Autrice, compositrice, rappeuse et avocate de formation, Raja Meziane vient d’être nommée parmi les 100 femmes les plus influentes au monde selon la BBC. L’artiste algérienne désormais basée à Prague nous a parlé de ses engagements et des raisons de son exil.
Comment as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à rapper ?
Je n’ai pas découvert le rap, j’ai toujours été fan dès mon plus jeune âge, c’est une musique qui m’a toujours attirée. Faire du rap n’a pas été une décision ou un choix mais à chaque fois que j’ai eu besoin d’exprimer une colère, je me retrouvais à écrire des textes qui ne pouvaient être posés autrement que sur des couplets rap.
Comment écris-tu tes morceaux ? As-tu des rituels particuliers ?
Pour écrire, il me faut tout simplement m’isoler complètement et m’écouter moi-même.
Tu es connue pour tes textes engagés. En quoi le rap représente-t-il un outil politique à tes yeux ?
Je ne vois pas le rap comme un outil politique mais plutôt comme un moyen simple et puissant de s’adresser directement aux consciences collectives ce qui, à mon avis, fait sa force.
Tu es partie d’Algérie et a émigré en Tchéquie en 2015. Pourquoi ce choix ?
Je n’ai malheureusement pas eu d’autres choix que de quitter mon pays suite à des pressions directes et indirectes qui ont suivi ma chanson Révolution en 2013 et mon refus de participer en 2014 à une chanson de soutien au président en place pour un 4ème mandat, pressions qui ont fini par m’asphyxier .
Es-tu en lien avec certaines rappeuses en Algérie et en Tchéquie ?
Honnêtement, je n’en connais pas mais la scène hip hop dans les deux pays et globalement très présentes.
Faire partie du classement de la BBC est certainement une reconnaissance précieuse qui a aidé à porter ma voix plus loin et qui m’a aussi permis de découvrir 99 autres combats, exploits et rêves.
Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?
‘Dihya » alias »El Kahina » (reine berbère), Miriam Makeba et ma maman.
Te définis-tu comme féministe ?
Je ne me définis pas comme féministe mais je suis une femme qui défend les droits de la femme et l’injustice quelle qu’elle soit, autrement je n’aime pas labéliser mes engagements.
Quels sont tes projets à venir ?
Mes projets, beaucoup de singles en cours et à venir, des collaborations et des scènes, dont quelques-unes en France.
Que penses-tu de Madame Rap ?
Madame Rap m’a fait découvrir pas mal au sujet de la scène rap féminine française ou autre avec des articles utiles, je trouve que c’est une très bonne tribune pour les rappeuses connues et moins connues. En ce qui me concerne, c’est un Go-To, Ne changez rien !
Rendez-vous jeudi 19 novembre à 19h pour une conférence Madame Rap sur le thème « Rap et femmes des stéréotypes à déconstruire » !
Alors que le rap est le genre musical le plus écouté sur les plateformes de streaming en France depuis des années, il reste souvent perçu par les médias grand public et dans l’inconscient collectif comme la musique la plus misogyne qui existe. Pourquoi ces clichés ont-ils la dent dure et quelles sont leurs conséquences ? Et si le rap était en fait un espace de liberté pour les femmes ? Peut-on être féministe et aimer le rap ? Le sexisme n’est pas toujours là où on le croit…
Après plusieurs années d’absence, Skyna revient avec le clip Bye Bye. La rappeuse indépendante originaire de Grasse (06) nous a parlé de ses nouveaux projets et de sa vision du féminisme.
Comment as-tu commencé à rapper et quel·le·s sont les artistes qui t’ont inspirée ?
J’ai commencé à écrire et à rapper vers mes 14 ans. A l’époque, j’écoutais déjà beaucoup de rap comme IAM, la FF Salif, Sinik, Iron Sy, Lim, Don Choa, Luciano, Sniper et d’autres… C’est quelques années après, vers 2010, que j’ai commencé à enregistrer des maquettes et par la suite à enregistrer en studio.
En vrai, je pourrais poser sur n’importe quel style d’instrumental.
Comment définirais-tu ta musique ?
