Milly Parkeur : « Je suis une femme, je suis africaine et j’en suis fière »

Rencontre avec Milly Parkeur, rappeuse togolaise afroféministe de 20 ans, qui vient de sortir un titre pour dénoncer le problème des grossesses non désirées. 

Quand et comment as-tu découvert le hip hop et qu’est ce qui t’a donné envie de te mettre à rapper ?

J’ai découvert le rap en 2002 avec la sortie de « Temps mort » de Booba. A l’époque, c’est mon grand frère qui l’écoutait en boucle ! Pour ce qui m’as donné envie de rapper Je ne saurais dire ce qui m’a donné envie de rapper parce que ce n’est pas parti d’une simple envie mais d’un appel, un peu comme les prêtres quoi ! Quand Dieu t’appelle, tu comprends qu’il est temps de le suivre. C’était pareil avec le rap ! Ce qui est chouette avec le rap, c’est que ça permet de s’exprimer, de jouer avec les mots, c’est de la poésie moderne !

Quelles sont tes modèles féminins dans le hip hop et tes sources d’inspiration ? Pourquoi ?

Je n’en ai pas tellement, vu que je n’écoute pas exclusivement du hip hop. Mais j’aime beaucoup Lauryn Hill. Dans un autre style, j’aime bien ce que fait Nicki Minaj et sa façon de s’affirmer.

Mes sources d’inspirations sont plutôt personnelles … D’abord moi, mon vécu (à 20 ans on pourrait bien en douter ! ), mon quotidien et surtout mon entourage ! Bref, j’écris sur la société dans laquelle je vis.

Tu viens de sortir le clip « Toi et moi contre le monde » qui parle du problème des grossesses non désirées. Pourquoi as-tu voulu aborder ce sujet ?

Malheureusement, le problème des grossesses précoces chez les jeunes filles, notamment à l’école, est assez répandu au Togo et une grossesse à 16 ans détruit la vie. Même dans le cas où la jeune fille garderait l’enfant avec le soutien de sa famille et de celle du père de l’enfant, elle serait obligée d’arrêter l’école pendant un an au minimum. Dans la plupart des cas, elles arrêtent l’école définitivement alors que les hommes poursuivent leurs études sans problèmes.

Au Togo, ce n’est pas comme en France l’avortement est interdit. Quand des jeunes filles désespérées décident d’avorter, elles font des mélanges de médicaments dangereux ou de « recettes » traditionnelles. Perdre ses jambes, comme je le dis dans la chanson, est peu probable, mais il n’est pas rare d’y perdre la vie tout court…

Il faut donc résoudre le problème avant qu’on en arrive à une grossesse. Les contraceptifs ne sont pas faciles d’accès ici (plutôt chers aussi), l’éducation sexuelle est assez limitée et de manière générale, les femmes ont du mal à imposer le préservatif.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai voulu aborder ce sujet. Bien sûr, un titre ne peut pas tout changer, mais si en m’écoutant certaines jeunes filles décident de penser à elles en premier ou certains garçons réfléchissent aux conséquences de leurs actes, j’aurais déjà tout gagné !

Quels messages souhaites-tu véhiculer à travers ta musique ?

J’écris avant tout pour que les jeunes comme moi se reconnaissent dans mes textes. Je ne cherche pas à faire passer un message à chaque fois, tout dépend de « l’inspi ». La musique sert aussi à distraire. Donc je parle de mon vécu, de nos vécus, du vécu des gens qui m’entourent et si ça donne fait réfléchir quelques-un.e.s, tant mieux ! Sinon, l’important c’est qu’elles/ils « bougent la tête » en rythme !

A quoi ressemble la scène rap féminine au Togo ? Comment les rappeuses sont-elles perçues ?

En fait, l’expression « rap féminin » m’indispose assez. Elle montre bien à quoi ressemble la scène rap : les hommes font du rap et les femmes font du « rap féminin !

La scène rap est en pleine expansion chez nous avec l’avènement de nombreux rappeurs, hommes comme femmes. La difficulté c’est que ce qui marche en ce moment c’est la « trap », les bits qui font danser. Le public veut bouger ! Les rappeur/ses comme moi qui essayent de faire passer le texte avant tout cherchent l’équilibre entre le message et le « commercial ». Sinon il faut dire qu’au Togo, on n’a pas vraiment d’industrie musicale en tant que telle. Personnellement, j’ai la chance d’être soutenue par un petit label, Africa Real Music Industry, lancé par un réalisateur togolais (ETSE Edem Prudencio). Ici, on ne vend pas d’albums physiques et encore moins de vinyles ! Le seul moyen de se financer un peu est la scène, mais les cachets ne sont pas vraiment conséquents. Tout cela fait qu’on a du mal à espérer vivre de notre art. Et ce qui fait un peu le « buzz », c’est les paroles sexuellement explicites, la provoc…

Donc quand tu es une fille, il en faut bien « une ». A l’affiche de scènes qui réunissent une trentaine d’artistes, on compte les femmes sur les doigts de la main (pas seulement les rappeuses). Le rap reste considéré comme un domaine exclusivement masculin donc ce n’est pas facile de s’imposer, mais on se bat ! Je communique beaucoup sur le fait que le rap n’est pas forcément une musique de voyous. C’est la mauvaise réputation de ce style de musique qui empêche aussi les filles de se lancer. Après, j’entends souvent dire « Milly, elle rappe plus que « (nom d’un rappeur homme) ». Les rappeurs restent la référence.

Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?

Oui ! Afroféministe ! Pour tout ce dont on parle depuis tout à l’heure, pour qu’un jour chaque petite fille africaine puisse avoir la chance de devenir qui elle veut dans la vie ! Je suis une femme, je suis africaine et j’en suis fière. Je ne vois pas pourquoi je devrais me limiter.

Qu’écoutes-tu en ce moment ? D’autres artistes togolaises à nous conseiller ?

