NOM : Zeuzloo
TITRE : Baleine bleue
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Lille
NOM : Zeuzloo
TITRE : Baleine bleue
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Lille
NOM : Davinhor Pacman
TITRE: Couronne
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Creil/Saint-Ouen
© Erwan Blaszka (@erwanblaszka)
NOM : Eli
TITRE : Enchantée
ANNÉE : 2019
PAYS : France, Nantes
NOM : Myrna
TITRE : Existence
ANNÉE : 2019
PAYS : France, Paris
NOM : R-ika
TITRE : Moschino
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Melun
NOM : Esthr
TITRE : Safé Safé #15
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Seine-Saint-Denis/Paris
NOM : Maya Biizy
TITRE : OFF
ANNÉE : 2019
PAYS : France, Évry
NOM : Lov’Nee
TITRE : Pacificante
ANNÉE : 2018
PAYS : France, Martinique
NOM : Féenose
TITRE : Excision (silence)
ANNÉE : 2009
PAYS : Burkina Faso
NOM : Kassiopaix
TITRE : Problème de nerfs (Flow 2 Femmes vol.1)
ANNÉE : 2012
PAYS : France, Limoges
NOM : Arielle Kasharelle
TITRE : Freestyle #E2R
ANNÉE : 2019
PAYS : Côte d’Ivoire
Quand et pourquoi as-tu changé ton nom L.S.G (Little Shady Gigglez) en Lil’ London?
Je jouais et sortais de la musique sous le nom L.S.G. depuis très jeune, alors vers 2007 je me suis dit qu’il était temps de changer. A la base, Lil’ London était juste censé être utilisé comme alias quand je faisais d’autres styles musicaux (house) mais c’est resté.
Tu as sorti ton premier disque solo à l’âge de 14 ans. Comment cela s’est-il passé ?
Je travaillais avec un producteur très talentueux nommé Bobzee, qui était un ami de la famille. Il m’a présentée plus tard à un manager qui travaillait avec quelques autres producteurs (Ebey & Curtis). J’écrivais les textes et les producteurs me proposaient des super samples. Aujourd’hui je grimace quand je les écoute. J’avais un faux accent américain et tout (comme la plupart des rappeurs britanniques dans les années 90) lol.
Tu as travaillé avec Ski Beatz. Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’as-tu appris de cette collaboration ?
Je suis restée quelque temps dans le New Jersey en 2012. Un bon ami à moi D. Rilla , également rappeur, est venu à New York rendre visite à sa sœur, qui est aussi une amie de Ski Beats. On s’est tous retrouvé au Dojo, le studio d’enregistrement de Ski. D. Rilla et moi sommes restés et avons enregistré un titre avec lui. Ski est vraiment cool, humble et talentueux ! Il jouait avec les sons, supprimait tout et recommençait un nouveau projet, et j’étais assise sur ma chaise en me disant « mais c’était ouf ! »
Le titre “London’s I” est très politique. Est-ce que tu dirais que tu fais du rap conscient ?
Ma musique a un côté conscient. J’ai plein d’avis et j’écris ce que j’ai dans mon cœur ou ma tête à ce moment-là. Je n’aime pas particulièrement les étiquettes, et je déteste qu’on me mette dans une case ! C’est génial quand les gens peuvent s’identifier à ta musique, et si tu peux véhiculer un message positif ou éduquer avec tes morceaux, c’est encore mieux. Mais je suis une artiste polyvalente et demain j’aurai peut-être envie de faire un son qui fasse danser et sauter les gens en l’air. Les gens ont des humeurs différentes, tout comme ma musique.
Tu as joué dans plusieurs films indépendants. Selon toi, quelles sont les similitudes entre la comédie et la musique ?
Je pense que c’est très similaire, le fait d’apprendre des paroles ou un texte, de jouer sur scène et de se retrouver devant un public et des caméras. Parfois tu n’as pas envie d’aller sur scène ou de sourire à la caméra, ça peut être une performance en soi. En fait, je suis en train d’apprendre un texte pour un rôle dans un prochain film intitulé « 198 Grand« .
Tu coproduis tes titres et coréalises tes clips. Est-ce commun pour les femmes artistes au Royaume-Uni ?
Je suis juste une control freak lol ! J’ai toujours des idées et j’adore participer au processus créatif en coulisses. Je pense que c’est important pour un artiste de savoir ce qu’il veut ou au moins d’avoir une idée sur comment il veut procéder, ce à quoi il veut ressembler ou comment il veut sonner, sinon tu es juste un pantin ! Je crois que de nombreux artistes, hommes et femmes, laissent d’autres personnes prendre des décisions importantes. J’ai la chance d’avoir une personne, Rozar, à qui je balance des idées et qui semble toujours partager ma vision des choses.
Te considères-tu féministe ? Pourquoi ?
Encore une fois, je n’aime pas vraiment les étiquettes mais je soutiens clairement les femmes ! Je suis pour l’égalité, mais je crois qu’il faut faire attention à ne pas perdre les attributs que Dieu nous a donnés, pendant qu’on se bat pour encore plus. Je pense que c’est très important que les femmes se construisent mutuellement au lieu d’essayer de se tirer dans les pattes ! Surtout dans l’industrie de la musique, les gens veulent toujours mettre les femmes en compétition et nous comparer, comme s’il n’y avait de la place que pour une seule rappeuse à la fois. Je ne vais pas brûler mon soutien-gorge mais j’adore les femmes fortes et indépendantes et j’aime voir d’autres femmes réussir ! Je suis toujours ouverte à des collaborations avec d’autres talents féminins, mais on dirait que les gens préféreraient voir les femmes se battre les unes contre les autres, plutôt que de travailler ensemble. Je ne suis en concurrence avec personne, à part avec moi-même ! Je déteste les femmes qui s’opposent à tout ce pour quoi nous nous sommes déjà battues, et défont tout le travail qui a déjà été accompli avant nous… C’est là que je passe en mode sauvage et que j’ai des envies d’attaques et de de meurtres lol. D’où quelques titres que je vais bientôt sortir (“Hunting Season”, “Bang Girl”, “Fight Talk”).
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je suis old school lol… Wu-Tang Forever est dans ma voiture en ce moment. Sur mon ordinateur portable, tu peux trouver du Billie Holiday.
Quels sont tes projets à venir ?
Je me suis retirée quelque temps de la scène hip hop, pour me concentrer sur le travail et l’écriture. Je suis récemment retournée en studio avec mon ami rappeur et producteur John Hectic. On a collaboré sur quelques titres et on est en train de bosser sur des visuels. Je viens de commencer à travailler sur un EP, et vais aussi tourner les clips de ces titres. J’ai enregistré un tube house qui devrait sortit cet été et j’apprends mon texte pour un film… Donc beaucoup de nouveaux projets stimulants à venir.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore vraiment ce que vous faites et je trouve génial que Madame Rap offre une plateforme aux femmes… Nous en voulons assurément plus !
Retrouvez Lil’ London sur Soundcloud, Facebook, YouTube et Twitter.
© Kay Mills at Captured Studio
Est-ce qu’il faut t’appeler Blimes Brixton ou Oh Blimey?
Blimes Brixton. Oh Blimey est mon précédent nom de scène. J’ai l’impression d’avoir beaucoup grandi au cours des dernières années en tant qu’être humain et auteure et je voulais que ma carrière reflète ces changements.
Comment et quand as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le hip hop quand l’une de mes baby sitters m’a dit qu’elle voulait bien que j’écoute son radio cassette si je ne répétais pas qu’elle fumait. Elle avait l’album Marshall Mathers et je l’ai écouté du début jusqu’à la fin. J’étais accro à son côté dangereux et rebelle. Après ça, j’ai chopé toutes les cassettes de hip hop que je voyais passer. Dr. Dre, Snoop Dogg, Blackalicious, Andre Nickatina, Too Short, Jurassic 5, Jay Z, Digital Underground, Missy Elliott, et la liste continue…
Tu as remporté une série de battles de rap. En quoi cet art est-il différent des performances « classiques » ?
