Souvent présentée comme la première rappeuse tunisienne, Medusa TN s’est fait connaître pendant le Printemps Arabe avec son titre « Tounsiya, fière de l’être ». Elle nous parle aujourd’hui de la sortie de son EP Citizen of the World et de sa collaboration avec Call Me Femcee.
Tu es venue au rap par la danse. Comment as-tu découvert le breakdance ?
J’ai grandi dans une famille très ouverte aux musiques du monde et spécialement à la pop. Ensuite, c’est mon grand frère qui a découvert le hip hop et le breakdance dans les année 2000. J’étais fascinée et je le suivais partout lors de ses entraînements (dans la cour de la mosquée du quartier vu qu’il n’y avait pas de salle de sport à l’époque et que la mosquée était le seul endroit avec un sol lisse pour le powermove).
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai commencé à écrire des poèmes dès l’âge de 14 ans. Puis, ça a été spontané et très facile de commencer à poser sur des beats, et ça m’allait beaucoup mieux que de simples poèmes.
Tu as sorti le titre « Tounsiya, fière de l’être » lors de la révolution tunisienne en 2011, qui a rencontré un véritable succès. Que t’a apportée cette reconnaissance ?
Le titre « Tounsiya fière de l’être » est un titre écrit du fond du cœur, surtout après tout le malheur qui nous est arrivé après la révolution. Son succès m’a permis de parler au nom des femmes et hommes tunisiens et en même temps, ça m’a mis une grande responsabilité sur les épaules. En parcourant plusieurs autres pays arabes, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait plus de transmettre la voix des Tunisiens, mais de porter la voix d’un plus large nombre de citoyens de pays arabes.
En France, tu travailles avec Call Me Femcee, compilation et projet international de rappeuses du monde entier. Comment vous êtes-vous rencontrées et en quoi consiste votre collaboration ?
Cette collaboration a été un vrai déclic dans ma vie artistique. Gauthier, le président de l’association Rencontres Urbaines, m’a contactée en 2014 alors que j’étais encore en Tunisie, et cette idée de compilation internationale m’a beaucoup plue. Par la suite, l’association Rencontres Urbaines m’a été d’une aide précieuse pour obtenir mon carte de séjour « compétences et talents ». La sortie officielle de cette compilation était en mai 2017, et j’ai participé à plusieurs scènes Call me Femcee depuis.
Tu t’apprêtes à sortir le EP Citizen of the World. Peux-tu nous présenter ce projet ?
Cet EP récapitulera mes expériences de ces dernières années, car depuis 2014 je n’ai pas aucun projet. J’ai fait des scènes un peu partout dans le monde, cela explique le nom Citizen of the World. Cet EP annoncera aussi la sortie de l’album prévue au printemps 2019.
Quelle place occupe les femmes sur la scène hip hop en Tunisie ?
Les femmes dans le hip hop, que ce soit en Tunisie, en France, ou ailleurs, restent une minorité. Certes, il existe plusieurs femmes en Tunisie qui font du hip hop, mais rares sont celles qui continuent jusqu’au bout. Je compte bien casser cette règle si le bon dieu le veut.
Te définis-tu comme féministe ?
Je parle au nom des femmes parce qu’il faut bien qu’il y ait des personnes qui expriment ce que ressentent les femmes, mais je ne me décris pas comme féministe car le féminisme peut, dans une certaine mesure, exclure le sexe masculin. Mais moi, je ne travaille qu’avec des hommes et ma vie est remplie d’hommes qui m’encouragent.
Quels sont les sujets qui t’inspirent ?
Honnêtement, je ne me considère pas comme une warrior à un message défini, les sujets de mes chansons varient énormément. C’est l’actualité ou ce que je vis qui m’inspirent des mots à écrire. Cela peut être politique, social, sentimental ou bien tout simplement un ego trip pour mon amour aux beats boom bap.
Sinon généralement, j’essaie toujours d’étudier un problème et de donner une solution à ce dernier, transmettre un message positif qui fera réfléchir les auditeurs.
Quels sont tes projets à venir ?
Sortir l’EP en octobre.Tourner aux États-Unis entre le Michigan et le Texas dans le cadre d’un projet dont vous entendrez prochainement parler. Sortir un single en collaboration avec Konqistador Music et Sony Music Middle East. Faire une série de concerts avec le projet Call Me Femcee début 2019 en France. Sortir l’album Citizen of the World Vol.2 au printemps 2019.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je vous suis reconnaissante de m’avoir incluse dans votre article sur les rappeuses dans le monde arabe. Rien à changer. Il faut continuer à soutenir notre culture et ses représentantes féminines. Je vous souhaite du courage pour la suite.
La rappeuse californienne Lucy Camp nous a parlé de son parcours dans le rap et de « Summer Camp », son nouvel EP très new wave sorti sur le label indépendant Quintic Records.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
Quand j’étais petite, mon oncle écoutait beaucoup de rap. Je me souviens que la première chanson de rap que j’ai entendue était « The Humpty Dance » de Digital Underground. C’est comme ça que j’ai été exposée à cette discipline du hip hop.
Comment as-tu commencé à rapper ?
Quand j’avais 6 ans, je rassemblais ma famille dans le salon, je mettais les lunettes de soleil de mon père, et je « rappais » pour eux. Plus tard à l’âge de 12 ans, j’ai commencé à écrire des petits raps dans mon journal. À 15 ans, j’ai pris option de hip hop au lycée, j’ai commencé à écrire des chansons entières et à enregistrer ma propre musique sous un autre nom.
Comment décrirais-tu ta musique ?
Ma musique est multiple. Le EP Summer Camp que je viens de sortir est très différent de la musique que j’ai pu faire avant et représente totalement où j’en suis aujourd’hui musicalement parlant. Je dirais que certains titres sont poétiques, d’autres anxiogènes, et que d’autres sont juste des vibes.
Tu viens de sortir ton troisième EP « Summer Camp ». Avec qui as-tu travaillé sur ce projet ?
J’ai travaillé avec Peter Anthony Red. C’est un producteur du label Quintic chez qui je suis. Il a complétement capturé l’ambiance années 1980 avec l’instru. J’adore ce qu’il a fait sur ce projet. J’ai aussi collaboré avec Africa du groupe Neko Pink sur le titre « Stars ». J’ai eu la chance qu’elle m’envoie ses voix pour le refrain à la dernière minute. Elle a déchiré.
Le titre « Disguise » a un côté très new wave/Blood Orange/Twin Peaks. Quelle est l’histoire de ce morceau ?
Peter m’a joué la mélodie que vous entendez sur le refrain et c’était à peu près tout, une mélodie sans batterie. Dès qu’il me l’a jouée, j’ai eu cette vibe de synthé et je lui ai suggéré d’ajouter des batteries du même style sur la mélodie. Quand il l’a fait, j’avais le mot « disguise » en tête et le refrain m’est venu tout de suite. Le titre parle du fait de tomber amoureux de quelqu’un qui n’est pas qui il prétend.
Tu viens de San José en Californie. Quelle place occupe les femmes sur la scène hip hop là-bas ?
Bien que je sois de San Jose, je ne suis pas très impliquée sur la scène musicale locale. J’ai l’habitude de faire de la musique dans ma chambre, de l’envoyer et c’est tout. Toutefois, je sais que Snow Tha Product vient aussi de San Jose.
Te définis-tu comme féministe ?
Quand je pense au mot « féministe », je pense au fait de croire et se battre pour l’égalité des droits entres les femmes et les hommes. C’est le féminisme auquel je crois.
Qui sont les femmes qui t’inspirent ?
Ma tante Bella est un grand rôle modèle parce qu’en grandissant, elle m’a donné beaucoup de conseils que ma mère n’était pas capable de me donner. C’est une femme forte que j’ai vu endurer beaucoup de choses dans sa vie. J’admire sa force et ses valeurs parce qu’elles m’ont aidé à me construire en quelque sorte.
Un autre rôle modèle est Dua Lipa. J’aime sa manière de se consacrer à la musique et son physique sain. Elle a des abdos de ouf. C’est motivant.
Quels sont tes projets à venir ?
