Ramengvrl : « Je ne crois pas à la conformité sociale »

Née à Djakarta, Ramengvrl commence à rapper en 2013 pour échapper à la routine de son travail de l’époque. Sa carrière décolle en 2016 avec son premier single I’m Da Man, puis CA$HMERE, tous deux acclamés par la critique. Fervente alliée des combats queer, l’artiste nous parle de son nouvel album Can’t Speak English, de sa vision du féminisme et sa volonté de bousculer les représentations traditionnelles des femmes en Indonésie. 

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

J’écoutais plus de pop/hip hop comme les Black Eyed Peas. À l’époque, je ne comprenais pas vraiment le hip hop. Je pensais que c’était « juste du rap » et les paroles ne me parlaient pas trop. C’est seulement au lycée que j’ai commencé à en découvrir davantage quand mon copain de l’époque m’a fait écouter Kanye West. J’étais là « ah bon, on peut faire ça dans le hip hop aussi ? ». Il parlait de ruptures amoureuses et de la lutte des classes moyennes sur des beats que je n’avais jamais entendus dans les chansons de hip hop que j’écoutais. Il repoussait les limites.

À partir de là, j’ai commencé à écouter d’autres artistes comme Drake, ASAP Rocky et d’autres, dont Nicki Minaj, que j’admire encore aujourd’hui.

Quand et comment as-tu commencé à rapper ?

J’ai commencé par m’amuser à rapper de temps en temps. Je me suis rendu compte que j’y revenais toujours quand j’étais stressée, quand j’écrivais mon mémoire, quand j’avais eu une dure journée de boulot, ce genre de choses. J’ai vraiment VRAIMENT commencé sérieusement quand j’étais encore dans la dernière boîte dans laquelle j’ai travaillée. J’en avais un peu marre des horaires de bureau et je me suis dit, « et merde, il y a 50 personnes qui écoutent mes démos sur Soundcloud et qui me disent que ma musique est bien ». Une fois que j’ai eu gagné suffisamment d’argent pour ce « plan B », j’ai démissionné et ça a fait boule de neige haha.

Quel·le·s artistes écoutais-tu quand tu étais petite ?

Beaucoup d’Avril Lavigne, Blink 182, Britney Spears, Black Eyed Peas, Gwen Stefani… Beaucoup de rock et de pop comme je l’ai dit, mais depuis le lycée je penchais plus pour Nicki Minaj (évidemment), Kanye West, Drake et Tyler the Creator. J’ai aussi grandi en écoutant Utada Hikaru, L’Arc-en-Ciel et Gackt, donc avec des influences J-pop/rock aussi.

Quel titre conseillerais-tu d’écouter en premier à quelqu’un qui veut découvrir ta musique ? 

CA$HMERE. C’est un titre qui incarne ce que je pense et qui je suis sans dire de manière flagrante « voici ce que je pense et qui je suis ». Bien qu’il semble stupide de prime abord, quand on écoute vraiment les paroles, ça parle de ma vision de la société. Par exemple, comment ça se fait que les gens aient les chaussures les plus tendance mais ne puissent pas payer leur loyer ? Ou pourquoi ils postent des selfies avec des poèmes de Lang Leav en légende ? Qu’est-ce qu’ils essayent de dire ?

En plus, le morceau est terriblement catchy et je n’avais aucune pression à le faire, je me suis juste amusée.

Tu viens de sortir l’album Can’t Speak English. Le titre semble ironique puisque tu parles visiblement très bien anglais ! Peux-tu expliquer ce qu’il signifie ?   

Haha, c’est bon à savoir ! En fait, c’est une sorte de métaphore. Quand j’enregistrais l’album l’année dernière aux États-Unis, je disais souvent « désolée les gars, je ne parle pas anglais lol ». Et on me répondait « de quoi tu parles ? Ton anglais est super ! » Je me suis rendu compte que c’était un moyen pour moi de « justifier » mes défauts pour que les gens n’en attendent pas trop de moi. J’aime l’autodérision, mais j’avais plus l’impression de me dévaloriser que de simplement faire une blague ! Je me suis demandé pourquoi je continuais à me rabaisser, pourquoi je ne pouvais pas plutôt dire « peut-être que je mérite d’être là ? » D’où le titre de l’album.

Ça me rappelle (et rappelle à mes fans) que quel que soit le milieu d’où on vient, ou nos lacunes, si on s’accroche et on continue à se perfectionner, on finira par y arriver. Et quand c’est le cas, on doit juste le reconnaître.