C’est très différent. Quand je fais un concert, j’ai l’impression de pouvoir soulever le public, les autres artistes et moi-même de manière positive. Quand je faisais des battles, j’avais l’impression que pour gagner et être aimée, je devais écraser les autres. Ca ne faisait pas écho à la personne que je suis vraiment. Je suis fondamentalement féministe, foncièrement antiraciste, et j’aime juste les gens. J’avais l’impression de perpétuer la haine en me retrouvant dans cette arène. Je ne vais pas mentir et dire que ça ne me faisait pas du bien de gagner, mais quand je préparais mes battles, ça ne valait pas le coup de me concentrer sur toute cette négativité, pas seulement envers mon adversaire mais aussi envers moi-même.
Peux-tu nous raconter l’histoire du titre « Old Habits » ?
« Old Habits » parle du fait de revenir en terrain familier, là où je vendais de la drogue pour m’en sortir, et de reprendre contact avec un vieil amour qui invoque encore notre histoire passée pour obtenir les substances que je lui fournissais.
La scène féminine hip hop de Los Angeles semble prospère. Comment décrirais-tu le rôle des femmes sur cette scène ?
Elle l’est. Non seulement elle est très dense, mais elle est aussi très unie, ce qui est incroyable. Il y a cinq ou dix ans, il n’y avait rien de tout ça. Les femmes avaient l’impression qu’elles étaient toutes en compétition pour une seule place détenue par le mainstream, mais maintenant, avec les yeux grands ouverts, nous acceptons l’idée d’être des entités plus puissantes que nos ennemis. Le rôle des femmes sur cette scène est d’exceller. Notre moment est venu. C’est notre tour. On ne peut plus laisser ces hommes avoir la vie facile. On doit leur faire savoir que nous sommes vraiment la concurrence. Les femmes déchirent à L.A. en ce moment.
Le hip hop est souvent perçu comme sexiste et homophobe. Comment le rap est-il perçu dans la communauté LGBT et vice versa ?
En fait, le hip hop se porte très bien dans la communauté LGBT, plus que jamais, et c’est magnifique. Je pense que les Queers en ont eu assez que la musique qu’ils aiment et qu’ils écoutent ne soit jamais écrite de leur point de vue. Aujourd’hui, tu peux trouver des soirées et des festivals qui nous donnent une voix, avec des artistes queer comme Le1f , TT The Artist et moi en tête d’affiche, et ça fait du bien.
Te considères-tu féministe ? Pourquoi ?
Oui. Parce qu’on peut faire tout ce que les hommes font.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
J’ai écouté les dernières étapes du mix et du mastering de « Dodgy », le nouvel EP de Gavlyn et moi, avec des tonnes de modifications haha. Quand j’ai la chance de faire une pause, j’écoute Anderson .Paak , Majid Jordan, Gallant, Chance the Rapper, Etta Bond, ScHoolboyQ ou des copains comme Gavlyn, Olivia Braga, Adam Vida …
Quels sont tes projets à venir ?
« Dodgy »! Avec des clips et une sortie officielle pour bientôt. Je vais sortir le premier single dans les deux prochains mois, puis le projet entier quand Gavlyn et moi aurons fini notre tournée à la fin du mois de septembre.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore. Je crois que beaucoup de gens, et pas seulement des femmes, cherchent où trouver des super rappeuses parce qu’il existe bien plus de femmes qui font de la musique que les cinq connues du grand public. Continuez comme ça ! Faites aussi de la pub sur d’autres blogs hip hop pour gagner plus de visibilité et petit à petit, tout le monde vous connaîtra ! Je continuerai à vous lire.
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D’où vient le nom BauBô ?
BauBô est la déesse des rires obscènes ou déesse du ventre dans la mythologie grecque. Je suis tombée sur elle en lisant le livre de Clarissa Pinkolas Estes Femmes qui courent avec les loups. BauBô est une petite déesse dont les yeux se trouvent à la pointe des seins et à qui la vulve tient lieu de bouche.
Elle joue un rôle central dans le mythe de Déméter :« Accablée par la disparition de sa fille, qui a été enlevée par Hadès, le dieu du monde souterrain, Déméter rencontre lors de sa recherche Baubô. Pour sortir Déméter, déesse de l’agriculture et des moissons, de sa torpeur et permettre à la terre de renaître, BauBô soulève sa jupe et, de sa bouche du bas, sort maintes plaisanteries grivoises. Déméter éclate de rire. Ces rires parviennent jusque dans les enfers. Et Hadès en riant consent à libérer Perséphone la moitié de l’année. La terre est sauvée ! » Je me suis dit, celle-là, elle ne me quitte plus !
Quand et comment as-tu commencé le street art ?
A partir de 2006, après m’être rendue compte que partout dans le monde le masculin et le féminin se voient accorder une valeur inégale, en faveur du masculin, j’ai commencé à travailler sur la mise en valeur du féminin en prenant le dessin de l’utérus comme symbole.
Deux ans plus tard, j’ai cherché à montrer et partager mon travail en contactant des galeries, mais j’ai trouvé porte close. L’idée de mettre mon travail dans la rue est née à ce moment-là.
Dans les années qui ont suivi, j’ai appris que 80% des artistes exposés en galerie étaient des hommes ( !), je n’avais donc que très peu de chances de me faire exposer. J’ai fait alors une tentative dans la rue en 2011, mais j’ai tellement flippé que j’ai pensé que ce n’était pas pour moi.
En cherchant à comprendre pourquoi j’avais eu si peur – parce qu’il n’y avait vraiment pas de quoi : Paris, 10ème arrondissement, 6 heures du matin, en bas de chez moi, je ne prenais pas trop de risques ! – j’ai découvert que j’avais absorbé (et digéré) que je n’avais pas le droit de prendre de la place et encore moins la mienne, qu’on m’avait interdit l’extérieur en me faisait croire que je risquais le viol/agression/harcèlement, bref tous un tas de conditionnement que les femmes ne connaissent que trop bien. Ça m’a super énervée ! J’ai donc bossé dessus pendant des mois jusqu’à me sentir libre et prête à prendre la rue. En août 2012, j’étais dehors avec ma colle et ma brosse !
Tu es également danseuse hip hop, en quoi cette pratique est-elle complémentaire de ta pratique de street artist ?
Je ne sais pas si c’est complémentaire, peut-être au niveau de l’émancipation, de la prise de liberté, de l’exploration. Le hip hop est une danse encore jeune et sauvage, sans cadre et sans norme, peut-être est-ce cela qui m’attire tout comme l’art urbain ?
Tu collabores régulièrement avec différentes organisations féministes. A quand remonte ta prise de conscience féministe et comment s’est-elle révélée ?
Je n’ai pas de souvenirs précis, mais c’était à l’approche de la trentaine. J’étais prise dans un brouillard très épais ne comprenant pas comment faire pour vivre ici. Le questionnement permanent qui m’habitait m’a mise face à mon conditionnement en tant que « femme » et m’a amené à la découverte de la domination masculine entre autres. A force de chercher la lumière, je l’ai trouvée !
Tu t’es récemment mise au rap avec le titre « CHIPS ». Pourquoi as-tu eu envie de rapper ?
Au départ, je voulais chanter. Il y a 16 ans, j’ai pris mon premier cours de chant. Durant des années je me suis arrachée les cheveux parce que, malgré une profonde envie de m’exprimer par ce médium, je ne ressentais rien. J’ai fait quelques maquettes, comme auteure, puis comme auteure/compositrice mais au bout de 10 ans de cours et de tentatives musicales, je n’avais toujours aucune sensation. Dépitée, j’ai décidé d’arrêter les cours.