Je sors mon premier album cet automne et je suis super impatiente !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve ça mortel que Madame Rap offre une exposition aux femmes artistes hip hop. C’est toujours génial que les femmes s’unissent pour soutenir et encourager d’autres femmes. Continuez de faire ce que vous faites !
Madame Rap a rencontré la rappeuse et beatboxeuse Lexie T, double championne de France de beatboxing. L’artiste originaire de banlieue parisienne et installée à Lille depuis quelques années nous a parlé de la place des femmes dans le beatbox et de son prochain EP qui sortira le 26 mai.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
À la base je viens plutôt du punk. J’écoutais un peu de rap, et je me suis toujours plus ou moins intéressée à cette culture, mais c’est en découvrant le beatbox que j’ai plongé dedans. J’ai halluciné en allant à mon premier championnat de beatbox, tout le monde jammait partout, tout le temps. Peu importe le niveau, les beatboxeurs étaient super tolérants, je n’étais personne et des beatboxeurs pros venaient me donner des conseils, tout ça. Je me suis tout de suite dit que ça me correspondait plus que le punk. J’ai lâché les instruments, je me suis mise à fond dans le beatbox et j’ai écouté beaucoup plus de rap.
Tu rappes et fais du beatbox. Comment as-tu commencé les deux ? L’un est-il venu avant l’autre ?
J’ai commencé le beatbox en 2011 en participant à un stage. Le rap ça fait à peu près deux ans. En fait, j’avais un texte d’open mic que je rappais quand je ne voulais pas faire de beatbox. Ça commençait à m’ennuyer de rapper toujours le même texte, et je faisais partie d’un groupe dans lequel on m’a proposé de poser. Petit à petit, j’ai commencé à écrire des textes par ci par là, et finalement j’ai commencé à créer des instrus de beatbox avec ma pédale de boucles. Du coup, j’avais trop envie de rapper dessus.
Tu as remporté 2 fois le titre de championne de France de beatbox. Qu’est ce que cela t’a apporté ?
C’était cool! Surtout pour la confiance en soi, ça fait plaisir. Tu te rends compte que tu vaux quelque chose. J’ai eu quelques propositions de dates sympas aussi grâce à ça je pense.
Tu as concouru dans la catégorie « femme solo ». En quoi est-ce important pour toi d’avoir des catégories réservées uniquement aux femmes dans ce type de compétition ?
Je pense que c’est positif et négatif. Ça donne l’impression qu’il y a une différence de niveau, mais en même temps on est tellement peu de beatboxeuses que ça permet de donner une visibilité à toutes. Les autres catégories sont mixtes (tag team, équipe, loop station) parce qu’il y a moins de participants. En fait il y a tellement de beatboxeurs que s’il n’y avait pas ces catégories, les femmes auraient encore moins de place.
Les femmes demeurent très minoritaires dans le beatboxing, comme de nombreux domaines de la société. Pourquoi d’après toi ? Et que faire pour changer ça ?
Je pense que les femmes se disent que le beatbox, ce n’est pas pour elles. C’est pour ça que c’est bien de mettre en avant au maximum les femmes. En tant que spectatrice, si on ne voit que des hommes sur scène, c’est plus difficile d’avoir envie d’y aller aussi. Perso, j’essaie d’organiser des évènements pour que ça bouge. J’ai organisé deux battles mixtes au Flow à Lille avec des initiations au beatbox pour les femmes. Ca reste difficile d’avoir autant de femmes que d’hommes sur les évènements.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
En musique, Kaila Mullady, c’est l’actuelle championne du monde de beatbox. J’ai bien aimé quand Beth Ditto est arrivée dans le game avec les Gossip. En rap, Rêverie, 070 Shake, Chilla…
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Oui, bien sûr. Etre féministe ça veut juste dire vouloir une égalité des droits entre tout le monde. C’est pas parfait mais on n’en serait pas là aujourd’hui si ça n’existait pas.
Quels sont tes projets à venir ?
Je sors mon premier projet solo le 26 mai au Flow à Lille. Ça fait presque un an que je travaille sur la sortie d’un EP et d’un show rap, beatbox et loop. C’est un projet dans lequel il y a zéro instrument, tout est fait à partir de la bouche. Je travaille dessus avec le Flow et la Générale d’Imaginaire et on a mis en place pleins d’évènements beatbox autour de cette release. Je mène des ateliers beatbox pour les femmes tous les mercredis, on projette le documentaire de Pascal Tessaud sur le beatbox au cinéma L’Univers, et le soir du 26 mai j’ai eu carte blanche pour la prog. Je me suis fait plaisir et n’ai invité que des pointures du beatbox : le duo PLDG, Karlotta (l’actuelle championne de France), D-Low (champion UK) et Wawad de Berywam.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Rien à changer, Big up Madame Rap, je kiffe ce site! J’ai découvert pleins de rappeuses grâce à vous.
La rappeuse malienne Ami Yéréwolo nous parle de la place des femmes dans le rap au Mali, de féminisme et de son second album prévu pour la fin de l’année.
Madame Rap a parlé avec Charlie, chanteuse du groupe Schlaasss, de son nouveau projet CŒUR, de féminisme et de ses covers de Vald et Damso qu’elle remercie de « l’aider à être une femme« .
Quand et comment as-tu découvert le hip hop et plus particulièrement le rap ?
J’ai découvert le rap à l’école primaire je pense. Je ne sais plus vraiment par quel biais. Sans doute à la télé. Je me souviens que ça a été une révélation. Genre, le truc répondait à toutes mes attentes, c’était comme une évidence. A partir de là, je me suis acheté des lunettes de soleil roses fluo et j’ai commencé à prendre des bains en écoutant Coolio.
J’ai écrit mon premier rap vers 6 ans, c’était un clash contre le groupe « Regg’Lyss » et la chanson « Mets de l’huile » . J’étais en mode rap conscient, je les ai clashés direct avec un morceau que j’avais intitulé sobrement « METS-Y PAS de L’Huile ». C’était une sorte d’appel à la responsabilisation et à la prise de conscience (lol). D’ailleurs, le début des paroles, je me souviens ça faisait : « Mets y pas de l’huile mais mets y du cœur, la vie est un truc qu’il faut prendre à cœur… » prophétique !! Et la rime avec le même mot, j’avais déjà une technique de ouf….
Tu es la chanteuse du groupe électro punk Schlaasss. Quels points communs vois-tu entre le punk et le rap ?
On dit qu’on fait du « Rap-Punk » parce qu’il faut bien dire quelque chose. En réalité, je pense que c’est encore un autre truc qu’on fait avec Schlaasss, mais il faut être classé dans des catégories pour avoir sa place dans le « music business » et dans le monde, semble t-il.
Ce qui rassemble ces deux mouvements et qui me touche particulièrement, c’est une forme de rage, de colère, tout le monde répondrait ça je pense. Qu’elle soit politique ou personnelle, la colère est bonne et jouissive lorsqu’elle est exprimée, partagée, célébrée. Ça devient alors un outil de transformation, de libération. Si tu restes avec ta colère, ça te brûle, ou ça brûle les gens autour de toi. Je déteste les poncifs à deux balles qui voudraient que « la violence », « la colère » ce soit « MAL ». C’est une lecture du monde super binaire qui culpabilise les gens et qui conduit à des vraies actes craignos parce qu’on refoule ça et alors là, ça devient vraiment dangereux. La question, c’est de regarder ça, cette énergie, et de se dire : j’en fais quoi ? Le punk et le rap en on fait des trucs incroyables.
Qui t’inspire dans le rap (passé ou actuel) ?
Oula j’écoute beaucoup de choses. J’adore le dernier Vald « Xeu ». J’adore le dernier Booba « Trône », il m’a grave accompagné à un moment ou j’en avais trop besoin, je l’ai écouté en boucle pendant trois semaines. En fait, Booba me fait vraiment rire. Je trouve que c’est un punchliner de ouf. Il a vraiment un côté comique qui est sous-estimé je pense.
Je suis fan du producteur Metro Boomin donc toutes les collaborations qu’il fait m’intéressent. J’écoute tous les ricains qui cartonnent et j’avoue j’adore 21 savage, Gucci Mane, Migos, Travis Scott, Kodak Black … Je suis ultra fan aussi du mystérieux projet « Spark Master Tape ».