J’écoute pas mal de choses, pas seulement du hip hop. Par exemple, le nouvel EP de Jok’air (« Big Daddy Jok »), Blacko puis j’adore le son de Vianney (« T’es pas là »), Julio Iglesias (« Je n’ai pas changé ») Miriam Makeba et Nat King Cole (« Unforgettable »). C’est ma playlist du moment !

En ce qui concerne les Togolaises on est peu nombreuses donc je peux vous citer toutes mes consoeurs  : Chelsea, Myra, Aurly Shiaki, Flash Marley, Ayamey et Joëlle. Je crois que je n’ai oublié personne ! Mais au-delà des rappeuses j’apprécie vraiment Kézita qui fait du reggae et Adjoa Sika qui a une voix sublime !

Quels sont tes projets à venir ?

Je suis en studio et j’écris beaucoup. Je prépare la sortie d’un EP de huit titres. Je prends le temps de bien bosser, donc je ne peux pas vous donner la date pour le moment !

Que penses-tu de Madame Rap ? Qu’est ce qui devrait être changé ou amélioré ?

Alors je connais Madame Rap depuis peu de temps mais j’ai vraiment aimé l’initiative et l’espace de visibilité que ça donne aux rappeuses ! J’ai bien aimé l’article que vous avez écrit pour le 8 mars pour Cheek Magazine qui montre qu’on peut faire du rap sans être irrespectueux envers les femmes. Vous faites ce que j’essaye de faire à mon échelle, casser les clichés qui collent au hip hop. Mais surtout je voulais vous dire un grand merci de me laisser l’opportunité de m’y exprimer. Continuez de faire ce que vous faites et de nous dénicher même à des milliers de kilomètres !

Retrouvez Milly Parkeur sur Facebook et Twitter.

Festival Les Femmes s'en mêlent #20

Depuis vingt ans, le festival  » les Femmes s’en Mêlent  » n’a de cesse de défendre et de mettre en lumière la scène musicale féminine indépendante.

Avec une programmation d’artistes au caractère bien trempé, cette édition anniversaire nous promet encore de belles découvertes musicales.

Du 27 au 31 mars, la capitale résonnera donc aux rythmes singuliers et innovants des jeunes perles d’aujourd’hui et de demain.

Du flow aiguisé de Little Simz aux mélodies galvanisantes d’Austra, en passant par les productions minimales et organiques de Laurel, le festival renouvelle une fois encore ses promesses de dénicheur de talents au féminin !

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DÉCOUVREZ LE PROGRAMME : 

—————-LUNDI 27/03 AU DIVAN DU MONDE —————-

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 HURRAY FOR THE RIFF RAFF (UK) // Pop

Ecoutez un extrait de son album The Navigator : Hungry Ghost

LAUREL (UK) // Pop organique

Ecoutez un extrait de son EP PARK : Hurricane

 CANNERY TERROR (FR) // Garage Psyché

Découvrez leur morceau : Cheese 

—————- LUNDI 27.03  À MADAME ARTHUR —————- 

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LES DEMOISELLES S’EN MÊLENT (FR) // Pop/Rock

 VICTORINE 

Ecoutez un extrait de son album Desunis de l’Univers : Desunis de l’Univers 

KUMISOLO 

Ecoutez un extrait de l’EP La Femme Japonaise : Transports en commun 

—————- MARDI 28.03 AU DIVAN DU MONDE —————

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 MICHELLE GUREVICH (CA) // Rock hypnotique

Ecoutez un extrait de son album New Decadence : First Six Months Of Love

EMILIE & OGDEN (CA) // Indie-pop

Ecoutez son nouveau morceau : White Lies 

—————- MARDI 28.03 À MADAME ARTHUR —————-

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NILÜFER YANYA (UK) // Chill Jazzé minimaliste

Retrouvez un extrait de son EP The Small Crimes : Keep On Calling  

—————- MERCREDI 29.03 AU DIVAN DU MONDE ————

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SOLEY (ISL) // Pop Feutrée

Ecoutez un extrait de son album :Ævintýr 

LOWLY (DK) // Noise-pop

Ecoutez extrait de leur album : Word

ISTACA (NY) // Folk mélancolique

Découvrez un extrait de son album Open Chance : Buddy 

————— MERCREDI 29.03 À MADAME ARTHUR ————–

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 PI JA MA (FR) // Alt Rock, Indie pop

Ecoutez son 1er single extrait de son EP Radio Girl : Radio Girl 

—————- JEUDI 30.03 À LA GAITE LYRIQUE —————-

3 x 2 places à gagner sur Madame Rap, rendez-vous le 20 Mars sur notre page Facebook

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LITTLE SIMZ (UK) // Hip-Hop

Ecoutez un extrait de son album Stillness In Wonderland : Stillness In Wonderland 

SÔNGE (FR) // Electro-pop, R&B lunaire

Ecoutez son 1er extrait de son EP : Colorblind

—————- VENDREDI 31.03 AU TRIANON —————- 

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AUSTRA (CA) // Electro

Ecoutez un extrait de son album Future Politics : I love You More Than You Love Yourself

SANDOR (FR)  // Pop Synthétique

Découvrez son premier single : Rincez à l’eau

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—————- VENDREDI 31.03 AU TRABENDO —————-

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NUIT DE CLÔTURE  avec REBEKA WARRIOR (Sexy Sushi dj set), Barbieturix  Dj crew, MORGAN HAMMER dj set, NOVA TWINS et CORINE.

BilleterieSite Officiel du festival / Facebook du festival

Nouveau clip – « I Am Her » de Sa-Roc

La raptiviste Sa-Roc livre un nouveau titre qui rend hommage aux femmes qui luttent pour leurs droits à travers le monde ! 

Les bénéfices de sa performance « Hell » ont été reversés à la fondation de Mutulu Shakur, le compagnon de la militante politique afro-américaine Assata Shakur, ex-membre du Black Panther Party (BPP) et de la Black Liberation Army (BLA).