J’ai ensuite intégré une chorale de gospel espérant que là, je réussirais à débloquer l’engin, mais rien non plus de ce côté-là. J’ai fini par arrêter le chant mais comme j’avais écrit beaucoup de textes et que je sentais que j’avais ma place sur scène, je me suis dit que si je ne pouvais pas chanter, je pouvais au moins déclamer !
Je suis donc allée faire du slam. C’est là que j’ai enfin ressenti quelque chose physiquement et que des gens m’ont dit que ma déclamation était proche du rap. J’étais surprise, un peu émue, c’était une forme artistique que j’aimais beaucoup mais que je ne pensais pas pour moi, comme une impossibilité. Mais l’idée est restée dans ma tête et en 2015, alors que j’essayais, pour m’amuser, de poser mes textes sur une instru, mon flow s’est mis en place d’un coup comme s’il avait toujours été là.
Le rap est un genre artistique qui correspond exactement à ce que j’ai à dire au niveau du sens et du ressenti.
Tu as réalisé le clip de « CHIPS » toi-même. Pourquoi était-ce important pour toi ?
Ce n’était pas important, c’était plus simple ! J’avais en tête à peu près le clip que je voulais alors je l’ai fait. Je m’étais déjà essayée à la réalisation et au montage avec les sketchs de Kauzette Kauz sur YouTube et je voyais à peu près ce que je pouvais sortir ! Le résultat colle bien avec ce que j’avais imaginé !
D’après toi, peut-on être féministe et fan de rap ?
Pour moi, le rap est une forme artistique qui allie rythme, poésie urbaine et (ou pas) contestation. Alors oui forcément on peut être féministe et fan de rap. On n’a pas attendu certains rappeurs pour être abreuvés de misogynie, la variété, le rock en regorgent. Utiliser la haine des femmes, c’est très opportuniste et très courant surtout quand on sait que rien n’est mieux toléré/accepté/autorisé/encouragé, par la société, que cette haine. Mépriser les femmes, c’est pratique, ça permet de se sentir supérieur à moindre frais et sans faire beaucoup d’efforts ! Pour en revenir au rap, il existe des tas de rappeurs/rappeuses qui n’utilisent pas les haines de nos sociétés pour se faire un nom, donc il y a de quoi faire pour celles et ceux qui aiment cette forme artistique.
Que faudrait-il faire selon toi pour que les femmes soient mieux représentées dans le hip hop ?
L’autre jour, je suis allée voir Casey en concert au Centre Pompidou, alors que je demandais à l’entrée où était le concert, le mec me répond « le rappeur ? C’est au 3ème ». Je rectifie en lui disant que c’est une rappeuse. Il me regarde ahuri et me dit « une rappeuse, ça existe les femmes qui font du rap ? »… Voilà.à A cause de l’absence de diffusion du rap féminin, en France, pour le grand public, le rap, c’est un peu comme le foot, un truc de mecs (sic) ! C’est vraiment triste de voir cette absence de visibilité des rappeuses dans le rap français.
Que faudrait-il ? Franchement c’est la grosse question ! Des femmes chez les distributeurs/labels/maisons de disques/radios ? Une ouverture d’esprit chez les décideurs ? De la curiosité chez les diffuseurs ? Et certainement beaucoup moins de normes et de clichés !
Quels sont tes projets à venir ?
Le mur Oberkamp le 10 septembre à Paris, un projet à base de tricot urbain/Collage avec Les Sœurs Chevalme et le Café Culturel de St Denis-La Fabrik sur la place des femmes dans la rue. Première étape exposée au 6b à partir du 15 novembre. Et côté musique, enregistrement de nouveaux titres et suite de l’aventure….
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
C’est excellent ! Quand je l’ai découvert et que je l’ai posté sur les réseaux sociaux, il y a eu un nombre impressionnant de réactions enthousiastes, il y a une vraie attente du côté du rap des femmes !
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© Street Art Shooters
Tu as commencé à rapper quand tu étais adolescente. Comment ça s’est passé ?
Quand j’étais plus jeune, mon frère aîné faisait partie d’un groupe de rap gospel et je trouvais ça tellement cool. Je me disais aussi « moi aussi je pourrais écrire des rimes ». Pendant qu’ils travaillaient sur leurs chansons, j’allais dans un coin et j’écrivais mes couplets sans jamais les partager avec personne. J’étais assez timide à l’époque. Après leur séparation, j’ai continué à écrire et enregistrer des petits mémos vocaux. Quand je suis entrée à l’université, j’ai rencontré des gens qui étaient autant passionnés de musique que moi et qui m’ont conduite où je suis aujourd’hui.
Tu as ensuite fait partie d’un groupe intitulé Jinus. Peux-tu nous en dire plus sur cette expérience ?
Jinus était un groupe de rap gospel que j’ai rejoint à l’université. A l’époque, on était 3 rappeurs, 2 chanteurs et 1 super producteur. Nous nous sommes rencontrés à l’église en fait. C’était une expérience incroyable, qui m’a permis de me produire sur scène devant un public pour la première fois. Parfois, on enregistrait nos titres dans la petite chambre de l’un des membres et on les jouait à l’église. Le groupe existe toujours aujourd’hui, à l’université du Bénin, avec de tous nouveaux talents. Les autres fondateurs et moi faisons partie des anciens étudiants officiels. : )
Tu cites Run DMC, Nas , Nelly et Drake comme certaines de tes influences. Que leur trouves-tu de particulier ?
Chacun d’entre eux avait/a un son unique, je crois que c’est principalement ce qui m’a attirée.
Comment as-tu rencontré le producteur de Montréal Teck-Zilla et comment avez-vous commencé à collaborer ?
J’ai rencontré Teck début 2014. J’accompagnias un ami à un concert de hip hip qui avait lieu une fois par mois. Teck était le DJ de la soirée. J’ai demandé à mon ami de me faire une faveur et d’aller lui dire que je voulais jouer un titre sur lequel je travaillais, et ils ont accepté. Après le concert, il m’a parlé d’un projet, m’a envoyé un beat et on s’est retrouvé en studio. Nous avons fait un morceau, puis deux, puis trois, et le reste a fait l’histoire.
Tu viens de sortir un titre intitulé « Phlowetic Justice » inspiré de « Poetic Justice » de Kendrick Lamar. Pourquoi as-tu eu envie de travailler sur ce morceau ?
C’est une coïncidence dingue. En fait, Teck avait fait ce beat avant de me rencontrer. « Poetic Justice » est une chanson que j’ai toujours adorée et je la chantais parfois dans des karaokés. Teck n’en savait rien quand il a composé ce son. J’ai adoré, ça tombait bien en quelque sorte, et le jeu de mot sur le titre apportait aussi une touche sympa. : )
Qui sont tes modèles féminins et pourquoi ?
Ada Lovelace, la première femme programmatrice informatique, qui est incroyable, Maya Angelou, ca va de soi qu’initier une démarche courageuse et s’y tenir est clairement quelque chose que j’admire.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Ca dépend de votre définition. Je crois que chacun devrait pouvoir faire ce qu’il veut. Que l’on soit un homme ou une femme ne devrait pas déterminer ou entraver ce qu’on souhaite accomplir.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Beaucoup de styles différents, allant de la dance au rap, Jon Bellion, Drake, The Chainsmokers.
Quels sont tes projets à venir ?
Je travaille sur deux projets : l’un avec le producteur suédois Ryko et le second avec une autre rappeuse talentueuse, Cyclone, produite par Teck-Zilla.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve que c’est un super moyen de montrer le talent des rappeuses au reste du monde. Ca donne assurément aux femmes dans le hip hop un espace nécessaire pour s’exprimer librement dans un genre dominé par les hommes.