Mon dieu, ça craint il n’y a pas de femmes !!!… Mais si !! Il y a bien entendu Cardi B, IAMDDB , Woltyla, Leikeli47 !!! Une japonaise que j’adore Awich ! La grandiose et phénoménale 070 Shake qui va tout défoncer dans les prochaines années je pense.
Mes découvertes du moment c’est Kelvyn Colt et Jesse Reyez, ultra intense.
Après je voudrais donner une mention spécial à Young Thug. Il a quand même fait une couverture d’album où il est en robe, il se met du vernis à ongle et se maquille parfois. Et surtout, c’est un des seuls rappeurs qui met des gonzesses dans ces clips qui sont ses « sistas », qui sont habillées, ni belles ni moches, et juste qui chlilent et coupent la drogue avec lui (rôles qui sont généralement tenus par des mecs ou des meufs à poil) . Donc non seulement ce mec a un flow intergalactique mais il fait avancer les choses, à son niveau. Je l’adore.
Tu as « féministé » deux titres de Vald et Damso. Pourquoi as-tu eu envie de faire des covers de ces tracks en particulier ? Et que souhaitais-tu leur apporter ?
En ce moment, il y a un mouvement où les rappeurs parlent de leur fragilité, de leurs failles, de leurs chagrins . C’est la grande classe. Genre, c’est là ou les mecs ont vraiment des couilles. Politiquement c’est ENORME. Que des gros rappeurs écoutés par tous les gamins puissent dire qu’ils sont seuls, tristes, mal dans leurs baskets…c’est tellement cool !! C’est tellement décomplexant, tellement plus riche, vivant et vrai que l’injonction normative à la team, la tune, le fun.
En fait, moi j’ai presque un problème de « virilité mal placé », comme plein de mecs. Genre l’autre jour, j’écoutais une émission sur les injonctions faites aux hommes et les comportements automatiques qu’ils adoptent sans réfléchir pour prouver leur masculinité et je me suis grave reconnue là dedans… Et du coup certains de ces rappeurs (dans lesquels je me reconnais plus parfois que dans des rappeuses) m’ont donné envie de faire ça. Ce rap fragile et courageux qui m’émeut beaucoup.
J’adore Damso et Vald. Donc je voulais leur faire une sorte d’hommage et démarrer mon projet solo en leur faisant un petit big-up. Merci de m’aider à être une femme les mecs !
Tu viens aussi de sortir le clip « Chrysanthème ». Que raconte ce titre ?
Rien d’autre que ce qu’il raconte. Le clip et le morceau me semblent éloquent. Je ne saurais en dire plus.
Te définis-tu comme une rappeuse ? Pourquoi ?
Non, je ne peux pas vraiment dire que je suis une rappeuse. Ça ne serait pas vraiment légitime…. Si j’étais une rappeuse, je serais capable de poser un flow propre sur une prod direct ou de faire des freestyles. Et ce n’est pas le cas. J’ai une histoire un peu compliquée avec la technique, ma voix, le rythme…Pour toutes ces raisons, on m’a toujours dit que je ne pourrais jamais faire de musique. Je le fais quand même parce que c’est la merveille du monde et le seul truc qui m’excite vraiment. Donc je crée des sentiers ou je peux faire ma place dans ce game , bon an mal an. Après si je suis une rappeuse, une chanteuse ou un clown, je ne sais pas. Et à vrai dire, je m’en fous.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Je n’ai pas vraiment de modèle. Je ne fonctionne pas comme ça. Ça serait réduire mon champ créatif de ne choisir que quelques personnes, et que des femmes . Plein de gens m’inspirent…
Je suis allée voir le film « Ni Juge Ni Soumise » par exemple , et cette juge elle est magnifique, totalement inspirante, elle a une forme d’intelligence tellement bonne, généreuse et fantasque. Elle est genre exactement à sa place. Et du coup elle fait le « BIEN ». Pas au sens débile et bien pensant du terme, mais au sens véritable. Elle bouscule au bon endroit. Elle aide vraiment les gens. En plus, elle fait ça dans une institution hyper stricte. Je suis sortie du film ravigotée . De voir que des gens comme ça existent, c’est réjouissant.
Il y a aussi Buffy bien sûr. La tueuse de vampires. Injustement méprisée, cette série est la première série féministe et une putain de leçon métaphysique de ouf.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Oui, je suis féministe. J’ai grandi dans une société patriarcale et capitaliste qui nous rend tous cons et hostiles les uns envers les autres. J’ai grandi avec le sentiment qu’être une femme allait me limiter, m’enfermer, me piéger. Le féminisme fait parti de mon combat, depuis toujours.
Que ce soit de la part de beaufs dominants autoproclamés ou de petits tapins prétendument intellos et éveillés, je subis comme toutes les femmes des pressions et des remarques sexistes depuis toujours, et je souhaite vraiment que la prochaine génération de femmes soit épargnée par ce fonctionnement de merde.
Dans ma propre tête, j’essaie encore de déconstruire des schémas patriarcaux que j’ai reçus sans les avoir jamais choisis. Donc je pense qu’il faut les combattre partout. A l’intérieur de nous-même. Et dans le monde. La question est juste « qui a le pouvoir ? et pourquoi ? ». Pourquoi j’ai choisi plus petite de m’identifier à des hommes ??? Parce qu’ils avaient le pouvoir et que quelque part je le voulais aussi. Ça craint de ne pas avoir eu accès à des modèles féminins forts à ce moment-là. Ça m’aurait aidée. Mais je pense que les prochaines générations vont assurer. J’ai confiance en elles et en eux.
Cette démocratisation du féminisme qui peut parfois avoir des airs de « mode » est fondamentale. On n’en parlera jamais assez pour rattraper les siècles où on nous a marché sur le cerveau et sur la chatte et où on a fermé notre gueule. Avec Schlaasss, on a fait des t-shirts « Je suis féministe et j’avale » qui se vendent très bien. Au femmes comme aux hommes. Ça résume ma pensée sur cette question d’une certaine façon.
Quels sont tes projets à venir ?
Je lance ce side-project solo CŒUR !!! Sans plus de bite ni de couteau donc, mais bien avec mon cœur. Le Club Des Thugs Brisé(e)s est en marche ! Il va y avoir quelques clips dans les mois à venir et on va sortir un EP dès qu’on sera prêts. Et puis avec Schlaasss on vient de sortir un maxi EP « YOGA» !!! Dans l’immédiat, on joue à la MJC Le Silo à Verneuil Sur Avre le 30 mars, et à Paris au Supersonic le 31 mars. J’espère bien qu’on va niquer tous les festivals cet été et continuer à foutre le bordel jusqu’à ce que mort s’en suive !!
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve cette initiative vraiment très cool. Une seule question : si les médias hip-hop mainstream parlent des hommes et vous des femmes, qui va parler de toute la scène queer et trans qui déchire tout* ?
*Réponse de Madame Rap : Madame Rap parle également du rap queer, dont la mise en lumière est l’un de nos objectifs majeurs et figure dans les statuts de l’association, à travers des événements (Wet For Me Pride Edition 2017, programmation d’artistes queer en France), des interviews, des articles et a fait une vidéo qui recense 50 rappeuses queer et LGBT+ dans le monde.
Beatmaker et productrice de Toulouse, Fana voue au hip hop un amour particulier. Cette multi-instrumentaliste instille dans sa musique toute la sensibilité de chaque sonorité pour construire des morceaux qui mêlent instruments organiques, analogiques, et numériques.
Après « Murmuration » et une beat tape en 2017, Fana vient de sortir le projet Stay True, influencé par le boom bap dont elle s’est nourrie depuis toujours, aux côtés de 5 MCs francophones (KT Gorique, Yous MC, Asken, Dnom Aizen et Hakim Norbert).
Mon vice caché : Rihanna et les boules.
Ma force cachée : La lucidité.
La qualité que je préfère chez l’être humain : L’authenticité.
Le défaut que je déteste chez l’être humain : L’hypocrisie.