Marine Dubois : « Rendre visible et donner la parole aux rappeuses, c’est essentiel »

Madame Rap a rencontré Marine Dubois, Présidente de l’Association Get There, qui organise une soirée 100% rap féminin le 11 mars au Centre Vercingétorix à Paris 14e.

Comment as-tu découvert le rap et depuis quand en écoutes-tu ?

Je viens d’une famille de musiciens, plutôt orienté rock, et c’est la base de ma culture musicale. Petite, je pouvais m’endormir en écoutant AC/DC. Mon premier contact avec le rap, c’est difficilement avouable ! C’était en 1998 avec Panique Celtique de Manau, dont je ne sais comment j’ai eu la cassette… J’adorais cette vibe celtique et ce phrasé, ça me changeait de Céline Dion (dont j’avais aussi la cassette, mais celle-là je sais d’où elle vient ! ). Cette anecdote mise à part, mon vrai coup de foudre avec le rap remonte à mon entrée au collège, vers 2001, où j’ai découvert Sniper, Arsenik, la Mafia K’1 Fry... Et tout ce qui représente aujourd’hui ce qui s’est appelé « l’âge d’or » du rap français… A cette époque, je ne jurais que par Skyrock. En grandissant, je me suis intéressée à d’autres styles, à d’autres univers, et c’est très important pour moi de sortir encore de temps en temps du « 100% rap », je suis fière de cet éclectisme. Mais j’ai toujours laissé une oreille traîner sur le rap, c’est la musique qui me parle et me touche le plus, celle à laquelle je veux me consacrer entièrement…. C’est ma passion !

Comment est née l’idée d’un festival 100% hip hop féminin dans le 14e arrondissement à Paris ?

Dans le cadre de mes études, j’ai effectué un stage dans une association du 14ème arrondissement de Paris, CASDAL14, durant lequel j’ai notamment pu organiser un concert pour la fête de la musique l’année dernière.  J’ai beaucoup aimé cette expérience, et j’ai gardé de très bons rapports avec ma responsable de stage, Claire, qui est coordinatrice du Pôle Jeunesse de cette association.

Il y a 3 mois, je travaillais à l’école sur un projet qui m’a déclenché cette envie d’organiser un concert de rap 100% féminin. J’en ai parlé à Claire, qui m’a immédiatement répondu que ça l’intéressait. On a choisi la date symbolique du 11 mars, qui clôture la semaine de l’égalité homme/femme. Le choix de l’artiste principale s’est également fait assez naturellement. J’avais découvert KT-Gorique avec le film Brooklyn, que j’ai adoré. Au vu de sa participation à votre compilation « Still I Rise » contre les violences faites aux femmes, j’ai espéré très fort qu’elle soit disponible. Elle l’était et était intéressée par le projet !

Mais j’ai surtout eu beaucoup de chance que Claire me fasse confiance pour cette première date, qui m’aurait été bien plus difficile à monter sans son aide et son soutien.

Tu as fondé l’association Get There en 2016. Quels sont ses objectifs et qui sont ses membres ?  

Durant ma première année à l’l’Institut de Métiers de la Musique (IMM), je me suis particulièrement intéressée au management et à l’accompagnement d’artistes, et c’est de là que m’est venue l’envie de monter une asso dans ce domaine.

Get There Association a deux missions principales : la première est l’accompagnement et le développement d’artistes hip hop, la deuxième est l’organisation d’évènements hip hop ( expositions, concerts, spectacles de danse… ). J’ai déjà commencé à accompagner un groupe de rap du 14ème et un rappeur solo, c’est une super expérience. A plus long terme, j’avais aussi pour envie de monter des ateliers, des conférences même peut-être, autour de la culture hip hop, mais j’attends pour ça d’évoluer, et de fédérer toujours plus de gens autour du projet. Pour l’instant nous ne sommes que deux : j’ai avec moi une trésorière, qui gère l’administratif principalement, et qui n’est pas issue du milieu de la musique. D’ailleurs, si le projet intéresse des lectrices et lecteurs, qui voudraient participer à la croissance de Get There

Que penses-tu de la place des femmes dans le rap en France ?  

J’aimerais voir plus de femmes rapper, évidemment, et j’ai pour souhait depuis la phase de réflexion même de Get There, d’accompagner et développer une rappeuse. Et même si je n’ai pas envie de faire de Get There une asso féministe ou exclusivement féminine, parce que j’aime trop le rap masculin pour ça, il est clair pour moi que je souhaite continuer à promouvoir la place de la femme dans le rap. Et j’observe avec beaucoup de plaisir le succès et la notoriété grandissants de femmes comme Shay ou Sianna, et l’engouement qu’elles peuvent susciter, quand il y a encore quelques années Diam’s avait laissé un vide à combler sur les ondes. J’espère que cela va encourager toujours plus de femmes à se lancer… Rendre visibles et donner la parole aux rappeuses du monde entier, c’est essentiel.

RDV le 11 mars ! Pour acheter des places c’est ici.

Cheek Magazine x Madame Rap – 8 chansons de rap masculin qui rendent hommage aux femmes

Retrouvez notre article du mois dans Cheek Magazine !

On répète souvent que hip hop et sexisme font bon ménage. Ce que l’on dit moins, c’est que de certains rappeurs produisent un discours pro-féministe, loin des clichés de gros machos versus femmes-objets. A la veille de la Journée Internationale des Droits des Femmes, Madame Rap vous a sélectionné 8 morceaux de rap masculin qui rendent hommage aux femmes.

La suite à lire ici.

Nouveau freestyle – « Kween » de Young M.A.

Découvrez le nouveau freestyle de Young M.A. sur « Dynasty » de Jay Z.

Après avoir été taquinée sur les réseaux sociaux , Young MA décide de revenir sur les commentaires de ses détracteurs à travers des paroles percutantes.

