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Kanis : « J’ai réussi à arriver là où j’en suis sans homme »

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Kanis (Niska de son vrai nom, qu’elle a changé pour ne pas être confondu avec le rappeur d’Évry) a grandi entre Haïti, Miami et New York. Après des études de design, elle se lance dans la musique il y a trois ans. Alors qu’elle vient de signer chez Sony, la rappeuse/chanteuse nous parle de son parcours, de sa fascination pour la culture américaine et son nouveau projet en français. 

Quand et comment as-tu commencé à rapper ?

Ça s’est passé par étapes. J’ai commencé par écrire pour plein d’artistes aux États-Unis, en Haïti et dans les Caraïbes. De là, j’ai été à l’université, et je me suis rendu compte que j’avais un amour profond pour la musique. Alors, j’ai construit mon petit studio à l’âge de 17 ans et j’ai commencé à enregistrer et poster de petits freestyles en anglais. Il y a trois ans, j’ai eu mon master de design et marketing et j’ai quitté les États-Unis pour retourner en Haïti et lancer ma carrière de rappeuse. Après les premiers freestyles en anglais, je vais sortir des titres en français bientôt.

Quels artistes écoutais-tu quand tu étais petite ?

Chez moi, on écoutait un peu de tout. Du jazz, de la musique latino, du compas, du zouk, des ballades… Je kiffais le hip hop depuis longtemps mais ce n’était pas très populaire et accepté en Haïti. J’écoutais des artistes comme 2Pac, Lauryn Hill, MC Solaar, Missy Elliott, Sade, Rihanna, Céline Dion, un peu de tout ! Personne ne fait de la musique dans ma famille mais tout le monde adore ça.

Tu es née à Miami, as grandi à Piéton-Ville et a fait tes études New York. Quelle est ta relation avec les États-Unis aujourd’hui et en quoi la culture américaine influence t’elle ta musique ?

J’ai quitté Haïti quand j’avais 15 ans. Quand je suis arrivée à Miami, j’étais super choquée parce que la différence culturelle est très importante. Je suis allée à l’université à New York parce que c’est une ville très métropolitaine et je pensais que ça allait m’aider à me découvrir moi-même et à décider ce que je voulais faire de ma vie. C’est ce qui s’est passé. Après New York, je suis retournée à Miam et j’ai ensuite passé plusieurs années à faire de la musique en Haïti. Maintenant, je vis à Paris. Mais pendant le confinement, j’étais à Miami parce que j’y étais allée pour gérer de mon studio mais je suis restais coincée. J’ai une maison là-bas, c’est là que j’ai tous mes amis d’enfance et mes potes dans la musique.

Tu rappes en anglais et en créole. Comment choisi-tu la langue dans laquelle tu écris ? Est-ce qu’elle s’impose à toi ou est-ce que tu décides en amont ?

J’ai toujours été fascinée par la culture américaine. Le fait de bouger aux États-Unis m’a beaucoup appris. Quand je vivais à New York, je faisais des freestyles en anglais. Après, j’ai eu envie de retourner dans mon pays et je me suis rendu compte que même si je l’adorais, je ne connaissais pas trop mes racines. J’ai fait toute une étude de la culture, de la nourriture, des danses, du vaudou… J’ai beaucoup appris et je l’ai mis dans ma musique.

La France m’a aussi toujours intriguée. Ça fait deux ans que je fais des va-et-vient et trois mois que j’ai été signée chez Sony Columbia. Découvrir la culture française m’a fascinée. Je suis super fière de la musique qui va sortir et de ces nouveaux morceaux en français.

Si quelqu’un ne connaît pas ta musique et a envie de la découvrir, quel titre lui conseillerais-tu d’écouter en premier ?

Si je devais choisir des morceaux en créole, je dirais Pitit Té A et Ayyy. Ces deux morceaux expliquent mes deux côtés. Ayyy, pour le côté afro, dancehall et shatta. Pitit Té A est un morceau plus mélancolique et caribéen que j’ai fait quand je vivais en Haïti. J’étais partie avec une petite fille qui ne pouvait pas voyager et qui n’avait jamais quitté son village parce qu’elle est super pauvre, pour lui faire visiter tous les châteaux et les citadelles du pays. C’était hyper beau de vivre ça ensemble.

