A l’occasion de la sortie de son clip « Bucket », Clémoade, rappeuse de Montréal d’origine haïtienne qui a grandi à Longueuil, nous parle de son parcours dans le rap.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le Hip Hop quand j’avais 9 ans . Mon père m’avait offert pour mon anniversaire le disque « Ready to Die » de Notorious B.I.G . Depuis, je suis tombée en amour non seulement avec B.I.G mais aussi avec cet art qui s’appelle le rap .
Comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai commencé à rapper en 2017, à 21 ans. Avant de rapper, je chantais. J’ai commencé à chanter à l’âge de 5 ans à l’église. Par la suite, j’étais dans une chorale nommée “ La classe enfantine “. Mes trois sœurs et moi avons créé notre propre groupe et on chantait lors de funérailles et de mariages. À 17 ans , j’ai été admise à la Burman University en Alberta. J’ai passé un bac musique, ce qui m’a permis d’apprendre plusieurs techniques de chant. À mon retour au Québec , j’ai été la chanteuse principale d’un groupe de blues et de jazz pendant deux ans . Pendant tout mon trajet musical, j’ai composé des chansons. Le rap pour moi est venu plus tard pour moi. Je suis tombé en amour avec un homme qui est mon mari aujourd’hui . Il écoutait beaucoup de rap francophone et j’ai beaucoup aimé.
Tu viens de sortir le clip « Bucket ». Que raconte ce titre ?
Ce titre exprime tout simplement mon désir de prendre encore plus ma place dans l’industrie du rap , non seulement au Canada mais aussi internationalement.
Comment travailles-tu tes morceaux ? As-tu des rituels ou des techniques d’écriture particulières ?
Oui j’ai des rituels… mais ils sont secrets.
Quelle place occupe les femmes sur la scène hip hop à Montréal ?
La seconde place, mais ça va très bientôt changer. Il faut qu’on s’exprime de plus en plus, qu’on n’ait pas peur de prendre notre place et ignorer nos “haters”. Les femmes vont tôt au tard prendre la première place .
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Oprah Winfrey. Je trouve cette femme d’une grande sagesse et totalement extraordinaire. Ça philanthropie m’inspire beaucoup.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Oui , par ce que être une féministe, ce n’est pas compliqué . Le terme pour moi veux tout simplement dire vouloir l’égalité entre les hommes et les femmes.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Du Cléomade, j’aime beaucoup !!! C’est mon artiste préférée !!!
Quels sont tes projets à venir ?
Être heureuse.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je félicite Madame Rap pour ce beau travail!! Vous êtes sur la bonne voie donc je n’ai aucun commentaire négatif à faire. Le travail que vous faites et votre professionnalisme parle pour vous !
Madame Rap a rencontré Billie Brelok lors de la sortie du premier volet de son nouvel EP « Gare de l’Ouest ». L’occasion de parler avec la rappeuse de Nanterre de ses nouvelles collaborations, de son statut d’artiste indépendante, de colonialisme et de féminisme.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Je me suis mise à écouter du rap presque indépendamment de ma volonté. C’est une histoire d’époque et d’endroit. Quand je suis arrivée au collège, le rap passait à la radio, il y avait des clips à la télé, c’est ce qu’on chantait tous dans la cour de récré. Je crois que le premier disque de rap français que j’ai eu est « Les Tentations » de Passi. C’est une espèce de bande-son de mon collège. Je trouve qu’à l’époque il y avait pas mal de bon rap commercial. Je ne dis pas ça dans le sens où aujourd’hui le rap commercial serait mauvais, juste je connais moins le rap commercial d’aujourd’hui.
Comment as-tu commencé à rapper ?
Nanterre est une ville où il y a toujours eu du rap. A chaque fois qu’il y avait une fête de la musique ou une fête de quartier, il y avait tout le temps des rappeurs du coin. Ce rap que j’appelle « rap proximal » est concret et je crois que c’est ça qui donne envie de rapper. En plus de ça, vers le lycée, j’ai rencontré la FATSK (Fatskool), une équipe de graffeurs qui faisaient aussi du rap, même si aujourd’hui ils sont essentiellement actifs dans le graffiti et la peinture. Je passais des soirées avec des potes qui étaient tout le temps en train de rapper, du coup ça m’a aussi donné envie.
Il y avait des rappeuses aussi ?
Je me souviens qu’il y avait deux filles dans une équipe qui s’appelait Recta Music à Nanterre, Une qui s’appelait Iklam et l’autre Dounia, elles n’avaient rien à envier aux autres kickeurs et je me souviens que leurs prise de mic étaient fortement saluées.
La Vipère vient aussi de vers chez nous. On ne va pas se mentir, la proposition était largement masculine, mais ce n’était pas le désert non plus.
Tu viens de sortir le premier volet du double EP « Gare de l’Ouest ». Pourquoi avoir eu envie de sortir ce projet en deux temps ?
Pour prendre le temps justement. Pouvoir gagner un peu d’argent avec le premier va m’aider à finir le deuxième. Comme je suis complètement dans l’indé, ça prend du temps. Je ne savais pas vraiment quel format allait prendre ce projet. Ce n’était pas réfléchi comme un album, c’est juste un regroupement de morceaux et d’envies textuelles ou de collaborations. En deux wagons ça me semblait pas mal. Du coup, tout va tellement vite aujourd’hui, quand tu sors 8 titres, c’est oublié en deux jours donc si tu en sors 25, tu es encore plus déprimé. Je préfère prendre le temps, laisser une chance aux morceaux d’exister et de circuler, et voir si les gens arrivent à tomber dessus.
Avec qui as-tu travaillé sur cet EP ?
Avec Didaï, encore et toujours, avec qui j’avais travaillé sur le premier projet. Je travaille aussi avec un DJ qui s’appelle High C. Contrairement au premier projet, on a intégré la guitare (Dan Amozig) et la basse (Gaye Sidibé) dans la création et c’était cool pour moi de voir le processus d’enregistrement avec des musiciens. Sinon, j’avais super envie de tafer avec Crown et Gemo DGZ. Crown est un beatmaker qu’on ne présente plus, du collectif Grim Reaperz, c’est un pote qui m’a fait découvrir Crown, on a fait pas mal d’aprèm à kicker ses prods, donc grand plaisir de pouvoir collaborer avec lui . Gemo est un mec du coin de chez moi aussi, archi polyvalent, qui fait du graffiti, de la musique, c’est un multi-coutellier de l’underground, Guillaume Dekerle est le tout premier DJ avec qui j’ai travaillé sur scène. On a bossé sur ce morceau il y a super longtemps, et on a fini par l’achever.
Et côté visuel c’est Fériel Naoura qui a réalisé la cover avec les contributions de luxe des graffeurs/muralistes Poné, La Main Gauche et JoBer dans l’habillage.
Être en indé, c’est choisi ou subi ?