Je dirais polyvalente. J’aime autant faire du rap engagé et dénoncer le monde qui nous entoure que faire des morceaux ego trip qui n’ont pas pour but d’avoir une réflexion, mais juste de kiffer l’instant présent. Je ne veux pas me mettre dans telle ou telle case. En vrai, je pourrais poser sur n’importe quel style d’instrumental du moment que ça m’inspire.
Tu viens de sortir le clip Bye Bye. De quoi ce titre parle-t-il ?
J’ai mis de côté la musique pendant un certain temps et pas mal de personnes me demandaient : « quand est-ce que tu ressors un morceau ? » Je leur répondais que bientôt je reprendrais les bails, donc le refrain de ce morceau était inévitable. Je voulais faire un retour un peu second degré. On a essayé de faire un petit clip décalé. Le choix de l’instrumental s’est fait un peu au hasard, j’avais déjà écrit le premier couplet et quand j’ai essayé de le poser sur de l’afro trap, j’ai bien aimé donc je l’ai enregistré dessus.
Comment écris-tu tes morceaux ? Commences-tu par écrire ou par écouter des prods ?
En général, j’écris en écoutant l’instru, mais il m’arrive d’avoir des demi-couplets en tête et du coup de ne plus avoir besoin de l’instru pour le terminer.
En termes de producteurs, je travaille régulièrement avec Wallace (ancien label Justecause). Il m’est arrivé de travailler avec d’autres beatmakers comme Aspect Mendoza, le Son des Cas Libres, Cazamia Prod et d’autres. J’aime aussi freestyler sur des faces B ou sur des instruments solo ou même a capella. Je rappe sur tout même si je garde ce côté old school de cœur.
À quoi ressemble la scène des rappeuses dans les Alpes-Maritimes ? Es-tu en lien avec d’autres rappeuses de la région ?
Le mouvement commence à bien se développer, il y a de plus en plus de scènes à portée des artistes. En général, on se connaît à peu près tous déjà virtuellement via les réseaux sociaux et humainement grâce aux scènes.
Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?
Ma mère m’a beaucoup inspirée et aussi ma grand-mère et mes tantes. La plupart des femmes de ma famille sont des battantes.
Une femme devrait pouvoir être libre de porter ce qu’elle veut.
Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?
Oui bien sûr. Je pense qu’il n’y as pas de propre féminisme. Par définition, il y a un mouvement politique intersectionnel qui consiste à défendre toutes les oppressions subies par toutes les femmes, peu importe leur tenue vestimentaire, leurs origines, leurs statut social… Une femme devrait pouvoir être libre de porter ce qu’elle veut, robe, survêtement, voile, minijupe, streetwear, talons, sans constamment être jugée. Je pense que le capitalisme a trop imposé un idéal de la femme alors qu’on n’est pas obligé d’être de telle ou telle manière pour se sentir femme.
Quels sont tes projets à venir ?
De nombreux clips, une mixtape et j’espère par la suite un album.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve le concept énorme ! Je pense qu’il doit avoir un gros taf pour répertorier autant d’artistes féminines du monde entier. Je soutiens à fond le mouvement.
Lauréate de STRI-IT 2018, dispositif d’accompagnement d’artistes organisé par Le Studio des Variétés et YouTube, BRÖ a fait du chemin en un an. La rappeuse/chanteuse/musicienne de 24 ans, qui a grandi aux Lilas et à Levallois-Perret, sort son premier EP Klaus le 15 novembre. Rencontre.
Comment as-tu commencé à rapper et quel·le·s sont les artistes qui t’ont inspirée ?
J’ai d’abord surtout chanté dans des groupes et sur des petits projets à droite à gauche pendant que je faisais mes études de droit. Un jour en 2016, on m’a invitée sur un feat avec un groupe de rap. J’ai fait le refrain. Les gars ont vraiment accroché avec mon délire et ils m’ont proposé d’écrire un couplet. Je me suis alors essayée au rap. Après, ça je roulais avec eux et ils m’ont initiée à des freestyles…
Ma première inspiration en matière de rap était Kid Cudi (et par extension Kanye West). Pour ce qui est du rap français, j’ai saigné le Klub des Loosers et Orelsan quand j’étais au lycée. C’était un peu les références en matière de rap de classe moyenne. Petit à petit, je me suis ouverte à tout le reste. Aujourd’hui, j’écoute aussi beaucoup de rap italien par exemple.
