Pretty Lyon : « Quand les femmes se serrent les coudes, elles peuvent conquérir le monde »

La rappeuse/productrice new-yorkaise Pretty Lyon vient de sortir le single « Trippin », extrait de sa mixtape « Princess of Brooklyn. L’artiste, qui a notamment fait les premières parties de Young Jeezy, Trina et Travis Porter, nous a parlé des femmes, de Brooklyn et de son prochain EP.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

J’ai découvert le hip hop très jeune. J’ai grandi dans les années 1990 et quand j’étais petite, mes deux parents écoutaient du hip hop old school et des sons plus actuels. Qu’on soit en voiture, à la maison ou à un barbecue, on passait du Jay Z, Foxy Brown, DMX, Lil’ Kim, Biggie, The LOX, et plein d’autres. J’ai appris le swag du hip hop, son jargon et ce que ça signifiait pour la culture.

Tu viens de sortir le single « Trippin » extrait de la mixtape « Princess of Brooklyn ». Quelle est l’histoire de ce titre ? 

J’ai eu envie de faire quelques titres qui racontaient une vraie histoire. L’idée de « Trippin » m’est venue après avoir écrit un autre morceau intitulé « Why » (qui n’est pas encore officiellement sorti). « Why » et « Trippin » s’inspirent d’expériences personnelles et d’éléments fictionnels pour pimenter le tout. Pour que les paroles sortent, je dois me mettre dans un état particulier qui permet à mes émotions de s’exprimer de manière brute.

Tu as produit une partie de « Princess of Brooklyn ». Comment es-tu perçue en tant que productrice ?

Etre dans une industrie dominée par les hommes est difficile en soi. Quel que soit ce que tu fais, ce sera 10 fois plus dur si tu es une femme. J’ai plusieurs casquettes et je fais quasiment tout moi-même. En tant que productrice, j’ai été surprise, même très très surprise, de constater que la plupart des gens, tant des hommes que des femmes, respectaient mon oreille et ma capacité à juger la bonne musique.


A quoi ressemble la scène hip hop au féminin à Brooklyn ?

Brooklyn regorge de talents. En fait, j’ai l’impression que les femmes sont en train de s’imposer et envoient du lourd ! Pendant longtemps, nous avons été reléguées au second plan, à moins de faire partie d’une équipe masculine. Maintenant, je vois arriver de plus en plus de femmes en solo qui montrent aux mecs que « We can do it too ! »

Que t’inspirent des mouvements comme la Women’s March et Black Lives Matter ?

Je soutiens ces deux mouvements. Je suis fière d’être une femme noire et je suis fière de le dire aussi souvent que possible. Je trouve ça incroyable que les gens se rassemblent et se battent pour ce qui est juste. Ça n’apportera peut-être pas le changement recherché, mais c’est une étape. Je me trouve régulièrement dans des situations où je suis discriminée parce que je suis une femme, parce que je suis noire, ou les deux. C’est difficile, mais j’ai appris à ne pas laisser ça entraver ma réussite et diminuer ma fierté. Je veux montrer l’exemple. Peu importe ce que les gens disent ou pensent de vous, soyez toujours, toujours, fiers de qui vous êtes.

Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?

Mon premier rôle modèle est ma mère. C’est une femme forte, indépendante et instruite. Elle m’a appris à me battre et à travailler dur pour les choses que je voulais. Elle a toujours été mon plus grand soutien tout en me disant de rester humble et de garder les pieds sur terre. Elle m’a montré, et continue de me montrer, comment affronter les difficultés avec style et grâce.

J’admire aussi beaucoup Oprah Winfrey. Son histoire est puissante et inspirante. Ça me rappelle qu’on est amené à rencontrer des obstacles ou de l’adversité mais que mon plus grand accomplissement sera de les dépasser et de réussir alors que personne ne l’aurait imaginé.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Oui. Je soutiens activement les mouvements pour les droits des femmes. Je crois que quand les femmes se serrent les coudes, elles peuvent conquérir le monde. C’est ce que je pense depuis que j’ai réalisé qu’elles étaient sans cesse montées les unes contre les autres. C’est devenu normal pour elles de ne pas se soutenir mutuellement et d’être en compétition permanente. Je crois que quels que soient notre morphologie, notre race et notre âge, les femmes doivent s’exprimer et être courageuses.  Il y a tellement de choses que la société nous interdit de faire, mais plus nous prenons des risques et lui démontrons qu’elle a tort, plus nous construisons ensemble, plus il est évident que rien ne peut arrêter le pouvoir d’une femme !


Qu’écoutes-tu en ce moment ?