J’ai cherché à travailler avec des partenaires sur ce projet, mais on dirait qu’un label veut avant tout s’assurer qu’il ne met pas d’argent pour rien. Les gens que j’ai rencontrés dans un premier temps m’ont quasiment exclusivement parlé de followers. J’avais l’impression que le contenu artistique était plutôt très secondaire. Mais pour l’instant, je suis contente de la collab avec iM, le label digital suisse chez qui on vient de sortir le volet 1 de Gare de l’Ouest. Ils ont été hyper réactifs et très encourageants sur le projet, du coup je sors les deux volets chez eux.
J’ai recommencé une collaboration avec une structure de booking, Well Done Productions. On est en train de remonter une petite tournée autour du nouveau projet. Parce que moi ce qui m’intéresse le plus, ce sont les concerts. Ce qui me fait le plus kiffer, c’est la scène.
Ton dernier projet « L’embarras du choix » est sorti en 2014. Que s’est-il passé pour toi durant ces quatre années ?
On a fait beaucoup de concerts après. Il y a eu le coup de pouce du Printemps de Bourges qui a permis de mettre en avant le projet. On a eu la chance de tourner en France, un peu en Europe et même en Amérique Latine. Ce qui était super cool. Après ça, je me suis mise à fabriquer la suite. Je suis assez lente dans la création, je prends vraiment le temps. Parallèlement à ça, j’ai fait des ateliers d’écriture, et quelques jobs pour l’intermittence. J’étais un peu en vadrouille aussi, et j’ai pris du temps avec mi gente.
Comment écris-tu ? As-tu des rituels ou des techniques particulières ?
Je n’ai aucune recette. Ça peut être une prod qui me lance sur une thématique, un sujet sur lequel j’ai envie d’écrire depuis longtemps… Ce qui est sûr, c’est que je tire au maximum sur la corde du temps, comme un élastique, le plus possible, et que ça finit souvent par se régler dans l’urgence. En fait j’ai besoin de me repasser mes textes plusieurs fois pour être sûre que c’est bien comme ça que je voulais dire ça. Si je doute, ma mémoire refuse d’imprimer.
Dans le titre « Plaisance », tu évoques les touristes colonialistes qui consomment les pays qu’ils visitent et perpétuent une forme d’appropriation culturelle. Pourquoi as-tu eu envie d’aborder cette question ?
Le deuxième couplet est complètement vrai. J’ai eu l’occasion d’aller en Thaïlande. On m’avait dit que les gens avaient un sens incroyable de l’accueil et c’est vrai, mais parfois, souvent même, « le paradis trône assis sur l’enfer ». Je suis d’origine péruvienne et le Pérou est aussi un pays qui déclenche toute une fascination exotique autour de la question du tourisme. Ça crée in situ des conséquences qui mettent en relief les inégalités entre touristes et Péruviens.
Par exemple, il y a tout un tas de sites archéologiques qui sont plus connus des étrangers que des Péruviens eux-mêmes. Des sites historiques ou naturels, dont l’existence est plus que menacée, voir déjà condamnée, sous le poids du tourisme de masse, alors que la priorité est que tous les Péruviens puissent avoir accès à leurs histoires et géographies, et qu’il y a de nombreux efforts de lutte et de résistance pour ça. Ma double culture fait que je me suis déjà retrouvé du côté du touriste, et c’est très malaisant. Tout comme quand je tombe sur des pièces archéologiques de Pachacamac dans la collection permanente du musée du Quai Branly, alors que Pachacamac a son musée. Et que j’aimerais bien savoir quel bracelet de Clovis ou quelle céramique la France a cédé aux musées nationaux de Lima ou de Cuzco ?
Selon moi, il y a dans la façon de regarder le monde et de voyager aujourd’hui des mécanismes trop proches de nos antécédents coloniaux (même si dire cette phrase est bien schizophrénique pour certains d’entre nous). Comme si le monde demeurait un grand terrain de jeux, une galerie de papillons, un arboretum des curiosités. Ça explicite qu’on n’a pas les mêmes choix. Je trouve que la question de la colonisation n’est pas claire encore en France. Il faut trouver tous les moyens pour qu’on en parle plus.
Hors du milieu hip hop, quels sont les clichés sexistes que l’on te renvoie le plus souvent en tant que rappeuse ?
Je crois que c’est très difficile de traverser cette vie sans être victime de sexisme. En tout cas, j’espère que celles qui y échappent ont conscience qu’elles sont l’exception qui confirme la règle. Et je ne suis pas cette exception.
En tant que rappeuse, ce sont des clichés du style « ah bon, tu es rappeuse ? Il n’y en a pas beaucoup« , ou alors « tu rappes bien pour une fille« . En plus quand c’est une meuf qui te le dit, c’est chaud ! Mais c’est plus touriste que sexiste, ça ne gagne pas mon moral. J’essaie de trouver comment ne pas me retrouver confrontée à ces réflexions-là.
De la part des journalistes, je constate une méconnaissance abyssale. Et sereinement en plus. Ça m’est arrivé d’avoir des interviews où je sentais qu’on cherchait une ambassadrice d’un discours qui n’était pas le mien, pas celui de mes références, et où esquiver ça relevait de décevoir l’interviewer(euse).
Qui sont les femmes qui t’ont inspirée ? (dans la musique ou autre…)
Je suis nulle en name dropping en général. Et je pense qu’on est plus le fruit d’une foule que de quelques têtes. Mais je dirais que cette question me fait penser aux femmes de la vraie vie, dans la mienne c’est Margnia, Mimouna, Laura, Rosa, Lolita y Luzecita, et plein d’autres, de la mono, aux tantes, aux grandes sœurs de tes copines… tous ces ruisseaux qui font le fleuve que tu deviens.
Mais sinon je pourrais citer Mercedes Sosa, Lucha Reyes, Lauryn Hill ou Casey, et au fond à leur façon Scully, Cléôpatre, ou Christine Aaron et tellement d’autres, qui donnent toutes à voir comment ça peut aussi se passer.
Te définis-tu comme féministe ?
Je pense qu’on est plus ce qu’on fait que ce qu’on dit. Donc j’essaye de « faire » et d’avancer féministe, de fabriquer féministe. Tu peux dire que tu es féministe, mais depuis le petit pixel de ton existence, ce n’est pas facile de refuser tous les rapports de domination. On va dire que j’aspire à pouvoir mériter le titre. Je vois ça comme une course de fond. J’essaie de ne pas malmener le mot, parce qu’il l’est déjà beaucoup.
Je trouve ça bien quand le féminisme est pluriel. Il y a des féminismes desquels je me sens proche et sympathisante et d’autres avec lesquels je ne roulerai jamais. Je ne les destitue pas de se dire féministes pour autant. Pour moi, la diversité des féminismes est déjà une avancée pour la considération des femmes dans la société, la possibilité d’être multiples, d’être en désaccord contribue à rompre l’idée d’une définition unique du féminin. Et il existe parmi cette multitude d’options, des courants auxquels je m’oppose frontalement.