Comment définirais-tu ta musique ?
Je dirais que ma musique est encore en cours de définition. C’est du rap mais il y a une touche de soul, de chanson française et de pop.
Tu viens de sortir le titre Aime Moi. De quoi parle-t-il ?
C’est une chanson un peu contradictoire en fait. Elle est pleine de regrets et de résilience en même temps. Dedans, je me désole d’avoir perdu quelqu’un que j’aimais par manque de sacrifice. Mais d’un autre côté, je me félicite de ne pas avoir cessé de m’aimer pour autant. Peut-être que le prix de l’amour de soi, c’est un peu de solitude.
Comment écris-tu tes morceaux ? Commences-tu par écrire ou par écouter des prods ? Est-ce que tu travailles régulièrement avec certains producteurs ?
Je n’ai pas de méthode de travail. J’écris des textes que je mets ensuite en musique et j’écoute des prods qui m’inspirent des textes. Tout est possible.
Pour mon EP Klaus qui sort le 15 novembre, j’ai travaillé avec le même beatmaker Gaëtan Sadi. Pour ce qui est de la suite, je roule avec Jules et Elie, qui sont mes musiciens sur scène. On commence déjà à bosser sur le projet numéro 2.
Tu as participé l’année dernière au dispositif d’accompagnement STRI-IT organisé par le Studio des Variétés et YouTube. Pourquoi as-tu envie d’y participer et qu’est-ce que cela t’a apporté ?
J’y ai participé complètement par hasard. Je ne réalisais pas du tout l’ampleur et la qualité du dispositif. Ça m’a apporté énormément de choses et notamment de la confiance en moi. J’ai compris qu’être artiste était un métier comme un autre. Ça m’a rassurée. Depuis cette expérience, je me suis lancée à fond dans la musique. Les formateurs du Studio des Variétés sont des gens vraiment exceptionnels et compétents et je continue d’y aller cette année pour progresser encore.
Quelles sont les femmes, connues ou pas, qui t’inspirent ?
Je suis inspirée avant tout par ma grand-mère. Elle m’a montré comment être libre. Aujourd’hui, les femmes qui m’inspirent sont Blanche Gardin, ma pote Lisa Tréger qui est comédienne et metteuse en scène, M.I.A, Alicia Keys et le personnage de Nola Darling.
Te définis-tu comme féministe ?
Je suis bien plus inquiétée par le capitalisme que par le sexisme parce que je crois que notre sexisme moderne puise sa source dans ce système économique qui arrive à expiration. Je suis féministe par principe mais ce n’est pas le combat qui me paraît être le plus urgent puisqu’il ne trouvera pas sa solution tant que le concept même de hiérarchie sera concevable par notre civilisation. L’Humain se déifie en asservissant l’autre et en asservissant la terre. La femme est un symbole de la terre par sa fertilité, elle subit donc par ricochet l’idée de hiérarchie qui selon moi n’a pas lieu d’être. Peu importe où.
Quels sont tes projets à venir ?
Je sors mon EP Klaus le 15 novembre. Je serai également en tournée en novembre et décembre, notamment en première partie de Kikesa. On se croisera aussi à la Boule Noire le 14 novembre avec Fils Cara et aux Bars en Trans le 7 décembre.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve que l’initiative de Madame Rap est mortelle. J’ai découvert pas mal d’artistes à travers ce média. Ne changez rien, restez sincère. Il en faut pour tous les goûts.
Flash Marley est la première rappeuse à sortir un album au Togo. L’artiste nous a expliqué pourquoi son projet La Madre, prévu pour début novembre, représente une mini révolution dans son pays et comment elle définit son féminisme.
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai découvert le hip hop en 2013 par le biais de mon grand frère. Au début, j’écrivais des poèmes et je dessinais. À la base, c’était ma véritable et très chère passion. À l’époque, mon frère Diff Plies était rappeur (il est toujours artiste à l’heure actuelle mais s’investit plus dans l’afro dance hall). Je lui fais un coucou au passage ! Lorsque je suis arrivée au lycée, je restais lors des pauses avec mon frère et ses amis. La plupart du temps, ils faisaient des freestyles. J’étais toute timide à l’époque, je n’osais pas sortir un mot, mais dans ma tête, il fallait voir les disques que je produisais (rires) !