Comment as-tu travaillé sur cet album et comment le présenterais-tu ?

J’ai tout enregistré au studio Empire à San Francisco. Il y avait 2 titres que j’avais déjà sur démo mais tout le reste a été fait de A à Z là-bas. J’ai rencontré certains featurings comme Euro et Inayah directement en studio, ce qui était mortel parce qu’on a enregistré le jour de notre rencontre. Pour les autres, Ted Park and Pyra, ça s’est fait plus tard (quand tout le monde était déjà confiné), mais c’était tout aussi mortel.

Je dirais que cet album parle de « moi et mon voyage ». Vous voulez savoir ce qu’a fait Ramengvrl après CA$HMERE et comment elle en est arrivée là ? C’est ce que raconte l’album.

Quelle place les rappeuses occupent-elles sur la scène hip hop indonésienne ?

Il y a peu de rappeuses. Le rap est un « genre » (je déteste les genres) largement dominé par les hommes. C’est pour ça que quand j’ai commencé à percer, les gens devenaient fous et disaient « oh mon dieu, une rappeuse ??? Oh mon dieu, est-ce qu’elle a dit ‘chatte’ et ‘tétons’ et ‘fuck’ ? » comme s’ils n’avaient jamais entendu aucune autre femme dire ça.

En Indonésie, la plupart des gens sont encore très conservateurs et en termes de musique, le marché est toujours très tourné vers la pop. Vers les BALLADES pop. S’il y a des femmes musiciennes, c’est toujours le type « sainte-Nitouche ». Il n’y a rien de mal à ça, mais ça montre juste à quel point la représentation des femmes est limitée en Indonésie.

Tu emploies souvent le terme « queer » dans tes textes. Que signifie ce mot pour toi et en quoi trouves tu important de soutenir cette communauté ?

Pour moi, « queer » signifie « non contraint par les prétendues notions de genre conservatrices ». C’est important parce que… pourquoi est-ce que ça ne le serait pas ? Je ressens la même chose en termes « d’équité raciale ». Il ne devrait pas y avoir de problèmes/question/débats avec des gens qui font ce qu’ils pensent être EUX (tant qu’il ne volent pas et ne tuent personne…). On dit toujours « nous sommes tous différents ! » mais après on dit aussi « pourquoi est-ce qu’il porte une jupe ? » Les mecs, vous voyez la contradiction ? La jupe n’est pas une question de genre, c’est juste un objet.

Je ne suis pas une figure emblématique de la cause LGBTQ+ ou féministe parce que j’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’autres personnes qui ont fait bien plus que moi sur ces questions, mais je veux juste en parler dans ma musique parce que c’est ce en quoi je crois. Je ne crois pas à la conformité sociale parce que je sais très bien que cette merde ne me mène nulle part.

Te considères-tu féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?

Comme je l’ai dit, je ne dis jamais « je suis féministe » ou ce type de phrases pour les raisons que j’ai citées. Je fais juste ce qui me semble être juste, je ne fais que m’exprimer. Et si le fait de m’exprimer s’avère inspirant pour une cause, si des féministes pensent que mon travail les représentent, alors c’est génial.

Je crois que, par définition, je suis féministe. Je crois en l’égalité, et je ne parle même pas de genre. Je parle d’égalité pour tout le monde. Je ne comprends même pas comment les gens peuvent faire la différence entre des salaires, des postes, une hiérarchie sociale ou des droits fondamentaux sur la base de choses aussi triviales que le genre, la couleur de la peau, la forme des yeux ou quoi que ce soit. Ce sont des conneries, pourquoi est-ce que le monde tourne à l’envers ? Est-ce que les humains sont bêtes ? Hahahaha. Je dirais que c’est ça mon féminisme.

Qui sont tes rôles modèles ?

Nicki Minaj. Toujours.

Quels sont tes projets à venir ? Quelles conséquences le Covid a-t-il sur tes activités ?

Je ne peux pas en dire trop mais j’ai beaucoup en stock pour cette année !

Honnêtement, la seule conséquence de la pandémie est que je ne peux plus faire de tournée et que je ne peux pas rentrer au Japon, alors que j’attends ça depuis l’an dernier… Mais bon, je peux toujours faire de la musique.

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5. Madame Talk x Shani

Découvrez le Madame Talk de la rappeuse Shani !

Originaire de Wissous dans l’Essonne, Shani écrit ses premiers textes dès 2012.

Après un master de marketing, elle décide de prendre une année sabbatique en 2018 pour explorer ses différentes passions. Parmi elles, la danse hip hop, notamment le new style, le chant, le foot, le dessin et le rap.