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Paradise Sorouri est la première rappeuse originaire d’Afghanistan. Elle raconte à Madame Rap comment elle a fondé le duo hip hop 143Band avec Diverse et son combat pour l’égalité femmes/hommes et la liberté d’expression.
Comment as-tu découvert le hip hop et comment avez-vous fondé 143Band avec Diverse?
Diverse et moi avons chacun découvert le hip hop dans les annés 2000, à l’adolescence, quand nous vivions en Iran. On écoutait surtout 2Pac, Eminem, Jay Z, Kanye West, Black Eyed Peas, et plein d’autres super artistes.
L’Iran connaissait une révolution hip hop à l’époque. Quand on s’est rencontré à Herat en Afghanistan en août 2008, on a fondé le duo 143Band. C’était très difficile de lancer ce projet dans une ville aussi religieuse que Herat, mais nous avons réussi à avoir notre home studio, même s’il était de mauvaise qualité. Nous avions très peu d’équipement et de connaissances, mais c’était mieux que d’aller dans d’autres studios qui nous exposaient au danger.
Vous vivez aujourd’hui à Berlin. Pourquoi avez-vous quitté l’Afghanistan ?
Nous vivons à Berlin depuis environ un an et demi. Nous avons reçu de nombreuses menaces en Afghanistan et nous avons été agressés par des inconnus dans la rue. Des chaînes de télévision religieuses critiquaient notre travail et certains intégristes ont commencé à nous attaquer. Nous vivions sans aucune protection et avec le risque de se faire tuer à chaque instant. Afin de continuer à nous battre pour l’égalité entre les femmes et les hommes et l’humanité, nous avons décidé de nous installer en Allemagne et de continuer le combat plus que jamais.
A quoi ressemble la scène hip hop féminine à Kaboul ? Les rappeuses y sont-elles nombreuses ?
En 2010, Diverse a eu l’idée de sortir la première chanson de rap interprétée par une femme (moi) en Afghanistan. A l’époque, c’était très mal vu, même si aujourd’hui les choses ont changé. C’est très difficile pour les femmes de chanter et de rapper mais nous sommes ravis de voir de plus en plus de femmes sur cette scène.
Au début, on acceptait de jouer devant 10 personnes, juste pour promouvoir le hip hop en Afghanistan. Mais depuis quelques temps, certains concerts ramènent de milliers de personnes. Et le nombre de rappeuses augmente chaque jour.
Tu es la première rappeuse afghane. Comment es-tu perçue en tant que femme artiste et comment les gens réagissent à ta musique dans ton pays ?
Quand nous avons sorti notre premier titre en 2010, nous avons reçu beaucoup de retours positifs de la part de notre famille et de notre entourage. Nous avons décidé de le mettre en ligne et il est devenu viral. Nous avons aussi reçu des retours positifs d’un point de vue international et bien sûr des retours négatifs de la société afghane. Pourtant, l’énergie positive était plus forte et nous avons décidé de sortir notre deuxième titre, « Nalestan« , dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous avons demandé à de nombreux médias de nous soutenir, mais ils ont refusé ! Facebook et YouTube sont nos meilleurs alliés depuis le début.
De quoi parlent vos chansons ? Et en quoi le rap est-il un outil politique à vos yeux ?
Nos morceaux parlent principalement de la lutte contre les violences faites aux femmes, d’égalité femmes/hommes et de la lutte contre les mariages précoces, le droit à l’éducation, les droits des enfants, et surtout de répandre l’amour à travers le monde.
Comme le rap est un mode d’expression direct de notre société, il est facilement compréhensible de la part de gens lambda et peut assurément être un outil de changement et de révolution. La place des femmes a beaucoup évolué en Afghanistan, et c’est notamment grâce au hip hop.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je me définis comme féministe et j’ai déjà participé à de nombreux événements, rassemblements ou concerts sur le sujet. Mais avec Diverse, nous utilisons un autre terme qui est le « couplisme ». C’est beaucoup plus facile de changer les mentalités et les mauvais comportements des hommes que d’encourager les femmes à se battre pour leurs droits. Les violences faites aux femmes concernent aussi les hommes et ne sont pas seulement un problème féminin. Nous sommes ensemble pour sauver l’humanité et propager l’amour. Alors, le couplisme semble être une meilleure idée et nous travaillons très dur à le promouvoir partout.
Qu’écoutez-vous en ce moment ?
Ces derniers temps, on se concentre sur la sortie d’un album et d’un EP. Donc nous écoutons surtout notre musique afin de terminer ces projets le plus rapidement possible en 2017. C’est très difficile mais nous allons y arriver.
De quoi parlent ces projets ?
Pour le moment, le EP comporte 2 titres, l’un qui traite du problème des réfugiés et l’autre de l’idée de « faire l’amour et pas la guerre ». Sur notre album, nous travaillons sur plusieurs morceaux qui parlent d’humanité, d’égalité femmes/hommes et d’amour !
Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Madame Rap est déjà une super plateforme pour les hip hopeuses ! Mais organiser un grand événement qui rassemble des artistes féminines serait un moyen de favoriser de nouvelles collaborations entre artistes. On vous souhaite beaucoup de succès pour l’avenir !
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La rappeuse de Los Angeles Reverie nous parle de ses influences, du sexisme dans le hip hop et de sa prochaine tournée européenne.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Je ne me souviens pas vraiment de la toute première fois que j’ai « découvert le hip hop » mais je me rappelle qu’à l’âge de 5 ans, à la maternelle, je chantais des titres de rap dans la cour de récré avec mes amis. Mon père adorait le hip hop, donc je suis sûre que le fait qu’il en écoute a eu une influence sur le fait que j’en écoute.
J’étais obsédée par Power 106 quand j’étais petite. Je me souviens que pendant des années, alors que j’étais très jeune, je me réveillais impatiente d’écouter la matinale de Big Boy’s Neighborhood avant d’aller à l’école ! Je l’écoutais tous les jours, religieusement.
Le hip hop a toujours était ma musique préférée. En grandissant, je me suis aussi mise à aimer la pop, mais le hip hop est toujours restée ma préférence et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Quelles sont les rappeuses qui t’ont influencée ? Pourquoi ?
J’ai écouté beaucoup de rappeuses en grandissant, mais je pense que mes préférées, dans le désordre, sont :
Remy Ma, parce que j’adore le fait qu’elle soit tellement ghetto. C’est vraiment une gansgta bitch. Elle a tiré sur quelqu’un qui la faisait chier avec son argent ! J’adore ses paroles, son histoire et sa volonté de partager les moments profonds et personnels de sa vie mouvementée. J’adore sa manière d’être si brute et vraie. J’aime beaucoup les femmes ghetto. Elle déchire à mes yeux.
Missy Elliott est aussi l’une de mes rappeuses préférées depuis que je suis petite. J’adore son éthique de travail, ce qu’elle produit, son look fou, ses beats et les thèmes qu’elle aborde dans ses disques. J’adore son ouverture d’esprit à propos de sa sexualité. Je pense que c’est une sacrée artiste. Plus qu’une simple rappeuse. C’est une icône de la mode et une révolutionnaire hip hop à mon sens. C’est mon rêve de rapper sur l’un de ses beats. Elle influence indéniablement mes sons et ma production.
Roxanne Shante déchire aussi selon moi. Elle est ouf ! Je me souviens que j’étais vraiment jeune la première fois que je l’ai entendue. C’était son titre « Big Mama » et j’étais épatée par son culot et son attitude. Je trouvais que c’était la plus cool parce que ses raps étaient toujours tellement bagarreurs et brutaux. Elle m’a aidé à être plus agressive et présomptueuse dans mes raps. On peut entendre son influence dans la musique que je faisais quand j’étais au lycée, quand j’étais à fond dans les beefs de graffiti. Je disais plein de merde sur mes ennemis dans mes textes à l’époque, lol.