Un soir, lorsque je suis rentrée à la maison, je me suis encore assise devant ma table de nuit et je me suis mise à rédiger un poème. D’un coup je me suis dit, « pourquoi ne pas rapper ce que j’ai écrit ? » Et c’est de là que tout est parti ! J’ai fait un petit a capella et je l’ai fait écouter à mon petit frère qui m’a aussitôt encouragée (un big up à lui aussi en passant). Depuis ce jour, quand j’étais en classe, je ne faisais qu’écrire parce que j’aimais vraiment ce que ça procurait en moi. J’ai commencé à rapper officiellement à partir de 2015.
Tu sors début novembre l’album La Madre, ce qui fait de toi la première rappeuse à sortir un album au Togo. Quelles difficultés les rappeuses rencontrent-elles dans ce pays et comment as-tu réussi à faire aboutir ce projet ?
Dans mon entourage, ce n’est pas du tout facile de se positionner en tant que rappeuse. Parfois, lorsque d’autres voient que tu as du talent, d’autres voient juste que tu as un beau corps à travers ton habit (rires). Alors, pour imposer le respect, il faut beaucoup prier et travailler sans relâche ! Il faut faire ses preuves à chaque instant, saisir les occasions qui se présentent.
La principale difficulté des rappeuses au Togo est le manque de soutien et d’attention de la part des confrères. Les gens ne sont pas encore totalement habitués aux rappeuses. Je pense que c’est ce qui pousse mes sœurs à raccrocher en chemin malgré le talent qu’elles possèdent !
J’ai réussi cet album grâce à Dieu, à mon staff, à ma famille et mes amis, à mes fans qui sont là depuis le début et à plein de personnes qui me soutiennent dans l’ombre. Pour être honnête, ça n’a pas été facile du tout, mais avec mon équipe, on s’est toujours rappelé pourquoi on avait commencé et tous ceux qui croient en nous. On a donc prié et on a continué le travail !
Quels sont les thèmes que tu abordes dans cet album ?
À travers cet album, je raconte mon histoire. Je parle des femmes en général et de tout ce à quoi elles sont confrontées. La femme est à l’honneur !
A quoi ressemble la scène des rappeuses au Togo ? Es-tu en lien avec d’autres artistes ?
Il y a deux ans, la scène était mouvementée et d’un coup, elle s’est mise à stagner. Mais actuellement, j’apprécie l’effort des promoteurs et organisateurs pour y remédier. Et oui, je suis en lien avec d’autres artistes. On s’entend bien, et c’est tout ! Pour la petite info, j’ai invité deux superbes et talentueuses artistes de la région sur mon album. J’en profite pour leur faire un gros S/O (shout out) ainsi qu’à toute leur équipe.
Qui sont les femmes qui t’inspirent ?
Il y a plein de femmes qui m’inspirent, je ne pourrais pas les citer toutes, mais je vais en citer quelques-unes : ma mère tout d’abord, qui m’inspire chaque jour parce que son amour m’a transformée et me pousse à devenir meilleure, Angélique Kidjo, que j’ai toujours admirée depuis toute petite, sa personnalité me fait fondre. Ingrid Awade, qui est une grande dame de mon pays (d’ailleurs je lui fais une dédicace sur mon album). Ou encore Victoire Dogbe, une femme politique qui mérite d’être respectée.
Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton féminisme ?
Oui, j’ose me définir comme tel ! Je soutiens ardemment le fait que les femmes soient un canal par lequel beaucoup de changements transitent. Elles jouent un rôle très important dans la société. Sans elles, la société serait incomplète. Feindre de ne pas voir ce qu’elles lui apportent, c’est être ailleurs dans ses pensées ! Même un nouveau-né connaît l’importance d’une femme dans la société ! Les femmes sont capables, et c’est ce que je m’efforce de montrer avec ma carrière !
Quels sont tes projets après ce nouvel album ?
Vu que cet album est le tout premier du genre dans mon pays, l’objectif visé est vraiment grand !
