui vient après avoir construit une belle base et un bel environnement autour de mon projet.

En France, les artistes qui ne rappent/chantent pas en français sont pénalisés par une politique de quotas et sont moins programmés et diffusés en radio. Est-ce également le cas en Belgique ?

Je n’ai pas remarqué ça en Belgique, on a plusieurs rappeurs anglophones belges qui passent souvent à la radio !

Nous t’avions interviewée en 2018, au moment de la sortie de Moka, et tu nous disais l’époque que les rappeuses « commençaient à se faire entendre » en Belgique. Où en est-on aujourd’hui ?

Eh bah Miss Angel vient de faire tous les festivals cet été donc ça avance petit à petit et les gens commencent à comprendre et à mettre les femmes et les hommes au même niveau.

Quel a été l’impact de #MeToo en Belgique ? Notamment dans le monde de la musique ?

Je n’ai pas trop fait attention à ce mouvement. Je ne suis pas beaucoup de mouvements extérieurs.  On fait les changements que l’on veut autour de nous, avec les gens que l’on choisit comme proches. Et puis après on essayera de faire des choses encore plus grandes !

Quels sont tes projets avec cet EP ?

Voyager encore une fois, pouvoir faire plein de salles et les infecter avec cette bombe d’énergie. J’espère que mes fellow geeks se sentiront encore plus forts et que je pourrai montrer aux gens qu’être bizarre ou trop en faire, ça n’existe pas. Il n’y a que la liberté qui compte ! Et parfois, il faut se libérer de ses propres chaînes.

Que peut-on te souhaiter pour 2020 ?

Que mon deuxième EP sorte sans problème, que je puisse continuer mon aventure et voir encore plus du monde! Que je puisse encore briser beaucoup de chaînes, que ce soit les miennes ou celles des autres!

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© Rayannohra

Lala &ce en concert à la Wet For Me

Le collectif lesbien et féministe Barbi(e)turix a convié la rappeuse Lala &ce à sa Wet for Me du samedi 11 janvier à La Machine du Moulin Rouge, un événement dont Madame Rap est partenaire !

Figure phare de la scène lesbienne parisienne depuis plus de dix ans, Rag, DJ, programmatrice et directrice artistique de Barbi(e)turix, nous a expliqué pourquoi il était important de mettre en lumière les rappeuses queer et de construire des ponts entre hip hop et électro.

En quoi Lala &ce correspond-elle à l’esprit de la Wet ?

Lala&ce est une artiste qu’on suit de près depuis longtemps chez BBX, nous sommes hyper heureuses de l’accueillir à la Wet For Me. Elle défend un mode de vie, elle n’hésite pas à se mettre en scène avec des femmes et bien sûr elle connaît un certain succès dans la communauté lesbienne & queer :). Au-delà de sa musique, ce sont des qualités 100% wet !

Pourquoi est-il important à tes yeux de mettre des rappeuses queer à l’honneur dans les soirées Barbi(e)turix ? 

C’est important car comme dans tous les milieux musicaux, les femmes sont encore très peu représentées et encore moins les queer. C’est le cas dans la musique électronique et c’est aussi le cas dans le rap. Il y a clairement un mieux depuis quelques années, mais notre mission à nous promoteurs·euses queer est d’offrir un tremplin à des artistes encore trop peu programmées et leur donner de la visibilité.

Chez BBX, on essaie de diversifier les programmations de nos soirées dans ce sens, même si nous sommes plus sensibles à la musique électronique. De plus en plus de filles queer s’essaient au rap et c’est important de les soutenir et de leur donner confiance en elles.

© Marie Rouge
© Marie Rouge

Depuis que tu organises des soirées, quelles évolutions as-tu perçu en termes de représentativité des femmes ?

Nombreux·euses sont les programmateurs·rices qui font attention à la représentativité des femmes dans leur festivals et/ou soirées, c’est un fait. Ça bouge dans le bon sens. Mais on part de tellement loin … donc c’est un travail de tous les jours.

C’est un sujet qui revient souvent, qui en devient presque lassant, on aimerait vraiment passer à autre chose … Mais on ne lâchera rien tant que les programmations seront encore déséquilibrées comme elles le sont aujourd’hui. Tout le monde doit prendre ses responsabilités : les programmateurs·rices, les promoteurs·euses, les directeurs·rices de salles, les médias spécialisés et bien sûr le public : vous, nous, tou·te·s celles et ceux qui en ont aussi peut être marre de voir toujours les mêmes artistes sur le devant de la scène.

Retrouvez l’événement sur Facebook.

D’ de Kabal sort le clip « Séparer l’homme de l’artiste »

Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? Alors que les affaires Polanski et Matzneff démontrent que cette question demeure centrale dans les débats sur les violences sexuelles, le rappeur D’ de Kabal sort un clip pour dénoncer ce traitement de faveur réservé aux artistes accusés de viol tant qu’ils « ne sont pas rappeurs ».

L’artiste, qui prépare un 6e album solo prévu pour le printemps, nous a expliqué ce qui l’avait poussé à aborder cette thématique.

« Janvier 2020, une désagréable impression que cet adage écoeurant est omniprésent. Dans tout un tas de discussions, dans les médias, les réseaux sociaux et autres.

Les nombreuses « affaires » font beaucoup de bruit, chacun·e donne son avis et selon toute vraisemblance invraisemblable, il faudrait donner du crédit à des individus aux comportements problématiques, violents, criminels, au prétexte que ceux-ci sont des artistes.

Ce titre aurait pu sortir, à n’importe quel moment de ce siècle, la problématique n’est pas nouvelle, tout comme les mécanismes de désintégration des victimes présumées ne datent pas d’hier.

Sur les questions de violences sexuelles et/ou sexistes,  les présumés coupables qui ont de la notoriété ont tout un système qui les autorise à continuer d’exercer leurs domination au mépris des victimes présumées. C’est un problème.

Il me semblait important, d’apporter ma contribution en tant qu’homme et en tant qu’artiste : Non, on ne sépare pas. »

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