Kari Bee : « Je ne me cantonne pas qu’à un style »

La rappeuse bruxelloise Kari Bee nous parle de son parcours dans le rap, de son dernier titre Dafalgang et de ses projets. 

Quand et comment as-tu découvert la culture hip hop pour la première fois ?       

Je dirais que j’ai commencé à écouter du hip hop vers mes 7-8 ans. J’écoutais surtout les morceaux les plus connus qui passaient sur les chaînes musicales. J’ai aussi découvert beaucoup d’artistes rap et R&B grâce à ma grande sœur qui me prêtait parfois son lecteur MP3. Pour en citer quelques-uns, il y avait les Black Eyed Peas, 50 Cent, Eminem, Akon, Rihanna, Diam’s ou encore Booba.

Quand et comment as-tu commencé à rapper ?    

J’ai commencé à écrire vers mes 15 ans mais je ne montrais jamais mes textes à personne et je ne les mettais pas vraiment en musique. Puis, vers mes 18 ans, j’ai participé à un atelier d’écriture à la Maison des Jeunes de Ganshoren et c’est là que j’ai commencé à créer des chansons et envisager la musique plus sérieusement. Je faisais lire mes textes à l’animateur et rappeur Tonino, j’enregistrais des maquettes puis, avec cinq autres artistes, nous avons formé le collectif 83 SQUAD. De là, on a sorti notre premier projet intitulé La Devise et dans lequel j’interprète notamment les morceaux Sommet et J & F.

Tu viens de sortir le titre Dafalgang, qui est une sorte de trap sombre et hypnotique. Comment définirais-tu ton univers ?      

Quand j’ai eu l’idée du morceau, je découvrais des rappeurs comme Lil Xan et Lil Skies, et j’étais dans ma phase « rap xanaxé ». Je trouvais le délire intéressant en matière de flow, d’esthétique et de production. J’ai donc eu envie de reprendre ces codes et de les explorer à ma façon. Dafalgang était une sorte de challenge pour montrer que je ne me cantonne pas qu’à un style.  Mon univers s’inspire principalement de la trap, du R&B et de la pop. Je peux faire un morceau ego trip, un morceau love, un morceau plus sombre et introspectif. Les trois morceaux que j’ai sortis pour l’instant sont d’ailleurs dans des ambiances totalement différentes.

C’est quoi un « dafalgang » ?      

Dans l’univers du morceau, le Dafalgang est tout simplement ma clique de potes avec qui je me défonce, je me mets bien.

Tu viens de Bruxelles. Es-tu en lien avec d’autres rappeuses de la scène bruxelloise (et belge) ?      

Il y a Borderline, Safranna et Nyss qui font partie du 83 SQUAD et qui chantent, rappent et slamment sans vraiment se mettre d’étiquettes. Pour le reste, je ne suis pas encore entrée en contact avec beaucoup de rappeuses mais j’apprécie le travail des artistes Jaffa et Boa Joo.

Qui sont tes rôles modèles ?      

Mes sources d’inspiration au niveau des artistes se renouvellent sans cesse mais pour en citer quelques-uns il y a Kehlani, Kodie Shane, Young M.A, Tory Lanez, Jay Park, Shay, Hamza et Laylow.

Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?     

Je suis pour l’émancipation de la femme et l’égalité des sexes dans tous les domaines donc oui, bien sûr, je suis féministe.

Quels sont tes projets à venir ?      

Je travaille actuellement sur un troisième clip ainsi qu’une série de morceaux, certains que je balancerai au fur et à mesure en tant que singles pour me faire connaitre, et d’autres que j’inclurai dans mon futur premier projet.

Que penses-tu de Madame rap ? Des choses à changer/améliorer ? 

Madame Rap m’a permis de découvrir pleins d’artistes mais aussi et surtout, de voir que les femmes sont bien présentes dans ce game ! Vous nous donnez de la visibilité et de la force, merci et méga love sur vous.

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Danielle Swagger : « Sans les femmes, le monde ne peut pas aller de l’avant »

Née à Gaborone au Botswana, Danielle Swagger se lance dans le rap en 2012. Désormais installée à La Réunion, l’artiste nous parle de son cheminement dans le hip hop, de ses projets et de la construction de son identité musicale.

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

J’ai découvert le hip hop avec des artistes comme Snoop Dogg, à l’époque où il a lancé Lil’ Bow Wow, et Missy Elliott. Non seulement j’étais à fond dans le hip hop, mais j’avais aussi une grosse collection de musique. J’écoutais des chansons et je les retranscrivais après les avoir apprises, je ne savais pas encore que j’étais en train de développer un talent.

