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Bouki : « Je rappe en tant qu’artiste et non en tant que femme »

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Originaire de Bourgogne et basée à Lyon depuis trois ans, la rappeuse de 20 ans nous parle de son rapport à l’écriture, son univers musical en construction et son féminisme. 

Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?

J’ai découvert le hip hop très jeune avec des classiques comme NTM et Diam’s.

À cette époque j’écris, j’écris des lettres que je n’envoie jamais, j’écris des poèmes, des histoires sur ma vie ou inventées de toutes pièces.

J’ai découvert le milieu du rap il y a trois ans lorsque je suis arrivée sur Lyon. J’ai rencontré des gens qui m’y ont donné goût, je les admirais aussi car c’était la seule chose qui comptait pour eux : s’exprimer par le rap. Ils sont mes premières inspirations. J’ai commencé à rapper grâce et avec eux, ils m’ont aidée à écrire (je reprenais des textes que j’écrivais pour les adapter de façon à ce qu’ils soient rappés.)

Tu as une formation classique en piano. Dans la tête de certaines personnes, classique et rap sont incompatibles. Comment as-tu décidé d’allier les deux ?

J’ai suivi une formation classique de piano pendant quelques années. Cela ne me correspondait pas, mais je me rends compte que ça m’est utile aujourd’hui, mon oreille musicale s’est développée. Et peu à peu, je me suis ouverte sur d’autres univers musicaux. Ainsi, pour moi, classique et rap ne sont pas incompatibles mais peuvent être complémentaires.  

Comme définirais-tu ton univers musical ?

Mon univers est en cours de construction, je ne saurais pas encore le définir et je pense qu’on met un long moment avant de trouver une certaine stabilité. Même si j’ai ce côté mélodique un peu jazz qui revient parfois, j’aime aussi faire des morceaux plus sombres.

Tu cites Grand Corps Malade, Nekfeu et Orelsan comme sources d’inspiration. Qu’est-ce qui te parle chez ces artistes ?

Je ne saurais dire pourquoi j’en apprenais certains par cœur à l’époque où j’aurais dû réviser pour mon bac. On pouvait retrouver ceux de Grand Corps Malade, Nekfeu et Orelsan. Ce sont les premiers textes que j’ai rappé dans ma chambre. Leurs textes résonnent comme des poèmes pour moi.

As-tu été/es-tu inspirée par des rappeuses également ? 

Je cite des rappeurs car j’ai évolué dans un milieu masculin où je n’ai connu aucune rappeuse. Et les premières personnes qui m’ont inspirée sont les personnes que j’ai côtoyées. Mais bien évidemment de nombreuses rappeuses m’inspirent aujourd’hui notamment grâce aux réseaux sociaux, cela nous permet d’être facilement en contact et de nous donner des conseils. Je peux vous citer des rappeuses qui deviennent au fil du temps des amies, comme Asuncion, Amalia ou F2thewee. Grâce au tremplin Radar, j’ai aussi découvert Brö qui m’a beaucoup inspirée, j’aime sa façon de mélanger rap et mélo. Je peux citer aussi sans hésitation Little Simz, Koffee, Lady Leshurr, 070 Shake qui m’inspirent énormément et j’en oublie certainement…

Quelle place les rappeuses occupent-elles sur la scène hip hop lyonnaise ?

J’en connais quelque- unes aujourd’hui via les réseaux sociaux mais ayant parcouru jams et open mics pendant un an, je n’ai malheureusement pas le souvenir d’en avoir croisé beaucoup, voire aucune…

J’ai même une anecdote. Lors de ma première battle de rap (on était une vingtaine), j’étais la seule fille. Personne ne me donnait le micro, j’ai dû m’imposer pour enfin avoir droit à mon tour. On ne m’avait pas remarquée et une fois le micro en main, la lumière m’a éclairé et le public m’a vu enfin. J’ai eu droit à une ovation, sans même avoir dit un seul mot. J’ai alors compris que bien au-delà du rap, j’étais un message politique et je représentais les femmes dans cet univers masculin.

Te considères-tu féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton féminisme ?

Bien sûr, la question ne se pose même pas, la définition du féminisme étant vouloir l’égalité hommes/femmes. En revanche, ce n’est pas le combat que j’exerce à travers ma musique. Même si je déplore le manque de femmes dans ce milieu. Je ne revendique pas le fait que je sois une femme dans mes textes. Dans ces derniers, je raconte modestement les histoires que j’ai vécues en espérant toucher quelques personnes qui peuvent s’y identifier. Si je parle de moi, c’est parce que je suis la personne que je connais le mieux.

Je rappe en tant qu’artiste et non en tant que femme, et c’est aussi une forme de féminisme. On ne parle pas de rock féminin ou de jazz féminin, alors pourquoi parler de rap féminin ? On a tous un univers propre et un objectif commun qui est de faire de la musique pour notre plaisir et celui des autres.

Quels sont tes prochains projets ? 

Je travaille en ce moment sur mon premier EP, 7 Milliards, en indépendant qui sortira à la fin de l’année. Je travaille sur différents projets en parallèle (singles, featurings, freestyles, clips…).

Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?

Je trouve ça cool d’avoir un média dédié aux femmes. Comme je le disais précédemment, sur la scène lyonnaise je n’ai croisé que très peu de femmes, on est trop peu nombreuses. Beaucoup n’osent encore pas et j’espère que des médias comme Madame Rap peuvent encourager les femmes à monter sur scène.

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