Mon principal défaut: Mon côté « tête de mule ».
Ma principale qualité: L’hypersensibilité.
Ce que j’apprécie le plus dans la danse: La symbiose entre les mouvements du corps et la musique, le fait que la danse crée une nouvelle lecture de la musique.
Mon passe-temps favori : Créer, chiller, vivre.
Mon kif absolu: Chasser les tornades, plus sérieusement faire une session beatmaking avec Timbaland.
Mon drame absolu : Le manque de bienveillance entre les gens et tout ce que cela engendre.
La femme que je voudrais être à part moi-même : Personne d’autre.
Ma société idéale : C’est impossible d’y répondre en une seule phrase.
Mon insulte préférée: Enculé.
Ma marque/créateur préféré.e : Wrung, pour ne citer que celle-là.
Ma chanson culte: Je n’ai pas vraiment de chanson culte mais au hasard « Stressed Out » de Tribe Called Quest featuring Faith Evans.
Ma rappeuse préférée: Missy Elliott.
Mon album de rap culte : Il y’en a trop, mais la première cassette hip hop que j’ai eu à 8/9 ans m’a beaucoup marquée, c’était une compilation avec Gang Starr, MC Solaar, Monie Love, Public Enemy, MC Lyte, Nice & Smooth…
Mes danseuses/chorégraphes préférées: Wanted Posse et dernièrement Mette Towley.
Mes héroïnes dans la vie réelle: Ma mère.
Mes héroïnes dans l’histoire : Angela Davis.
Ce que je déteste le plus : L’injustice de manière générale et peu importe la forme qu’elle prend.
L’artiste que je déteste le plus: Je ne « déteste » pas d’artistes en particulier, en revanche qu’il n y ait aucune affinité artistique, oui.
Le pire événement historique à mes yeux : Je ne veux pas faire de hiérarchisation de la souffrance, beaucoup de choses me touchent profondément, mais l’esclavage est l’événement sur lequel je me suis la plus documentée.
L’animal que j’estime le plus : (Christine Boutin) Aucun en particulier, la panthère noire pour la symbolique.
L’engagement le plus marquant d’un.e artiste : Le combat de Johnny Clegg contre l’apartheid et son soutien indéfectible envers Nelson Mandela avec l’utilisation de sa musique comme vecteur d’information et de révolte.
Le super pouvoir que je voudrais avoir : La téléportation.
Comment j’aimerais mourir: Paisiblement.
Current mood : La synergie !
Ma punchline : « Pour aller de l’avant, il faut prendre du recul, car prendre du recul, c’est prendre de l’élan. » (MC Solaar)
Madame Rap a rencontré la rappeuse Tracy De Sà, qui nous a parlé de migration, de féminisme intersectionnel et de la place des femmes dans les musiques actuelles ! La MC lyonnaise sera aux Inouïs du Printemps de Bourges le 25 avril 2018.
Madame Rap a rencontré la Nantaise L.Atipik qui nous a parlé de son parcours et de l’absence de femmes dans le milieu du deejaying hip hop en France.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à mixer ?
J’ai découvert le hip hop au début des années 90 en entendant le titre « Boogie Man de NTM ». J’ai aimé l’énergie que ça dégageait et je me suis intéressée à ce mouvement. Pour le mix c’est venu bien plus tard, en 2006 j’étais à une soirée, j’ai vu un DJ scratcher en live, je me suis dit « wouah moi aussi je veux faire ça »… Le lendemain, je m’achetais des platines.
Tu es autodidacte, que t’as apporté le fait de te former toute seule ?
Je ne sais pas s’il y a de réels avantages à s’être formée seule, je dirais plutôt que j’ai perdu du temps, pris de mauvaises habitudes qu’il a fallu effacer par la suite. Tu peux rester bloquée sur une technique des mois entiers alors qu’il te manque juste le petit truc que tu n’as pas capté. Un œil extérieur peut te débloquer ça en deux minutes rien qu’avec un conseil, une astuce ou un mouvement que tu n’avais pas compris. J’ai vraiment progressé et fait évoluer mon scratch le jour où j’ai commencé à m’entraîner avec d’autres scratcheurs.
Avec la technologie actuelle, mixer semble plus facile qu’il y a 20 ans et de nombreux DJs délaissent les platines au profit de logiciels. Que penses-tu de cette évolution ?
Je vis avec mon temps, je suis sur platine vinyle car pour le scratch c’est le toucher que je préfère, mais honnêtement si je pouvais faire la même sur contrôleur, logiciel ou autre, ça ne me poserait aucun problème, au contraire ça m’éviterait de me casser le dos en trimballant les platines de soirée en soirée. Perso, je n’ai pas le sentiment que ce soit plus facile aujourd’hui, en tous cas je suis pas attachée au support, du moment que le résultat sonne, c’est tout ce qui m’importe.
Tu viens de Nantes. A quoi ressemble la scène hip hop au féminin dans cette ville ? Des artistes à nous recommander ?
Je suis toujours sur Nantes. Concernant la scène hip hop féminine, si ce n’est en danse, où je sais que les filles sont bien présentes, c’est un peu désertique pour être honnête, en turntablism tout particulièrement. Il y a une rappeuse que j’affectionne pour sa qualité d’écriture et sa sensibilité c’est Eli MC, mais je crois qu’elle a arrêté la musique.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Mon modèle féminin dans ce milieu c’est la DJ américaine Shortee, sans hésitation. La meuf a su faire sa place grâce à son niveau et non sa plastique. Respect à elle.
Il existe très peu de femmes reconnues dans le DJing hip hop en France. Pourquoi d’après toi et que faire pour les visibiliser davantage ?
C’est une question qu’on me pose tout le temps et honnêtement j’en ai aucune idée, ça reste un mystère. Pourquoi on n’est pas plus nombreuses derrière les platines ? Envoyez vos théories sur ma boîte mail !! Merci d’avance.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Si on est bien d’accord que le féminisme c’est vouloir abolir les inégalités homme-femme, alors oui, clairement, je suis féministe. Mon militantisme, c’est d’être la seule fille à participer à un battle de scratch et de le gagner.
Quels sont tes projets à venir ?
Mon projet immédiat c’est de voyager, je pars bientôt pour quelques mois en Asie. A mon retour je reprendrai la scène avec la Compagnie S. On a un spectacle pour enfants mélangeant danse et turntablism. J’ai à cœur de rendre le turntablism un peu plus accessible au grand public et j’aime à me dire que c’est une bonne manière de susciter l’intérêt des plus jeunes, notamment des filles, à la pratique du deejaying.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Bravo et longue vie à Madame Rap. C’est cool de mettre un coup de projecteur sur le hip hop féminin comme vous le faites. L’occasion pour moi de découvrir sur votre site un paquet d’artistes dont je n’avais jamais entendu parlées. Merci à vous !
Madame Rap a rencontré le rappeur montpelliérain Vin’S qui nous a parlé de son titre #MeToo, des clichés sexistes qui pèsent sur le rap et de son prochain EP qui sortira en janvier 2018.
Originaire de Nantes et désormais basée à Paris, la street artistMiss Veneno, allie crochet et graffiti. Elle nous explique son parcours et sa vision des femmes dans le milieu du graff.
Originaire de Marseille, l’artiste transdisciplinaire Maïa Izzo-Foulquier mêle rap, écriture, chant, vidéo, photographie, collages, installations et performances sur scène ou dans l’espace public. Pour construire ses projets, l’activiste de 27 ans, actuellement en résidence de création au Canada, examine différentes facettes de son identité qu’elle fait émerger sous forme d’avatars, des personnages toujours à cheval entre fiction et réalité. En ce moment, on peut la croiser sous le pseudonyme de Zelda Weinen, « jeune mariée dépressive et rappeuse du dimanche. » Zelda Weinen a parlé à Madame Rap de son « white passing », de son projet rap/blues Wedding Blues et de féminisme pro-sexe.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ? Et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai grandi avec le hip-hop et le RNB. Je suis métisse mais j’ai la peau très blanche, c’est un hasard génétique. Quand j’étais ado, ce « white passing » ne me permettait pas de me sentir complètement connectée à mes origines car les communautés noires et métisses ne me reconnaissaient pas forcément comme leur semblable. Je crois que quelque part la musique, et le hip-hop en particulier, m’a permis de me construire, de m’y retrouver dans mon identité métissée.