« I can’t believe they tried to say I had a ghost writer
That’s like saying you drove a whip without no tires
That’s like saying you had it lit without no fire
Moral of the story is they all liars
Funny guys, bummy guys
I know Flex ‘gon spin this about 20 times
I’m up now with my watch on sunny side
Now all I see is carrots like a bunny’s eyes »

Avec l’horizon de NYC comme toile de fond, M.A. livre une véritable prouesse lyrique de 5 minutes!

Covers – Still I Rise

En novembre 2016, Madame Rap avait lancé un appel à participation auprès de rappeuses pour poser sur l’instru « Still I Rise » de Emeraldia Ayakashi composée pour notre compilation du même nom contre les violences faites aux femmes.

Voici les 3 titres que nous avons retenus ! Découvrez Fatou, Mamachi et Waka !

Nouveau single – « Vision Nocturne » de KT Gorique

Côté féminin, la Suisse nous avait déjà offert La Gale, dans un style proche de celui de La Rumeur. En 2017, les Helvètes seraient bien avisés de consacrer pour de bon le rap de KT Gorique qui, à l’instar de son aînée dans le film De l’encre (réalisé par La Rumeur, justement), tient le premier rôle dans Brooklyn, du réalisateur Pascal Tessaud. Ça, c’était en 2015, trois ans après que KT Gorique ait été consacré « Première femme championne du monde de freestyle ».

Depuis, la rappeuse a fait ses armes, côtoyé de près certains des MC’s les plus undergrounds de la scène française (Hugo TSR, notamment) et, du haut de ses 27 ans, a fini par imposer son style, fait de rimes sans concessions et de textes trempés dans le goudron.

À l’image de « Vision Nocturne », troisième extrait de sa récente mixtape Ora, à écouter ici : 

Le rap n’est pas l’empire du sexisme

Requinquée et au taquet après un break « fêtes de fin d’année » prolongé, Madame Rap a vu les bénéfices de ses vacances balayés en deux minutes chrono. En effet, à peine de retour devant nos écrans, nous sommes tombées sur un article dans Elle, qui nous a titillées (euphémisme). Le thème : le clip « Tchoin » de Kaaris et son sexisme assumé.

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Début janvier, Kaaris dévoile la vidéo de son nouveau single afro-trap « Tchoin », qui se traduit par « prostituée », ou « fille facile » en nouchi, un slang de Côte d’Ivoire, dont l’artiste est originaire. La vidéo comptabilise 3 millions de vues sur YouTube en 48 heures (on en est à plus de 19 millions au moment où nous écrivons cet article.) Le pitch : un couple s’engueule dans la rue, le mec plante sa copine et part clubber avec ses potes.

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Pas question pour nous de fermer les yeux sur ce clip sexiste, mais surtout d’un ennui profond, qui compile les clichés les plus surannés : une resucée de l’imaginaire pornographique traditionnel avec des culs, des doigts dans la bouche et des décolletés sans visage qui frétillent pour les beaux yeux d’archétypes de l’hyper-virilité. Rien de nouveau sous le soleil.

En revanche, le traitement qui en est fait pose problème. Car une fois de plus, les médias grand public s’intéressent au rap pour le dézinguer. Personne n’est irréprochable et il ne s’agit pas de se payer qui que ce soit, mais on ne peut que se désoler de cette presse qui se borne à traiter du hip hop de manière toujours péjorative, au nom du dieu Buzz.

Ainsi, l’article de Elle commence par « Où sont Kery James, I AM, Diam’s, Oxmo Puccino ou encore Keny Arkana, plumes du rap français ? » Etonnant, car hormis Diam’s, tous les artistes mentionnés ont une actualité. On peut voir Kery James dans « A Vif »  au Théâtre du Rond-Point à Paris et son opus « Mouhammad Alix » est disponible depuis septembre dernier. IAM a annoncé l’arrivée d’un nouvel album, « Rêvolution », pour le 3 mars prochain et partira en tournée à la fin de l’année.  De son côté, Oxmo Puccino sillonne les routes de France avec « La Voix Lactée » (prochains concerts en juin si vous voulez faire un article) et Keny Arkana a sorti le clip « Une seule humanité » en novembre 2016, extrait de son EP « Etat D’Urgence ».

Alors pourquoi ne pas faire des papiers sur ces artistes apparemment si géniaux, engagés et conformes aux attentes de Elle ? Sans doute ne correspondent-ils pas vraiment à la « cible » du magazine, qui se la joue vaguement féministe aujourd’hui mais ne nous fera pas oublier des années d’articles culpabilisants pour les femmes, prônant une image monolithique d’une féminité hétéronormée, blanche et anorexique. En outre, cela risquerait de donner une bonne image du hip hop, cette sous-culture d’analphabètes, qui mérite qu’on s’y attarde uniquement pour démontrer combien elle est nuisible aux femmes.

L’article se poursuit : « En 2017, le rap engagé aurait-il définitivement disparu, au profit de punchlines toujours plus sexistes et humiliant les femmes ? » Mais comme nous l’avons indiqué avec les artistes précités, le rap engagé est bien présent et s’il a « disparu », les médias ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes de bouder des Casey, Billie Brelok, Sianna, Pumpkin, KT-Gorique, Abd al Malik, D’ de Kabal ou Médine. 

Comme l’analyse la professeure et autrice féministe américaine bell hooks : « Le succès de certains artistes de rap misogynes, anti-féministes et anti-femmes est totalement en cohérence avec l’idée suivante : quand vous trouvez un produit qui vous apporte le maximum de profit et de reconnaissance, vous allez le promouvoir, que vous croyez au message que vous véhiculez ou pas. » En gros, il est important de replacer ces représentations sexistes des femmes dans le rap dans le cadre plus large de la production culturelle au sein de notre société capitaliste, car ce problème est en fait bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Mais Elle d’insister : « On ne va pas refaire le débat une énième fois : la misogynie est l’un des thèmes forts dans le rap ». Si, (re) faisons-le justement. Tout d’abord, la misogynie n’est pas un « thème » fétiche des rappeurs. C’est justement ce qu’on leur reproche, non ? De ne pas parler de misogynie et d’être misogyne. Secundo, en quoi la misogynie serait un thème fort du rap et pas de la société française dans son ensemble ? Quelques chiffres pour rappel : 19% d’écart de salaires entre femmes et hommes, 27% de femmes à l’Assemblée nationale, 26% au Sénat, 16% de maires, 36% à la télévision, une seule femme à la tête d’une entreprise du CAC 40, une unique Palme d’Or en 70 ans de Festival de Cannes, une parité pastiche au gouvernement avec 0 femme aux postes régaliens… On peut ajouter qu’elles se coltinent 72% des tâches ménagères et que 80% d’entre elles subissent du sexisme au travail. Mais tout ça, c’est la faute du rap bien sûr.

