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Stéphane Amiel : « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer la diversité des modèles féminins »

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Madame Rap a rencontré Stéphane Amiel à l’occasion du concert de Sônge et Little Simz à La Gaîté Lyrique à Paris. Le fondateur et programmateur des Femmes S’en Mêlent (LFSM) nous a parlé des 20 ans du festival, de la difficulté de monter un tel événement aujourd’hui et de sa collaboration avec Barbieturix.

Qu’est ce qui a changé depuis les débuts du festival il y a vingt ans ?

Quand j’ai commencé le festival, 80% de la programmation était mes artistes. Maintenant qu’Imperial Prod n’existe plus et que je ne suis plus agent d’artistes, je suis beaucoup plus détendu. Je suis prêt à aller partager, à défendre des projets à droite à gauche et je regarde moins ce que fait le voisin.

Les premières années, on était tout le temps complet parce qu’il y avait moins de concurrence à l’époque. Lors de la troisième édition, on a programmé Kim Gordon, Electrelane, Feist, Metric, Le Tigre, M.I.A… C’est plus compliqué aujourd’hui. Il faut penser différemment. Je me demande toujours si j’ai la bonne programmation !

Les gens ont peut-être envie d’écouter autre chose que du rock…

Oui, on est dans une période charnière. Ce qui excite les gens aujourd’hui, c’est la musique hybride, plus urbaine, hip hop, avec des mélanges. L’indé périclite. Ce n’est pas évident pour moi parce que je viens de l’indé et je booke parfois des artistes qui ont le cul entre quatre chaises. Par exemple, Emily Wells, qui fait à la fois de l’expérimental et de l’indé, c’est beau, onirique, ça pourrait plaire, mais c’est dur à cataloguer.

Quel regard portes-tu sur les autres festivals musicaux dédiés aux femmes ?

Il existe très peu de festivals musicaux dédiés aux femmes aujourd’hui. J’étais étonné de voir que Elfondurcok en était à sa 22e édition parce que tous les festivals, comme Muzik’elles à Meaux, se cassent la gueule faute de subventions ou lâchent l’affaire au bout d’un moment. LFSM a cette longévité parce qu’on fait preuve d’acharnement. Je peux commencer le festival avec zéro euro, en partant bille en tête et en me disant que je trouverai bien un moyen de le monter. Je le fais avec passion.

En quoi LFSM est-il unique ?

LFSM est à l’image des artistes que je programme : il est indé. Il prend des risques et essaie d’être précurseur. Je demande souvent aux artistes ce que jouer aux Femmes S’en Mêlent représente pour elles et elles me répondent que c’est important, qu’elles se sentent valorisées et bien accueillies. On a créé une communauté, une famille, d’artistes, où on défend toutes et tous la même chose, à savoir, une nouveauté, une fraîcheur et la volonté de sortir des sentiers battus. C’est pour ça que le festival reste malgré tout dans une sphère intimiste.

Ce qui m’intéresse, c’est de montrer toutes ces facettes et la diversité des modèles féminins. On peut passer de l’Islandaise Soley à la rappeuse Little Simz, puis à Michelle Gurevich, artiste mature de cabaret lynchien mais soviétique et Rebeka Warrior de Sexy Sushi, plus militante.

Aussi, c’est un festival itinérant, ce qui fait sa force. Ça permet à ces femmes artistes de se rencontrer dans un autre cadre. Elles partagent souvent beaucoup de choses sur les tournées.

En quoi la situation des femmes a-t-elle évolué ?

Ce qui m’a marqué cette année, c’est la parité dans le groupes. Hurray for the Riff Raff étaient trois filles et deux garçons, Pi Ja Ma, trois filles, un garçon, Michelle Gurevich, trois filles, un garçon. A la basse, à la batterie, partout ! Les choses bougent mais les groupes 100% féminins, comme The Organ, Chastity Belt ou Warpaint, restent rares.

Comment trouves-tu ces artistes ?

Je reçois tellement de projets et de propositions ! J’ai des sympathisants dans chaque pays, des gens à qui je fais confiance. Certaines artistes qui ont été programmées nous recommandent à d’autres. Par exemple, Metric a joué au festival parce que Feist leur en avait parlé. C’est comme ça qu’ils ont fait leur première date en France.

Que bilan tires-tu de cette 20e édition ?

On ne fait pas le bilan mais on s’ouvre et on se tourne vers l’avenir. Il est temps d’intégrer d’autres choses et de se réadapter. Par exemple, notre collaboration avec Barbieturix était cool parce qu’elle nous a emmenés ailleurs. Avec Rag, j’ai trouvé une autre vraie passionnée de musique, qui vient autant aux concerts d’électro que de folk et qui aime toute la musique dans son ensemble. 

Qu’attendre de l’édition 2018 ? 

L’idée serait de développer plus de collaborations, d’organiser des soirées où on sait qu’on est au bon endroit avec les bonnes personnes. Il faudrait qu’on soit moins isolé.

J’adorerais être deux ou trois soirs dans un même lieu avec plusieurs scènes. Organiser plusieurs soirées successives peut conduire à perdre du public. Alors que l’idée d’un festival c’est ça : se dire que même si tu n’aimes pas le métal, tu peux tomber par hasard sur un groupe que tu n’étais pas venu écouter et te laisser séduire. Mais j’aime le côté DIY de ce festival et je n’ai pas envie qu’il devienne trop institutionnel.

Cette année, j’ai essayé d’avoir Beth Ditto comme marraine et on m’a dit non, alors qu’elle vient jouer à Paris au mois d’avril… Ce milieu me rend triste et au final, je ne l’aime pas. C’est pour ça que j’adore mon indépendance. Parfois c’est la lose, mais au moins c’est de la lose flamboyante !

Retrouvez Les Femmes s’en Mêlent en tournée en France jusqu’au 10 juin 2017, sur leur siteFacebookTwitter et Instagram.

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