Je m’écoute beaucoup ! : ) Quand je fais du sport, j’écoute Migos et Future. J’aime aussi beaucoup le nouveau projet de Kendrick Lamar. Dans ma playlist, j’ai toujours du Kehlani, du Chris Brown, du Rae Sremmurd et toute ma musique des années 1990.

Quels sont tes projets à venir ?

Je travaille actuellement sur une autre mixtape, mais je me concentre surtout sur mon EP dans lequel je dévoile un côté plus mature et plus intime de moi.

Que penses-tu de Madame Rap ?  Des choses à changer/améliorer ?

Je pense que Madame Rap déchire ! J’adore les projets qui s’adressent aux femmes, particulièrement dans l’art. En tant que femmes, ça nous donne de la reconnaissance et nous pousse à avancer. Continuez comme ça !

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MoniNayo : « Sommes-nous vraiment féministes ou sommes-nous féministes quand ça nous arrange ? »

Madame Rap a interviewé la très prometteuse MoniNayo, rappeuse originaire de Brooklyn désormais basée à West Palm Beach en Floride, et lui a parlé de la Harlem Renaissance, la Women’s March, Black Lives Matter et du pouvoir du vagin !

Quand as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à rapper ?

 J’ai toujours adoré écouter de la musique et en écrire. J’ai commencé à écrire quand j’étais très jeune, mais je m’intéressais davantage au R&B et à la chanson. J’ai toujours écouté du hip hop (surtout 2Pac), mais je n’avais pas envie de rapper à proprement parler. Ce n’est qu’en première année de fac que quelqu’un m’a demandé de rapper et je me suis dit « oh je peux le faire, c’est facile. » J’avais tort parce que j’étais assez mauvaise, mais bien sûr, je l’ignorais à l’époque. Plus tard, j’ai commencé à faire des freestyles sur YouTube. Je me suis fait repérer par un label indé et j’ai en quelque sorte suivi une formation intensive de hip hop. C’est là que je me suis vraiment perfectionnée et que je suis devenue totalement obsédée par le hip hop (je veux dire le vrai hip hop).

En décembre 2015, tu as sorti un album intitulé « Pussy Power: The Plot Thickens » (« Le pouvoir de la chatte : l’histoire se complique »). Quels pouvoirs spéciaux la chatte possède-t-elle à tes yeux ?

Lol. En fait, le titre ne parle pas de « chatte » en tant que telle mais des femmes et du pouvoir des femmes. Le projet débute par ces phrases : « These are the passages I write; about the passages of life. » (« Voici les passages que j’écris ; sur les passages de la vie »).  C’est ce que nous vivons, nous femmes, et ce que nous traversons tout en restant fortes. Le vagin représente le passage de la vie. Il peut supporter tant de douleur, créer la vie, et se rétablir rapidement, alors existe-t-il quelque chose de plus puissant au monde ?

L’un des titres de cet album s’appelle « Harlem Renaissance ». En quoi ce mouvement social et artistique t’a t-il inspiré ?

J’écrivais un papier pour un ami dans le cadre d’un cours de littérature africaine-américaine et lui ai demandé son manuel. J’ai commencé à lire des choses sur la Harlem Renaissance. J’ai tout de suite su que je voulais une chanson qui porte ce nom, c’était une célébration de l’art, de la littérature et de la pensée à une époque où il était très difficile pour des Africains-Américains de recevoir une bonne éducation, alors qu’ils étaient perçus comme tellement classes et dégoûtants à la fois. Harlem était alors comme La Mecque noire des Américains. C’est triste parce que la plupart des gens connaissent très peu la Harlem Renaissance. Je pense que ce n’est pas un sujet jugé suffisamment important pour être enseigné en cours d’histoire au lycée. Mais apparemment, ç’est quand même l’Amérique à vos yeux !

Que penses-tu de mouvements comme la Women’s March et Black Lives Matter ?

Je crois qu’ils ont émergé à un moment bien pratique, c’est-à-dire après des tragédies, qui pourtant, se déroulent tous les jours. Ces combats doivent être menés en dehors d’incidents dramatiques comme Ferguson. J’ai l’impression que nous avons encore tant à faire parce que peu de choses ont changé en réalité. En ce qui concerne la Women’s March, honnêtement, Trump n’est pas le plus grand des désastres (pourtant je ne le soutiens pas). On ne marche pas quand des millions de filles noires se font kidnapper. Si on considère que le fait que l’un des hommes les plus sexistes devienne président est plus important que le fait que la vie de ces filles soit en danger, sommes-nous vraiment féministes ou sommes-nous féministes quand ça nous arrange ?

Qui sont tes rôles modèles féminins ? Pourquoi ?