Left Eye. Bordel. J’ai beaucoup écouté TLC en grandissant. C’est l’un de mes groupes préférés. Je dansais pendant des heures sur leur album « Fanmail » toute seule dans ma chambre, en rêvant d’être aussi cool qu’elles un jour. Je trouvais que c’était les plus cool. RIP.
J’aime beaucoup d’autres rappeuses mais je pense que celles-ci sont mes principales influences et celles auxquelles j’accorde le plus de crédit. J’adorerais travailler avec elles.
Tu as écrit “Give It Time” à la mémoire de J-Dilla. Quelle importance avait-il pour toi ?
En fait, je n’ai pas écrit cette chanson à sa mémoire mais j’ai utilisé son beat pour écrire un titre pour quelqu’un que j’aime. Il est toutefois l’un de mes producteurs préférés de tous les temps. Ses beats me font ressentir tout un tas de choses.
J’ai rappé sur plusieurs d’entre eux dans ma vie et j’ai aussi écrit d’innombrables chansons dessus qui en sortiront jamais. Il fait ressortir une partie spéciale de moi. Sa musique m’est vraiment chère, elle me touche. Que le roi repose en paix. Il m’inspire tellement dans mes raps et mes beats.
Tu as tourné en Europe avec Gavlyn. Comment vous êtes-vous rencontrées et comment s’est passée la tournée ?
Je crois que j’ai rencontré Gavlyn sur MySpace ou Facebook. Je ne sais plus trop quand pour être honnête, mais je me souviens d’avoir entendu sa chanson « Walk On By » à l’époque et d’avoir adoré. Je crois que la première fois que nous nous sommes rencontrées en personne, c’était sur le tournage de Cypher Effect qu’on a fait ensemble. Celui 100% féminin.
Au courant de ces dernières années, on est devenu assez proche. On sortait tout le temps ensemble et maintenant on tourne ensemble ce qui est vraiment sympa. C’est cool d’avoir appris à la connaître personnellement, surtout en tournée, parce que ça révèle un autre aspect des gens. On adore rigoler et travailler dur alors c’est une super expérience pour tous les gens qui participent au projet. J’adore cette fille.
Peux-tu nous en dire plus sur ton dernier titre “Los New Yorkangeles” avec Necro ?
Necro est un grand pote. Beaucoup des amis de mon quartier adoraient ce qu’il faisait et on écoutait sa musique tout le temps en grandissant. Je l’ai rencontré au Paid Dues il y a quelques années et il a invité mes amies et moi sur son clip « Kink Panther » et on y est allé. On était les seules filles habillées, lol. C’était hyper drôle.
Depuis, ma musique a vraiment décollé et j’ai prouvé la légitimité et mon sérieux en tant que rappeuse. Il a observé mon essor et est très fier de moi. On se soutient mutuellement et on va à nos concerts mutuels quand on est à L.A. On a pas mal discuté lors de mon dernier show à Brooklyn. J’étais à New York pour quelques jours alors on a décidé de travailler sur un titre ensemble et on a même tourné un clip qui devrait sortir bientôt. On a décidé de rapper de trucs gansgta, parce que comme on a eu la chance de mieux se connaître à New York, on a réalisé qu’on venait tous les deux d’un environnement assez ghetto et qu’on se reconnaissait toujours dedans aujourd’hui. Necro est super cool et je suis hyper contente d’avoir appris à le connaître personnellement parce que c’est un mec tranquille avec un grand cœur et un côté fou, exactement comme moi, lol.
Penses-tu que le hip hop est sexiste ? As-tu déjà été discriminée en tant que femme artiste ?
Je dirais qu’il y a indéniablement du sexisme dans le hip hop. Heureusement, cette génération a éliminé beaucoup du sexisme que la communauté hip hop gratifiait. Je pense qu’au cours des dernières années dire « Tu rappes comme une fille », est devenu inacceptable. De nos jours il y a des filles, beaucoup de filles, qui rappent aussi bien que les mecs. J’ai l’impression que dans les générations précédentes, il n’y en avait que quelques-unes qui perçaient et avaient du succès alors qu’aujourd’hui il y a tellement de femmes fortes partout dans le monde qui débarquent en même temps et sont unies. Les hommes de cette génération ont changé le game à jamais pour nous, en nous acceptant, en reconnaissant notre art et en nous donnant le respect que l’on a toujours mérité. J’ai l’impression que notre génération a contribué à tellement de changements formidables que je suis honorée et fière d’en faire partie.
J’ai clairement été discriminée en tant que femme artiste. Jusqu’à aujourd’hui, les gens me demandent encore si j’écris mes propres paroles, parce qu’ils n’arrivent pas à croire qu’une fille puisse écrire aussi bien. Mais c’est ridicule, putain. Aussi, certaines personnes prétendent que j’ai des fans uniquement parce que je suis « jolie », ce qui est évidemment faux. Si elles écoutaient mes paroles et lisaient les messages que je reçois, voyaient les gens à mes concerts qui me disent que je leur ai sauvé la vie, si elles connaissaient vraiment mon mouvement, elles sauraient que mon apparence joue seulement un petit rôle dans mon héritage. Ma musique ne concerne pas que mon image. Je suis fière d’être une jolie jeune femme de Los Angeles, mais je suis très fière de savoir que mon apparence extérieure n’est pas la raison pour laquelle je plais. Mes textes sont très profonds et touchent les gens dans leur âme partout dans le monde. Les gens m’aiment avant même de savoir à quoi je ressemble. Ils me respectent pour ma musique et mon travail. J’ai aussi accepté l’idée que les gens me critiqueront et descendront toujours parce que je réussis et je suis fière d’accepter la critique en tant que femme, parce que je suis fière d’être une femme dans cette industrie dominée par les hommes.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je me définis assurément comme féministe. Certaines personnes pensent que le féminisme signifie détester les hommes, et c’est la faute de ces salopes extrémistes qui dissimulent leur haine envers les hommes derrière le terme « féminisme », alors qu’elles devraient juste dire qu’elles sont misandres Le féminisme signifie l’égalité entre les hommes et les femmes, ça ne veut pas dire que nous détestons les hommes. J’aime les hommes. J’ai six frères, j’aime mon père et j’ai plein de potes mortels que j’adore.
Je soutiens les droits des femmes et j’espère qu’un jour nous serons au même niveau que les hommes dans tous les domaines de la vie. Nous sommes assurément en chemin et je veux dire mon amour et ma reconnaissance aux hommes forts qui soutiennent les femmes fortes, comme moi, dans cette quête. J’adore les gens de tous horizons, hommes, femmes, noirs, blancs, vieux, jeunes, riches, pauvres, homosexuels, hétérosexuels, non éduqués, diplômés de l’université, je les aime tous. Je n’ai pas de temps ou d’énergie à consacrer à haïr les gens, surtout si cette haine découle de préjugés.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
En ce moment, j’écoute beaucoup de beats. Flying Lotus, Bonobo, Tokimonsta et beaucoup d’instrus. J’ai commencé à faire du son récemment, alors j’écoute encore plus de beats qu’avant. J’ai toujours adoré les instrus, J-Dilla, 9th Wonder, Louden, j’adore les beats. Ca me permet de laisser mes pensées voguer librement. Parfois, j’ai l’impression que les paroles dirigent trop mon esprit.
Tu repartiras sur les routes d’Europe en octobre 2016 avec la tournée Gav & Rev European Tour, aux côté de Gavlyn et DJ Lala. Quels sont tes autres projets à venir ?