Comme il sont pratiques ce mépris de classe et cette condescendance néo-colonialiste consistant à piétiner une culture inclusive, populaire, à la richesse et aux facettes multiples, qui n’est qu’un miroir de son époque. Parce que pendant ce temps-là, on ne questionne pas les vrais problèmes. Ou on omet de le évoquer en ne nuançant pas son propos. Au passage, spéciale dédicace à Vice pour son papier « Comment baise-t-on en banlieue ? », titre rapidement modifié après le tollé qu’il a suscité, et au contenu proche du safari exotico-colonialiste en mode « étudions la sexualité de cette drôle d’espèce qui-ne baise-pas-comme-nous ». On croit rêver.

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En revanche, ces mêmes journaux adorent nous apprendre que de pauvres petites femmes opprimées dans des pays lointains se mettent à rapper et qu’il faut bien les applaudir (elles-sont-tellement-courageuses). Vous vous rendez compte, elles parlent, réfléchissent, écrivent et voilà qu’elles rappent maintenant ! Pour une Nigériane, une Afghane ou une Indienne, c’est carrément un exploit.

En tout cas, après notre agacement initial, nous avons vite repris du poil de la bête en nous souvenant qu’il s’agissait là de l’essence même de Madame Rap : proposer un autre discours que celui des médias mainstream, un autre regard, fait d’amour, de respect et de connaissance du hip hop, qui permet de le critiquer et de le célébrer à sa juste valeur. Ou au moins d’essayer.

Les Tricoteuses : « Partout, dans les concerts, les open-mics, que des mecs ! »

A Montpellier, le collectif féministe Les Tricoteuses lutte pour les droits des LGBTQIA, des racisé.e.s, des travailleuses du sexe et pour faire vivre la scène hip hop.

Qu’est-ce que Les Tricoteuses ?

Les Tricoteuses est un collectif féministe non mixte qui s’est construit sur des bases marxistes, queers, décoloniales, c’est à dire un féminisme intersectionnel qui lutte pour le droit de toutes les femmes, racisées, migrantes, travailleuses du sexe, femmes voilées, précaires, gouines, trans, biEs…

Comment et quand est né le projet ?

Le projet est né à Montpellier en 2013 quand deux d’entre nous ont emménagé dans cette ville. Il y a alors, à cette période, les manifestations étudiantes contre la LRU auxquelles nous participons souvent. C’est dans ces manifs que nous rencontrons des meufs qui sont plus ou moins dans les milieux militants de Montpellier.

Cette même année, il y a le vote de la loi « Mariage pour Tous » et donc de nombreuses manifestations et conférences homophobes et racistes de ses opposants : ManifPourTous, Veilleurs, Ligue du midi, Jour de colère…etc. Le collectif s’est donc lancé dans un contexte  nauséabond et très dur pour les racisé-es , les femmes voilées , les travailleuses du sexe ( avec la loi de pénalisation des clients) et pour nous les LGBTQIA.

Le constat à Montpellier, c’est qu’il n’y avait aucune riposte féministe et LGBTQIA. Le milieu militant que nous côtoyions plus ou moins à ce moment reste impassible et ne prend pas en compte les revendications féministes. De même, les associations institutionnelles LGBT de Montpellier restent totalement absentes des actions, notamment contre les rassemblements ManifPourtous. Ils sont même allés jusqu’à critiquer ouvertement les initiatives des militantes féministes en affirmant qu’ils ne soutenaient pas ces actions « violentes et inutiles ». L’une d’entre nous qui effectuait un stage dans l’une de ces associations a pu constater ces inepties de l’intérieur. Il y avait un vide total et un milieu militant contrôlé par des mecs cis blanc hétéro…etc. Alors il fallait faire bouger les choses.

C’est donc dans ce contexte qu’on se réunissait chez l’une et chez l’autre et où on discutait de textes et d’actions à venir, tout ça afin d’enrichir notre approche théorique et pratique. C’est à partir de là que nous avons décidé de monter un collectif féministe antiraciste et contre l’islamophobie avec 7/8 filles rencontrées pendant les luttes.

Nous avons choisi d’être autonomes, indépendantes, c’est à dire en dehors du milieu dit «militant »  de Montpellier. De toute façon, c’était de fait évident. On a vite compris qu’on était pas forcément les bienvenues dans « leur milieu » et que ça ne nous correspondait pas…

Le « milieu militant » a Montpellier n’a pas changé depuis la création des Tricoteuses. Ils ne prennent toujours pas en compte de nombreuses problématiques, dont celles de l’Islamophobie ou des luttes LGBTQIA, entre autres. En ce qui concerne l’anti-sexisme  c’est la même chose : des actes scandaleux qui soutiennent le pouvoir patriarcal. On a pas de temps à perdre avec eux, c’est pour ça qu’on préfère s’écarter et rencontrer de nouvelles personnes en dehors de tout ça, avec qui le feeling et les idées vont passer.

Vous menez des happenings « coups de poing ». En quoi consiste vos actions ?  

On a commencé dans la rue avec des manifs, mais par la suite, nos actions se sont concrétisées.