J’en ai tellement, probablement trop à nommer, mais en voici quelques-unes. Oprah, parce que waouh comment être aussi forte d’esprit ! Venir d’une famille abusive et finir multimilliardaire, c’est incroyable. J’aime Maya Angelou pour les mêmes raisons, elle a dépassé tous ses traumatismes et a su rester positive avant tout. Beyoncé est l’un de mes principaux rôles modèles parce qu’elle a juste tellement la classe, elle n’a jamais sombré dans la bêtise et a bossé comme une malade pour être où elle en est aujourd’hui et se présente comme une reine. Dans le monde du divertissement, elle est clairement l’un des meilleurs rôles modèles que des jeunes filles puissent avoir.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Je pense qu’il y a beaucoup de formes de féminisme dans l’air. Ma définition du féminisme est une complète égalité entre les sexes à tous les niveaux et en ce sens, je suis féministe. J’aime profondément les femmes et j’aime leur rendre hommage parce que on est géniales comme vous le savez lol.

Qu’écoutes-tu en ce moment ?

J’écoute beaucoup le projet de J. Cole « 4 Your Eyez Only », tous les vieux Jay-Z et beaucoup de hip hop old school. J’ai récemment commencé à écouter pas mal de Nas aussi. Je n’avais jamais accroché avant mais depuis peu, j’apprécie différemment sa musique et elle me plaît vraiment.

Quels sont tes projets à venir ?

Je prépare une tournée pour cet été, principalement sur la côte est des Etats-Unis (et en Californie) et j’espère que tout ça va bien se goupiller. Je suis aussi en train d’enregistrer mon prochain projet, qui devrait être bientôt terminé. Je sais déjà comment il va s’appeler mais je ne veux pas en dire plus pour le moment !

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

J’adore le fait que Madame Rap s’intéresse aux femmes dans le hip hop parce que nous n’avons pas la place que nous méritons dans cette industrie dominée par les hommes et il y a très peu de rappeuses grand public. C’est drôle parce que ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas, mais c’est juste parce que c’est comme ça que l’industrie fonctionne aujourd’hui ! Le seul conseil que je pourrais vous donner serait de continuer à exister et à grossir pour que de plus en plus de gens découvrent les talents incroyables des dames du hip hop que vous mettez en avant. Parce que nous en avons grandement besoin en ce moment.

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Nouveau clip – « Tollbooth » de Blimes Brixton

La rappeuse de Los Angeles Blimes Brixton sort le clip « Tollbooth » !
Produit par le Californien Chase Moore et featuring illmac (Portland, Oregon) et Bobby Bucher (North Hollywood), cet titre nous offre un avant-goût alléchant du prochain album de la MC intitulé « Castle« .

Nouveau clip – « Little Sabrina » de Red Shaydez

« Red Shaydez sort le vidéo « Little Sabrina » !

Plus qu’un simple clip, c’est un véritable mini-film que la rappeuse de Boston propose ici pour accompagner son titre qui retrace le parcours d’une adolescente influençable et confrontée à la pression de son entourage.

« Little Sabrina » a été composé pour la compilation de Madame Rap « Still I Rise« , sortie en novembre 2016, qui rassemble 10 MCs internationales mobilisées contre les violences faites aux femmes.

Toya Delazy : « Je n’ai pas envie qu’on me pose des questions sur mon apparence et ma sexualité »

Madame Rap a rencontré Toya Delazy à Paris, lors de sa participation à notre Madame Rap Cypher au Terrass Hôtel. La rappeuse sud africaine nous a parlé de sa nouvelle mixtape « Jet Lag », de sa vie à Londres et de son prochain album. 

Comment as-tu vécu ce Madame Rap Cypher avec Lor’a Yéniche, Hechi MC et Dinamita ?

J’ai adoré ! Même si je suis habituée aux freestyles, j’étais un peu stressée. J’ai trouvé que chacune avait son propre style et c’est ce que j’aime dans le rap. Le simple fait de sentir leur flow, même si je ne comprenais pas la langue, était génial. Ça m’a fait réaliser que les femmes sont bien là et qu’il faut qu’on en fasse quelque chose.

Tu viens de sortir la mixtape « Jet Lag », qui est ton premier projet depuis 2015. Que s’est-il passé pendant ces deux années ?

J’étais coincée dans un contrat avec mon ancien label et ne pouvais pas m’exprimer comme je le souhaitais. J’ai dû patienter et me retrouver. J’ai appris à mieux me connaître, à mieux définir ce que j’aimais et ce que je pensais. C’est un drôle de processus. Pendant cette période, de nombreux artistes m’ont envoyé des titres et j’ai fini par avoir un grand nombre de chansons en attente sur mon disque dur.

Comment définirais-tu ce projet à des gens qui ne connaissent pas ta musique ?

