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The Sorority : « Nous sommes tellement plus que des corps et nos rimes le prouvent »

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The Sorority s’est fait connaître en sortant une reprise de « Ladies Night » de Lil’ Kim à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes. Madame Rap a parlé féminisme et hip hop au féminin avec les quatre rappeuses du groupe Keysha Fresh, Lex Leosis, Haviah Mighty et pHoenix Pagliacci.

Quand et comment avez-vous fondé The Sorority ?

 Juste après avoir tourné notre Cypher « TeamBackPack » pour la Journée Internationale des Droits des Femmes en 2016. Nous avons reçu tellement de soutiens et de demandes que nous avons décidé de former un groupe. Nous avons joué un peu avec cette idée avant de l’officialiser en novembre 2016.

Pourquoi avoir choisi de reprendre « Ladies Night » ? Qu’est-ce que ce titre représente pour vous ?

C’était une idée que nous avions depuis longtemps sans savoir quoi en faire, alors quand on a formé le groupe c’était parfait. Le morceau original de 1997 valorise l’unité entre rappeuses et on voulait remettre ce message au goût du jour.

D’après vous, que doit-on encore changer pour améliorer la situation des femmes dans le hip hop ? Et dans la société ?

Keysha : L’idée fausse selon laquelle le sexe fait vendre. Nous sommes tellement plus que des corps et nos rimes le prouvent.

pHoenix : Il faut arrêter de discriminer les femmes dans le hip hop surtout par rapport à leurs textes et leur contenu. Nous sommes obligées de rentrer dans des moules invisibles, que des rappeuses comme Remy Ma et Young M.A. parviennent à briser. Les femmes peuvent parler de violence et de sexe sans être « trop masculines ». De la même manière, les hommes peuvent parler de leurs sentiments et de relations amoureuses sans être « trop féminins ». La société a beaucoup avancé, mais on a encore un long chemin à parcourir.

Haviah : Le hip hop n’offre pas suffisamment d’opportunités aux femmes et manque de solidarité féminine. Il y a moins de promoteurs de concerts, de bookeurs, d’agences et de managers pour les rappeuses. Et le peu qui parviennent à passer entre les mailles du filet se battent souvent pour rester les seules dans cette position qu’elles ont si difficilement obtenue. Il faut programmer plus de femmes sur les scènes, dans les festivals, avoir plus d’ingénieures, de femmes qui enroulent des câbles en studio, plus de femmes partout ! Les entreprises doivent recruter activement des femmes, considérer des services fournis par des femmes et le préconçu selon lequel les femmes et les hommes devraient s’engager dans certains domaines doit disparaître. Une fois que ce sera la cas, nous verrons clairement qu’il y a de la place pour tout le monde et nous pourrons alors travailler ensemble, promouvoir des messages similaires et atteindre des buts communs.

Lex : Pensez à nous pour les festivals, programmez nous en tête d’affiche. Il y a tellement de femmes talentueuses qui passent des tonnes d’heures à bosser leur art.

Vous définissez-vous comme féministes ? Pourquoi ?

pHoenix :  Je suis super féministe. Je suis pour que les femmes travaillent ensemble, bousculent les rôles de genre et les mythes d’effacement, s’imposent dans des univers dominés par les hommes, soient payées équitablement, partagent les rôles reproductifs et parentaux avec les hommes, soient capables de briser le plafond de verre du sexisme, des abus et de l’irrespect. Je suis assurément Team Feminist !

Haviah : Je ne me suis jamais définie comme féministe, bien que je croie en l’égalité pour les femmes, l’égalité salariale, et la majorité des sujets qui généralement désignés comme étant féministes. Je soutiens aussi les droits de Noir.e.s, des enfants, des indigènes. En tant que femme, un grand nombre de mes actes ont une visée féministe car je suis constamment en train de repousser les limites, me mettre dans des positions dans lesquelles de nombreuses femmes seraient mal à l’aise et intégrer des femmes comme moi là où nous l’avons décidé. Mais je soutiens tout le monde, surtout les défavorisé.e.s et ce, quel que soit le domaine. Et je ne colle pas d’étiquettes.

Keysha : Personnellement non, bien que je croie en l’égalité.

Lex : Je pense que le terme « féministe » a une connotation tellement péjorative auprès des gens que je ne connais même plus la vraie signification du mot. Mais si « féministe » signifie se battre pour les femmes, être fière d’être une femme et vouloir être jugée de la même manière que nos frères dans le hip hop, alors oui, je suis féministe.

A quoi ressemble la scène hip hop au féminin à Toronto ?

Lex : Elle est en plein essor. Tant de talent. Tant de voix de femmes véritablement dédiées à leur art.