Pour le côté hip hop, je dirais Veve Vokal. C’est le premier morceau qui a cartonné aux Caraïbes.

Pour ce qui est de mes nouveaux titres en français, je pense que le morceau Tic Toc est le plus efficace et représente le mieux ma personnalité.

Tu as signé avec Sony en décembre dernier. En quoi le fait d’être signée dans un gros label a-t-il fait évoluer ton travail ?

Je n’ai pas encore sorti de musique avec Sony. Je devais sortir un projet en avril mais à cause du coronavirus, on l’a reporté. Sony est vraiment un label qui bosse en équipe donc c’est plus ma famille que mes patrons, et ça me rend heureuse. Je ne connaissais pas beaucoup la France quand je suis arrivée et ils m’ont beaucoup aidée, encouragée et donné de la force. Je parle beaucoup de langues et c’est parfois difficile avec l’accent de créer de la musique mais c’est tellement une passion… J’ai hâte de voir ce qu’on peut faire ensemble.

Comment travailles-tu sur un morceau ? Est-ce que tu as des routines particulières ?

Je commence par écouter l’instru ensuite je fais des freestyles. Je suis aussi ingé son, donc si je n’en ai pas, je peux tout faire moi-même. J’écoute, je choisis la partie que je kiffe le plus, je fais toute la structure du morceu et de là, je commence à écrire. Ce processus m’aide à capter les mélodies et les flows. Je suis rappeuse de nature alors la mélodie et le flow n’étaient pas des choses importantes pour moi avant. Maintenant, c’est devenu quelque chose d’essentiel.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Je pense que je suis un mélange de plusieurs femmes. Pour le côté Caraïbes, libre et rebelle, Rihanna m’inspire beaucoup.

Également Lauryn Hill, dans un aspect plus soul et Missy Elliott aux États-Unis.

En France, une artiste comme Edith Piaf, son parcours et ce qu’elle a appris à faire avec sa voix m’inspirent beaucoup parce qu’en ce moment j’apprends plus à chanter et contrôler ma voix.

Angèle aussi. J’adore le fait qu’elle soit féministe et une force pour toutes les femmes.

Ce n’est pas une femme, mais j’admire beaucoup Stromae. Je me retrouve tellement en lui. Il peut tout faire, il est super créatif et en même temps il travaille en équipe. Tous ses morceaux ont un message. C’est comme si j’étais lui en femme.

À part Booba et MC Solaar, la première artiste femme de rap que j’ai découverte en France est Diam’s. Je l’ai beaucoup écoutée pour comprendre et m’adapter au hip hop français. J’ai vraiment kiffé sa marque et tout ce qu’elle fait.

Te définis-tu comme féministe ? 

Dans ma vie, je suis super féministe. Je pense qu’on devrait toutes l’être. Je suis pour l’égalité et la force. Je veux toujours aider les femmes et les rendre beaucoup plus confiantes en elles. Nous, les femmes, on a beaucoup vécu et on a beaucoup souffert.

Dans la musique, ce n’est pas facile d’être une femme. Mais j’ai réussi à arriver là où j’en suis sans homme. Je me rends de plus en plus compte que ma voix, ta voix, et notre voix sont toutes importantes.

Avant, je trouvais ça bien que certaines femmes veuillent descendre dans la rue et faire des manifs, mais je ne me retrouvais pas là-dedans. Mais finalement, je me dis qu’on est toutes supposées le faire.

Quels sont tes projets post-confinement ?

Je vais sortir des singles en français. Le premier que je viens de sortir s’appelle Tic Toc. Et je vais beaucoup bosser. Je kiffe vraiment la culture française et je vais tout faire pour réussir et être écoutée en France.

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je ne connaissais pas et maintenant que j’ai découvert, je kiffe tout ce que vous faites ! Je trouve que c’est une super initiative et une super plateforme.

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© Richard Lecoin

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