La même année, l’artiste publie sur les réseaux plusieurs freestyles aux paroles ouvertement féministes et se constitue rapidement une communauté.

À l’été 2019, pendant la coupe du monde de football, elle sort Sélection féminine, un titre afro trap qui célèbre les femmes dans le foot et qui la révèle au grand public.

La rappeuse nous parle aujourd’hui de son admiration pour la nouvelle génération qui se mobilise contre le sexisme, du cyberharcèlement que subissent régulièrement les rappeuses et de ses nombreux projets malgré la crise du Covid.

Madame Talk est totalement indépendant, sans publicité et gratuit. Vous pouvez soutenir le podcast en faisant un don ponctuel ou mensuel ici.

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O’Rel : « Je gère la réalisation de mes projets de A à Z »

Originaire de Lille, O’Rel officie dans le rap depuis cinq ans. Après avoir exploré la France, le Luxembourg et l’Allemagne, à la recherche de beatmakers pour réaliser ses projets, l’artiste vient de sortir l’album « Loca Loca » et travaille déjà sur le suivant. 

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ? 

J’ai découvert le hip hop très jeune. Quand j’étais petite, mes grands cousins me faisaient écouter IAM, 113, la FF et NTM… Ils me préparaient des cassettes pour que j’écoute dans ma chambre, je connaissais les albums par cœur et ça faisait rire les grands de me voir rapper. J’ai grandi bercée par le rap et j’ai découvert Diam’s, qui est pour moi une étoile. Elle a su s’imposer, et pour ça, je dis respect.

Madame Rap t’a découverte en 2016 avec le titre Enfants de la guerre. En quoi dirais-tu que tu as évolué depuis ?

J’ai évolué depuis 2016 à tous niveaux. J’ai énormément travaillé mes techniques, mon écriture, mes flows, aussi sur la réalisation de mes clips. J’écris mes scénarios, j’organise les tournages… Je gère vraiment la réalisation de mes projets de A à Z.

Tu viens de sortir le titre Balantay, extrait de ton album « Loca Loca ». Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

Oui, Balantay est extrait de mon nouvel album « Loca Loca » disponible depuis le 7 novembre sur iTunes et sur toutes les plateformes (Spotify, Deezer, Amazon, Google Play…) J’ai réalisé cet album en collaboration avec Eddymowick, qui est mon ingénieur du son. C’est lui qui mixe et masterise mes sons, j’ai d’ailleurs fait 3 featurings avec lui car c’est aussi un très bon artiste.

J’étais très inspirée et j’ai fait l’album en trois mois l’été dernier. On a travaillé surtout la nuit. Je me laissais aller à l’inspiration, parfois ambiance, parfois émotions, c’était vraiment au ressenti du jour sans me poser de questions. J’écrivais et je posais.

En quoi les réseaux sociaux te servent-ils à développer ton activité musicale ?

Les réseaux sociaux sont mon moyen d’échange et de communication avec le public et aussi avec les artistes et beatmakers. C’est la vitrine de mon travail en quelque sorte.

Quelles sont les femmes, connues ou pas, qui t’inspirent ?

Les deux femmes qui m’inspirent dans le rap sont Diam’s et Cardi B, car même si ce sont deux univers musicaux totalement différents,  elle ont toutes les deux su imposer leur style et j’admire beaucoup ça. Je n’aime pas le copier-coller, j’aime l’authenticité.

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ? 

Oui, je suis une féministe, je défends le droit d’être ce qu’on veut être, de faire ce que l’on veut. Qu’importe les préjugés sur les femmes, ou encore pire, sur les femmes qui rappent, je veux montrer que la femme est libre et forte. Même si ce milieu est difficile, rien n’est impossible.

Quels sont tes projets à venir ? En quoi le Covid impacte t-il sur ton activité ?

J’enregistre actuellement un nouvel album, je prépare mes prochains clips et des featurings. Le Covid pose quelques soucis pour les déplacements, ça complique aussi la promotion de mes projets, pour les interviews en radio, les tournages des clips, les représentations sur scène… Alors on espère que cette situation va vite finir que l’on puisse reprogrammer des dates et revoir le public surtout !

Que penses-tu de Madame Rap ?  Des choses à changer/améliorer ?

Ce que j’aime chez Madame Rap, c’est que ce média donne une grosse force aux rappeuses du monde entier. On découvre les différentes cultures hip hop au féminin. Surtout ne changez rien et continuez comme ça !

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