Que peut-on te souhaiter ?
Plus de lumière ! Et beaucoup d’argent …
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer ou améliorer ?
Madame Rap est une très belle initiative. Des projets du genre sont assez rares ! J’ai confiance en tout ce que vous pouvez faire et vous souhaite, de toucher encore plus de monde par votre abnégation !
Dans le cadre de sa résidence itinérante en Seine-Saint-Denis, Madame Rap vous donne rendez-vous samedi 9 novembre 2019 à 19h au 2 Pièces Cuisine au Blanc-Mesnil pour une soirée 100 % rappeuses !
19h : Table ronde « Le rap est-il dangereux pour les jeunes ? »
Sexisme, violence, apologie de la drogue et culte de l’argent … Le rap, décrié depuis quarante ans pour sa prétendue influence néfaste sur notre jeunesse, serait responsable de nombreux maux.
Alors que cette musique représente depuis plusieurs années les meilleures ventes de disques en France, nous explorerons les raisons de ces stigmates persistants en évoquant les textes et les clips de rap ainsi que les images véhiculées par les artistes. Nous nous interrogerons également sur les clichés récurrents auxquels les rappeuses sont confrontées et sur l’impact de la culture dominante sur le rap et son jeune auditoire. En effet, la publicité, les séries, les jeux vidéo et le porno ne seraient-ils pas plus nuisibles que le rap pour les jeunes ? Et de manière plus globale, peut-on dire que l’art est dangereux ?
Avec :
Bettina Ghio, docteure en littérature et civilisation françaises, enseignante en lycée, chargée de cours à l’université Paris 3 et autrice de Sans faute de frappe : rap et littérature (Les mots et le reste, 2016) ;
Tracy De Sà, rappeuse ;
Ouafa Mameche, journaliste musicale (Abcdrduson et OKLM).
Première femme DJ à participer aux DMC France, L.Atipik est aussi la première femme lauréate de cette compétition, qui s’est déroulée le 14 septembre dernier à Biarritz. La DJ nantaise nous a parlé du sens de cette victoire et de la place des femmes dans le deejaying, qui n’évolue pas aussi vite qu’elle le souhaiterait.
Que s’est-il passé pour toi depuis ta victoire aux DMC France ?
Depuis, je suis allée aux Championnats du Monde qui se sont déroulés à Londres le 28 septembre dernier. Je suis sortie en demi-finale contre le champion du monde en titre, mais suis très contente de mon parcours. Je suis d’autant plus fière que j’étais la première femme au monde à participer aux DMC World dans la catégorie « battle » (il y a deux catégories :le battle for World Supremacy et la catégorie 6 minutes). J’espère que ça ouvrira la porte à beaucoup d’autres femmes.
Comment se prépare t-on à un tel événement ? Est-ce que tu t’étais entraînée ?
J’avais cet objectif en ligne de mire depuis un an. J’ai donc beaucoup bossé tout au long de l’année mon beat juggling, une technique de turntablism que je maîtrisais très mal, et j’ai commencé la construction de mes routines en juin dernier. En gros, pendant trois mois cet été, je n’ai vu ni plages ni barbecues, mais seulement mon studio dans lequel je suis restée enfermée pour créer mes routines et m’entraîner.
Est-ce que tu participes souvent à ce type de compétitions ? Pourquoi ?
J’avais déjà participé à des battles de scratch, mais attendais d’être plus complète techniquement, notamment en juggling, pour participer au DMC. Quand j’ai commencé cette pratique il y a une dizaine d’années, je regardais les vidéos de cette compétition en rêvant d’y participer un jour. C’était donc un accomplissement personnel et un objectif de longue date que je m’étais fixé.
Qu’est-ce que ce type de compétition apporte aux DJs ?
Au niveau personnel, c’est une très bonne expérience, notamment pour la gestion du stress et de la pression, ça apporte de la confiance en soi, ça permet aussi de se challenger et ne pas se reposer sur ses acquis. Sinon, en termes de retombées et de visibilité, ça n’apporte pas grand-chose. Le turntablism est une niche qui n’intéresse ni le grand public ni les programmateurs.
Ces événements sont encore très masculins, tant parmi les candidats que dans la composition des jurys. Y vois-tu une évolution ?