Avec toutes les années d’arabophobie et d’islamophobie qu’on se mange en France, je trouve qu’il y a eu des usages très critiquables d’un certain féminisme qui parle des femmes musulmanes comme une espèce de dernière marche de la liberté et de l’indépendance. Je me souviens qu’on a beaucoup exigé des musulmanes et musulmans de se distinguer, haut et fort, de ci, de ça… Pas tellement aux féministes. Je suis donc une féministe qui se distingue et condamne sans détour cette attitude raciste et ce féminisme opportuniste.
Je n’aime pas du tout le féminisme quand il donne des leçons et qu’il exclut certaines femmes de son combat. Moi, on m’a transmis l’idée qui dit qu’un coup porté à une femme, c’est un coup porté à toutes les autres. J’ai l’impression que le féminisme est comme un cadeau que ma mère m’a offert, je crois que c’est pour ça que je suis aussi très précautionneuse avec ça.
Quels sont tes projets à venir ?
J’ai quelques dates prévues à la rentrée entre autre à Nantes le 2 septembre, Nanterre, Annonay et une release party à Paris fin novembre pour la sortie du double EP, et d’autres dates à venir, et quelques ateliers aussi qui se mettent en place.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Sans aucun dénigrement, ça me donne l’impression qu’une journaliste parle aux journalistes et que ça permet une traduction pour des gens qui n’ont aucune accessibilité à ce milieu-là. Ça, je trouve que c’est utile et positif pour toutes les rappeuses et les rappeurs en général. Après, je ne consulte pas assez et je devrais le faire davantage parce que ça m’arrive qu’on me parle de rappeuses qu’on a pu écouter ou découvrir sur Madame Rap.
Elles viennent du Japon, de Corée du Sud, de Birmanie, de Mongolie ou de Chine et elles rappent, découvrez notre sélection de 35 rappeuses de pays asiatiques !
Avec :
– #AV ( Malaisie )
– Abie Flinstone ( Philippines/Belgique )
– Amber ( Corée du Sud )
– Anty The Kunoichi ( Japon )
– Arabyrd ( Malaisie )
– Aristophanes (Taïwan )
– Ash Chughtai ( Pakistan )
– Bora ( Corée du Sud )
– Chacha ( Chine )
– Chippy Nonstop ( Inde )
– CL ( Corée du Sud )
– Coma Chi ( Japon )
– DB ( Philippines )
– Deane Sequeira ( Inde )
– Dee Mc ( Inde )
– Femcee Evil ( Inde )
– Gennie Bolor ( Mongolie )
– Hard Kaur ( Inde )
– Ish Kaur ( Inde )
– Lisha ( Cambodge )
– MaryJane ( Japon )
– Masia One ( Singapour )
– Miryo ( Corée du Sud )
– Misnomer(S) ( Corée du Sud )
– Miss Monday ( Japon )
– Ramika ( Afghanistan )
– Rumi ( Japon )
– Sonita Alizadeh ( Afghanistan )
– Soosan Firooz ( Afghanistan )
– Suboi ( Vietnam )
– Uranus ( Chine )
– Y.A.K. ( Birmanie )
– Yacko ( Indonésie )
– Yoon Mirae ( Corée du Sud )
De l’Egypte au Maroc en passant par la Jordanie et la Palestine, découvrez notre sélection de 20 rappeuses originaires de pays arabes. La preuve que le rap ne connaît pas les frontières et qu’il existe des rappeuses dans le monde entier !
Originaire d’Anvers, la rappeuse compositrice et chanteuse belgo-portugaise Blu Samu nous parle de ses influences hip hop soul, de la sortie de son premier EP Moka et de sa passion pour Sade.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Adolescente, quand j’habitais encore à Anvers. J’avais du mal avec l’école, je traînais beaucoup avec des potes et on écoutait énormément de son. Mais pas que du hip hop hein, je suis fan de rock aussi.
Comment as-tu commence à rapper ? As-tu reçu une éducation musicale ?
Je savais que je voulais faire de la musique depuis longtemps, mais j’ai réalisé assez tard que le rap était le meilleur moyen d’exprimer ce que je voulais. J’ai grandi avec ma mère qui écoutait assez peu de musique, je me suis fait ma culture musicale toute seule et via mes potes. Mon premier rap date de mes 19 ans. Depuis, je n’ai plus arrêté d’écrire.
Tu viens de sortir ton premier EP Moka. Comment décrirais-tu ce projet ?
C’est un condensé de ce que j’ai pu expérimenter depuis que j’habite à Bruxelles (un an et demi). Je commence à peine à me créer mon univers, je m’essaie de plus en plus au chant… Disons que c’est un échantillon très brut de tout ce que j’explore actuellement. Je suis super étonnée de l’accueil qu’il reçoit, j’ai vu qu’on m’écoutait jusqu’en Corée (rires)!
Le projet, et notamment le single « Sade Blu », mêlent rap, soul et jazz. D’où viennent ces différentes influences ?
C’est réellement un petit hommage à Sade qui fait partie des artistes que j’admire le plus au monde. Vous avez entendu qu’elle bossait sur un album?! J’ai évidemment aussi beaucoup écouté Lauryn Hill, Erykah Badu, Missy Elliot, Beyoncé,… toutes les reines quoi. Ça vient surtout de là.
Quelle place les rappeuses occupent-elles sur la scène belge?
On commence à se faire entendre ! Coely a lancé le mouvement, aujourd’hui il y a aussi les Juicy qui sont capables de donner quelques leçons de flow aux garçons, Miss Angel qui vit à Anvers est super forte! Les révélations vont continuer à arriver, je le souhaite de toutes mes forces !
Qui sont tes rôles modèles ?
Ma maman qui a tout donné pour mon éducation et qui est encore très présente pour moi aujourd’hui. Je lui ai donné beaucoup de fil à retordre… aujourd’hui je veux la rendre fière. Mes colocataires du 77 (Rayan, Morgan, Peet et Félé Flingue) qui m’ont ouvert tellement de portes et m’ont fait énormément progresser depuis que je les ai rejoints. Tous ceux qui m’ont permis d’être où j’en suis aujourd’hui, je leur dois tellement…
Te définis-tu comme féministe ?
Oui et non. Oui parce qu’il est primordial que l’égalité des droits entre les hommes et les femmes soit défendue et revendiquée partout où c’est nécessaire. Je ne me sentirai jamais inférieure à un homme quelle que soit la comparaison établie. Non, parce que je crois qu’aujourd’hui le féminisme souffre de ses mauvaises interprétations/utilisations. Il faut faire attention à la manière dont on défend la cause des femmes, au risque de créer l’effet inverse. C’est un sujet sérieux, pas une mode.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Nathy Peluso, OSHUN, Shaka Shams, Miss Angel, J.I.D.,…
Quels sont tes projets à venir ?
Je bosse déjà sur la suite de MOKA et j’ai beaucoup de dates jusqu’à l’automne. Musique, musique, musique ! Et profiter des miens dès que possible.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
C’est très cool! J’ai vu que vous faisiez découvrir des artistes du monde entier. À améliorer je ne sais pas mais pourquoi pas lancer un festival Madame Rap ? Ou une compilation ? Je serais super chaude !