J’ai plein de projets qui arrivent bientôt ! En août, je vais sortir un ou deux singles et au moins un autre en septembre. En octobre, je vais commencer à sortir des titres extraits du nouvel EP sur lequel je travaille avec E-Dub de Pocos Pero Locos. Je suis excitée de sortir tous ces morceaux parce que je les adore et je pense que mes fans vont très bien les recevoir. Surtout mes fans les plus anciens qui disent qu’ils « préfèrent mes vieux sons aux nouveaux. » J’ai plein de choses pour eux, tenez-vous prêts !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve que Madame Rap est mortel. J’aime vraiment l’idée que vous mettiez en lumière les femmes dans le rap. Je pense que la seule amélioration à envisager serait d’avoir un bouton de traduction sur votre page, pour que les gens puissent lire tous les articles dans leur langue, lol. Respect, et merci de m’avoir sur votre site !
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Le•a rappeur•euse/poète/dramaturge/écrivain•e britannique Kae Tempest sort l’album Let Them Eat Chaos. Madame Rap a rencontré l’artiste à Paris pour parler féminisme, hip hop et écriture.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Je devais avoir 12 ou 13 ans quand je suis tombée amoureux•euse du hip hop. J’ai toujours écouté de la musique mais ce sont les paroles qui me touchaient. Et j’ai toujours beaucoup lu. J’étais passionnée par le lyrisme. Le hip hop est une force sociale, culturelle et politique, c’est un vaste mouvement qui existe depuis cinquante ans minimum. Ce n’est pas surprenant de voir des gamins de South London trouver leur voie dans cette forme d’expression. A l’époque, je ne vivais que pour ça.
J’aimais beaucoup Pharoahe Monch, Guru de Gang Starr, A Tribe Called Quest, Gravediggaz… C’est en écoutant Too Poetic de Gravediggaz que j’ai appris tout ce qu’un rappeur pouvait faire. Et puis Lauryn Hill, Bahamadia, Nas, Biggie et Big L. Je me suis ensuite intéressé•e à ce qui se passait au Royaume-Uni avec entre autres Chester P du groupe Task Force et Skinnyman. J’avais 15 ans à ce moment-là. Je ne faisais qu’écouter, observer et attendre mon tour.
En tant que rappeur•euse, slammeur•euse, poète et dramaturge, les mots occupent une place centrale dans ton travail. Quel est ton processus d’écriture ? As-tu des rituels ?
Ça dépend. Si j’ai une grosse deadline, mon rituel consiste juste à m’y mettre et à me lancer. On utilise souvent des petits rituels pour essayer de se mettre dans un espace que nous ne parvenons pas à atteindre instinctivement. Parfois, rien que le fait de prendre un stylo représente quelque chose de puissant.
Parce que j’ai passé plus de temps dans ma vie avec un stylo à la main que sans. J’écris toujours le premier jet à la main dans un carnet. C’est mieux pour mes idées parce que l’écriture est connectée à la mémoire. Comme ça, quand tu as fini d’écrire des paroles, tu les as déjà probablement mémorisées. Ensuite, je tape le deuxième jet à l’ordinateur et travaille à partir du manuscrit pour les versions suivantes. Mais l’idée initiale passe toujours par le carnet.
Ton nouvel album Let Them Eat Chaos est très sombre, mélancolique et introspectif mais aussi onirique et plein d’espoir. Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu l’as écrit ?
Ça parle du fait d’essayer de comprendre ce qui tient les gens éveillés la nuit. Qui est debout à 4h18 ? C’est la question initiale qui mène aux personnages. Mon état d’esprit est présent sur tout le disque, notamment dans la description des protagonistes, mais aussi dans la manière épique dont l’album débute dans l’espace.
J’essaie constamment de ne pas avoir d’œillères et de lever les yeux pour voir le monde. Je suis ravi·e que vous le trouviez plein d’espoir parce que je pense que c’est un album positif.
Dirais-tu que c’est un disque politique ?
Je pense que c’est impossible en 2016 de faire un disque qui ne soit pas engagé par rapport à notre époque et à la crise que nous connaissons. Consciemment ou inconsciemment, chaque artiste se frotte à ça. Je n’ai jamais cherché à affirmer un engagement politique dans mon travail, mais bien sûr la politique est en moi. +
Je refuse toute étiquette. Je me bats depuis longtemps pour montrer aux gens que les étiquettes sont constamment décevantes. Le fait que je travaille via des formes artistiques si diverses signifie qu’il est impossible de me coller une étiquette. Ça ne va pas. Plus nous sommes réducteurs pour que les autres nous comprennent, plus nous les réduisons à une seule chose pour mieux les comprendre, plus nous nous éloignons de la possibilité de comprendre quoi que ce soit.
Surtout en termes d’idées créatives, qui émergent dans de vastes espaces. Si tu te présentes comme un artiste, un rappeur, un poète ou un romancier politique, alors tu n’écoutes pas ton idée de base.
Londres est un personnage récurrent dans ton travail, mais tu sembles avoir une relation ambivalente à cette ville…
C’est chez moi, c’est là où j’ai grandi. Je n’en suis jamais parti·e. Beaucoup de personnes quittent leur ville natale pour se trouver. Pour ma part, je me suis sentie tellement ancrée dans ce lieu que je n’ai jamais éprouvé le besoin d’aller ailleurs. Mais Londres est aussi pleine de souffrance. Il y a beaucoup de rappels, et de la douleur aussi. En même temps, c’est un endroit terrifiant, beau et magique.
C’est en moi, mais aujourd’hui pour la première fois de ma vie, je ressens l’envie d’être ailleurs et de partir. Je veux aller dans les Pyrénées, les montagnes, les loups, le ciel… En même temps, je dis ça mais je viens juste d’y penser aujourd’hui ! Et de toute évidence, je ne vais pas quitter Londres !
En 2013, tu as remporté le prix de poésie Ted Hughes pour ton ouvrage Brand New Ancients. En quoi cette reconnaissance institutionnelle a-t-elle influencé ton parcours ?
J’aimerais croire que ça ne change pas grand-chose mais bien sûr que si. Pendant dix ans, je voulais désespérément être entendu·e. Je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas jouer où je voulais, pourquoi je ne pouvais pas me faire signer en maison de disques, ou pourquoi je ne trouvais pas d’éditeur. C’est comme si j’étais sur le point d’exploser mais ne savais pas comment m’y prendre.
Je travaillais toute la journée dans des écoles, où j’animais des ateliers d’écriture, je faisais de concerts de slam en début de soirée et des concerts avec mon groupe après… Je travaillais chaque minute de la journée et je voulais être validé·e. Pour être totalement honnête, c’est beaucoup plus facile de dire que tout ça n’a pas d’importance, une fois qu’on l’a obtenu. Avant de remporter cette récompense, je n’avais aucune chance de gagner un prix de poésie.
Je n’avais même pas l’intention d’aller à la cérémonie. J’avais passé la journée dans une prison de femmes à Holloway, à animer des ateliers à partir d’une pièce que j’avais écrite. C’était une journée très sérieuse. Je travaillais avec ces détenues, on me montrait la maternité de la prison, où les femmes accouchent et restent six mois avec leur bébé avant qu’il ne soit placé. Et après, je suis parti·e à cette putain de soirée de récompense dans un coin bourgeois de la ville, avec du vin blanc, toutes ces conneries, et j’ai gagné ce putain de prix ! Ça n’avait aucun sens.
Tout à coup, tout l’establishment de la poésie a commencé à s’intéresser à moi, ce que je ne voulais pas vraiment, et je n’y étais pas préparé·e. Mais en fait, c’est assez stimulant d’imaginer une vie entière à s’améliorer en tant que poète. C’est important pour moi. C’était une victoire, pas que pour moi, mais pour tous ceux qui rappent ou font du slam.