Comment as-tu commencé à rapper ?

Quand j’avais environ 17 ans, mon frère aîné m’a demandé de venir en studio avec lui et d’enregistrer un couplet sur sa chanson That Mullah. Après tout, j’étais tout le temps en train de chanter à tue-tête à la maison ! Les gens ont bien accueilli le morceau mais je reconnaissais trop ma voix et je savais que je devais encore m’améliorer. Aujourd’hui encore, je jongle dans différentes directions avec mon son, mon flow et ma voix, et essaie de définir ma personnalité à travers la musique.

Comment définirais-tu ta musique ?

Ma musique est réaliste, basée sur la réalité. Son essence est du hip hop, parfois assorti d’autres genres. Ça dépend de ce que m’évoque la production.

Si quelqu’un veut découvrir ta musique, quel morceau lui conseillerais-tu d’écouter en premier ?

Je lui dirais d’écouter #ShebaGusheshe featuring JT SpecialBoy parce que c’est ma première chanson qui est passée à la radio et qui m’a révélée en tant qu’artiste à un public plus large au Bostwana. Elle s’est très bien vendue. C’est un genre unique de musique Skhanda, créée par le rappeur sud-africain K.O, mélangée à une pointe de vibe sgubu/kwaito.

Pourquoi as-tu décidé de quitter le Botswana et de t’installer à La Réunion ?

J’ai décidé de déménager à La Réunion parce que je savais que la musique faisait partie de la culture locale. Ici, la musique est jouée en live avec les instruments basiques que nous connaissons tous et des instruments traditionnels comme le n’goni, le djembé et le kayamb. Les festivals locaux sont incroyables et des structures comme Le Kerveguen, La Cité des Arts et Florilèges ont de grandes scènes. Je me suis dit que je pourrais évoluer en tant qu’artiste et me préparer à de plus grosses scènes internationales, collaborer et échanger avec différents programmes et musiciens. C’est une phase d’apprentissage pour moi et je ne suis pas pressée.

Tu as collaboré avec la rappeuse réunionnaise Queen Favie. Comment vous êtes-vous rencontrées ?

J’ai rencontré Queen Favie par le biais de nos managers qui ont organisé une collaboration entre nous sur le thème de la misogynie.

Y’a t’il beaucoup de rappeuses au Botswana ? Est-ce qu’elles trouvent facilement un public ?

Il y a très peu de rappeuses au Botswana qui sont exposées à l’industrie artistique. En fait, c’est un milieu dominé par les hommes et c’est un sujet très sensible pour moi.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

J’aspire à être comme Bonang Matheba, Viola Davis, Maya Angelou et Michelle Obama. Des femmes de pouvoir, aisées, qui ont des responsabilités. Tomber, apprendre, se relever et enseigner. En termes de musique, je respecte Beyonce comme l’une des plus grandes performeuses et Rihanna comme une bourlingueuse dans le monde de la musique.

Te définis-tu comme féministe ?

Je suis féministe parce que je crois que les femmes sont le pilier du monde. Sans les femmes, le monde ne peut pas aller de l’avant.

Quels sont tes projets à venir ?

J’aimerais que mes fans s’intéressent davantage à ma part plus agressive. Toutes les infos seront disponibles sur mes réseaux.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Madame Rap est une plateforme géniale parce qu’elle annonce sur quoi elle se focalise. C’est vaste et divertissant pour celles et ceux qui veulent entendre plus de rappeuses. Continuez, vous faites un travail formidable.

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© lecerf

KT Gorique : « Ma musique est métisse, comme moi »

Deux ans après l’EP Kunta Kita, KT Gorique sort aujourd’hui l’album Akwaba. Après avoir passé seize ans en Suisse, la rappeuse part quelques semaines en Côte d’Ivoire en juin 2018 où elle se reconnecte à ses racines et sa famille, mais aussi à son inspiration. L’artiste nous parle de son nouveau son hybride et métisse, né de ces voyages, de son alter ego Kita et de ses projets post-confinement.

Comment vis-tu cette période de confinement ?

Je reste positive et je garde le moral mais c’est vrai que ça a un impact direct sur les gens qui sont dans mon cas, parce qu’on vit surtout grâce à nos concerts et là tout est annulé. J’essaie de me dire que ça va passer vite. Au-delà du fait que c’est hyper chiant de rester enfermée, on ne peut pas vraiment gagner d’argent alors que les factures continuent à arriver.

Nous t’avons interviewée pour la dernière fois en mars 2018. Que s’est-il passé pour toi depuis ?