Pendant les manifs étudiantes contre la LRU, on se retrouvait souvent à l’université dans des amphis ou se déroulaient les AGs. C’est dans celles-ci qu’on a commencé à émettre des revendications féministes qui n’était pas prises en compte dans la lutte étudiante. On tenait « une table féministe » dans l’enceinte de la fac avec de nombreuses brochures et textes féministes à disposition, afin de créer une réflexion avec les étudiantEs (certaines rejoindront les Tricoteuses par la suite). On a écrit aussi pas mal de textes pour un féminisme antiraciste et intersectionnel qu’on distribuait lors de ces AGs.

Lors des manifspourtous, on a mené pas mal d’actions sous forme de ZAP. Le principe (lancé par ActUp) consiste à s’immiscer dans une conférence/débat et la perturber en dénonçant, à l’aide de tracts et banderoles, ce que l’on considère comme une injustice.

On a donc perturbé une conférence d’Elizabeth Montfort, porte-parole de la manifpourtous34, qui est venue à Montpellier en 2013. Pour rentrer dans la conf’ sans éveiller les soupçons, notre groupe de 9 personnes s’était déguisé en « cathos ». C’était assez stressant de se retrouver au milieu de tout ces fachos homophobes en entendant les horreurs qui se disaient… On a tenu 7/8 minutes et là d’un coup on s’est levées et on a déployé notre banderole sur scène pendant que l’une de nous lisait à voix haute le tract que nous avions écrit. Leur réponse a été bien violente : ils nous ont délogées manu militari et ont fait venir les flics, mais on a bien résisté et bien foutu le bordel. Tout ça filmé par l’une de nous qui a dû rester seule un peu plus longtemps dans la salle (mais qui passait mieux).

On a aussi mené ce genre d’action-zap lors d’un gros forum où intervenait Marcela Iacub (contre ses propos masculinistes, sa défense de DSK, sa volonté de décriminalisation du viol) et les Femens (contre leur islamophobie). Comme on lutte aussi pour le droit des travailleuses du sexe, on a également perturbé la venue de l’association abolitionniste Amicale du Nid, invitée pour une émission de radio à l’université Paul Valéry. On tenait en dehors de la salle une table d’info avec des tracts pour informer les étudiantEs.

Pour ces Zaps, on employait toujours la même méthode : s’immiscer dans le lieu, s’inviter sur scène, déployer une banderole et lire un tract revendicatif bien préparé au préalable. Ces actions étaient toujours très intenses et la violence en retour aussi.

A coté des ZAP, on a fait pas mal de « contre-actions » lors des manifspourtous ou des rassemblement hebdomadaires des Veilleurs. L’une d’elle s’est très mal finie, puisqu’on s’est fait tabasser par un des groupuscules identitaires musclés de la région « La Ligue du Midi ». CertainEs ont terminé aux urgences…

On a été assez courageuses car à chaque fois on était peu nombreuses (une dizaine, voire moins), on avait pas le soutien du « réseau militant » de Montpellier et on se retrouvait toujours face à des gros fachos bien organisés qui n’hésitent pas à cogner.

Pour terminer avec les actions, on s’est beaucoup motivée pour des ateliers et sessions pochoirs/tags antifascistes et féministes.

Sur le plan théorique, on tient un blog, où l’on publie nos textes sur le contexte des luttes antifascistes et féministes à Montpellier, ainsi que des textes sur les groupuscules identitaires de la région (en menant un travail de recherche de fond). Vous pouvez retrouver l’essentiel de ceux-ci sur notre blog.

Un des points centraux de notre collectif est aussi d’organiser des projections féministes et antiracistes, suivies de débats sur Montpellier. On a très rapidement opté pour la non-mixité. Ça s’est imposé comme une évidence vu à quel point la parole des meufs est systématiquement écrasée lors de débats mixtes. C’est largement plus constructif et libérateur de parler entre nous, surtout sur des sujets qui nous touchent. Parmi les films qu’on a projeté et qu’on vous conseille : « Un racisme à peine voilé » de Jérôme Host, « Free Angela » de Shola Lynch, Die ROTE ZORA d’Oliver Ressler. Don’t Need You –  The herstory of riot grrrl » de Kerri Kosh…etc. Ce sont vraiment des moments enrichissants où on se retrouve entre meufs, où on gagne de la confiance et où la parole est plus libre. On a plein d’autres idées de films à faire partager lors de ces soirées projection/débat, alors  on pense en organiser d’autres très vite !

Vous avez fondé une autre association, Mental TranceFuzion, en 2014. En quoi ce projet diffère-t-il des Tricoteuses ?

Comme il était devenu compliqué d’avoir des lieux et de trouver des gentes motivées, on a décidé de mettre en suspend les actions avec les Tricoteuses. On se cantonne donc à alimenter notre page facebook «  Les Tricoteuses en Furie ».

Depuis 2014, nouys avons un autre projet associatif, Mental TranceFuzion, qui ne reçoit aucune subvention afin de rester indépendantes. Donc Mental TranceFuzion, c’est une association d’organisation d’événements culturels autour des musiques alternatives et des cultures urbaines à Montpellier et ses alentours, promouvant la scène féminine et LGBTQIA !

A la base, on était parties sur la tekno avec ce projet et on a organisé quelques soirées où on a fait jouer pas mal de meufs DJ. Le mouvement tekno est, comme beaucoup d’autres, « fermé » aux artistes féminines et contrôlé par les mecs. On essaye de renverser tout ça et on espère que des collectifs/asso’ de meufs vont continuer petit à petit à faire évoluer les choses. A quand la première free party organisée par des meufs avec un line-up exclusivement non-mixte ? On en rêve !

Mais comme on s’intéresse à beaucoup d’autres chose que la culture et les musiques tekno, on a décidé de se diversifier avec l’asso’, notamment avec les « cultures urbaines » qui nous tiennent à cœur. C’est pour ça qu’on organise la première « Chicks’N’Rap » le 18 février prochain dans un squat à Montpellier, où rapperont RAP’ELLES de Marseille et RADICAL JUNKY POP de St Etienne. On projette aussi le film « Brooklyn » de Pascal Tessaud avec la rappeuse KT GORIQUE qui joue le rôle de Coralie, jeune rappeuse suisse de 22 ans. Il y aura aussi des expo de meufs : Ejy’s, Jow LB et Esoter’Ink, des dessinatrices/peintres/tatoueuses Montpelliéraines. On a hâte !