C’est l’été ! L’heure de la détente, du bronzage et du RER sans clim’. L’heure aussi de bouquiner tranquillement et de se (re) plonger dans les classiques sur une plage paradisiaque aux eaux cristallines à l’ombre d’un palmier géant (ou sous une Quechua au camping de Chiry-Ourscamp.)
Seulement voilà, de Voltaire à Proust en passant par Bukowski et Oscar Wilde, chaque livre que vous ouvrez vous offre son lot de phrases bien sexistes qui vous hérissent le poil. Vous vous dites que c’est vraiment pas de chance, et qu’à ce prix-là autant se coller du Niska, du XXXTENTACION ou du Damso dans les oreilles. Et vous avez bien raison.
Car contrairement au rap, sans cesse désigné comme le principal (et le plus virulent) producteur de sexisme dans notre société, la littérature et ses grands noms (masculins bien sûr) se voient bizarrement épargnés.
Pour vous le prouver, voici 30 citations d’écrivains à la renommée planétaire, étudiés à l’école, érigés en référence et vénérés, sans que personne ne pointe du doigt le sexisme de leurs écrits.
Découvrez la mixtape « Purple Flows » concoctée par la DJ KelyBoy spécialement pour Madame Rap !
Originaire de Rennes et actuellement basée à Paris, KelyBoy (Eléna à la ville) fait de la production, du mix, écrit, chante, joue de plusieurs instruments et se produit en live et en DJ set. Cette mixtape est l’occasion d’en savoir davantage sur l’artiste couteau-suisse de 27 ans qui revendique « une grande passion pour les trucs de geek, le sport, le milieu queer, les délires californiens et tout ce qui à avoir de près ou de loin avec le cheesy et le tuning.«
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Je dirais que ça remonte au tout début des années 2000, quand mes deux cousines branchées m’ont offert pour Noël mes premiers CDs de grande personne, à savoir Britney Spears et Eminem. Tout un programme. On comprend mieux ma trajectoire avec ce point de départ en tête je pense.
Toute mon adolescence je me suis passionnée pour les cultures urbaines, le graff, le rap, le skate, le breakdance… Je touchais un peu à tout. Skyrock en feat de ma vie provinciale H24 sur l’objet le plus tuning de ma chambre, à savoir ma chaine hifi JVC à écran bleu fluo. Sur mon mp3 128 Mo première génération on pouvait trouver les albums de Sniper, Sinik, Diam’s, NTM… du rap américain aussi, que je m’appliquais consciencieusement à tenter de traduire à l’aide de mon badass dictionnaire Robert & Collins. Je passais aussi mon temps dans les médiathèques à emprunter plein de CDs, à les graver sur l’unique ordinateur familial (à une époque ou Spotify n’existait pas et où le forfait internet pour quatre était limité à 10h par mois) pour en faire des compiles perso, ou destinées aux potes, aux trainings de danse…
Comment as-tu commencé à mixer ?
De manière très iconoclaste, comme je n’avais pas de platines et que j’adore bidouiller des heures dans mes trucs de geek ; avec un Launchpad, un Launchcontrol XL et Ableton. Je pataugeais tranquillement dans mes expérimentations quand on m’a appelée pour faire l’interset d’un gros tremplin à Rennes, alors comme j’aime bien le challenge je me suis motivée, puisque comme dit l’adage ‘je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ! » Je n’ai plus jamais arrêté depuis, mais j’ai investi dans des platines quand même.
Quelles techniques utilises-tu et pour quelles raisons ?
Pour composer j’utilise beaucoup de midi, de numérique, je travaille essentiellement sur Ableton, avec comme éléments organiques souvent de la guitare, parfois de la basse, et ma voix.
Pour mixer j’utilise Ableton quand c’est destiné au web, et en dj set ça dépend, des contrôleurs divers ou des CDJs.
De manière générale je m’intéresse beaucoup à l’air du temps, aux innovations, je ne suis absolument pas puriste ni nostalgique d’un point de vue technique.
Qui sont tes rôles modèles et pourquoi ?
Toute mon enfance et mon adolescence je n’ai eu quasiment que des idoles masculines, que ce soit dans le sport ou les arts, mais avec la tournure que prend l’époque, l’essor d’internet, en ayant également bougé à Paris… aujourd’hui de plus en plus de personnalités féminines m’inspirent et me motivent. De ma génération essentiellement. Je crois que c’est finalement le fait d’évoluer dans un cercle amical et social éminemment créatif qui m’inspire le plus, cette synergie si particulière, que je ressens intensément à Paris.
Te définis-tu comme féministe ?
Oui, mais une féministe du ‘soft power’. C’est mon côté californien sans doute, je ne suis pas très adepte des combats frontaux, je préfère apporter ma pierre à la cause de manière plus diffuse, en aidant à faire programmer plus de femmes dans les évènements auquel je contribue, en mettant des artistes femmes en avant dans les médias dans lesquels j’écris, dans mes playlists, mes djsets, en partageant leur travail autour de moi…
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Beaucoup de rap et d’urban pop, notamment des artistes émergents français ; Chaton, Hyacinthe, Shelmi, Safia Bahmed-Schwartz, Stensy, Distractions, Pauline r2b, GodzillaOverkill, Lala &ce, P A, .dxf, Nusky, Lago 2 Feu… mais aussi des noms plus mainstream comme PNL, Booba, Columbine…
Sinon j’écoute toujours pas mal de pop, émergente et française surtout ; Léonie Pernet, Fishbach, Oklou, Claude Violante, Theodora, Oh Mu, Alice et moi, Vendredi sur mer, L’Impératrice…
De la synthwave aussi, Colorado, Contrefaçon, Agar Agar, Scratch Massive…
Pas mal de techno également, et de tracks rave, gabber, notamment pour digguer des sons pour mon nouveau crew de djing, Vödkabanane, puis c’est souvent ce qui passe dans les soirées club où j’aime sortir (Casual Gabberz, Sentimental Rave, Krampf, Lëster, Regina Demina…).
Et enfin pas mal de deep house forcément, l’équation summer + longboard + California dreamin lover !
Quels sont tes projets à venir ?
Et bien pas mal de choses, là je finis un nouveau set complet pour mon live, où il n’y aura plus que des morceaux d’urban pop en français, avec moins d’instruments et de machines. J’aspire à quelque chose de plus minimaliste et incarné. Je vais sortir quelques track by track ces prochains mois, et très certainement un clip.
En parallèle je diggue toujours beaucoup pour mes dj sets et ceux à venir avec Vödkabanane, je collabore aussi avec d’autres artistes, je compose pour des projets de spectacle vivant, j’organise des soirées, j’aide toujours pas mal chez Manifesto XXI… je ne devrais encore pas trop m’ennuyer cette année !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Full support ! La sphère musicale et cette société en pleine métamorphose ont grandement besoin de médias comme vous, on sait à quel point le phénomène d’identification peut être crucial dans le développement des enfants, des ados, des identités et des projets en général, je pense que beaucoup de choses auraient été différentes pour moi si j’avais grandi avec plus de modèles féminins, merci pour ce que vous faites, ne lâchez rien !