Keysha : Il y a de nombreuses femmes qui sont très talentueuses et beaucoup de camaraderie. La plupart d’entre nous essayons de nous soutenir mutuellement de manières différentes.

pHoenix : Malgré tout, cette scène est éparpillée, outre les événements consacrés aux femmes. La plupart des artistes travaillent seules sur leurs propres projets solo. Il n’y a pas de haine ou d’aversion, ce qui est cool. Juste pas beaucoup d’unité, hormis dans les shows 100% féminins.

Haviah :  Une poignée de filles font leur truc en indépendante. Certaines artistes super douées assurent grave. Il faut juste que les publics potentiels ouvrent les yeux, viennent aux concerts et voient ce que je vois. Il faudrait aussi que les femmes dans le hip hop travaillent plus ensemble, au lieu de toujours collaborer avec un homologue masculin.

Qui sont vos rôles modèles féminins et pourquoi ?

pHoenix :  Mes rôles modèles féminins sont DJ MelBoogie, une légende à Toronto qui me rappelle qu’on peut tout faire (travailler de 9h à 17h, être parent et être DJ). J’admire aussi beaucoup Eternia et Michie Mee, deux légendes de la scène canadienne qui m’ont montré la voie. Aussi Janelle Monàe, humble, modeste et qui déchire tout. Roxanne Shante, la première femme à avoir dépassé les lignes du genre dans le hip hop américain. J’ai plein de rôles modèles ! Lol.

Keysha Queen Latifah est un grand modèle pour moi. Elle possède plusieurs entreprises, produit des films et de la musique. Elle ne se cantonne pas à une seule chose. J’adore. J’aspire à être comme ça.

Haviah : Aussi cucul que cela puisse paraître, ma mère et mes sœurs sont mes premiers rôles modèles féminins. Elles m’ont montré ce que signifiait le fait d’ouvrir de nouveaux horizons. Exploite un talent, pratique le, crée un projet qui se sert de ce talent et sors-le. C’est comme ça que tu ouvres de nouveaux horizons. On ne m’a jamais donné de formule toute faite, mais on m’a apporté du soutien au cours de ce processus et on m’a toujours rappelé mes responsabilités. C’est grâce à elles que je suis capable de jongler entre un job à plein temps et le management de ma carrière.

Lex : Je dirais que chaque femme court après un rêve. Ça a l’air super ringard mais je le pense vraiment au plus profond de mon âme. Que ce soit chez les femmes de ma famille, les rappeuses, les femmes de « carrière » ou les femmes au foyer, rien n’arrête une femme passionnée.

Qu’écoutez-vous en ce moment ?

Lex : Beaucoup de grime. Le nouvel album de Stormzy est génial. J’écoute aussi en boucle le nouvel opus de Jidenna.

Haviah : Mon album vient de sortir donc je ne suis pas objective : j’écoute «Flower City» de Haviah Mighty ! Drake vient de sortir « More Life » et j’essaie de me faire un avis sur cette « playlist ». Le nouveau Big Sean est cool aussi. En fait, je bidouille sur Spotify et cherche à trouver des nouveaux sons. « On My Grind » de Tunji Ige est mortel. Je suis tombée dessus il y a deux semaines.

Keysha : J’écoute beaucoup Popcaan, Charly Black et Chronixx.

pHoenix : J’écoute tout ce qui sort. Le nouveau Drake, le nouveau Future, le nouveau Migos, le nouveau Thundercat. Si c’est nouveau, j’écoute.

Quels sont vos projets à venir ?

Keysha : Je travaille sur différents projets avec plusieurs artistes avec qui je collabore.

pHoenix : Mon prochain projet s’appelle « TRP.P ». Il s’agit d’une collaboration de production/chanson avec TRuss, un producteur/auteur/chanteur de Toronto. Ça va être du lourd et ça sort en octobre.

Haviah : Je viens de sortir mon cinquième EP solo « Flower City » le 10 mars dernier.

Lex : The Sorority travaille dur sur de nouveaux titres et mon projet solo « Tomboy » sortira au printemps avec du merchandising et des vidéos !

Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

pHoenix : J’aime le fait que le site montre la diversité du hip hop. Bien que vous vous focalisiez sur les femmes, ce que J’ADORE, vous vous focalisez aussi sur les différents styles, couleurs, thématiques et personnalités des femmes. Ça couvre vraiment tout le spectre sans nous cataloguer. J’aime beaucoup. Bon boulot !

Haviah : Je kiffe ! Apparemment, nous partageons un même but : créer de la solidarité et de l’unité entre femmes dans le hip hop et une plateforme qui leur permet de briller hors des cadres et au-delà des frontières. Je suis à fond, continuez à déchirer !

Lex : Je suis d’accord avec Haviah !

Keysha : Continuez le super boulot, vous assurez grave !

Retrouvez The Sorority sur leur siteFacebookSoundcloud et Twitter.

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