Honnêtement pas vraiment, à mon grand regret. Ce concours est, à mon avis, devenu trop basé sur la technique pure et dure. C’est la course à celui qui ira le plus vite, sera le plus précis… À mon sens, on a perdu le groove, la musicalité et le charme de l’imperfection.
De mon côté, j’ai vraiment essayé de ramener de la musicalité et de raconter une histoire dans mes routines. Et pour parler de jurys, au DMC World la semaine dernière, je faisais partie du jury de la catégorie 6min, j’étais la seule femme et je suis la seule qui a voté complètement différemment de tous les autres … Ça m’a quand même valu beaucoup de critiques …Mais je suis restée intègre et ai voté pour les gens qui me racontaient une histoire, qui avaient du groove, qui m’ont fait bouger la tête, même si l’exécution n’était pas parfaite. Peut-être que s’il y avait plus de femmes dans ces évènements, ces concours deviendraient un peu plus accessibles et amèneraient le grand public à s’y intéresser davantage.
Tu es la première femme à gagner cette compétition. Comment l’expliques-tu ? (en dehors de ton talent bien sûr !)
Peut-être que je suis arrivée avec une sensibilité différente qui a ramené un peu de fraîcheur par rapport aux autres participants, je ne sais pas… Et quant au fait d’être la première à y participer, peut-être que la majorité des femmes ne se retrouvent pas dans ce concours de « celui qui aura la plus grosse » et aspirent à un côté plus artistique que sportif … Je n’ai pas vraiment de réponse ni de certitudes en fait, je sais juste que j’ai attendu d’être vraiment prête pour y aller, je m’étais mis une pression de malade en me disant que j’étais la première et qu’il fallait représenter comme il se doit … En tout cas, j’espère que d’autres femmes suivront et que tout ça évoluera dans le bon sens !
Quels sont tes prochains projets ?
J’ai pas mal de soirées à venir, un séjour à Los Angeles où je vais rencontrer celle qui a été mon rôle modèle dans ce milieu, l’américaine DJ Shortee, et peut être la création d’un spectacle mêlant turntablism et vidéo.
Que peut-on te souhaiter ?
De continuer à kiffer et pouvoir faire ce qui me plaît au quotidien.
Madame Rap a rencontré la DJ parisienne S’One à l’occasion de la sortie du premier extrait de sa mixtape S’One Project. Prévu pour la fin de l’année, le projet rend hommage aux rappeuses et réunit des artistes de toute la France ainsi qu’une rappeuse suisse et une rappeuse américaine.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est le S’One Project ?
Il s’agit d’une mixtape réunissant toute les plus grandes rappeuses connues et moins connues qui posent sur les plus grosses prods des plus grands beatmakers, dont MetodKilla, Nizi, Sombre Hero, Pire Mastaa, Lucci et d’autres… C’est un projet qui sortira avec la Scred Connexion Paris 18e et sur leur label #ScredProduxion. Il y a notamment Mamad « Acupicture » Diawara et Sébastien Girod qui ont fait les shoots photo, Tarmack Film et Diverset pour les réalisations des vidéos clips ! Sans oublier le talentueux The Raid Noze qui a réalisé la cover, le logo et les graffs du projet que vous verrez prochainement à sa sortie…
Le premier clip « Ring The Alarm » avec la rappeuse suisse KT Gorique est sorti le 20 septembre. Y-a-t ’il une date officielle de sortie du projet global ?
Oui, il est déjà sorti et c’est ma sista KT Gorique qui fait l’honneur d’ouvrir le bal sur une prod de Nizi. Il n’y a pas de date officielle de sortie du projet, mais ce sera pour la fin d’année si Dieu le veut. Restez connectés et vous saurez !
Quand et comment t’es venue cette idée ?
C’était il y a quatre ans, à force d’accompagner et de rencontrer toutes les sistas, je me suis dit « pourquoi ne pas toutes les réunir sur un même projet ?! ».
Pourquoi est-il important pour toi de mettre des rappeuses en avant ?
C’est important car je trouve qu’il n’y a jamais eu de réel projet comme celui-là. J’avais vraiment envie de monter ce projet. Si nous, les sistas, ne le faisons pas pour nous, ce ne sont pas les autres qui le feront.