A découvrir sur Telegram, les stickers rappeuses de l’illustratrice Imis Kill !
Imis Kill a commencé l’illustration numérique il y a deux ans. Passionnée de hip hop, elle anime avec des amies « No Girls in the cypher », une émission de radio diffusée sur Canal Sud qui traite des femmes et des minorités de genre (personnes queer, non-binaires…) dans la musique.
Après plusieurs animations sur des rappeurs dont les paroles la faisaient rire, elle réalise un mini-clip sur la rappeuse queer new-yorkaise Dai Burger. « Elle a presque immédiatement commenté et relayé. Je me suis rendu compte que les rappeuses étaient beaucoup plus accessibles que les rappeurs, vu qu’elles n’ont ni la reconnaissance, ni la visibilité qu’elles méritent. »
L’illustratrice numérique décide alors de créer des stickers rappeuses sur l’application Telegram (disponible sur Google Play store et Apple store). « En quelques jours, j’en ai fait une trentaine avec mes rappeuses préférées, de Lauryn Hill à Bunny Michael, pour montrer le nombre de rappeuses de qualité sur la scène musicale -et encore, c’est juste un échantillon! » En ajoutant leur nom sur chaque sticker, Imis Kills cherche à visibiliser ces artistes qui demeurent souvent dans l’ombre et souhaite « permettre à des gens de les découvrir et d’écouter leur musique. Je vais continuer d’en rajouter, en privilégiant celles qui sont trop peu connues.«
La rappeuse québécoise Kayiri, ancienne membre du collectif Bad Nylon mais également violoniste et championne de boxe du Canada en 2018, nous parle de son rapport à l’écriture, de ses rôles modèles et de la place des femmes sur la scène hip hop de Montréal.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le hip hop au début de mon adolescence, dans les années 2000. C’est grâce à aux Tops 5 francos et anglos ainsi qu’à l’émissions Hip Hop animée par Malik Shaheed à Musique plus. De plus, à l’école et dans mes activités sportives, mes amis garçons faisaient des cyphers de freestyle et de dance battle. Parfois, ils me demandaient de les accompagner au violon. Je les regardais avec beaucoup d’admiration. Je n’aurais jamais cru qu’un jour je pratiquerais ce style de musique et que cela me passionnerait autant.
Comment et à quel âge as-tu commencé à rapper?
Mon goût pour l’écriture remonte à mon enfance. Tout récemment, j’ai retrouvé plusieurs cahiers de poèmes que j’avais écrits à cette époque. Pendant l’adolescence, je pratiquais plus la musique que l’écriture puisque j’ai poursuivi des études en musique classique. L’envie de rapper a commencé à se manifester lorsque j’ai eu 21 ans après avoir vu des shows de Nomadic Massive (groupe dans lequel se produisent deux rappeuses, Meryem Saci et Tali Taliwah) et un show, mon premier, d’Alaclair Ensemble. C’est à 23 ans, que j’ai décidé de faire le saut en suivant des ateliers d’écriture avec Dramatik (un des pionniers du rap québécois). Depuis ce temps, je suis profondément passionnée par cet art et je passe pratiquement tout mon temps à étudier le rap en l’écoutant, en écrivant et en étudiant son histoire. Mais je trouve que, comme l’opéra pour la musique classique, le hip hop représente l’art total, ou Gesamtkunstwerk, pour la musique populaire.
Tu as fait partie du groupe Bad Nylon, qui n’est plus actif aujourd’hui. Comment as-tu rejoint ce projet et pourquoi a-t-il pris fin ?
Marie-Gold (la leader) est mon amie depuis la première édition du projet. Lorsqu’elle s’est rendu compte que j’étais aussi passionnée par cette discipline et que l’ancienne formation du groupe n’existait plus, elle m’a proposé de ressusciter le groupe et de m’inclure. Le projet s’est terminé, car nous n’avions plus toutes la même vision et les mêmes objectifs dans le groupe.
Comment écris-tu ? As-tu des rituels ? Des thèmes de prédilection ?
J’écris pratiquement tous les jours. J’aime écouter l’album d’un artiste plus moderne et celui d’un artiste plus « vieille école » et de m’en inspirer. Souvent, mes chansons me viennent après une émotion très vive qui me donne envie de l’exprimer avec des mots. Je suis une fille assez simple, donc j’aborde des sujets qui nous concernent tous et des sentiments que je ressens, comme l’amour, la tristesse, la joie et les injustices. J’essaie de former de belles métaphores qui les expriment. Le rap est une thérapie pour moi et l’endroit où je me sens le mieux au monde, c’est vraiment sur une scène.
A quoi ressemble la scène hip hop au féminin à Montréal ?
Elle se développe de plus en plus. Nous nous encourageons entre nous et nous essayons de créer des événements. Je n’hésite pas à donner des conseils à des copines qui veulent se lancer dans cette discipline. Moi-même, je ne suis pas la MC la plus expérimentée, mais ça me fait du bien de rapper et je pense que les sujets que j’aborde peuvent faire du bien aux autres aussi. La scène devient de plus en plus génératrice de talents et je crois que beaucoup de nouvelles « dopes MC » vont en émerger très bientôt.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Lorsque j’étais petite, j’avais une grande admiration pour Michaelle Jean, car c’était la seule femme de couleur que je voyais à la télévision. Aujourd’hui, parmi les artistes, j’aime les femmes qui se permettent d’être simplement des femmes et de faire ce qu’elles ont envie, sans se censurer.
Dans le hip hop, j’admire beaucoup Queen Latifah et Lauryn Hill à cause de leur authenticité et des sujets qu’elles ont abordés en tant que femmes. Sinon, sur la scène plus actuelle, j’adore Nicky Minaj qui est juste sensationnelle tout le temps, Young MA et Princess Nokia.
De nombreuses femmes m’inspirent au Québec, il y a beaucoup de talents locaux, notamment les MC de Random Recipe, que je considère comme mes mentors, Sarah Mk, Malika Tirolienne, Aiza, Pony, MCM, Sereni T, Iri Di, Mariana Maza, les femmes de Strange Froots et bien d’autres.. Ce sont toutes ces incroyables chanteuses et rappeuses de Montréal qui m’encouragent et m’offrent des plateformes.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Bien sûr. Pour moi, être une femme qui évolue dans des milieux majoritairement masculins (le rap et la boxe) et qui prend sa place, c’est déjà une prise de position féministe. De plus, puisque je suis en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, je suis féministe.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je suis en train de revoir les albums de Wu Tang en lisant The Wu-Tang Manuel de RZA. Dans le « old school », j’écoute du MF Doom et Ilmatic de Nas. Sinon, à la fin de semaine dernière, j’ai écouté EVERYTHING IS LOVE de The Carters. Certains classiques me font du bien comme Noname, Alaclair Ensemble, Anderson Paak, Princess Nokia, MC Solaar,IAM. Je suis éclectique dans mes goûts musicaux. J’écoute une grande variété de styles pour avoir des inspirations différentes quand je compose des textes et des beats.