Je viens d’une famille de musiciens, j’ai toujours été mélomane et lorsque j’étais enfant j’ai été brièvement au conservatoire. Mais à l’époque j’avais envie de m’affirmer autrement et je suis passée par différentes formes d’expression avant de revenir à la musique il y a quelques mois à peine.
D’ailleurs, je ne me considère pas comme musicienne, c’est l’écriture qui est le ciment de mon travail.
Je collabore avec différents producteurs qui s’occupent de toute la partie musicale. Jusqu’à présent, je me dirige spontanément vers des producteurs dont j’aime l’univers, comme Nicolowzow, ou Larature qui est très présent sur le set avec ses beats jazzy. De mon côté, il s’agit surtout d’écrire et d’interpréter de la poésie féministe.
Tu viens d’écrire un set de 10 titres blues et rap. Pourquoi cette envie de mêler les deux styles ?
Le blues est une musique que j’ai toujours énormément respectée et qui m’influence beaucoup, c’est entre autres pour ça que le set s’appelle Wedding Blues. Historiquement, le blues est une complainte, une musique chargée de douleur, alors que le rap est une musique de résistance et de « battle ». Zelda Weinen ça veut dire « la guerrière en pleurs ».
L’ensemble du set a été écrit avec la volonté de mettre en scène un personnage qui ne cesse jamais de lutter, même s’il traverse des moments de souffrance et d’abattement. Cette ambivalence se ressent aussi dans la manière dont les titres sont interprétés, à travers les costumes que j’utilise sur scène, mais aussi ma voix et mon attitude qui sont plutôt nonchalantes alors que le texte est souvent cru, parfois brutal. Mêler le rap et le blues me permet de donner du poids à des textes intimes, mais aussi à leur portée politique.
Tu es aussi porte-parole du Syndicat du Travail Sexuel (STRASS). Quand et comment t’es-tu engagée et quel a été ton parcours militant ?
J’ai été stip-teaseuse et escort-girl moi-même. Au départ, j’ai rejoint le syndicat comme simple membre et puis j’ai eu envie d’activer mon engagement. En assumant ce poste de porte-parole, en parlant des putes dans mes textes et en publiant des articles sur Ma Lumière Rouge, j’essaie de donner plus de visibilité aux travailleur•se•s du sexe et de défendre leur accès aux droits.
Les gens ont tendance à stigmatiser et à diaboliser les travailleuses du sexe, à considérer qu’elles ne sont pas de « bonnes » femmes, qu’elles sont scandaleuses et à la dérive. Mais les représentations que l’on a du tapin sont très loin de la réalité.
Les travailleuses du sexe sont des femmes comme les autres, tout aussi brillantes, courageuses, combattantes, créatives, drôles et déterminées. Notre société les relègue au rang de nuisances et de parias, simplement parce qu’elles vendent des services sexuels pour vivre.
On oublie qu’en dehors des représentations collectives, la stigmatisation a de réelles répercussions : aujourd’hui, énormément de gens considèrent qu’une travailleuse du sexe n’est pas en mesure d’être une bonne mère, qu’elle ne peut pas être en couple et doit accepter les agressions. Sous prétexte qu’une femme utilise sa sexualité pour travailler, elle n’est plus considérée comme un être humain et il devient légitime de la priver de droits. Je trouve ça stupide et révoltant.
Je pense que si nos sociétés sont si violentes à l’égard des putes, c’est avant tout parce que remettre en question la gratuité de la sexualité des femmes c’est quelque chose de très dangereux pour le patriarcat. Dans un monde où tout se vend et s’achète on voudrait nous faire croire que le sexe serait l’exception capitaliste, et que les femmes devraient naturellement avoir envie et prendre du plaisir à satisfaire les désirs masculins.
Donc déjà qu’on nous impose des clichés de sexyness porn chic et tout ce qui s’en suit, mais en plus il faudrait que ce soit gratuit de les performer, même si on ne se reconnait pas du tout là dedans? Hé bien non désolée, tout travail mérite salaire. D’ailleurs, je pense que le fait que je sois photographe avant d’être sexworkeuse n’est pas sans lien.
Être photographe aujourd’hui, c’est avant tout être un·e professionnel·le de l’image ultra polyvalent·e.
J’ai beaucoup réfléchi à la responsabilité des images dans la manière dont on sexualise les femmes de nos jours.
Quelque part, dans mon boulot de sexworkeuse on me demande juste de performer de la féminité fantasmée, d’incarner l’image que les hommes attendent de moi et des femmes en général.
Pour ma part, j’ai toujours eu la chance de pouvoir exercer d’autres activités en parallèle. Et c’est drôle parce que dans le milieu de l’art contemporain, par exemple, je constate que l’on attend parfois de moi des compétences similaires à celles que je dois mettre à profit en tant que travailleuse du sexe, notamment tout ce qui concerne les stratégies de communication et de vente de soi-même.
Quels sont à tes yeux les combats prioritaires qui doivent être menés aujourd’hui pour les droits des travailleuses/eurs du sexe ?
La décriminalisation me semble essentielle. Il faut que les pouvoirs publics arrêtent de maintenir les putes dans la marginalité, la délinquance et la précarité. Pour justifier la prohibition, les politiques mettent en avant l’argument de la traite, mais bizarrement ils ne trouvent jamais aucune solution qui agisse réellement contre la traite. En France, depuis 2016, c’est la loi pénalisation client qui est censée faire barrage à la traite.
Mais cette loi, qui précarise et insécurise les travailleurs•euses du sexe au quotidien, n’a absolument aucun impact effectif contre la traite des êtres humains car les vraies raisons sont ailleurs : on constate par exemple plus de victimes de la traite depuis que Kadhafi ne contrôle plus la route de la Libye, mais aussi depuis la politique européenne de fermeture des frontières qui rend plus difficile les migrations légales. Lorsque l’on tapine, peu importe qu’on l’ait choisi ou pas, les risques sont bel et bien présents et il faut malheureusement faire avec.
En donnant des droits aux travailleur•se•s du sexe, l’État peut leur permettre d’exercer leur travail dans des conditions dignes, les protéger contre les violences et prévenir les risques de dérives. L’accès aux droits peut rendre les travailleuses du sexe plus indépendantes et leur offrir plus de choix, y compris celui d’arrêter cette activité si elles le souhaitent.
Quel lien vois-tu entre rap et féminisme ?
Aujourd’hui, beaucoup de rappeurs se servent de leur musique pour déverser leur violence et leur haine à l’égard des femmes et des minorités sexuelles. Même chez des artistes que j’aime beaucoup, il m’arrive d’entendre des propos qui me choquent et que je ne cautionne pas. Je le déplore, et je pense que ces jeunes artistes ne mesurent pas la portée de leurs mots et n’ont absolument pas conscience de l’impact réel de la culture du viol et la banalisation de la violence à l’égard des femmes.
Pour ma part, utiliser le rap me permet de détourner une forme oppressive pour la pervertir, la transformer en arme de lutte pour l’égalité et la tolérance. Un peu comme un cheval de Troie. D’ailleurs, quand on me demande ce que je fais dans la vie j’ai du mal à trouver une réponse simple qui englobe toutes mes activités alors parfois je me présente comme « femme propagande ».
Le milieu du rap a tendance à éliminer les femmes les unes après les autres en les rabaissant et en les traitant de putes donc je ne risque pas grand-chose : j’arrive en étant déjà pute et en l’assumant.
Clairement, je ne sais pas si le milieu du rap français actuel est pas prêt à me faire une place, mais je m’en fous. L’avantage d’être la mauvaise graine c’est que je n’aurais pas beaucoup de mal à reconnaitre mes allié.e.s.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Je suis fan d’une femme différente chaque semaine. C’est difficile de les hiérarchiser, je les admire toutes pour leur force, leur courage, mais surtout pour leur message de tolérance, leur capacité à rassembler et à faire front. La solidarité politique entre les femmes est quelque chose de très important à mes yeux, j’en parle dans le titre « Pardonne-moi Safia ».