Comment est perçue votre démarche ?

On se prend souvent des réflexions du genre « Oui mais pourquoi écarter les mecs ? C’est la qualité artistique qui compte ! ». Sauf que, quand dans la plupart des soirées et concerts, le line-up est exclusivement masculin, personne ne se pose de questions. C’est toujours la même chose. De même que nous dire « C’est la qualité artistique ou la performance technique qui compte » alors que toutes les femmes qui investissent ces milieux sont dénigrées et jugées avant tout sur leur physiques au détriment des réelles « performances techniques et artistiques », c’est l’hôpital qui se fout de la charité !

Pour faire bref, ce qu’on fait et qu’on veut faire avec Mental TranceFuzion, c’est donner aux meufs la visibilité qu’elles méritent !

Vous êtes basées à Montpellier. Quelle est la place des femmes et des LGBTQIA sur la scène hip hop locale ?

Montpellier est une ville avec des lieux gay destinés aux hommes blancs, gay et bourgeois. Aucun lieu alternatif pour les LBTQIA… donc encore moins de scène hip hop locale féminine et LGBTQIA. Comme dans tous les milieux, les meufs et LBTQIA sont invisbilisé-es , c’est donc dur de créer du « réseau », de se soutenir.

La scène hip hop locale s’est plus ou moins réveillée avec l’ouverture d’un lieu dédié au rap et hip hop. Mais la direction du bar est exclusivement masculine, la programmation aussi, et craint vraiment parfois (sexiste-misogyne). On voulait faire venir Rebeca Lane (rappeuse féministe du Guatemala) dans le bar en question en octobre 2016 (on leur avait d’ailleurs envoyé l’interview que vous aviez faite sur Madame Rap) et on nous a clairement répondu que ça dérangeait, que « le féminisme pose problème ». Une claque de plus, de quoi désespérer.

A Montpellier il y a très peu de rappeuses, ou en tout cas, qui ont une certaine visibilité. Il y avait une pure rappeuse il y a quelques années : Eli MC. Mais malheureusement, elle est partie à Nantes et a arrêté le rap. Il y a quelques meufs qui ont la motiv’ et écrivent des textes chez elles, rappent en privé…etc. et on les encourage vivement à continuer et à s’imposer par la suite sur la scène locale !

Voilà, on a été carrément déçues par ce qu’on a pu voir à Montpellier. Partout dans les concerts, les open-mics, que des mecs ! Ils ne laissent pas la place aux meufs. Quand on voyage à l’étranger, on se rend compte qu’il y a quand même un fossé à ce niveau-là avec la France.  Par exemple, en Allemagne, en Espagne, au Guatemala ou encore aux Etats-Unis il y a une forte scène queer antifa hip hopféministe : le collectif de Sookee avec son festival annuel « female focus festival », le collectif « Somos Mujeres Somos Hip hop»,le collectif Cypher Effect aux États-Unis…etc.

Faut croire qu’en France, il y a pas une telle dynamique et c’est forcément lié à un contexte conservateur, raciste et bien hétéro normé. Ça ne laisse pas la place à la création de collectifs subversifs de meufs et LGBTQIA ! Heureusement, il y a quand même des rappeuses qui se bougent et des projets qui se créent. On pense au collectif Keskya à Paris avec entres autres Ryam MC, le projet Rap’Elles à Marseille, et le festival annuel du « Femcees Fest » à St Etienne.

Avec notre asso’, on a envie de faire bouger les choses et remotiver les meufs et LGBTQIA dans ces milieux (rap, skate, graff…etc.) Alors contactez-nous si vous êtes motivées : projets, idées, quoi que ce soit, on est preneuses !

Vous êtes aussi skateuses/amatrices de skate. Selon vous, quels sont les liens entre skate, hip hopet féminisme(s) ? 

Oui M. fait du skate street depuis l’age de 13 ans et nous on kiffe regarder, filmer le skate et tout ce qu’il y a autour.

Le skate et le hip hopsont des milieux issus des cultures urbaines donc les liens entre ces derniers et le féminisme sont assez évidents. Ces espaces sont traditionnellement masculins, donc dans lesquels les meufs et LGBTQIA sont invisibilisé-es encore une fois. Le lien est fort, le skate s’est construit avec la scène punk, puis hip-hop. Dans les années 2000, on skatait sur du gros son hip hopstyle Cypress Hill, Wu Tang, Nas…etc. Du son qu’on retrouvait beaucoup dans les vidéos de skate.

C’est donc inimaginable de penser le skate sans le hip hop! Pour ce qui est du féminisme, le skate et le hip hopc’est dans la rue. C’est un moyen d’expression corporel  dans l’espace public, qui est sexiste et raciste. L’espace public étant lui-même un environnement dans lequel les meufs sont moins construites socialement et culturellement pour y aller et où on nous met pleins de barrières. Donc forcément c’est subversif et féministe. Lorsque tu rentres dans le milieu du hip hopet/ou du skate, c’est quelque part une lutte permanente contre un ordre patriarcal et sexiste. Et c’est juste incroyable la force que ça peut te donner dans ta vie de tous les jours, cette rage, cette niaque. Car il faut l’avoir pour avancer, ça te donne une confiance sur ce que tu es, sur toi et ton corps. C’est important dans une société hétéronormée et sexiste, quotidiennement violente pour les femmes et les LGBTQIA !

M., qui donne des cours de skate, constate que cette année, il y a un créneau avec une majorité de filles (5/6 de 6 à 15 ans) et quelques garçons. Et là tu vois déjà les relations de genre : les garçons prennent de l’espace, « veulent se montrer ». Les filles préfèrent être ensemble et avec une « prof » fille, car ça leur amène plus de confiance. Elles ont moins peur de se lancer, se réapproprient ensemble l’espace nécessaire…etc. La construction des relations de genre et du sexisme se construisent dès la naissance et tout au long de la vie. A nous de les déconstruire et de permettre au plus grand nombre de filles d’investir tous ces milieux alternatifs et sportifs dès le plus jeune âge.