C’est un mélange de jazz, d’électro et de hip hop. Ecoutez le !

Avec qui as-tu travaillé ?

J’ai produit le titre « Mgani Wami » en featuring avec Moonchild. On l’a enregistré dans un entrepôt à Johannesbourg et on ressent bien cette ambiance. J’ai aussi collaboré avec le producteur américain Synesthetic, qui m’a envoyé de nombreux beats. Il a notamment composé « Do It For You » et « Boss Bitch ». EW, de Pologne, et Ameen, de Cape Town, ont aussi produit plusieurs morceaux.

Certains de tes titres, notamment « Kangaroo », font penser à Missy Elliott…

Si mon son peut avoir la même énergie, je suis ravie ! J’adore sa musique, elle est dingue et imaginative. J’ai envie que mes morceaux passent aussi en club, donc la comparaison est cool.

Pourquoi le titre « Jet Lag » (= décalage horaire) ?

Parce que j’ai beaucoup voyagé et j’ai écrit la plupart des titres dans l’avion. Aussi, « Jet Lag » parle de changement et du fait de ne pas toujours réussir à s’y adapter. Je me suis dit que j’étais une jet-setteuse qui s’était retrouvée confrontée à un changement de statut, de star de la pop à rappeuse qui ne veut pas être une poupée. J’aime la pop et ne vais pas cracher dessus, mais tu ne peux pas être coincée dans un certain style et interdite d’explorer un autre espace. J’avais 21 ans à l’époque et j’ai 27 ans maintenant, j’ai grandi.

Il y a deux ans, tu as quitté l’Afrique du Sud pour t’installer à Londres. Pourquoi ce choix ?

J’avais besoin d’une pause. Je suis partie d’Afrique du Sud pour tenter une expérience nouvelle et me redécouvrir. J’ai mis toutes mes affaires dans un box à Cape Town et j’ai déménagé. J’y retourne régulièrement, mais je pense que partir est la meilleure chose qui me soit arrivée. Au début, c’était difficile parce que tout était différent. Je n’habitais plus au bord de la mer, j’ai même perdu mon teint ! Je comprends le concept de bronzage maintenant ! Mais je n’ai aucun regret. C’est tellement beau d’explorer et de ne pas trop se prendre au sérieux.

Quelles différences perçois-tu entre la scène hip hop au féminin en Afrique du Sud et au Royaume-Uni ?

Au Royaume-Uni, même si cette scène n’est pas énorme, il se passe des choses, avec des artistes comme Lady Leshurr ou Little Simz. Mais en Afrique de Sud, il y a très peu de femmes capables de remplir une salle de concerts. C’est un milieu très largement dominé par les hommes. J’ai l’impression qu’au Royaume-Uni, c’est une question de talent alors qu’en Afrique du Sud les filles doivent faire les potiches pour attirer l’attention. Les femmes avec lesquelles je travaille ne sont pas ce type de filles. Elles n’essaient pas de démontrer quoi que ce soit. Elles sont juste douées et font leur truc, mais il leur manque une plateforme pour s’exprimer. Là-bas, tu te fais juger avant même que tu aies pu montrer ce que tu valais. Par exemple on te dit : « Pourquoi tu ressembles à un mec ? » Je n’ai pas envie qu’on me pose des questions sur mon apparence et ma sexualité. C’est vraiment dur d’être une femme en Afrique. Je me sens plus en sécurité au Royaume-Uni. Je peux être moi-même.

Nous t’avions interviewée en juin 2016, quand tu venais de lancer Klutch Kollective, premier groupe de rap féminin en Afrique du Sud. Où en est ce projet aujourd’hui ?

On a travaillé sur un EP et j’ai produit des titres pour elles. Elles sont incroyables. Elles ont travaillé avec des artistes américains et enregistré des morceaux de ouf, que vous entendrez cette année si tout va bien !

Quels sont tes projets à venir ?

La mixtape a reçu un très bel accueil, ça me fait super plaisir. Sinon, je travaille sur mon album. Je suis venue à Paris pour enregistrer un titre avec KillASon. On a déjà beaucoup discuté mais je suis impatiente de le rencontrer !

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Stéphane Amiel : « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer la diversité des modèles féminins »

Madame Rap a rencontré Stéphane Amiel à l’occasion du concert de Sônge et Little Simz à La Gaîté Lyrique à Paris. Le fondateur et programmateur des Femmes S’en Mêlent (LFSM) nous a parlé des 20 ans du festival, de la difficulté de monter un tel événement aujourd’hui et de sa collaboration avec Barbieturix.

Qu’est ce qui a changé depuis les débuts du festival il y a vingt ans ?