On retrouve également Dj Metodkilla à tes côtés. Comment vous êtes-vous rencontrés et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Metodkilla fait partie du groupe Diverset Music, qui vient de Villeparisis (77). Je l’ai rencontré il y a deux ans, au Battle MC des Arènes de Montmartre que la Scred Connexion avait organisé. On était aux platines de cet évènement et par la suite il est devenu un super ami, comme les autres membres du groupe, et la Vraie et Bonne Connexion s’est faite tout de suite. À la base, je devais monter le projet avec un autre DJ, mais il m’a fait faux bond. Du coup j’en ai parlé à Metodkilla et il a accepté direct !
Sur le projet, on a divisé les tâches. Moi, je me suis occupée de réunir tout le monde et de faire venir enregistrer les rappeuses au MetodKilla Lab et lui s’est occupé de les enregistrer, cutter, mixer, arranger, masteriser … Il s’est occupé de toutes les prods, bref le meilleur magicien couteau suisse du son. Et je suis super heureuse et super fière d’avoir monté ce grand projet avec lui. Je ne le remercierais jamais assez d’avoir accepté et que le destin l’ait mis sur mon chemin ! MERCI BEAUCOUP MetodKilla !
Oui, je les connaissais toutes déjà. J’avais déjà travaillé avec la plupart d’entre elles et j’ai rencontré les autres dans des concerts avant de les démarcher. Avec le temps, elles sont devenues de merveilleuses amies et de Vraies et super Belles Connexions. J’ai commencé par leur envoyer un mail avec la description du projet, elles l’ont trouvé trouvé super et original et ont accepté direct, j’étais vraiment contente !
C’est un projet 100% rappeuses francophones, il n’y a que Reverie qui représente Los Angeles, KT Gorique la Suisse et toutes les autres viennent d’un peu partout en France !
Comment s’est passée la fabrication des morceaux ? Est-ce que tu as commencé par leur envoyer des prods et donner des directions en termes de thématiques ?
Ça a été très simple. Je leur ai envoyé toutes les prods des beatmakers du projet en leur précisant qu’il n’y avait pas de thème, car ce sont elles qui représentent le thème du projet, c’est-à-dire des MCs au féminin. Ensuite, elles ont choisi la prod qui les inspiraient le plus. La plupart sont venues enregistrer au MetodKilla Lab et les autres ont enregistré de leur côté. Une fois que ça été fini, Metodkilla s’est occupé de tout !
D’après toi, quel est le point commun entre ces rappeuses ? (s’il y en a un !)
Oui effectivement il y en a un, ces rappeuses sont toutes de grandes et fucking kickeuses !
As-tu essuyé des refus de certaines rappeuses ? Si oui, pour quelles raisons ?
Non pas spécialement, celles à qui j’ai demandé sont celles que je connaissais personnellement. Je connaissais leur potentiel aussi et il y avait cette confiance entre nous. Je suis fière de les avoirs choisies et de ne pas avoir été déçue de la manière dont elles ont posé sur le projet.
Est-ce que tu dirais que le S’One Project est un projet féministe ?
Non pas du tout, c’est un projet mixte. Tous ceux qui sont présents, beatmakers, réalisateurs de clips vidéo, photographes, la Scred Connexion et notamment celui avec qui j’ai réalisé le projet, sont des mecs. Les rappeuses sont les seules femmes sur le projet avec Nadia Tarra, qui a réalisé le clip de KT Gorique. Sinon, je ne voie pas en quoi c’est un projet féministe, c’est un projet hip hop/rap tout simplement !
Est-ce qu’on pourra voir le projet sur scène ? Si oui, quand et où ?
Oui, on pourra voir le S’One Project Show très bientôt. Je vous donne une petite info pour patienter, la première date sera à Paris mais je ne vous en dis pas plus… Pour être tenu informé des dernières nouvelles et de la sortie du projet, suivez-moi sur le site de la Scred Connexion, sur Instagram et Facebook.
Que peut-on te souhaiter ?
Tout le meilleur du meilleur pour le S’One Project et gros big up à vous, Madame Rap c’est du lourd !!
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