Je suis en plein boulot. Je termine un nouveau titre « Rdv sur l’a7″ qui devrait sortir cette semaine, sur une prod d’Alan Mayers qui assure grave. Je lui avais demandé une ambiance « aire d’autoroute, amour et sandwichs triangles » et en deux heures à peine, sur la base de ces indications absolument pas professionnelles, il m’a proposé cette prod qui correspondait exactement à ce que j’avais en tête ! Il est impressionnant.
Sinon, je profite de ma résidence pour travailler sur un projet d’EP et pour tourner mon premier clip. Je serai sur scène à Québec le 22 mars au Centre récréatif Saint-Roch, le 30 à la Page Noire et le 5 avril au Knock Out. Je propose aussi une performance à la galerie Manif d’Art le 06 avril. A priori je serai déguisée en allégorie de la justice contre la putophobie donc ça promet d’être folklo.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Heureusement que Madame Rap existe ! C’est super d’avoir créé cet espace, ça permet aux rappeuses de s’exprimer, et aux féministes amatrices de rap de se reconnaitre. Ce genre d’initiative nous rassemble, c’est un bel acte de sororité. Bravo, et longue vie à Madame Rap !
Originaire du Burkina Faso et installée en Allemagne depuis une dizaine d’années, Féenose vient de sortir son troisième album#Baby, qui mêle rap, musique traditionnelle africaine, afro beat, jazz et slam. La rappeuse slasheuse a parlé à Madame Rap de son label Kayiri Record, du titre « Djarabi » sur lequel elle a invité cinq rappeuses africaines et de la place des femmes sur la scène hip hop.
Madame Rap a rencontré le rappeur Ismaël Métis au Flow à Lille, pour parler racisme, sexisme et déconstruction à l’occasion de la sortie de son album « Permis de déconstruire » le 17 novembre 2017 !
Madame Rap a rencontré Marie Debray, autrice de Ma Chatte, lettre à Booba, et l’a interrogée sur la genèse de ce livre, son rapport au rappeur et les liens entre hip hop et féminisme.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’écoutais du rap quand j’avais 18 ou 20 ans. J’ai commencé par GrandmasterFlash, et après du rap américain comme The Goats, 2Pac, RZA, Wu Tang Clan, Cypress Hill. IAM en boucle, NTM un peu… Je viens d’une famille qui écoutait beaucoup de musique : mon père, mais aussi mon cousin qui est batteur de jazz et écoutait du jazz, du free jazz, des trucs très barrés, du classique, de la chanson, Pink Floyd… Il y avait beaucoup de richesse et de mélanges. Ado, j’écoutais du punk et du hardcore et c’est comme ça que je suis venue au rap.
Ecoutais-tu aussi des rappeuses ?
Quand Diam’s est sortie, j’ai écouté en boucle. J’adorais son énergie. J’écoutais aussi un peu Missy Elliott et j’aime beaucoup Nicki Minaj. D’où elle vient, son flow, son personnage. Les gens s’arrêtent à ses ongles rose et ses fesses, mais elle vaut beaucoup plus que ça. Quand Madonna faisait la même chose, tout le monde trouvait ça super, mais trente ans après ça ne passe plus. Parce que Nicki Minaj est quand même un peu « basanée » et en plus elle fait du rap…
Tu as sorti le livre Ma chatte, lettre à Booba début 2016. Pourquoi as-tu envie d’écrire une lettre ouverte à ce rappeur ?
Je me suis intéressée à Booba suite à une conversation avec un copain, qui m’a dit «écoute ce qu’il fait, il a une super plume ». Je lui ai répondu « pas possible, ce rappeur est super macho … ! » Mais j’étais curieuse. Je connaissais vaguement Booba, j’avais seulement entendu quelques titres. Et quand j’ai commencé à écouter, j’ai tout écouté, je suis rentrée dans une phase monomaniaque. Tout m’a plu, les sons comme les paroles.
L’idée du livre est née assez vite. J’ai vu qu’il parlait mal de certaines femmes. Je me suis dit que ce serait un bon adversaire à qui répondre. Je me faisais la réflexion que les femmes qu’on nous donnait à voir étaient toujours en train de se lamenter. En revanche, les mecs ont le droit de disposer de leur pouvoir et de leur puissance dans l’espace public pour parler crûment et les seules nanas qu’on entend sont des femmes qui pleurent parce que leur mec est parti ou les as trompées. Je me suis dit que ce n’était pas le cas aux Etats-Unis, où des artistes comme Beyonce ou Nicki Minaj sont puissantes, économiquement et politiquement. Elles chantent, elles rappent, elles disent des vraies choses. Et je me suis dit qu’en France il n’y en avait pas.
J’avais envie d’entrer dans l’espace public et d’interpeller Booba, parce que ce qu’il disait était bien dit. C’était une intuition. Je me suis dit pourquoi on ne répond pas à ces mecs là ?
Et pourquoi « ta chatte » ?
Je pense que c’est parce que lui en parle dans ses chansons. Il évoque ce mot souvent, (« C’est pour ton cul, ta chatte, qu’on t’aime »), même s’il le fait moins aujourd’hui.
Je pense aussi que la chatte est un terrain inconnu dans le patriarcat. Dans l’histoire de l’occident, les mecs nous baisent mais ça s’arrête là. Ce n’est pas « ma chatte » en tant que mon sexe, mais la chatte de celles qui se connaissent et qui savent que les femmes ont été coupées de la connaissance de leur propre sexe. Les hommes ne connaissent pas les femmes et leur ont empêché de se connaître. On nous a pris notre connexion à nous-mêmes. Dire « ma chatte », c’est se réapproprier ce territoire.
Quels sont tes points communs avec Booba ? Quels sont les endroits où vous vous retrouvez ?
En fait, il dit ce que les autres font. Booba ne fait que verbaliser ce qui se passe dans le monde patriarcal blanc. C’est ce que l’homme blanc te dit de manière insidieuse, puisque de toute façon ça fait des millénaires que ça se passe comme ça. En tant que femme, « tu suces dans la Lambo » sans t’en rendre compte, pour gravir les échelons de ta boîte ou autre… Tout ce qui est acquis, Booba le dit. Et il a besoin de le dire parce qu’il ne vient pas du monde blanc et de l’élite. Il reflète ce qui se passe dans le monde blanc. Je me suis dit qu’il était juste en train de donner le mode d’emploi du monde patriarcal. Notre point commun c’est qu’on se retrouve dans les opprimés. Les femmes doivent deux fois plus aller au charbon pour accéder à une parole ou à une place dans la société. Je me suis dit qu’il criait sa haine du monde blanc occidental, comme moi.
Tu ne l’as jamais rencontré et ignores s’il a lu ton livre. Frustrant ?
Quand tu écris une lettre à quelqu’un, tu aimerais bien savoir s’il l’a lue, l’a comprise ou ce qu’il en a perçu. C’est un exercice difficile parce que quand je m’adresse à Booba, je lui parle un autre langage que le sien, dans la forme, et c’est un challenge. Il dit toujours qu’il ne lit pas et qu’il n’en a rien à foutre des livres, donc c’était aussi une provocation de ma part de dire, « tu ne lis pas de livres, je vais t’en écrire un », « tu parles mal aux meufs, je vais te parler bien », « tu ne prends pas de gants, je vais en prendre » …
Il a quand même posté la photo du livre sur Instagram, ce qui est une forme de reconnaissance, puisqu’il l’expose publiquement. C’est un cadeau, mais il n’y a pas eu de confrontation directe, donc il entretient une forme de mystère.
Je suis passée par plein d’étapes. Au début je me disais « quand même, il pourrait répondre ! », mais aujourd’hui je m’en fous.
Si tu t’intéresses à une personne comme ça et que tu n’en as rien à foutre, c’est que tu as un vrai problème. Et je pense que Booba le ressent, et voit bien que je le défends. C’est un livre poétique, qui porte une charge. Le début du livre est assez cash, mais quand tu aimes quelqu’un, tu peux lui rentrer dedans. Quand tu boxes, tu respectes ton adversaire.