Quels sont tes projets à venir ?
L’été prochain, je participerai à plusieurs spectacles dans différents festivals au Québec. De plus, je vais faire deux prestations dans un festival au Sénégal avec le groupe K-Iri, dans lequel je suis chanteuse violoniste et avec le groupe WOYO, dans lequel je suis violoniste.
Je suis déjà en studio pour un prochain projet solo avec le beatmaker Nicholas Craven. Sinon j’ai envie de faire beaucoup de projets de collaboration afin de permettent que le plus grand nombre possible de MC puisse s’exprimer.
J’ai aussi le projet de devenir la championne du Canada en boxe pour 2018. Je suis déjà championne du Québec.
Madame Rap vous présente le groupe québécois Strange Froots, composé de trois rappeuses-chanteuses Noires et queer : la Sénégalaise-Ghanéenne Mags (née aux Etats-Unis), l’Haïtienne-Québécoise Naïka Champaïgne et la Jamaïcaine-Canadienne SageS. A l’occasion de la sortie du clip « The Wanderer », le trio nous parle de la scène rap au féminin à Montréal, de l’importance de leurs identités dans leur musique et de leurs futurs projets.
Comment avez-vous découvert le hip hop ?
Mags : J’ai été exposée au hip hop relativement tôt. J’ai deux frères et sœurs plus âgés qui regardaient tout le temps BET, VH1 et MTV et à qui j’empruntais un tas de CDs. Tous les jours, quand j’allais à l’école (dans le bus ou dans la voiture de mes parents), il y avait toujours du hip hop et du go-go à la radio. Je me souviens que le premier album que j’ai écouté est CrazySexyCool de TLC, le premier que j’ai acheté était Nellyville de Nelly. C’était un cadeau de mon père pour mon dixième anniversaire (même si je pense qu’il a juste choisi ce qui marchait à l’époque). Du primaire au lycée, j’écoutais beaucoup Missy Elliott et Kid Cudi.
Naïka Champaïgne : J’ai découvert le hip hop par ma mère et mon frère. Ils en écoutaient à la maison et ça faisait partie de mon environnement, avec des artistes comme Missy, Ludacris, Biggie, Tupac…
SageS : Je crois que c’est le hip hop qui m’a trouvée. Avant Strange Froots, j’écoutais surtout de la pop, du rock et de la musique alternative. Cependant, après avoir rejoint NBS (NoBad Sound Studio) et rencontré Mags et Naïka, j’ai commencé à aimer le hip hop et je continue de l’explorer dans la musique que je crée.
Quand et comment avez-vous commencé à rapper et quel.l.e.s artistes vous ont inspirées ?
S : J’apprécie le hip hop parce que c’est un médium puissant pour les artistes. Historiquement, le hip hop a permis de faire entendre la voix des minorités noires et de dénoncer les injustices, les inégalités et les vérités criantes de l’époque. Je pense que c’est un privilège de pouvoir faire de même avec ma musique.
NC : Avant d’être dans Strange Froots, j’étais en solo et je jouais dans différents bars et festivals pour jeunes adultes qui s’appellent « Adofest ». Il n’y avait que moi et ma guitare. Je chantais quelques-unes de mes chansons, qui sont plutôt acoustiques, et des reprises soul, jazz et folk. Ensuite, j’ai commencé à travailler avec des artistes hip hop comme Dézuets d’Plingrés et Doc Mo. J’ai fait mon premier featuring et mon premier clip avec eux.
M: Pendant une courte période, je rappais dans le groupe emo de ma meilleure amie de lycée (ils voulaient que je sois comme Mike Shinoda de Linkin Park) mais ça ne me plaisait pas. Plus tard, à la fac (quelque temps après avoir quitté les États-Unis pour Montréal), j’ai découvert un événement intitulé Hip Hop Karaoke MTL, où les gens pouvaient s’inscrire pour chanter leur titre de rap préféré par cœur (sans paroles affichées). J’ai décidé d’essayer et comme j’avais fait du théâtre et de la danse au lycée, je me suis rendu compte que je pouvais puiser dans un autre aspect de ma passion pour la performance. J’ai pris beaucoup de phases de Missy mais plus tard, je crois que Narcy a aussi beaucoup influencé mon flow.
Comment et quand avez-vous fondé Strange Froots ?
M : L’année où nous avons fondé notre groupe, j’étais vice-présidente marketing et communication du club hip hop de mon université et je m’étais beaucoup d’ami.e.s artistes, comme en cours de sociologie hip hop que j’avais pris l’année précédente (c’est là que le club avait été fondé). Un de mes amis, Dr. MaD, travaillait dans un club de jeunes nommé NoBad Sound Studio (fondé par nos mentors Nomadic Massive), et m’a invité à une jam session. C’est là que j’ai rencontré Naïka.
NC: NoBad Sound Studio est affilié à La Maison des Jeunes Côte-des-Neiges, qui est un espace de jeu, de travail et d’ateliers pluridisciplinaires ouvert et gratuit pour les adolescents de 12-17 ans. NBS Studio est le pôle musical de l’organisation. C’est un endroit où les enfants peuvent enregistrer des beats et des voix gratuitement. Ils font aussi des ateliers d’écriture et de beatmaking. De nous trois, j’étais la première à devenir membre, j’y suis arrivée en février 2013. J’avais entendu parler de ce studio par une amie beatmakeuse, rappeuse et compositrice qui s’appelle Tshizimba. Un an plus tard, en mai, j’ai rencontré Mags à une réunion où on était censé trouver de nouvelles idées pour développer NoBadSound. En juin, ils ont décidé de créer un atelier pour les filles parce que peu de filles venaient dans ce studio, qui est largement dédié au hip hop.
S : J’ai découvert NBS par le biais de ma mère avec K.O.F., un artiste et ancien conseiller de NBS. Il m’a invité à revenir pour un projet d’ateliers dirigés par des femmes, parce qu’il y a peu de filles à NBS. En fait, les seules à être venues étaient Naïka, Mags et moi et du coup on a décidé de monter un groupe à la place.
Que raconte votre titre « The Wanderer » ?
NC: Mags a composé le beat de « The Wanderer » il y a quelque temps déjà, avant même qu’elle nous rencontre. Elle a samplé un beat de « Dokandeme » de Cheikh Lo qui parle d’un vagabond/immigré. Quand j’ai écrit les paroles du morceau, les couplets principaux, j’ai été inspirée par 12 Years a Slave et le racisme, la discrimination et les inégalités qui sont toujours très présents de nos jours. Le titre parle de la manière dont nous, personnes noires, avons souffert et souffrons encore, mais rêvons encore à de meilleures vies et vivons pour quelque chose de meilleur.