As-tu déjà été discriminé·e en tant qu’artiste ?
Oui bien sûr, mais je pense que c’est plus important de dire la chance que c’est d’avoir un point de vue, un courage, un pouvoir, une volonté de femme. C’est important de souligner le positif. J’ai trouvé la résilience qui m’apprend être sûre de moi, parce que personne d’autre ne l’est vraiment.
Le hip hop est perçu comme la musique la plus sexiste. Quel est ton avis sur le sujet ?
Quand j’étais jeune, le hip hop était tout pour moi. J’évoluais dans cette culture et je l’ai juste absorbé·e. A un niveau inconscient, j’ai cessé d’entendre la misogynie, l’homophobie… J’étais tellement amoureux·se de la forme artistique que j’ai arrêté d’y prêter attention. Je ne pensais pas que tous ces mots m’étaient destinés même si j’entendais bien les rappeurs parler des femmes de manière que je trouvais profondément dérangeante.
En grandissant, j’ai réalisé que ce que j’avais appris de plus important du hip hop était l’authenticité. Et en étant sincère envers moi-même, je ne pouvais pas rester là et faire comme si tout ça n’existait pas. J’ai compris que j’avais envie d’être visible et de me faire entendre, d’une manière qui allait à l’encontre de tout ce qu’on pouvait dire du rôle ou de la place d’une femme. Me lever et prendre le micro, sans avoir l’air sexy ou stupide ou sans sucer la bite de personne, et vouloir juste parler de choses sérieuse était un moyen pour moi de rééquilibrer un peu la balance.
Le revers de la médaille, c’est que si tu ne fais pas partie de cette culture et la juges misogyne, je n’ai pas envie d’en parler avec toi, parce qu’il y a tellement de subtilités qui t’échappent. Si tu rejettes la dimension libératrice et vertueuse de la culture et de la musique hip hop, ce n’est pas mon rôle de t’éduquer. Il y a un problème, mais il faut faire partie de la culture pour comprendre ses nuances.
J’étais juste un·e gamin·e queer et bizarre, tous mes amis étaient des mecs et je le gérais très bien. Je sais que tout ce sexisme relève de la performance. C’est une sorte de bravade ou de truc adolescent et je sais que la réalité de ces hommes avec leur mère ou leurs sœurs est bien différente. Alors je sais que ce n’est pas une vraie menace, c’est une danse, une vilaine danse, ils en reviendront. Ils ont juste besoin de tomber amoureux aussi !
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je ne me considère pas, je fais juste le boulot. Mais c’est important de dire que je crois en une égalité véritable.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Plein de choses. Un rappeur qui s’appelle Trim, son album déchire. Il y a aussi Rosie Lowe, une chanteuse de R’N’B produite par Dave Okumu, qui est incroyable. Il fait partie du groupe The Invisible et il est vraiment cool. Sinon j’écoute tout le temps Pharoahe Monch, Mos Def ou Yasiin Bey, Little Simz … J’aime beaucoup Paranoid London, un groupe de house minimale bien crade !
Quels sont tes autres projets à venir ?
J’ai un projet de pièce mais je ne sais pas quand elle sera finie. Je travaille aussi sur un nouveau livre de poèmes… J’ai généralement quatre ou cinq projets en même temps, ils occupent le même espace. Là, je vais être en tournée avec mon album pendant quelque temps, mais je ne vais pas pour autant m’arrêter de travailler à d’autres idées.
Je travaille également sur un nouvel album, mais lentement, parce que ça fait cinq ans non-stop que je me concentre pour en arriver où j’en suis aujourd’hui. Alors mon prochain projet va prendre un peu plus de temps.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve ça très important de valoriser les femmes dans le rap car malheureusement elles restent très peu visibles. C’est un travail essentiel.
Elles sont rappeuses, britanniques d’origine jamaïcaines, noires, converties à l’Islam et font du hip hop un outil social et politique pour développer des ponts entre différentes communautés. Madame Rap a interviewé Muneera Rashida et Sukina Abdul Noor de Poetic Pilgrimage sur leur relation au rap, à la religion et aux femmes.
Comment vous êtes-vous rencontrées et comment avez-vous commence à rapper ?
Muneera Rashida : Nous nous sommes rencontrées à l’école. J’étais deux classes au-dessus de Sukina. On était dans une école catholique et on faisait toutes les deux de la chorale. On adorait ça parce qu’on pouvait y chanter des morceaux de Rn’B et d’autres styles qu’on aimait bien. On est devenu amies plus tard, lors d’un concours de talents. Sukina chantait et moi, j’animais une émission de radio sur une radio pirate de Bristol.
Sukina et moi avons réalisé que nous avions beaucoup en commun en termes de philosophie, de valeurs, d’identité… Dans mon entourage, je n’avais pas beaucoup d’amis avec lesquels je pouvais aborder tous ces sujets. Nous avons sympathisé parce que nous avions ces points communs et aussi à cause de notre amour de la musique.
Quelques années plus tard, j’écoutais du rap et j’essayais d’écrire mes propres paroles et Sukina chantait toujours. En essayant de trouver des artistes qui nous représentaient, on s’est rendu compte qu’il n’y en avait pas. On a déménagé à Londres pour aller à l’université et c’est là qu’on a lancé Poetic Pilgrimage.
En quoi le rap est-il un outil politique à vos yeux ?
Sukina Abdul Noor : Pour moi, le hip hop est un outil de changement social et politique parce que ce sont ses fondements mêmes. Le hip hop était d’abord la voix des sans voix, un moyen pour des individus d’exprimer leur réalité et de se (re)définir à travers le pouvoir des mots. Tous les genres de hip hop – pop, gangsta, électro, conscient- , mettent en évidence des éléments de justice sociale. Le hip hop est comme un stylo, même si personne ne l’utilise, il sert à écrire des choses positives ou négatives. Le hip hop que j’écoutais et qui m’a donné envie de rapper, Mos Def, Talib Kweli, Common, Slum Village, The Roots, Nas, Dead Prez, Killah Priest, racontait notre histoire et était un outil d’éducation et de justice.
Vous organisez des ateliers de poésie. Quels sont leur buts et à qui s’adressent-ils ?
Muneera Rashida : Nous organisons des ateliers informatifs et créatifs adaptables en fonction des demandes des gens. Nous nous trouvons à l’intersection de beaucoup de choses : nous sommes des femmes noires, européennes, musulmanes, caribéennes qui vivons à Londres et avons grandi à Bristol. Proposer un seul type d’atelier serait limitant pour nous. Nous essayons d’incorporer nos identités, une réflexion sur les stéréotypes, la diversité, de l’écriture créative et des éléments du hip hop qui apprennent à être soi-même et authentique. Les participants sont âgés de 6 ans à 60 ans environ. Nous avons travaillé à Chicago, en Afrique du Sud avec des populations très différentes.
Vous vous êtes toutes deux converties à l’Islam en 2005 et parlez de votre rapport à la religion comme d’un facteur d’empowerment…
Sukina Abdul Noor : Nous nous sommes toutes deux converties à l’Islam quelques semaines après les attentats de Londres en juillet 2005. En ce qui me concerne, j’ai commencé à m’intéresser à cette religion en lisant l’autobiographie de Malcolm X. En tant que jeune femme noire à l’université, c’était une figure que j’admirais. Sa manière d’appréhender l’Islam et la personne qu’il était avant de se convertir était très libératrice pour moi. Nous venons d’un milieu afro-diasporique et sommes des descendantes d’esclaves. Malcolm X a opéré une transformation qui l’a émancipé. Je me reconnais dans la force qui est venue de sa foi. Quand on regarde les histoires des Africains de la diaspora et la manière dont ils ont résisté et combattu l’oppression, Dieu a toujours été présent.