Quand j’ai commencé le festival, 80% de la programmation était mes artistes. Maintenant qu’Imperial Prod n’existe plus et que je ne suis plus agent d’artistes, je suis beaucoup plus détendu. Je suis prêt à aller partager, à défendre des projets à droite à gauche et je regarde moins ce que fait le voisin.

Les premières années, on était tout le temps complet parce qu’il y avait moins de concurrence à l’époque. Lors de la troisième édition, on a programmé Kim Gordon, Electrelane, Feist, Metric, Le Tigre, M.I.A… C’est plus compliqué aujourd’hui. Il faut penser différemment. Je me demande toujours si j’ai la bonne programmation !

Les gens ont peut-être envie d’écouter autre chose que du rock…

Oui, on est dans une période charnière. Ce qui excite les gens aujourd’hui, c’est la musique hybride, plus urbaine, hip hop, avec des mélanges. L’indé périclite. Ce n’est pas évident pour moi parce que je viens de l’indé et je booke parfois des artistes qui ont le cul entre quatre chaises. Par exemple, Emily Wells, qui fait à la fois de l’expérimental et de l’indé, c’est beau, onirique, ça pourrait plaire, mais c’est dur à cataloguer.

Quel regard portes-tu sur les autres festivals musicaux dédiés aux femmes ?

Il existe très peu de festivals musicaux dédiés aux femmes aujourd’hui. J’étais étonné de voir que Elfondurcok en était à sa 22e édition parce que tous les festivals, comme Muzik’elles à Meaux, se cassent la gueule faute de subventions ou lâchent l’affaire au bout d’un moment. LFSM a cette longévité parce qu’on fait preuve d’acharnement. Je peux commencer le festival avec zéro euro, en partant bille en tête et en me disant que je trouverai bien un moyen de le monter. Je le fais avec passion.

En quoi LFSM est-il unique ?

LFSM est à l’image des artistes que je programme : il est indé. Il prend des risques et essaie d’être précurseur. Je demande souvent aux artistes ce que jouer aux Femmes S’en Mêlent représente pour elles et elles me répondent que c’est important, qu’elles se sentent valorisées et bien accueillies. On a créé une communauté, une famille, d’artistes, où on défend toutes et tous la même chose, à savoir, une nouveauté, une fraîcheur et la volonté de sortir des sentiers battus. C’est pour ça que le festival reste malgré tout dans une sphère intimiste.

Ce qui m’intéresse, c’est de montrer toutes ces facettes et la diversité des modèles féminins. On peut passer de l’Islandaise Soley à la rappeuse Little Simz, puis à Michelle Gurevich, artiste mature de cabaret lynchien mais soviétique et Rebeka Warrior de Sexy Sushi, plus militante.

Aussi, c’est un festival itinérant, ce qui fait sa force. Ça permet à ces femmes artistes de se rencontrer dans un autre cadre. Elles partagent souvent beaucoup de choses sur les tournées.

En quoi la situation des femmes a-t-elle évolué ?

Ce qui m’a marqué cette année, c’est la parité dans le groupes. Hurray for the Riff Raff étaient trois filles et deux garçons, Pi Ja Ma, trois filles, un garçon, Michelle Gurevich, trois filles, un garçon. A la basse, à la batterie, partout ! Les choses bougent mais les groupes 100% féminins, comme The Organ, Chastity Belt ou Warpaint, restent rares.

Comment trouves-tu ces artistes ?

Je reçois tellement de projets et de propositions ! J’ai des sympathisants dans chaque pays, des gens à qui je fais confiance. Certaines artistes qui ont été programmées nous recommandent à d’autres. Par exemple, Metric a joué au festival parce que Feist leur en avait parlé. C’est comme ça qu’ils ont fait leur première date en France.

Que bilan tires-tu de cette 20e édition ?

On ne fait pas le bilan mais on s’ouvre et on se tourne vers l’avenir. Il est temps d’intégrer d’autres choses et de se réadapter. Par exemple, notre collaboration avec Barbieturix était cool parce qu’elle nous a emmenés ailleurs. Avec Rag, j’ai trouvé une autre vraie passionnée de musique, qui vient autant aux concerts d’électro que de folk et qui aime toute la musique dans son ensemble. 

Qu’attendre de l’édition 2018 ? 

L’idée serait de développer plus de collaborations, d’organiser des soirées où on sait qu’on est au bon endroit avec les bonnes personnes. Il faudrait qu’on soit moins isolé.

