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KHARAY : « Le rap m’aide à extérioriser ma colère »

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D’origine guadeloupéenne et basée à Dijon, KHARAY est rappeuse, chanteuse, musicienne professionnelle, autrice, compositrice et interprète. L’artiste de 24 ans nous parle de son parcours dans le hip hop, de son premier album en préparation et de son intérêt pour l’enseignement musical. 

Doù vient le nom KHARAY ?

Le nom KHARAY vient du mot « Caraïbes », c’est un hommage au bassin caribéen. Il signifie aussi « Kawaii », qui est un petit clin d’œil à la culture japonaise parce que je suis super fan du Japon.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ? 

J’ai découvert le hip hop quand j’avais 8 ans je pense, avec la chanson Lose Control de Missy Elliott. La première fois que j’ai entendu cette chanson, c’était avec le clip et j’ai été époustouflée par l’arrangement musical, les flows et le mélange rap/chant. Chacune des énergies musicales présente dans le morceau est illustrée avec des mises en scène totalement différentes les unes des autres.

Quand et comment as-tu commencé à rapper ?

J’ai commencé à rapper vers l’âge de 15 ans, quand j’ai découvert Nicki Minaj par le biais d’une amie. La chanson qui m’a fait aimer rapper est Beez In The Trap en featuring avec 2 Chainz. J’étais en kiff et l’instru me faisait bader. C’était tellement différent du rap français que je trouvais un peu trop gentil. Par la suite, j’ai fait des reprises de toutes ses chansons, rap et chant, parce qu’elle est aussi chanteuse, même si elle est moins connue pour ça. Et je pense avoir commencé à écrire mes propres textes rap vers 16-17 ans.

Lequel de tes morceaux te représente le mieux et pourquoi ?

J’ai peu de morceaux sur les plateformes, mais je suis actuellement en pleine préparation d’un album. Et parmi ces morceaux, je dirais que celui qui me représente le plus est SHEESH. C’est un morceau en créole et anglais.

Pour le contexte, j’ai écrit ce morceau après une défaite à un concours de rap. Je m’étais préparée comme une dingue, chaque punchline et chaque flow étaient bien pensés autour d’un thème. J’avais même fait plein de recherches sur le net et tout mdrrr, je suis très dévouée et perfectionniste.

J’étais vraiment en colère et j’avais une prod qui traînait sur mon ordi depuis un moment. Quand je suis énervée, ou que j’ai besoin de me faire réellement comprendre, le créole sort naturellement. Donc j’ai branché mon micro et ma carte son et le reste est parti en freestyle.

Dedans je parle de mes ambitions, mes inspirations, ma famille, mon île. Mais surtout je m’impose en pointant le fait que j’ai besoin de ça pour avancer dans ma vie, pour me prouver que je peux y arriver. Même si mon talent ne suffit pas aux autres, pour moi il est suffisant. Je ne fais pas de la musique/du rap dans le but de m’amuser ou gagner de l’argent, mais vraiment parce que c’est vital pour moi.

J’ai des soucis de gestion de colère, d’anxiété et d’angoisse à la suite d’évènements qui se sont passés dans ma vie. Et le rap m’aide à extérioriser cette colère qui est parfois très étouffante. C’est bien de vivre de sa passion, mais c’est encore mieux si on le fait parce que ça nous aide à nous sentir bien.

Comment travailles-tu la composition et l’écriture de tes morceaux ?

J’ai deux processus de création qui sont à peu près similaires.

Quand je compose une prod, je le fais en fonction de ce que ressens sur le moment. Je collabore aussi avec d’autres compositeurs, je ne fais pas toutes mes prods. Lorsque je finis un son, ou que j’en choisis un qui me plaît parmi ceux qui me sont proposés, je fais des toplines avec des mots, des sons et des rimes que je vais utiliser ou non comme modèle pour l’écriture. Avant d’écrire je pars d’un thème que j’essaye d’illustrer au mieux.