M: Le sample en soi est représentatif de mon héritage. Mon père est sénégalais et Cheikh Lo est l’un des nombreux artistes africains que j’entendais à la maison en grandissant. L’histoire du clip est un peu différente de celle du morceau. Le clip suit trois personnes sur différents chemins en lien avec la diaspora africaine. L’un consiste à réclamer ce que signifie le fait de venir de la « mère patrie », un autre traite du fait de construire des ponts culturels au sein d’une même génération et le troisième est plus interne et parle de l’auto-décolonisation.
Vous êtes trois femmes noires et queer. En quoi vos identités influencent-elles votre musique ?
S : En tant que femme, noire et queer, je ressens tout le temps un certain degré de responsabilité dans le fait de montrer une version authentique de moi à travers mon art, qui rend aussi hommage à ces identités. Bien que je sois plutôt une personne secrète, c’est important pour moi de partager mes vérités publiquement, pour inspirer, aider ou divertir les gens dans mes communautés.
M: Personnellement, j’aime avoir de la nuance et faire des références subtiles au fait d’être queer en utilisant un langage neutre dans les chansons d’amour ou en ne parlant pas toujours explicitement de l’intimité physique. En tant qu’asexuelle, j’ai l’habitude que les gens pensent qu’être queer signifie aussi être hypersexuel, ce qui est souvent exacerbé sous formes de blagues dans les médias. Si je me fiche du genre d’une personne qui m’attire, je peux attacher de l’importance à d’autres aspects de l’identité queer. En tant que Noire, j’aime bien rappeler d’où viennent mes parents (Sénégal et Ghana) et le fait que je sois une Africaine-Américaine de première génération, ce à quoi j’ai l’impression que beaucoup d’enfants d’immigrés peuvent s’identifier. J’aime aussi sampler de la musique africaine dans les beats que je produis (comme dans « The Wanderer et « Afro Punkass »).
NC : Il y a une certaine responsabilité à entièrement saisir ce que toutes ces identités signifient. Il y a un besoin de comprendre et de ressentir comment chacune de ces oppressions me façonnent en tant qu’artiste, comment cela façonne mon art, ma vision et la manière dont les gens vont le percevoir.
Vous définissez-vous comme féministes ? Si oui, de quel type de féminisme vous sentez-vous les plus proches ?
M : Je me définis comme féministe et je me reconnais surtout dans les combats de la misogynoir, mais aussi dans le féminisme intersectionnel en général. Il y a de nombreuses fois où même si je suis une femme noire et queer, je dois toujours me souvenir que je viens aussi d’un milieu privilégié cis, valide, de classe moyenne supérieure avec des diplômes. Et je critique rapidement les gens sur le sujet même s’ils s’identifient à des choses auxquelles je ne m’identifie pas. Ce n’est pas parce que tu es opprimé de certaines manières que tu as toujours raison, il y a toujours quelque chose à reconsidérer.
NC : Je m’identifie au féminisme intersectionnel/noir.
A quoi ressemble la scène rap au féminin à Montréal ?
NC : C’est une grande famille. Tout le monde se connaît, on a toutes entendu parler les unes des autres. En termes de son, c’est très compact, brut et pur. Les gens ont vraiment l’air de s’amuser mais si on ne connaît pas le rap, c’est difficile de trouver des artistes locales. Un citoyen lambda ne saurait pas où chercher pour trouver des artistes hip hop à Montréal, à moins qu’il ne s’intéresse déjà au hip hop. La scène hip hop a d’abord été dominée par les hommes et s’adressait aux minorités noires et latinos qui se battaient pour survivre dans le ghetto, dans la suprématie blanche (qui est toujours là) et se demandaient comment traiter ces injustices. On pourrait penser que les femmes font aussi partie de ça, non ? Étant les êtres humains les plus opprimés sur la planète. Mais non, le hip hop est vu comme un milieu et un environnement macho et masculin. Et il l’est toujours beaucoup, malheureusement.
M : Il y a beaucoup de rappeuses de talent, comme Hua Li, Sarahmée, les anciennes membres de Bad Nylon (Kayiri et Marie-Gold), pour en citer quelques-unes. Très souvent, les médias font comme si nous étions « en compétition » dans un « monde d’hommes » alors qu’en fait, il y a beaucoup de solidarité et de collaborations entre les filles et beaucoup d’entre nous sont amies dans la vraie vie. Ils ne parlent jamais du fait qu’il existe encore un problème de sous-représentation en termes par exemple de race ou d’anglophones versus francophones parmi les rappeuses.
S: J’ai l’impression qu’il y a peu de collaborations entre femmes parce que le hip hop est une institution très masculine, et c’est très difficile pour des femmes de projeter une alternative aux paroles misogynes. Mais certaines femmes le font et proposent une version différente et moins stéréotypée du hip hop. Il faut que les femmes sachent qu’elles peuvent faire du hip hop à leur façon, ce qui est exactement la raison pour laquelle nous avons fondé Strange Froots.
Qui sont vos rôles modèles féminins ?
M: Je soutiendrai toujours Missy Elliot parce qu’elle a toujours dix ans d’avance sur les nouvelles tendances et son univers artistique a toujours été très ludique et original, sans parler du fait qu’en grandissant, j’ai eu très peu de rôles modèles qui avaient la même morphologie que moi. Voir une fille ronde et noire devenir une légende absolue résonne beaucoup chez moi. J’ai eu aussi une grosse phase Spice Girls qui a ressurgi il y a peu de temps, et après avoir regardé leurs documentaires, je les aime encore plus pour leur pragmatisme et pour l’importance qu’elles accordaient à leur amitié.
S : J’ai été élevée dans une famille de femmes. Ma mère et ma tante, toutes deux des artistes pluridisciplinaires, ont inspiré mon amour pour les arts. Ma mère, Sylvia Stewart, actrice et cascadeuse, m’a exposé au monde de la comédie et de la performance et ma tante Paula a encouragé ma passion pour l’écriture et la composition. Chez les musiciennes, il y a Jully Black, Ella Fitzgerald, Florence + The Machine…
NC : Je dirais Erykah Badu, Billie Holiday, Amy Winehouse, Nai Palm, Lauryn Hill, Ella Fitzgerald aussi … J’en ai trop.
Quels sont vos projets à venir ?
S : On va travailler sur de nouveaux morceaux. On vient de passer plusieurs années sur « The Wanderer » (pour sortir le titre sur notre EP du même nom en 2014 jusqu’au clip sur lequel on travaille depuis qu’on est allé au Sénégal l’été dernier), on est arrivé à un tournant pour le groupe. J’ai hâte que l’on s’inscrive dans le présent, de montrer qui nous sommes en tant qu’individus aujourd’hui, noires, queer, et ce que ça signifie pour nous. Que ce soit frais.
NC : De nouvelles idées de musique, de créativité, d’expression. Je veux me mettre au défi dans ces domaines et aussi défier le public. C’était toujours bien de se mettre au défi.
Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
M : J’ai grandi dans le système français, je suis allée dans une école internationale avec une majorité d’élèves français (dont ma meilleure amie) et je regardais des chaînes comme TV5, Canal + et TRACE quand je rendais visite à ma famille en Afrique de l’Ouest, alors je me faisais une petite idée de ce que j’allais y trouver quand j’ai découvert le site il y a peu de temps, mais j’ai été agréablement surprise ! C’est vraiment cool de voir que vous présentez des artistes de partout et que vous avez du contenu bilingue ! C’est quelque chose qu’on ne voit pas beaucoup au Québec.
Célébrer l’empowerment et les femmes dans le hip hop. Tel est l’objectif de Lunar Cypher, qui rassemble de jeunes femmes artistes originaires d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud. Avec l’album Lunar Cypher Vol. 1, disponible gratuitement depuis le 29 mai dernier sur les plateformes de téléchargement, le collectif entend redonner aux femmes leur place sur cette scène et révéler de nouveaux talents.
Il y a trois ans, Salomé Eugsterlance un projet en collaboration avec l’artiste espagnole Negreira dédié exclusivement aux femmes artistes. A l’époque, la chanteuse, autrice et productrice suisse travaille déjà depuis des années avec des artistes hip hop américains et co-dirige avec Sean Strange le label indépendant Nah Bro Entertainment, basé à New York.
Cet album, qui offre à des rappeuses, des productrices et des femmes DJs une exposition internationale, réunit 16 artistes hip hop originaire de Suisse, Italie, Espagne, Canada, Chili, Colombie, des Etats-Unis, et des Pays-Bas. Le clip du premier single « Come and Go », featuring Salomé et de la rappeuse milanaise Juggy, a été tourné lors du premier Lunar Cypher Event à Zurich durant l’été 2016.
« Gracias », second extrait en espagnol, réunit la rappeuse suisse La Nefera, la MC espagnole Aura Phi et la Colombienne Shhorai.
Des concerts sont également organisés en Suisse et aux Etats-Unis et un second album est déjà en préparation. La release party aura lieu le 21 juin à Kashemme à Bâle en Suisse.
Madame Rap a discuté avec la rappeuse de Brooklyn Miss Eaves, adepte du DIY et couteau-suisse de la direction artistique. L’artiste féministe intersectionnelle et défenseuse du body positivisme sortira deux clips et un EP de 5 titres cet été et sera en concert en Europe fin juillet-début août.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai grand en écoutant du hip hop donc ça a été toujours été là.
Quand et comment as-tu commencé à rapper et quels artistes t’ont inspirée ?
J’ai commencé à rapper il y a dix ans. J’étais à fond dans le rap électro qu’on pouvait entendre à l’époque, comme Amanda Blank, MIA, Kid Sister et Peaches. J’avais envie de faire de la musique qui fasse danser les gens.
Tu es féministe. De quel courant te sens-tu la plus proche ?
Je suis une féministe intersectionnelle. L’intersectionnalité consiste à combattre toutes les formes d’oppression parce que les femmes se trouvent dans toutes les catégories marginalisées. Lutter contre le sexisme, c’est aussi lutter contre la transphobie, le racisme, l’islamophobie, le racisme et l’homophobie.
Tu parles de « body positivity » dans les titres « Hump Day » et « Thunder Thighs ». Pourquoi ce sujet est-il encore essentiel aujourd’hui ?
C’est très important parce que pendant trop longtemps, on a fait en sorte que les gens aient une mauvaise image d’eux. Les médias grand public ont décidé que leur corps n’était pas « le bon », principalement parce qu’avoir une faible estime de soi sert le capitalisme. La visibilité et la représentation sont essentielles afin que nous puissions commencer à nous réparer et à nous accepter tel.l.e.s que nous sommes.
Tu réalises tous tes clips et conçois tes propres produits dérivés. En quoi est-ce important pour toi de contrôler ces aspects de ton travail ?
Je vis vraiment pour l’art. J’aime tous les stades du processus et j’adore apprendre de nouvelles choses. J’ai fait des études de design et travaille toujours comme graphiste, donc faire des visuels est autant une passion que faire de la musique.
Je crois au fait d’investir mon travail donc j’auto-finance ou organise des financements participatifs pour tous mes projets. Pour cette raison, j’ai généralement des budgets assez restreints et je dois endosser plusieurs casquettes pour mettre en œuvre ma vision artistique (DIY Baby). J’aime aussi prendre différentes formes artistiques et les mélanger pour raconter une histoire.
Qui sont les femmes qui t’inspirent et pour quelles raisons ?
Il y en a plein. Mes grands-mères, ma mère, mes tantes, mes cousines et toutes mes amies qui travaillent très dur pour être de belles personnes et la meilleure version d’elles-mêmes.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Parfois je suis hyper flemmarde et j’écoute juste les découvertes de la semaine sur Spotify (j’aime beaucoup découvrir de nouveaux sons) mais sinon Kodocrome, Leikeli47, Dai Burger, Bby Mutha et Quay Dash.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore Madame Rap ! Continuez à faire ce que vous faites.
Pour la deuxième année consécutive, Madame Rap a le plaisir et l’honneur de s’associer au festival Les Femmes S’en Mêlent !
Rendez-vous à Paris à La Machine du Moulin Rouge :
– jeudi 15 mars pour une table rondeau Bar à Bulles sur le thème : « Le rap, un espace de liberté pour les femmes ? » animée par Éloïse Bouton avec :
– Stélyna (rappeuse)
– D’ de Kabal (cofondateur du groupe Kabal, qui a marqué la scène rap durant les années 1990, auteur et metteur en scène),
– Emmanuelle Carinos (doctorante en sciences sociales au CRESPPA, co-fondatrice à l’Ecole Normale Supérieure de La Plume et le Bitume, séminaire consacré à la stylistique des textes de rap)
– Karim Hammou (chercheur au CNRS, auteur du livre « Une histoire du rap en France » et du blog Sur son rap).
– samedi 17 mars pour un plateau 100% rap au féminin programmé par Madame Rap avec les concerts des rappeuses KT Gorique, Blimes Brixton et Reverie.
Tout le programme du festival c’est par iciet la billetterie c’est par là.
Rencontre organisée dans le cadre du festival Hip Opsession à Nantes avec un DJ set de la DJ L.A.Tipik, un showcase de la rappeuse Illustre et un open-mic, le 6 mars 2018
Rendez-vous mardi 6 mars à Nantes à Trempolino pour une table ronde gratuite organisée par Madame Rap et le festival HIP OPSESSION, suivie d’un showcase de la rappeuse Illustre et d’un open mic.
HIP OPSESSION invite Éloïse Bouton et plusieurs intervenant.e.s à échanger autour de l’activisme hip hop au féminin et à discuter de comment se porte cette scène en 2018. Alors que rap et féminisme sont souvent jugés irréconciliables, faut-il appréhender le hip hop comme un prolongement de nos sociétés patriarcales et sexistes, ou comme un vecteur d’émancipation, support de l’empowerment ? Ces échanges seront suivis d’un showcase de la femcee clermontoise Illustre et d’un open mic.
NOM : Kin4Life (NOR & King IQ)
TITRE : Black Lesbians
ANNÉE : 2017
PAYS : États-Unis, New York, Mount Vernon
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