J’ai des retours très positifs. Il y a des femmes plus jeunes que moi qui voient quelqu’un qui a fait un trajet qu’elles n’ont pas encore fait et ça leur fait écho, parce qu’elles ont aussi envie de récupérer leur territoire. J’ai aussi des retours d’hommes qui aiment Booba mais qui n’osent pas le dire, parce qu’ils sont blancs, lettrés, et on fait de longues études. Ils m’expliquent qu’ils l’écoutent en cachette parce que personne ne comprend leur passion. Du coup, ils se sentent mois seuls. Pour eux, écrire un livre c’est quelque chose de noble, donc ça les cautionne et les répare. Comme je suis une femme, ça légitime le fait qu’ils puissent être un mec non macho, aimer Booba et aimer une féministe. Ils me disent « merci d’exister ».
Enfin, j’ai des retours de mecs de milieux moins privilégiés, qui contrairement à ce que des éditeurs m’ont dit, lisent des livres ! On m’a quand même dit « il n’y a que des gens illettrés qui écoutent Booba, donc ton livre ne va jamais se vendre ». Même certains de mes potes m’ont dit : « tu écris à un débile ». Alors que même si Booba est débile, j’ai le droit de lui écrire !
Pour eux, un livre c’est encore noble et une femme n’est pas toujours une pute, donc ils sont touchés parce qu’ils ont l’impression que comme je m’intéresse à Booba, je m’intéresse aussi à eux. Contrairement à ce que pense le monde blanc, ils sont contents, parce qu’ils ont juste besoin d’être reconnus et aimés.
Une fois, il y a un jeune mec qui est venu en scooter des Yvelines pour m’acheter mon livre. Il m’en a pris deux, dont un pour son amoureuse. J’ai trouvé ça super. Il m’a dit « c’est tellement bien de dire que Booba ce n’est pas de la merde et que ceux qui l’écoutent non plus. »
Il y a aussi des gens qui ne lisent jamais, et achètent mon livre parce qu’il parle de Booba.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je me suis souvent dit féministe, au sens général du terme, c’est-à-dire favorable à la lutte pour l’égalité des sexes, et le fait de « récupérer » notre sexe. En revanche, j’ai du mal avec les associations mainstream féministes. Le terme « féminisme » a été accaparé par les mouvements féministes « officiels », qui sont souvent eux-mêmes captés voire fabriqués par le patriarcat. En tout cas, c’est mon ressenti. Elles sont souvent conformes à un certain modèle et si on leur propose autre chose, elles ne veulent pas en entendre parler.
Les féministes évoluent souvent dans le même milieu socio-professionnel – il y a peu de prolos chez les féministes ! – et quand tu es victime de violences, elles ne sont pas là. Aller vers Booba, c’était transgresser ça et faire un pied de nez à ces mouvements qui condamnent les rappeurs, stigmatisent les « jeunes de banlieue » en disant : ils sont noirs, arabes, musulmans, ce sont eux les violents de France, alors que c’est faux. Défendre Booba, c’est aussi dire qu’on a stigmatisé ces populations pour ce pas s’occuper de la violence des hommes blancs. Alors que c’est le patriarcat qui fabrique de la violence.
Que réponds-tu aux personnes qui disent qu’il est impossible d’être féministe et d’aimer le rap ?
Ca m’a mis en contradiction et c’est aussi ça l’histoire du livre. Mais je trouve que c’est super dur d’être une femme dans notre société. Si tu n’aimes pas le maquillage et le rose, tout ce que tu pourrais aimer est estampillé « masculin ». J’ai fait des études de cinéma, il n’y avait que des mecs, j’ai fait des études de philo, il n’y avait que des mecs, j’aime les westerns, il n’y a que des mecs, donc j’ai toujours été en porte-à-faux. Ecouter du rap, c’est comme aller voir des westerns. De toute façon, toute la culture est tellement masculine que si tu te considères comme un être humain, tu es dans des contradictions. Pour moi la question « comment tu peux aimer le rap et être féministe ? » est la même que « comment tu peux aimer Clint Eastwood et être féministe ? ». Clint Eastwood en femme, ça n’existe pas. Donc tu n’as pas le choix. Le rap, ce n’est pas plus sexiste que Les Trois Mousquetaires. Depuis toujours, je suis obligée d’aimer des trucs de mecs parce que ce sont les mecs qui ont le pouvoir.
Pour moi, le rap c’est aussi une musique d’avant-garde, un miroir du monde blanc. Ca fait plus mal, mais c’est plus franc. Je préfère qu’on me dise « Suce moi dans ma Lambo » plutôt que « vous êtes jolie mademoiselle, je vous invite à dîner ».
Chez PNL, c’est carrément l’inexistence de la femme, comme chez Clint Eastwood ! Chez eux, c’est davantage une absence de femmes que du sexisme en tant que tel. Booba, lui, ne parle pas des femmes en général, mais seulement d’un certain type de filles. Dans mon livre, je dis « il n’y a plus de maison close, la maison close est partout ». Je trouve que Booba, au moins, a le mérite de différencier la pute de la non-pute parce qu’il paye la pute. A mes yeux, c’est déjà un progrès féministe ! Alors que le mec blanc te dit « tu es féministe, tu as voulu te libérer, je ne vais pas te payer le resto ! » Les hommes blancs ne nous payent pas parce que pour eux, on est déjà putes depuis tellement longtemps que c’est intégré.
Notre société est hyper hypocrite vis-à-vis des femmes : d’un côté elles les dévalorisent tout le temps, et de l’autre elle accuse des artistes de sexisme, alors qu’elle fait bien pire qu’eux.
Quels sont tes projets à venir ?
Je travaille sur un projet de livre sur la prison. J’ai rencontré des détenus dans un QMC (Quartier Maison Centrale) où il y avait soi-disant les mecs les plus dangereux de France. Ils sont aussi connus que Booba mais pour d’autres raisons !
Retrouvez Marie Debray sur son site, Facebooket Twitteret son livre Ma chatte, lettre à Booba surAmazon et en librairie.
Rencontre avec la comédienne et danseuse Andréa Bescond, qui a remporté le Molière 2016 du « Seul.e en scène » pour son spectacle « Les Chatouilles – La danse de la colère ». Elle nous parle de hip hop, de danse et de pédophilie, dont elle a été victime.
Quand et comment as-tu commencé la danse le hip hop ?
J’ai toujours dansé, dès que j’ai su marcher. J’ai suivi une formation très poussée au Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris, classique et contemporaine. Ce n’est que vers l’âge de vingt ans, lors d’un long séjour à New York que j’ai commencé le hip hop en club et dans la rue.
Tu as notamment travaillé avec Bill T. Jones et Blanca Li. Que t’ont apporté ces expériences en tant qu’artiste ?
Elles m’ont apporté beaucoup de rigueur, ce sont deux chorégraphes très exigeants, qui demandent beaucoup de travail et d’énergie à leurs interprètes, rien n’est laissé au hasard.
Quand on arrivait sur une date de tournée, Blanca nous faisait faire un filage technique, un filage dansé et ensuite le spectacle! Les journées étaient denses!
Puis ce sont de grands artistes, ils m’ont apporté beaucoup d’inspiration.
Quel rôle joue la danse hip hop dans ta vie aujourd’hui ?
Elle est omniprésente. D’abord parce que j’écoute beaucoup de hip hop et que forcément cela me donne l’envie de danser et ensuite car je suis toujours en contact avec beaucoup de danseurs hip hop par les réseaux sociaux, du coup, chaque jour ou presque il y a une vidéo qui m’enchante et m’inspire.
Quand et comment est née l’idée du spectacle « Les Chatouilles ou la danse de la colère » ?
L’idée d’écrire ce spectacle m’est venue il y a quelques années car je connais personnellement les dégâts de la pédophilie et qu’on en a assez peu parlé en spectacle vivant. Mélanger la danse et le texte pour ce spectacle me paraissait fondamental. Mon héroïne, Odette, s’exprime par son corps pour combler son manque de mots.
Deux enfants sur dix seront violés une fois dans leur vie, il me paraissait nécessaire d’aborder ce thème en tant qu’artiste.