Tout en écoutant les toplines, soit je me pose pour écrire sur mon cahier, quand je veux prendre le temps de faire quelque chose de construit et complexe en écriture, soit je branche mon matos à l’ordi et je freestyle ou j’improvise. Je le fais quand je sais que je ne vais pas ressentir le besoin d’écrire parce que tout se fera naturellement. C’est un fort sentiment d’urgence de composition qui me prend quand je compose comme cela.

Il m’arrive aussi, mais rarement, d’écrire le texte avant la prod, c’est uniquement quand je pars sur une base de poème que j’ai écrit. Et par la suite, je fais des retouches sur le texte au niveau de la syntaxe pour qu’il n’y ait pas de choses qui dérangent sur la prosodie.

Quelles sont les femmes, connues ou pas, qui tinspirent ? 

Ce sont surtout des femcees qui m’inspirent à vrai dire. En France, j’ai grandi avec une admiration pour Diam’s et son œuvre, que je redécouvre avec grand plaisir ces dernières semaines. Sans même parler de la puissance de ses textes et de la porte qu’elle a ouverte en France aux femcees, elle pouvait s’habiller en streetwear et laisser son rap parler pour elle plutôt que son apparence. De plus, elle a été la première dans l’industrie en France à parler ouvertement de santé mentale.

Pour les USA, je dirais Nicki Minaj pour son influence incontestable malgré tout ce que les gens disaient sur elle à cette époque. Elle osait être sexy, et se mêler au rap masculin, elle n’avait pas peur de s’imposer et d’être différente. A l’époque, elle se faisait diss pour ce qui est à la mode de nos jours.

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ? 

Je suis féministe mais je ne le dis pas forcément parce que je le pense comme une façon de vivre plutôt qu’un mouvement. C’est naturel pour moi de me sentir comme égale à l’homme et de ne pas me mettre de limites parce que je suis une femme. C’est tellement normal pour moi que parfois, il m’arrive même d’oublier que tout le monde ne pense pas comme ça. Cependant, je me décrirais comme engagée dans une démarche de sororité.

Le rap est-il ta principale activité aujourdhui ? Si non, est-ce un objectif ?

Le rap est une de mes activités principales mais j’en ai d’autres. Il y a aussi le chant que j’ai découvert beaucoup plus jeune vers l’âge de 6 ans. Et je fais aussi des études de musique actuellement en triple cursus. Je prépare une formation en licence de musicologie, un Diplôme National Supérieur Professionnel de Musicien et aussi un DE de professeur de musique. C’est un de mes objectifs de vivre de mes passions musicales (rap/chant/composition) mais j’ai aussi envie d’enseigner la musique. Je verrais bien en fonction de ce que l’avenir me réserve.

Quels sont tes projets à venir ? En quoi le Covid a-t-il impacté ton activité ?

J’ai profité des vacances d’été pour finir l’écriture de mon premier album qui, j’espère, sortira bientôt. Il sera composé de 9 titres, avec des morceaux rappés et chantés. Trouver un équilibre entre le chant et le rap dans la tracklist, c’est important pour moi, parce que je ne cherche pas à ce qu’il y ait de distinction entre ces deux disciplines. Je suis une rappeuse et une chanteuse, pas l’un ou l’autre.

J’ai aussi monté un groupe qui s’appelle KHARAY & The Waves dans lequel je suis accompagnée par deux amis qui sont des musiciens talentueux.

Le Covid a pas mal impacté mon activité en ce qui concerne les opportunités de pouvoir faire des concerts ou encore des petites habitudes que j’avais de faire des jams sessions dans les bars. C’était plutôt ardu de pas pouvoir faire de la musique avec d’autres personnes comme avant. Mais cela m’a permis de pouvoir me concentrer sur ma musique, sur ma vie personnelle et davantage sur mes études.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je trouve que Madame Rap est le média qui met le plus en valeur les rappeuses, peu importe leur notoriété. Ce que j’aime particulièrement, c’est que, pour vous, le talent l’emporte sur l’effet de popularité, ce qu’on ne trouve pas dans d’autres médias. Pour moi, il n’y a rien à changer, je dirais même que vous êtes sur la bonne voie. Merci de mettre en lumière les femmes du rap game.

Retrouvez KHARAY sur InstagramFacebookTwitterSoundcloud et YouTube.

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