Malgré ce milieu du skate « réservé » aux mecs, on remarque que de plus en de plus filles se mettent à la pratique du skate et/ou s’y intéressent. Ici encore, on remarque  que la scène skate filles est beaucoup plus développée à l’étranger, avec de nombreux crews de meufs skateuses et féministes qui se développent.  Mais heureusement en fRance, il y a quand même des événements qu’on soutient et auxquels on participe. Par exemple le contest 100% girl « Chicks on wheels » à Toulouse, le « Queens of dogtown » à Avignon, et prochainement la « Chica sess #2 » à Grenoble le 25 février. Il y a aussi un  fanzine genderqueer skate «  Xem Skaters » créé par une skateuse française qui vit en Suède.

Les skateurs ont toujours leur playlist fétiche qu’ils aiment écouter quand ils rident. Quels sont les vôtres ?

Alors on écoute toutes les 3 vraiment tous les styles, mais on dira plus electro-clash, gros hip-hop, et gros son riot grrrl féministe pour une session skate. Pour M., exception à la règle  avec Ann Sexton «  You’ve been gone too long » une chanteuse soul qui accompagne souvent sa session. Mais sinon, tous les sons qui ont pour nous marqué l’histoire du féminisme vont très bien pour une pure session.

Des rappeuses à nous conseiller ? Internationales ou Montpelliéraines ?

Akua Naru, Bumble buzz, Black Rapp Madusa, Rapsody, Rebeca Lane, Bleezie, Vel the Wonder, Ruby Ibarra, Sooke., Lady of Rage, Boog Brown, Yo Yo, Boss, Sa-Roc, Sonyae, Shadia Mansour, Blimes Birxton, Shirlettes Amons, Lady Lazy, Audry Funk, Nakury, Belona Mc, Michu MC, Normi Queen, Daisy Chain et Miss Zebra, Reykjavíkurdætur…

En France, Princess Aniès, Eli MC, Ryaam MC, Chainyz, Missah, Ladea, Loréa…

Quelles sont vos rôles modèles féminins ? Pourquoi ?

Beaucoup de meufs et LGBTQIA ont marqué l’histoire. Malheureusement elles sont invisibilisées et/ou méconnues, que l’on parle de musique (soul, folk, riott grrl, rap, punk, tekno…etc.), de réalisatrices, de militantes et universitaires féministes antiracistes, ou encore des skateuses et des sportives en général (qu’on oublie trop souvent). On a beaucoup de rôles modèles féminin dans toutes les sphères de la société !

Quelle est votre définition de « féminisme » ?

Comme de tout temps, le féminisme occidental blanc et bourgeois a imposé sa vision raciste et coloniale du féminisme. « Notre féminisme », lui, est au contraire inclusif et intersectionnel et milite donc contre tous les rapports de domination de race, de classe et de sexualité, afin de décoloniser les esprits.

Face aux offensives racistes et islamophobes d’un système impérialiste et colonial, il est important pour nous de mettre en valeur et de soutenir les initiatives des concernées sur ces questions. Ainsi, nous soutenons des mouvements tel que la BAN (Brigade Anti-Négrophobie), la MAFED (collectif de femmes subissant le racisme, qui organise la « Marche de la Dignité et contre le racisme »), le PIR (Parti des Indigènes de la République), le collectif LMSI (Les Mots sont Importants) , l’association Survie contre le colonialisme en Françafrique, BDS, campagne pro-Palestine, le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France)…

Nous soutenons aussi des individu.e.s militant.e.s anti-racistes comme la documentariste afro-féministe Amandine Gay, le bloggeur João Gabriel, l’autrice Nargesse Bibimoune, le STRASS (Syndicat du Travail Sexuel) ou encore les revues D’ailleurs et d’ici et Negus

Quels sont vos projets à venir ? Soirées, concerts, événements…

Nous organisons une soirée dédiée aux femmes dans le rap intitulée Chicks’N’Rap le 18 février dans un squat Montpellier. Puis une soirée techno en avril avec un line-up exclusivement féminin. Nous préparons aussi un événement consacré à la diffusion du documentaire « Girl Power » sur 28 graffeuses.  Enfin, nous réfléchissons à des événements qui regrouperaient le jonglage, le skate, le graff, le son hip-hop… Toujours dans une perspective féministe.

Que pensez-vous de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

 Vraiment génial, c’est tellement rare qu’un réseau de meufs dans le hip hop se crée en France et sur internet. C’est vital de parler des meufs dans le hip hop avec une approche anti-raciste et féministe. Merci pour les découvertes ! Tout ça est vraiment super important car ça permet d’avoir de la visibilité, des références et finalement, ça donne de la motiv’ pour créer et agir dans ce domaine. Venez à Montpellier, qu’on fasse un événement ensemble !

Retrouvez les Tricoteuses sur Facebook.

Cheek Magazine x Madame Rap – Les Tricoteuses : le collectif féministe de Montpellier qui fait bouger les lignes

Retrouvez notre article du mois dans Cheek Magazine !

À Montpellier, Les Tricoteuses se battent pour faire exister la lutte féministe, antiraciste et LGBTIQIA. Elles nous parlent de leur collectif non mixte et de leur passion pour le skate et le rap…

La suite à lire ici.

Clip : PRINCESS NOKIA – Bart Simpson & Green Line Double Feature

Princess Nokia revient sur ses années lycée avec le double clip « Bart Simpson & Green Line ». Depuis la sortie de son EP 1992, en septembre 2016, sur lequel on retrouvait notamment  « Tomboy », « Brujas » et « Kitana », Princess Nokia est devenue l’un des plus grand sespoirs du rap féminin.