Il s’est passé plein de choses ! En juin 2018, j’ai sorti mon EP Kunta Kita qui a super bien marché en Suisse et en Allemagne. J’ai fait une tournée de plus d’un an et demi et j’ai travaillé en parallèle sur mon album Akwaba qui sort le 15 mai.

Ton album Akwaba sort aujourd’hui. Comment est-ce que tu définirais ce projet ?  

C’est un peu l’aboutissement d’une recherche artistique que je menais depuis longtemps. J’ai toujours essayé d’apporter des influences de la musique et de la culture reggae dans mon rap. J’avais tendance à faire soit un son ragga, soit un son reggae, soit un son hip hop, soit un son trap, mais je n’avais pas vraiment réussi à créer de pont entre tout ça. Je l’ai fait un petit peu avec l’EP Kunta Kita et ça a bien pris. Les gens ont vraiment kiffé cette nouvelle vibe que j’ai essayé d’amener, qui me ressemblait encore plus. Je me suis lancée dans Akwaba en me disant « vas-y, c’est ce que tu aimes faire et ce n’est pas gave si ta musique n’est pas rangeable dans une case précise ». Ça reste du rap avant tout, mais du rap très hybride, qui correspond à tout ce que j’aime réuni en un seul « truc ». J’ai même appelé ça « future roots » parce que j’ai essayé de prendre toutes les racines des musiques que j’aime pour les transférer dans un son de notre ère. C’est une musique métisse, comme moi.

Comment as-tu travaillé à l’écriture et la composition de l’album ?

J’ai travaillé deux ans sur l’album. En juin 2018, ça faisait seize ans que je n’étais pas retournée en Côte d’Ivoire. J’ai encore une sœur là-bas et presque toute ma famille. Le fait d’y retourner m’a mis une grosse claque. J’ai retrouvé mes racines et me suis reconnectée à ce que je suis vraiment. Ça m’a fait du bien de redécouvrir la musique que j’aime, même si je n’ai jamais arrêté d’écouter de la musique africaine, mais c’est différent de le vivre en instantané avec sa famille et ses amis d’enfance.  J’ai écrit tous les textes de l’album entre juin 2018 et février 2019, date à laquelle je suis allée une nouvelle fois en Côte d’Ivoire. À mon retour, il me restait trois sons à écrire. Toute l’écriture s’est faite avec ces deux voyages en fait.

Pour la composition, je suis allée beaucoup plus loin que d’habitude. Contrairement à avant, j’ai travaillé avec beaucoup moins de beatmakers et ceux avec qui j’ai collaborés avaient plus une patte qui correspondait à ce que je cherchais à faire. Et surtout, j’ai fait intervenir pas mal de musiciens pour les arrangements. J’ai travaillé au Labo Clandestino à Marseille. Je fais un gros shout out à Fred et Denis qui ont fait les arrangements clavier, reggae, guitare, guitare électrique… C’était vraiment beaucoup de boulot, mais je suis très contente du résultat et j’ai hâte !

On retrouve la rappeuse de Los Angeles Reverie sur le titre Time Come. Madame Rap vous a toutes deux programmées dans le cadre du festival Les Femmes S’en Mêlent en mars 2018. Votre collaboration est-elle née de cette rencontre ?

On s’était déjà croisé deux ou trois fois avant Les Femmes S’en Mêlent et on avait bien sympathisé, mais on n’avait pas eu le temps de discuter et de passer de soirées ensemble. Ce festival nous a donné cette opportunité et on a passé la soirée toutes ensemble dans les loges, tout le monde parlait avec tout le monde et on était aussi dans le même hôtel. Par la suite, on a refait des dates ensemble en Suisse en 2019. C’est finalement venu très naturellement de se dire « posons sur un son ensemble ». Je suivais Reverie depuis des années avant de la rencontrer, et pour être fan de son travail, je suis très contente de sa participation sur ce morceau. Je trouve que c’est l’un de ses meilleurs couplets et je suis trop fière qu’il soit sur l’une de mes chansons !

Tu as convié la comédienne et humoriste Shirley Souagnon sur les interludes de l’album. Quels sont vos points communs ?  

Shirley, c’est vraiment ma grande sœur et je l’adore. On a énormément de points communs et on s’entend super bien. Ça fait maintenant deux ans qu’on se connaît. Comme on échange souvent, je lui ai dit que je travaillais sur un projet et elle est venue me donner de la force en studio. Je voulais des interludes particulières et finalement on les a faites toutes les deux. C’est assez inattendu comme genre d’association, mais dans notre cas c’était naturel.

