À l’occasion du Pride Month et des Marches des Fiertés, Madame Rap fait un état des lieux des rapports entre rap et LGBT+ en France. Petit tour d’horizon en images de cette scène qui commence (enfin) à être visibilisée.
Régulièrement taxé de misogyne et d’homophobe, le rap n’a pas pour réputation d’être LGBT-friendly. Pourtant, ce genre musical s’avère bien plus inclusif qu’il n’y paraît.
Aux États-Unis, des artistes comme Lil Nas X, Mykki Blanco ou Young M.A. jouissent d’une notoriété qui dépasse les frontières. En France, l’évolution reste plus lente mais plusieurs rappeuses·eurs LGBT+ émergent depuis quelques années. Ainsi, Lala&ce parle ouvertement de sexualité lesbienne dans ses textes et connait un certain succès populaire.
D’autres rappeuses·eurs s’identifiant comme queer apparaissent également dans le paysage musical français.
Illustre, rappeuse de Clermont-Ferrand, en fait partie. Elle explique :
« Je ne suis pas l’étendard de quoi que ce soit, je diffuse juste une façon de voir les choses qui me caractérise. Avec ce premier album, le but était de m’exprimer sur ce que j’avais compris de qui j’étais. Mais rien n’est figé, on est en perpétuelle évolution… Ça me fait plaisir de me dire qu’il y a des gens qui se sont reconnus à travers ce que j’ai fait, et que, peut-être, ça les a aidés. »
Le Lou, rappeur trans émergent, nous livre aussi sa vision des choses :
« Je n’ai pas envie de faire de ma transidentité ou de mon orientation sexuelle mon fonds de commerce, mais ça fait partie de moi et le fait est qu’on manque de visibilité partout, donc c’est important d’en parler… Même s’il faut aussi être capable de parler d’autres trucs, au même titre que tous les rappeurs. Je faisais partie d’un groupe avant et je n’en parlais pas du tout. Depuis que je fais mon projet solo, j’ai clairement senti que les gens avaient besoin d’entendre ça aussi dans le rap. »
Kelyboy, rappeuse, chanteuse, productrice et DJ parisienne fait le même constat :
« Je ne trouve pas nécessaire d’associer ma musique à mon identité de genre, mais ça me semble difficile de faire autrement, parce que j’y suis sans cesse ramenée. Notamment parce qu’on m’invite et on me donne la parole souvent avant tout parce que je suis une femme queer dans la musique. »
Alors, les sphères plus « traditionnelles » du rap sont-elles prêtes à accueillir ces nouveaux·elles artistes ? Comment le public, les labels, les programmateurs et les artistes eux·elles mêmes perçoivent-ils·elles cette évolution ?
« C’est vrai que par rapport au rap « classique », on ne rentre pas dans toutes les cases. Ça nous exclut de certaines choses, mais ça nous inclut dans d’autres aussi. Je pense qu’il ne faut pas se conformer à ce que l’on attend de nous, il faut amener des choses nouvelles. En ce moment, il y a une certaine effervescence, mais ça reste une particularité, une différence dans le rap game. » (Illustre)
« Je crois que ce n’est pas encore super admis d’être rappeur et gay, mais en même temps, ça commence à prendre sa place. Tout le monde commence à accepter qu’on existe et qu’on peut aussi faire des trucs bien ! Il y a un truc dans le rap aussi, où à partir du moment où tu es fort, t’es fort quoi ! Peu importe ton identité. » (Le Lou)
« En tant que productrice, j’espère vraiment collaborer de plus en plus avec le milieu « classique » du rap, en me différenciant avant tout par mes compétences et ma vision artistique. » (Kelyboy)
Cette sous-représentativité s’explique également par la frilosité de l’industrie de la musique à faire confiance aux artistes ouvertement queer, ainsi que par le traitement médiatique qui leur est réservé. En effet, les médias généralistes parlent peu de rap, et les médias rap parlent peu d’artistes queer.
Mais faut-il réellement parler d’une scène LGBT+ ? Si cette visibilité est indispensable, la plupart des artistes souhaitent être reconnu·es avant tout pour leur musique, et non pour leur identité de genre ou leur orientation sexuelle.
« C’est nécessaire, mais j’ai aussi d’autres choses à raconter à travers ma musique et je ne passerai pas toute ma carrière à en parler non plus… On peut vite se retrouver à ne parler plus que de ça. » (Illustre)
« Il y a des gens qui aiment juste le rap et qui s’en fichent de savoir si je suis queer ou pas ! » (Le Lou)
« Je découvre de plus en plus d’artistes de rap queer, mais ils ont avant tout la volonté d’être considérés comme des artistes rap, et inclus dans cette culture indépendamment de leur identité de genre. » (Kelyboy)
Encore timides, les représentations d’artistes queer dans le hip hop français se font de plus en plus nombreuses. On espère que le rap, qui par ailleurs porte la voix de nombreux artistes racisé·es, évolue encore davantage et reflète la pluralité des identités présentes dans la société.
Vidéo et texte : Juliette Fagot