J’adorerais être deux ou trois soirs dans un même lieu avec plusieurs scènes. Organiser plusieurs soirées successives peut conduire à perdre du public. Alors que l’idée d’un festival c’est ça : se dire que même si tu n’aimes pas le métal, tu peux tomber par hasard sur un groupe que tu n’étais pas venu écouter et te laisser séduire. Mais j’aime le côté DIY de ce festival et je n’ai pas envie qu’il devienne trop institutionnel.

Cette année, j’ai essayé d’avoir Beth Ditto comme marraine et on m’a dit non, alors qu’elle vient jouer à Paris au mois d’avril… Ce milieu me rend triste et au final, je ne l’aime pas. C’est pour ça que j’adore mon indépendance. Parfois c’est la lose, mais au moins c’est de la lose flamboyante !

Retrouvez Les Femmes s’en Mêlent en tournée en France jusqu’au 10 juin 2017, sur leur siteFacebookTwitter et Instagram.

Nouveau single – « Nubes » de Niña Dioz


Niña Dioz sort le titre « Nubes » featuring Shigeto !
La MC mexicaine basée à Los Angeles et l’artiste nippo-américain de Detroit, signé sur le célèbre label électro Ghostly, ont enregistré le morceau à Joshua Tree dans le cadre d’un programme lancé par Smirnoff Sound Collective.

Madame Rap Cypher au Terrass Hôtel

Madame Rap a organisé son premier Madame Rap Cypher au Terrass Hôtel à Paris avec 4 rappeuses internationales :

Hechi MC ( Chili )
Toya Delazy ( Afrique du Sud )
Dinamita ( Costa Rica )
Lor’a Yéniche ( Metz / France)
et la DJ Emeraldia Ayakashi aux platines !

Retrouvez les vidéos du cypher sur YouTube :

Sônge : « Je ne mets pas forcément mon genre en avant »

Madame Rap a interviewé la chanteuse Sônge quelques minutes avant qu’elle ne monte sur la scène de La Gaîté Lyrique, en première partie de la rappeuse britannique Little Simz dans le cadre du festival Les Femmes S’en Mêlent à Paris. L’artiste électro R&B nous a parlé genre, synesthésie et Rihanna !

Retrouvez Sônge sur Facebook et Twitter.

Chilla : « Je ne suis pas dit : je vais faire du rap féministe »

Madame Rap a rencontré la rappeuse Chilla à Paris et a discuté de son parcours, ses projets, son dernier clip « Sale Chienne », l’invisibilité des femmes dans le hip hop en France, le féminisme et le sexisme.

Retrouvez Chilla sur Facebook, YouTube, Twitter et Instagram

The Sorority : « Nous sommes tellement plus que des corps et nos rimes le prouvent »

The Sorority s’est fait connaître en sortant une reprise de « Ladies Night » de Lil’ Kim à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes. Madame Rap a parlé féminisme et hip hop au féminin avec les quatre rappeuses du groupe Keysha Fresh, Lex Leosis, Haviah Mighty et pHoenix Pagliacci.

Quand et comment avez-vous fondé The Sorority ?

 Juste après avoir tourné notre Cypher « TeamBackPack » pour la Journée Internationale des Droits des Femmes en 2016. Nous avons reçu tellement de soutiens et de demandes que nous avons décidé de former un groupe. Nous avons joué un peu avec cette idée avant de l’officialiser en novembre 2016.

Pourquoi avoir choisi de reprendre « Ladies Night » ? Qu’est-ce que ce titre représente pour vous ?

C’était une idée que nous avions depuis longtemps sans savoir quoi en faire, alors quand on a formé le groupe c’était parfait. Le morceau original de 1997 valorise l’unité entre rappeuses et on voulait remettre ce message au goût du jour.

D’après vous, que doit-on encore changer pour améliorer la situation des femmes dans le hip hop ? Et dans la société ?

Keysha : L’idée fausse selon laquelle le sexe fait vendre. Nous sommes tellement plus que des corps et nos rimes le prouvent.

pHoenix : Il faut arrêter de discriminer les femmes dans le hip hop surtout par rapport à leurs textes et leur contenu. Nous sommes obligées de rentrer dans des moules invisibles, que des rappeuses comme Remy Ma et Young M.A. parviennent à briser. Les femmes peuvent parler de violence et de sexe sans être « trop masculines ». De la même manière, les hommes peuvent parler de leurs sentiments et de relations amoureuses sans être « trop féminins ». La société a beaucoup avancé, mais on a encore un long chemin à parcourir.