Tu as remporté le Molière 2016 du « Seul.e en scène » pour ce spectacle. Qu’est ce que cette consécration t’a apporté d’un point de vue personnel et professionnel ?
J’ai eu le bonheur de recevoir le Molière 2016 du spectacle seul/e, c’était très émouvant de se sentir considérée par ses pairs, c’est gratifiant, motivant mais la vraie récompense sont les salles pleines et les standing ovations.
Dans ce seule en scène, tu retraces ton histoire personnelle et racontes, à travers le personnage d’Odette, avoir été victime de pédophilie. Comment ta vie actuelle est-elle toujours impactée par ces violences ?
Quand on est victime de pédophilie, on l’est toute sa vie, c’est un drame inoubliable qui dirige toute notre construction psychologique et dépasser cette douleur prend beaucoup de temps.
Ecrire ce spectacle m’a permis d’exorciser, de poser des mots sur des sensations difficiles et surtout, de me sentir moins seule car de nombreuses victimes m’ont témoigné leur reconnaissance pour la véracité du parcours de mon personnage d’Odette, ces victimes se reconnaissent toutes à travers elles et ça me fait du bien.
Les « Chatouilles » parlent notamment de résilience et mélangent habilement souffrance et humour. En quoi la danse représente-t-elle une forme de résilience à tes yeux ?
Malgré ce thème complexe, on rit beaucoup dans « Les Chatouilles », c’est vrai, nous voulions des soupapes de décompression, c’est aussi notre manière de vivre avec mon metteur en scène Eric Métayer, même dans les pires moments, nous trouvons toujours l’occasion de rire. Quant à la danse, elle a été mon premier mode d’expression, elle m’a permis d’y évacuer ma colère, ma souffrance mais aussi toute ma joie et mon espoir. Elle me porte vers le haut, me fait rêver, c’est en cela qu’elle représente une résilience.
Que penses-tu de la manière dont la société et la justice s’emparent du problème de la pédophilie et plus généralement des violences faites aux femmes ?
Nous avons encore beaucoup de chemin à faire en politique en ce qui concerne la pédophilie. La justice écoute mais pas suffisamment. Des femmes politiques comme Chantal Jouano ou Muguette Dini appuient pour rallonger le délais de prescription qui est, pour l’instant, fixé à vingt ans après la majorité des victimes. Cette durée parait considérable mais elle n’est pas suffisante car les victimes subissent une amnésie émotionnelle après les viols qui peut durer des décennies. L’idéal serait que ce délais de prescription atteigne trente ans.
Cela permettrait à beaucoup de victimes d’être reconnues en tant que telles par la justice et surtout, cela empêcherait beaucoup de malades pédophiles de nuire.
Je crois que les gens ne se rendent pas bien compte des chiffres concernant la pédophilie et la violence sur les femmes, une femme meurt tous les trois jours en France à l’issue de violences conjugales, glaçant non? Alors je crois que oui, en effet, la société a encore beaucoup de travail à accomplir pour prendre conscience et faire baisser ces chiffres.
Te considères-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je me sens féministe, oui. J’aime être une femme. J’aime être mère, femme mariée, femme indépendante, femme active, femme forte, j’aime porter mon foyer et en prendre soin, je ne rejette pas cette idée. Je pense qu’être féministe c’est aimer « être » tout cela.
Quels sont tes projets à venir ?
Mon plus grand projet à venir est de co-réaliser le long métrage des Chatouilles avec Eric Métayer où je jouerai le rôle d’Odette aux côtés de Karin Viard, le tournage commencera l’été prochain, nous sommes en plein découpage du scénario.
Nous avons co-écrit une pièce intitulée « Déglutis, ça ira mieux » avec Eric Métayer que nous comptons mettre en scène fin d’année prochaine et nous avons l’idée de monter une adaptation de « Roméo et Juliette » avec huit danseurs-acteurs masculins.
Tu mêles différentes sonorités dans ta musique : hiphop, soul, pop, électro, jazz… Quand et comment as-tu découvert le rap ?
Je crois que les premiers sons « rappés » que j’ai entendus c’était dans « Sesame Street » une émission pour enfants aux US , donc j’étais petite… Dans les années 1980 : ) Sinon la première grosse claque c’est Public Enemy en 1993, un pote m’a passé une cassette avec ça et du NWA, des trucs bien énervés … Ca m’a plu tout de suite et m’a ouvert à plein d’autres choses.
Tu travailles actuellement sur de nouveaux titres hip hop en featuring avec Sameer Ahmad. Pourquoi cette envie de rap ?
Le hip hop représente beaucoup de mes influences musicales donc sera toujours quelque part dans ce que je fais… Mais on me sollicite ( j’espère !) parce que je m’adapte à plein de styles différents.
En quoi tes origines américaines influent-elles sur ta musique ?
En tout ! Je suis née à Portland dans l’Oregon d’un père américain et d’une mère française. C’est clair que, entre les comédies musicales qu’engloutissaient ma mère et toute la musique qu’écoutait mon père, je ne peux pas nier l’importance de mes origines dans la musique. Je suis retournée aux Etats-Unis en 1999, à Los Angeles cette fois, pour me frotter au public américain car en France j’avais l’impression que c’était trop facile d’épater les gens à cause de mes origines justement. Je me disais, là-bas, je suis dans le berceau de la musique que je veux faire, il va falloir bosser beaucoup plus pour les impressionner, mais finalement avec du recul, les Français sont tout aussi exigeants !
En France, les artistes féminines hip hop sont peu médiatisées. Pourquoi d’après toi ?
Le hip hop féminin n’est pas vendeur dans la tête des décideuRs. Je crois que les artistes féminines doivent encore rentrer dans des cases pour qu’on les repère : la hyper-féminine, la sexy, la bargeot de service, la hyper vénère très masculine… Mais une artiste n’a pas le droit d’être tout ça en même temps, d’être trop complexe. Si elle est trop complexe, ça ne prend pas, malheureusement…
Quels sont tes role models féminins ?
Björk, c’est une artiste entière, engagée, évolutive et qui m’a profondément influencée. Patti Smith, poète, artiste tenace, grave et légère à la fois, elle me fascine. Madonna (jusqu’à une certaine époque ) qui a, quoi qu’on en dise, brisé quelques tabous et plus jeune j’étais une fan absolue. Et Lauryn Hill, parce qu’elle a écrit des pans entiers de ma vie. Elle est complexe, elle se bat avec l’industrie du disque, a fait face à beaucoup de critiques mais elle est toujours là. Still Queen of hip hop?
Te considères-tu féministe ? Pourquoi ?
Oui, bien-sûr ! Malgré tout les débats sur la définition du féminisme, on ne peut pas nier l’inégalité, le manque de représentation, le dénigrement des femmes en 2016… Et ce n’est jamais , jamais gagné – si on n’est pas sur le qui-vive chaque petite avancée peut être perdue… Et il faut maintenir la pression, plus de décideuSES dans ce monde de brutes !
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
En ce moment j’écoute de vieux albums de Stevie Wonder (Innervisions, Fulfillingness’First Finale) du K-Flay, pas son dernier EP, j’aime moins mais je kiffe toujours « I stopped caring in 96 » Elle mérite largement plus de médiatisation ! Et le premier album de Sameer Ahmad ( donc pas que du ricain, hein !) Perdants Magnifiques – les prods sont superbes, les textes aussi…
Quels sont tes projets à venir ?
Deux featurings sur le nouvel EP de Sameer Ahmaad justement ! Je travaille avec plusieurs artistes d’un label anglais de house et sur un nouveau projet perso que je mets en place, qui sortira sur le label Unicum Music. A suivre…
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
C’est vraiment excellent de mettre en avant des femmes dans le hip hop, c’est même nécessaire! J’ai vu que vous aviez organisé un open mic réservé aux rappeuses à La Mutinerie, j’espère qu’il y en aura d’autres ! Ce qui serait sympa aussi, c’est d’organiser un cypher, voire plusieurs, c’est moins cher qu’un clip et ça fait découvrir les rappeuses dans un contexte de live qui exalte leur flow. En tout cas, gros respect et longue vie à Madame Rap !
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