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La Souterraine : « Plus il y a de modèles, plus il y a de rappeuses qui oseront se lancer »

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La Souterraine sort demain LE RAP2FILLES SOUTERRAINE, qui réunit 12 rappeuses underground francophones. Les créateurs de la compilation Bérénice Cloteaux-Foucault et Benjamin Caschera nous ont expliqué comment et pourquoi ils ont lancé ce projet.

Pour celles·eux qui ne vous connaîtraient pas, qu’est-ce que La Souterraine ?

C’est une plateforme vitrine de l’underground francophone, dans tous les genres. On y trouve 230 mixtapes, compilations, albums et EPs à prix libre, enregistrés par approximativement 700 artistes qui ont au moins un titre sur La Souterraine (parfois pour un seul track, parfois 3 mixtapes). Leur seul point commun c’est qu’iels chantent en français.

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Comment et quand est née l’idée de cette compilation de rappeuses ?

Il y a un an et demi/deux ans, on s’est vraiment dit qu’il fallait qu’on base nos recherches sur le rap, puisqu’on n’en documentait pratiquement pas sur la plateforme et que c’est le genre musical hégémonique, le plus écouté en France aujourd’hui, populaire dans tous les sens du terme, donc incontournable. On s’est dit que ce serait bien plus intéressant de chercher des rappeuses que des rappeurs, puisqu’ils sont partout et qu’elles sont invisibles. C’est vrai pour l’industrie musicale de manière générale, mais c’est encore plus flagrant dans le rap, alors on avait bien envie de renverser les enjeux de représentation.

On a commencé à observer l’underground là où il s’exprime le plus en évidence, dans les concours de freestyles sur Instagram (@lerapfrancais@1minute2rap@lagalaxiedurap…), sortes de battles dématérialisées et on est tombé sur @rap2filles qui est le premier tremplin non-mixte, exclusivement féminin. On a proposé à Julien qui gère le compte de nous aider à faire cette mixtape, avec beaucoup de MCs qui n’avaient rien sorti du tout.

Pourquoi avoir eu envie de mettre en avant des rappeuses underground en particulier ?

La Souterraine observe toujours les artistes minoritaires ou à la marge : c’était donc une évidence, venant de l’extérieur, en s’attaquant au rap de chercher les rappeuses qui sont pour l’immense majorité dans l’obscurité. Honnêtement qui peut citer trois rappeuses connues du grand public ?

Ce qui nous intéresse, c’est que c’est un genre hyper émergent et bouillonnant artistiquement, toutes les semaines on voit apparaître une nouvelle MC qui a un talent. On est là pour promouvoir cette démarche et les encourager à franchir le pas à faire un premier son officiel. C’est le lancement d’un cercle vertueux : plus il y a de modèles, plus il y a de rappeuses qui oseront se lancer.

Comment avez-vous choisi les 12 rappeuses présentes sur le projet ?

Sur le profil de Rap2filles, il y a environ 200 MCs qui ont participé aux 7 concours qui ont eu lieu. C’est une super base de travail pour démarrer, on est aussi allé en chercher ailleurs, dans d’autres concours. Le premier critère de sélection, c’est qu’elles devaient avoir un son entier d’au moins 2 minutes, enregistré correctement.

Après, on a essayé d’avoir plusieurs styles représentés, plusieurs villes de France et d’ailleurs (Sensei H vit à Québec, par exemple). Ensuite, il fallait que les MCs acceptent qu’on distribue leur son. On a eu un refus, on espère l’avoir la prochaine fois.

Le terme « rap de filles » peut avoir une connotation péjorative et stéréotypée. Avez-vous volontairement choisi cette expression pour la déconstruire ou la réhabiliter ?

On s’est dit que puisque cette mixtape est la collaboration de la Souterraine avec Rap2filles, on serait dans la pure logique d’appeler la compilation LE RAP2FILLES SOUTERRAINE. Effectivement, on se dit que c’est un peu cliché, et que ça peut donner l’impression que les rappeuses ne font pas simplement du rap, mais du « rap de filles », néanmoins ça a le mérite d’être très clair, très lisible. On avait comme autre option « Trop d’hommes dans le rap français », mais on ne voulait pas le définir par la négative. On préfère aussi écrire « Les filles du rap », d’ailleurs.

En tout cas, quand on y prête attention, on s’aperçoit quand même que le rap de filles underground s’organise comme une communauté, a ses principes propres, et ses personnages qui animent la communauté. Il est tellement minoritaire qu’effectivement, c’est encore une branche du rap.

Vous organisez une soirée de lancement de la compilation le 11 décembre au Punk Paradise à Paris. Quel est le programme ?

Un showcase de Pearly en clou du spectacle – c’est la plus expérimentée parmi les MCs du premier volume, elle a gagné le tremplin Rappeuz en début d’année, des sets de Turtle White (Montreuil), de Djaahaya, rappeuse guyanaise de Châteauroux, Ossem de Belleville, et puis toutes celles qui souhaitent participer à la scène ouverte dès 20 heures, il suffit de nous écrire avant le 11 décembre pour ça à ouf@souterraine.biz, qu’on s’organise.

Il y aura aussi plusieurs DJ sets, de la musique et des rencontres. Le but, c’est de rendre cette compilation vivante, de la partager, et de permettre aux MCs de pratiquer.

Quel avenir envisagez-vous à cette compilation ? 

Ceci n’est que le premier volume de la série, on en prépare un second pour le premier trimestre 2020, sur lequel on aimerait expérimenter un peu plus en termes de prods, et on va essayer de tenir un rythme de soirées régulier à Paris et ailleurs (on prépare une résidence de création live en octobre à La Soufflerie à Rézé, près de Nantes).

Retrouvez LE RAP2FILLES SOUTERRAINE le 29/11 sur toutes les plateformes de streaming et à prix libre ici.

Retrouvez La Souterraine sur son site, FacebookTwitter et Instagram.

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