Haviah : Le hip hop n’offre pas suffisamment d’opportunités aux femmes et manque de solidarité féminine. Il y a moins de promoteurs de concerts, de bookeurs, d’agences et de managers pour les rappeuses. Et le peu qui parviennent à passer entre les mailles du filet se battent souvent pour rester les seules dans cette position qu’elles ont si difficilement obtenue. Il faut programmer plus de femmes sur les scènes, dans les festivals, avoir plus d’ingénieures, de femmes qui enroulent des câbles en studio, plus de femmes partout ! Les entreprises doivent recruter activement des femmes, considérer des services fournis par des femmes et le préconçu selon lequel les femmes et les hommes devraient s’engager dans certains domaines doit disparaître. Une fois que ce sera la cas, nous verrons clairement qu’il y a de la place pour tout le monde et nous pourrons alors travailler ensemble, promouvoir des messages similaires et atteindre des buts communs.

Lex : Pensez à nous pour les festivals, programmez nous en tête d’affiche. Il y a tellement de femmes talentueuses qui passent des tonnes d’heures à bosser leur art.

Vous définissez-vous comme féministes ? Pourquoi ?

pHoenix :  Je suis super féministe. Je suis pour que les femmes travaillent ensemble, bousculent les rôles de genre et les mythes d’effacement, s’imposent dans des univers dominés par les hommes, soient payées équitablement, partagent les rôles reproductifs et parentaux avec les hommes, soient capables de briser le plafond de verre du sexisme, des abus et de l’irrespect. Je suis assurément Team Feminist !

Haviah : Je ne me suis jamais définie comme féministe, bien que je croie en l’égalité pour les femmes, l’égalité salariale, et la majorité des sujets qui généralement désignés comme étant féministes. Je soutiens aussi les droits de Noir.e.s, des enfants, des indigènes. En tant que femme, un grand nombre de mes actes ont une visée féministe car je suis constamment en train de repousser les limites, me mettre dans des positions dans lesquelles de nombreuses femmes seraient mal à l’aise et intégrer des femmes comme moi là où nous l’avons décidé. Mais je soutiens tout le monde, surtout les défavorisé.e.s et ce, quel que soit le domaine. Et je ne colle pas d’étiquettes.

Keysha : Personnellement non, bien que je croie en l’égalité.

Lex : Je pense que le terme « féministe » a une connotation tellement péjorative auprès des gens que je ne connais même plus la vraie signification du mot. Mais si « féministe » signifie se battre pour les femmes, être fière d’être une femme et vouloir être jugée de la même manière que nos frères dans le hip hop, alors oui, je suis féministe.

A quoi ressemble la scène hip hop au féminin à Toronto ?

Lex : Elle est en plein essor. Tant de talent. Tant de voix de femmes véritablement dédiées à leur art.

Keysha : Il y a de nombreuses femmes qui sont très talentueuses et beaucoup de camaraderie. La plupart d’entre nous essayons de nous soutenir mutuellement de manières différentes.

pHoenix : Malgré tout, cette scène est éparpillée, outre les événements consacrés aux femmes. La plupart des artistes travaillent seules sur leurs propres projets solo. Il n’y a pas de haine ou d’aversion, ce qui est cool. Juste pas beaucoup d’unité, hormis dans les shows 100% féminins.

Haviah :  Une poignée de filles font leur truc en indépendante. Certaines artistes super douées assurent grave. Il faut juste que les publics potentiels ouvrent les yeux, viennent aux concerts et voient ce que je vois. Il faudrait aussi que les femmes dans le hip hop travaillent plus ensemble, au lieu de toujours collaborer avec un homologue masculin.

Qui sont vos rôles modèles féminins et pourquoi ?

pHoenix :  Mes rôles modèles féminins sont DJ MelBoogie, une légende à Toronto qui me rappelle qu’on peut tout faire (travailler de 9h à 17h, être parent et être DJ). J’admire aussi beaucoup Eternia et Michie Mee, deux légendes de la scène canadienne qui m’ont montré la voie. Aussi Janelle Monàe, humble, modeste et qui déchire tout. Roxanne Shante, la première femme à avoir dépassé les lignes du genre dans le hip hop américain. J’ai plein de rôles modèles ! Lol.

Keysha Queen Latifah est un grand modèle pour moi. Elle possède plusieurs entreprises, produit des films et de la musique. Elle ne se cantonne pas à une seule chose. J’adore. J’aspire à être comme ça.

Haviah : Aussi cucul que cela puisse paraître, ma mère et mes sœurs sont mes premiers rôles modèles féminins. Elles m’ont montré ce que signifiait le fait d’ouvrir de nouveaux horizons. Exploite un talent, pratique le, crée un projet qui se sert de ce talent et sors-le. C’est comme ça que tu ouvres de nouveaux horizons. On ne m’a jamais donné de formule toute faite, mais on m’a apporté du soutien au cours de ce processus et on m’a toujours rappelé mes responsabilités. C’est grâce à elles que je suis capable de jongler entre un job à plein temps et le management de ma carrière.