À la base, on s’est rencontré parce que tout le monde nous confond. On ne trouve pas qu’on se ressemble, mais on a un peu le même genre d’énergie. Peut-être que la sphère rap ne se mélange pas assez avec la sphère stand-up alors qu’en fait elles sont assez proches dans le délire d’instantané et d’improvisation. Grâce au hasard, et tant mieux, parce que je ne pense pas que le hasard existe, on a pu se rencontrer et je suis hyper fière de l’avoir sur mon album. C’est quelque chose d’original. Ça fait plaisir de partager mon art avec quelqu’un qui me ressemble. Parce que même si elle fait du stand-up, les sujets qu’elle aborde sont finalement les mêmes que moi, on a juste une manière différente d’écrire. 

À l’écoute de l’album, on a l’impression que tu parles davantage de la place des femmes que dans tes précédents textes. Pourquoi cette envie ?

Oui, avant j’en parlais un peu, mais pas autant qu’aujourd’hui. Je pense que j’ai grandi. Je me pose des questions différentes. J’ai eu le temps de cogiter sur des sujets de la vie et j’ai été confrontée à de nouvelles choses. Et comme mon écriture a toujours été très instantanée, ça été naturel pour moi de développer certains sujets à force d’être confrontée à des situations que je trouve absurdes. C’est plus l’absurdité dans laquelle les femmes peuvent se retrouver qui m’interpelle. J’essaie, humblement, d’exposer cette absurdité.

Pourquoi as-tu ressenti le besoin de partir en quête de toi-même en Côte d’Ivoire ?

Cette quête est une partie très importante de l’album. Retourner en Côte d’Ivoire, c’est ce que j’attendais depuis que je suis arrivée en Suisse. J’y suis arrivée à l’âge de 11 ans, à une époque où il y avait des troubles politiques en Côte d’Ivoire. Ça a pris des années à se stabiliser mais ça a repété en 2010, donc le climat n’était pas très sécure pour mes sœurs et moi, mais ma mère y était retournée une ou deux fois. Là, c’était le moment ou jamais. J’avais été invitée en Mauritanie pour faire un concert et je me suis dit qu’en quatre heures d’avion, je pouvais voir ma sœur et aller au bled. J’ai appelé ma mère, je lui ai dit, « je pars en Mauritanie dans deux semaines, je te prends un billet d’avion pour Abidjan, tu arrives un jour avant moi, tu prépares tout et moi j’arrive le lendemain. » Et c’est ce qu’on a fait ! Ça m’a fait vraiment du bien aussi de prendre des vacances seule avec ma mère.

Qu’est-ce que tu y as trouvé ?

J’ai trouvé la paix du cœur parce que j’ai retrouvé tous mes amis d’enfance que j’avais perdus, toute ma famille, ma sœur, mes cousins et surtout j’ai trouvé l’inspiration.

Peux-tu nous présenter ton alter ego Kita ?

Kita, c’est le côté guerrière de ma personnalité. Une personne qui est déterminée, qui a une énergie incommensurable quand il s’agit d’aller au bout de ses rêves. C’est quelqu’un qui ne se laisse pas faire. Elle va beaucoup mettre en avant ce qu’elle trouve anormal et injuste, mais en gardant toujours la tête haute et un caractère de guerrière. Je crois que le mot « guerrière » est la meilleure manière de la décrire. Guerrière au niveau mental comme dans ses capacités physiques.

Quels sont tes projets à venir ?

Après le confinement, je veux reprendre les concerts. Je suis vraiment droguée à la scène. J’ai besoin de ça, de m’exprimer, de chanter. C’est là où je me sens bien et dans mon élément. C’est aussi l’aboutissement de deux ans de travail autour du projet Akwaba et donc j’ai encore plus hâte de monter sur scène pour partager ça avec les gens et avoir leurs retours, diffuser le message et l’énergie que j’ai essayé de mettre là-dedans.

Aussi, voir ma mère, reprendre mes petites habitudes avec mes potes et les répéts avec ma team parce qu’évidemment on ne peut pas se voir non plus et on habite dans des villes différentes en Suisse. J’ai hâte de revoir tout le monde et de pouvoir leur faire des câlins !

Que peut-on te souhaiter ?

Que l’album marche et que les gens apprécient le travail, entrent dans l’univers et puissent se retrouver dans les paroles, la musique, l’énergie ou la vibe… Que je puisse continuer à faire de la musique tout va mie parce que je c’est ce que j’aime le plus et que je puisse trouver l’inspiration pour continuer à le faire !

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