En tant que femme qui choisit de se convertir à l’Islam, je ne vois rien de dégradant à la pudeur. Parce que nous vivons dans une société qui offre et promeut l’impudeur et profite des femmes. L’exploitation sexuelle est présentée comme une norme et les jeunes femmes aspirent à être désirées sexuellement par les hommes, avant de miser sur leur intelligence ou leur talent.
Pour moi, être une femme qui choisit de se retirer de ce marché est une forme d’empowerment. De nos jours, choisir d’être pudique est plus révolutionnaire que le contraire. Ca me permet de réfléchir sur mon corps, ma féminité et le fait d’être une femme. Avant, je portais des mini-jupes et des tenues moulantes en été, et quand j’ai essayé de les remplacer par des vêtements plus amples, je me suis sentie plus digne et élégante. Ca ne veut pas dire que les femmes qui s’habillent autrement sont indignes et inélégantes, mais c’est un choix.
Je ne peux pas nier la réalité de certaines femmes musulmanes dans d’autres régions du monde où la pudeur, le hijab, le voile ou la burqa leur est imposé par l’Etat, leur famille ou leur culture au nom de la tradition. En Afghanistan ou en Iran, ces femmes sont forcées de porter le voile. C’est une atrocité et je ne peux pas parler en leur nom parce qu’elles viennent d’un contexte complètement différent du mien. Mais quand on entend le Président François Hollande dire qu’il veut que toutes les femmes soient libres, portent des mini-jupes et aient les cheveux lâchés, c’est un symbole d’oppression pour nous, parce qu’ils nous retirent notre droit de femmes de nous couvrir.
« La France a un problème avec les femmes musulmanes. Le pays dit : « nous ne vous donnons pas les moyens d’être qui vous voulez être« , en se basant sur de prétendues politiques des droits des femmes occidentales et arrogantes. Personne ne demande à ces femmes ce qu’elles veulent. »Je connais des femmes musulmanes qui voudraient aller à l’université, avoir un travail « normal » et elles sont ostracisées parce qu’elles choisissent de porter un foulard. L’affaire du burkini est inacceptable. C’est une exemple de l’arrogance occidentale.
C’est important que les féministes soient solidaires de ces femmes, ne les méprisent pas et ne pensent pas qu’elles sont oppressées ou sont se fait laver le cerveau. On n’a pas besoin de que les gens aient pitié de nous et nous aident à nous libérer. Vous n’irez pas en enfer si vous ne portez pas le foulard, c’est juste notre choix en tant que femmes occidentales.
Quels sont vos rôles modèles féminins et pourquoi ?
Muneera Rashida : Il y a des personnes que j’admire, qui sont source d’inspiration ; des chansons, des discours, des vêtements… Mais l’idée globale d’un role model ne m’est pas familière. Evidemment, l’un de mes premiers modèles est ma mère. Elle est pasteure dans une église, totalement dévouée à Dieu mais aussi intelligente et puissante. Elle s’est scarifiée pour ses enfants mais aussi pour ses frères et sœurs. Elle est généreuse, plein de compassion, très impliquée dans le travail social en prison et avec de jeunes travailleurs du sexe.
En termes de musique, les femmes en général m’inspirent, comme Lauryn Hill, mais je n’ai pas de role model en tant que tel. Tout le monde doit pouvoir faire des erreurs et changer d’avis alors que le concept de role model semble figé.
J’aime beaucoup Rabia al adawiyya, une poète soufi. En ce moment, je lis en ce moment un livre de Marlon James qui parle de l’esclavage aux Caraïbes et dans lequel il y a un personnage qui s’appelle Lilith qui m’inspire beaucoup par sa résilience.
Vous définissez vous comme féministes ? Pourquoi ?
Muneera Rashida : On nous pose très souvent la question. Le terme « féminisme » ne me convient pas à 100%. Je comprends les principes du féminisme et d’égalité entre les sexes, mais le féminisme est un concept créé par des femmes en fonction d’une situation particulière. A un moment dans l’histoire, le féminisme était le combat pour l’égalité. Quand on regarde qui menait ce combat et à qui il servait, je ne pense que ça m’incluait. Ca ne parlait pas des femmes de couleur, musulmanes et de la classe ouvrière. C’était pour une certaine classe et une certaine couleur.
Aujourd’hui, les choses ont changé avec le féminisme intersectionnel. Mais même aujourd’hui, ce féminisme parle peu de religion. Il faudrait quelque chose de nouveau, plus inclusif, à la fois intersectionnel et religieux. Il doit y avoir un moyen plus naturel d’acquérir l’égalité pour les femmes dans le monde.
La colonisation a dévasté les cultures en touchant d’abord les enfants et les femmes.
Avant la colonisation, ces pays avaient un mode de vie plus « naturel ». Les femmes n’étaient pas toujours opprimées, comme au Soudan.
En tant que femme musulmane, la plupart des féministes qui viennent me parler ont pitié de moi. Elles pensent que je suis opprimée et que je suis musulmane parce que mon père ou mon mari le sont. Si le féminisme a pitié de moi, comment peut-il être libérateur ? L’idée de rechercher l’égalité est très bien mais je ne me sens pas inclue dans ce combat donc je doute qu’il puisse me sauver.
Je ne m’oppose pas aux féministes, je pense qu’il y a de bonnes intentions, mais ça ne m’a jamais représenté et ne me représente pas plus aujourd’hui.
Qu’écoutez-vous en ce moment ?
Sukina Abdul Noor : J’adore le reggae old school et conscient. J’écoute Burning Spear, Black Uhuru, Bob Marley, Dennis Brown, Gregory Isaacs, des artistes contemporains comme Chronix, Jah9, Protoje, Kabaka Pyramid… Aussi de la soul, je suis très impressionnée par l’album de Solange. Je le respecte beaucoup parce que je trouve qu’elle parle de nos histoires de femmes de couleur avec élégance. Elle coche plusieurs cases en même temps. J’ai l’impression que ma réalité est reconnue.Aussi Willow Smith, elle est très jeune et j’aime la direction qu’elle prend. En hip hop Mos Def, Talib Kweli, Common, Kendrick Lamar…
Quels sont vos projets à venir ?
Muneera Rashida : Nous revenons de Belgique où nous avons participé à la production d’une pièce de théâtre sur Malcolm X. Ce n’est pas vraiment une autobiographie mais raconte l’histoire de ses combats, son idée de justice, d’égalité et de paix dans l’Amérique des Droits civiques. On aborde aussi le racisme, l’essor de l’extrême droite et des extrémismes, la radicalisation, la crise des réfugiés et l’impact de la colonisation. La pièce est produite par l’International Flemish Theater à Bruxelles et l’idée et de partir la jouer en tournée l’été prochain.
Avec Poetic Pilgrimage, nous avons sortis de nombreux EPs et mixtapes et fait plusieurs collaborations. Maintenant, nous travaillons sur un album, qui sera normalement fini mi 2017. Sinon, je viens de finir mon master à l’université et Sukina a commencé le sien cette année.
Nous écrivons, donnons des conférences et commentons la société au-delà de notre groupe de musique. En articulant nos identités, nous avons réalisé que ces ponts étaient essentiels et essayons de multiplier les projets qui vont dans ce sens.
Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Sukina Abdul Noor : Je pense que vous faites un travail incroyable pour les femmes dans le hip hop, aussi pour les femmes porteuses de message dans leur art et pas seulement pour des femmes qui perpétuent des stéréotypes. C’est bien d’avoir une plateforme européenne qui s’intéresse à ça. C’est génial que ces voix soient entendues donc continuez le bon boulot !