Lex : Je dirais que chaque femme court après un rêve. Ça a l’air super ringard mais je le pense vraiment au plus profond de mon âme. Que ce soit chez les femmes de ma famille, les rappeuses, les femmes de « carrière » ou les femmes au foyer, rien n’arrête une femme passionnée.

Qu’écoutez-vous en ce moment ?

Lex : Beaucoup de grime. Le nouvel album de Stormzy est génial. J’écoute aussi en boucle le nouvel opus de Jidenna.

Haviah : Mon album vient de sortir donc je ne suis pas objective : j’écoute «Flower City» de Haviah Mighty ! Drake vient de sortir « More Life » et j’essaie de me faire un avis sur cette « playlist ». Le nouveau Big Sean est cool aussi. En fait, je bidouille sur Spotify et cherche à trouver des nouveaux sons. « On My Grind » de Tunji Ige est mortel. Je suis tombée dessus il y a deux semaines.

Keysha : J’écoute beaucoup Popcaan, Charly Black et Chronixx.

pHoenix : J’écoute tout ce qui sort. Le nouveau Drake, le nouveau Future, le nouveau Migos, le nouveau Thundercat. Si c’est nouveau, j’écoute.

Quels sont vos projets à venir ?

Keysha : Je travaille sur différents projets avec plusieurs artistes avec qui je collabore.

pHoenix : Mon prochain projet s’appelle « TRP.P ». Il s’agit d’une collaboration de production/chanson avec TRuss, un producteur/auteur/chanteur de Toronto. Ça va être du lourd et ça sort en octobre.

Haviah : Je viens de sortir mon cinquième EP solo « Flower City » le 10 mars dernier.

Lex : The Sorority travaille dur sur de nouveaux titres et mon projet solo « Tomboy » sortira au printemps avec du merchandising et des vidéos !

Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

pHoenix : J’aime le fait que le site montre la diversité du hip hop. Bien que vous vous focalisiez sur les femmes, ce que J’ADORE, vous vous focalisez aussi sur les différents styles, couleurs, thématiques et personnalités des femmes. Ça couvre vraiment tout le spectre sans nous cataloguer. J’aime beaucoup. Bon boulot !

Haviah : Je kiffe ! Apparemment, nous partageons un même but : créer de la solidarité et de l’unité entre femmes dans le hip hop et une plateforme qui leur permet de briller hors des cadres et au-delà des frontières. Je suis à fond, continuez à déchirer !

Lex : Je suis d’accord avec Haviah !

Keysha : Continuez le super boulot, vous assurez grave !

Retrouvez The Sorority sur leur siteFacebookSoundcloud et Twitter.

Nouveau clip – « Sale chienne » de Chilla

Découvrez le nouveau clip de Chilla « Sale chienne » !

Dans cette vidéo en noir et blanc 100% féminin, Chilla dénonce la stigmatisation des femmes et la misogynie de la société avec des lyrics explicites comme « J’aurais beau tarté des milliers d’MCS, les femmes ne s’raient bonnes qu’à la vaisselle » ou encore « Si tu fais des tunes, t’es une salope, même avec un pull, t’es une salope« .

Après « Si j’étais un homme« , qui abordait le thème des violences faites aux femmes, notamment du harcèlement de rue et des violences conjugales, la rappeuse de 22 ans originaire de Gex, près de Lyon, s’inscrit avec « Sale chienne » dans une démarche ouvertement féministe. La preuve une fois de plus que les femmes issues de la génération Y insufflent un vent de renouveau sur le rap français.

Retrouvez Chilla sur Facebook, YouTube, Twitter et Instagram

Jeu concours – Les Femmes S’en Mêlent x Madame Rap

Madame Rap vous fait gagner 3×2 places pour le concert de la rappeuse britannique Little Simz jeudi 30 mars à La Gaîté Lyrique à Paris, dans le cadre du festival Les Femmes S’en Mêlent !

Pour participer, il vous suffit de répondre aux trois questions ci-dessous et d’envoyer vos réponses à madamerap@gmail.com (OBJET : Jeu concours LFSM). Les trois gagnant.e.s seront tiré.e.s au sort. Go !

1. En quelle année le festival Les Femmes S’en Mêlent a-t-il été lancé ? 

a) 2007

b) 2000

c) 1997

2. Quel est le surnom de Little Simz ? 

a) Bart Simpson

b) Bars Simzson

c) Lisa Simzson

3. En décembre 2016, Little Simz a sorti l’album « Stillness in Wonderland » inspiré d’un livre. Lequel ? 

a) Alice au Pays des Merveilles

b) Cendrillon

c) Le Chat Botté

BilleterieSite Officiel du festival / Facebook du festival