Originaire de Sabadell en Catalogne, la rappeuse Santa Salut nous parle de son parcours dans le hip hop et de son féminisme.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai toujours été curieuse et observatrice et quand j’étais petite, je passais mon temps à regarder ce qui m’entourait. Donc quand je regardais la télé et que je voyais Ice Cube ou 50Cent, c’est clair que je m’en rappelais. J’essayais de comprendre quel type de personne j’allais devenir et dans ma ville, il y avait beaucoup de jeunes impliqués dans le hip hop : dans le stake, des festivals de musique, le graffiti…
Ça m’a vraiment intéressée et en grandissant, j’ai recherché cette musique et me suis fait des ami·e·s qui partageaient les mêmes centres d’intérêt.
Comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai commencé à rapper à l’âge de 16 ans quand j’ai vu un battle d’impro pour la première fois. Ça me fascinait et j’avais toujours adoré écrire, alors j’ai essayé et ne me suis jamais arrêtée.
Quel titre conseillerais-tu d’écouter en premier à quelqu’un qui veut découvrir ta musique ?
Je lui ferais écouter Morfeo, parce que c’est une chanson complexe, avec des parties musicales et rappées, qui parle de sentiments très durs que j’ai envers une personne qui compte beaucoup pour moi. Je suis très fière de ce morceau.
Dans tes textes, tu abordes régulièrement les questions de l’anticapitalisme, l’antifascisme, l’antiracisme et du féminisme. En quoi ta musique est-elle un outil politique ?
Elle peut l’être, mais je suis juste chanteuse. Je dévoile une partie de mes valeurs et mes opinions politiques parce que je veux que les gens qui m’écoutent, du peu qu’ils me connaissent, réfléchissent, bougent, s’informent, ouvrent leur esprit… Bien que ma musique puisse être politique, mon objectif n’est pas d’en faire un outil politique au sens propre.
Comment définirais-tu ton propre féminisme ?
Mon propre féminisme est celui que j’ai construit en moi à partir de ce que j’ai expérimenté et vu. De nos jours, ce terme reste encore difficile à comprendre pour tout le monde alors j’essaie de le simplifier du mieux possible, parce que j’ai l’impression que c’est ce dont mon entourage et mon pays ont besoin.
Le fait que je rappe est féministe, le fait que j’organise des événements est féministe, le fait que je dise à une autre fille comment vivre son féminisme n’est pas féministe.
J’essaie de me concentrer sur l’égalité des droits et les comportements, surtout en faisant des suggestions. Je trouve que c’est compliqué, mais la clé est de baser ça sur l’amour, pas la colère.
Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?
J’aime beaucoup Frida Kahlo, Chavela Vargas, Agatha Christie, Lauryn Hill, Lin Que, MC Lyte, Queen Latifah, Ella Fitzgerald… Des artistes qui ont su se faire une place dans un monde d’hommes en des temps difficiles.
Je pense que ma mère est également un exemple parce qu’elle a toujours travaillé (elle est archéologue et travaille dans un musée aujourd’hui) et tout géré à la maison en même temps. C’est quelque chose que j’admire.
@ultrasofia est l’une de mes choristes, mais elle est aussi technicienne son, beatboxeuse, breakeuse et skateuse… Incroyable.
Es-tu en lien avec d’autres rappeuses en Espagne ? Si oui, quelles sont vos relations ?
Oui, Elane est une amie proche et on a commencé à faire des concerts ensemble. Elle est l’un des piliers de ma carrière musicale, elle m’a tellement empuissancée.
Je m’entends très bien avec Sofia Gabanna également, elle a des influences musicales incroyables vu qu’elle vient d’Argentine et c’est une très grande artiste. Écoutez-les, vous ne le regretterez pas !
Aussi Jazzwoman, Tribade et Asma.
Tu viens de Sabadell en Catalogne. À quoi ressemble la scène hip hop là-bas ?
Aujourd’hui, la scène hip hop est moins dynamique. Il y a des années, on avait le festival Badia Street qui réunissait les meilleurs rappeurs d’Espagne. En fait, il y a un groupe majeur de Sabadell qui s’appelle Falsa Alarma, et qui tue ! Il y a de moins en moins de battles d’impro également, mais la scène n’est pas morte.
En quoi la pandémie de coronavirus a-t’elle impacté tes activités ?
Comme pour la plupart des artistes dans le monde, la pandémie a eu un impact négatif sur mon travail : pas de concerts, des difficultés à enregistrer… En Espagne, le gouvernement se fiche des gens qui vivent de l’événementiel, et on a dû payer une taxe de travailleurs indépendants (entre 60 et 300 euros) comme si de rien n’était.
Quels sont tes prochains projets ?
Je suis ravie d’annoncer que je travaille sur un album !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Je trouve que c’est un super projet et je découvre plein de rappeuses, beau travail !