Chanteuse, rappeuse, styliste, designer, danseuse et chorégraphe, Lapili est originaire de Ciudad Real, ville espagnole située à 200 km au sud de Madrid dans la communauté autonome de Castille-La Manche. Dans ses morceaux, qui mêlent rap, kuduro, afrohouse, amapiano, et reggaeton, elle explore les thèmes de la diversité corporelle, de la grossophobie et de l’acceptation de soi. Elle nous parle de son parcours, de l’importance de la danse dans sa musique et des obstacles qu’elle rencontre en tant que femme et artiste indépendante.
Comment et quand as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le hip hop quand j’étais très jeune, à l’âge de trois ou quatre ans, grâce à l’un de mes oncles qui aimait beaucoup la musique. Il faisait du skateboard et était en contact avec des graffeurs. Il m’a principalement fait découvrir du hip hop américain. C’est ce que j’écoutais le plus quand j’étais petite.
Tu es à la fois chanteuse, rappeuse, styliste, designer, danseuse et chorégraphe. Comment ces différentes activités se complètent-elles ?
Je me considère plutôt comme un artiste multidisciplinaire. J’aime tout faire et finalement, je pense que la musique me le permet. Parce qu’avec la musique, je peux tout combiner. Je peux m’impliquer dans la création, la composition musicale, la partie esthétique, la chorégraphie, dans tout ce qui a trait à la direction artistique et au stylisme. J’adore ça.
Es-tu autodidacte ou as-tu reçu une formation ou un enseignement musical ?
J’ai suivi une formation en art textile et dans la mode, mais je n’ai pas reçu de formation ou d’éducation musicales. C’est plutôt quelque chose d’autodidacte et d’un peu intuitif. Maintenant, j’ai l’occasion de travailler avec de nombreux producteurs et musiciens merveilleux et j’apprends beaucoup.
Aussi, j’ai commencé à me former par rapport à ma voix, avec une coach vocale et une professeure de chant, et j’adore apprendre. J’espère ne jamais cesser d’apprendre.
Quels principaux avantages et inconvénients vois-tu dans le fait d’être une artiste multidisciplinaire ?
Les avantages sont que tu peux pratiquement tout faire. Tu as cette capacité à voir l’œuvre dans son ensemble. Peu importe ce que tu vas faire, tu peux le visualiser. Mais il est parfois très important de savoir déléguer : je pense que c’est un problème de vouloir tout couvrir, parce qu’on ne peut pas tout contrôler. Nous sommes des êtres humains.
Je pense aussi qu’au final, la chose la plus merveilleuse dans ce métier, c’est d’avoir une équipe qui t’accompagne, qui est là pour toi, qui aime ton projet autant que toi. Et c’est important que chacun dispose de son propre espace de travail.
Quand as-tu créé le personnage de Lapili et comment le définirais-tu ?
Lapili n’est pas n’importe quel personnage, c’est moi telle que je suis. Évidemment, je ne suis pas la même personne dans mon fauteuil à la maison et sur scène. Mais j’ai toujours été moi-même. Cela a des avantages, c’est-à-dire qu’il n’y a rien d’autre que moi.
Mais ça a aussi des inconvénients, notamment le fait que je sois tout le temps et complètement exposée. Et parfois, il y a beaucoup de personnes malveillantes qui peuvent te faire du mal. Mais je sais me protéger.
Ta musique incorpore des éléments de hip hop, de dancehall ou encore d’afrobeat. Comment la décrirais-tu à quelqu’un qui l’écoute pour la première fois ?
C’est une fusion de rythmes qui incluent le hip hop, la danse, l’afro, le kuduro, l’afrohouse, l’amapiano, le reggaeton… C’est ce que j’aime et que j’écoute depuis que je suis petite.
C’est aussi très important pour moi qu’on puisse danser sur ma musique. Parce que la musique, surtout à travers la danse, est ce à quoi je me sens la plus connectée, et m’a sauvé à de nombreuses reprises.
Tu as coréalisé la vidéo de la chanson « Gorda », que tu as sortie en octobre. Comment as-tu travaillé sur le concept et l’esthétique de cette vidéo ?
Depuis que je suis petite, j’ai toujours voulu rendre hommage à mon clip préféré, qui est « Soldier » des Destiny’s Child. C’est de là qu’est venue l’idée. J’ai toujours adoré cette vidéo et j’ai senti que c’était le bon moment pour faire cet hommage.
Les thèmes de la diversité corporelle et de l’acceptation de soi sont au cœur de tes chansons. Penses-tu que le rap peut être un outil efficace pour éduquer les gens sur ces questions ?
Pas seulement le rap. Toute la musique et tous les outils de communication, c’est-à-dire tous les médias, sont des outils pour communiquer ce que l’on veut. Je pense que le monde a déjà traversé une période où il y avait beaucoup de répression, où l’on fixait beaucoup de limites, où les choses étaient plus sombres.
Je pense qu’en tant qu’humanité, nous devons évoluer vers cette véritable mondialisation, vers l’intégration, avoir plus d’empathie et se respecter les uns les autres. Je ne sais pas vraiment comment améliorer ces qualités qui, selon moi, définissent le fait d’être humain.
Te décrirais-tu comme une artiste féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?
Je me définis comme féministe. Il est évident que dans tout ce que je vais faire, le féminisme sera présent parce que je ne sais pas vivre sans. Le féminisme, c’est l’égalité et il est très important que nous gardions à l’esprit que nous sommes tous des êtres humains et des habitants d’une même planète. C’est pour ça que je pense que tout le monde devrait être féministe.
De quel(s) morceau(x) es-tu la plus fière à ce jour ?
C’est très difficile pour moi de choisir. Il y a aussi beaucoup de nouveaux titres qui ne sont pas encore sorties. Mais je peux dire que « Piligrossa » est une chanson que j’adore. Être artiste indépendante est très difficile : bien que beaucoup de portes se ferment, beaucoup d’autres portes merveilleuses s’ouvrent en même temps. Mais il faut rester constamment à l’affût et on se sent parfois comme un poisson à contre-courant.
Alors quand j’ai besoin d’aide, « Piligrossa » me rappelle pourquoi je fais ça, pourquoi je suis là. C’est très important parce que ça me donne de la force.
En tant que femme artiste, quels sont les principaux obstacles que tu rencontres ?
Les principaux obstacles que je rencontre la plupart du temps sont liés à mon corps et au fait que je sois une femme. Comme le fait d’essayer de discréditer mon travail. Aujourd’hui, je veux me concentrer davantage sur le bon que sur le mauvais.
Mais je pense que les plus gros obstacles viennent un peu de là, en tout cas en Espagne. C’est comme si les gens ne comprenaient pas bien les genres de musique que je fais. Ce sont des genres qui n’ont pas encore été tellement explorés ici. Et c’est aussi compliqué pour eux de comprendre que je puisse varier autant d’un genre à l’autre.
Quels sont tes projets à venir ?
Je ne veux pas trop en dire sur mes projets à venir parce qu’ils sont encore en cours de finalisation à l’heure actuelle. Mais je peux dire qu’il se profile des choses très intéressantes.
J’espère aussi pouvoir faire plus de choses en France. Je suis souvent allée à Paris, et j’espère que j’y reviendrai bientôt pour jouer, faire des DJ sets et que nous danserons toutes ensemble. Bisous et merci beaucoup !
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Photo © Maral Fard