D’origine russe, marocaine et polonaise, Lansky Namek a fait ses armes au Cours Julien et à la Plaine à Marseille. La rappeuse nous a parlé de son nouveau clip Arkham, de son parcours dans le rap et de son incompréhension vis-à-vis du monde qui nous entoure.
D’où vient ton nom « Lansky Namek » ?
Lansky vient de Meyer Lansky, une personnalité qui m’a impressionnée étant enfant. Les gens vouent une adoration pour les gangsters, pour moi, c’est un peu ce qui s’est passé. Namek, parce qu’on pourrait dire que j’ai du mal à m’ancrer dans notre monde, je suis une grande enfant venant d’une autre planète. Namek fait référence à la planète dans le manga Dragon Ball Z.
« Je suis une artiste qui ne se classe dans aucune case. »
Comme définirais-tu ta musique ?
Je suis une artiste qui ne se classe dans aucune case. Un jour, je fais du rap et compose des instrus, le lendemain, je fais du graffiti et la semaine d’après, je tape dans le ballon ou dans un punching-ball. Je peux aussi bien chanter de la soul, du punk bien énervé que du boom bap ou de la trap.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
On n’écoutait pas vraiment de rap chez moi, ça tournait à coup de bon vieux rock, de variété parfois même de classique ou de jazz. Ce sont mes cousins et ma curiosité qui ont fait que je me suis passionnée de hip hop.
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai dû commencer à écrire autour du CM1 pour affronter une petite dyslexie. Je me souviens d’un texte voix/darbuka qui était à pleurer de rire en prenant du recul.
J’ai osé me lancer il y a 4 ans et ça m’a pris deux ans pour fouler la scène.
« J’ai ces démons qui me torturent. »
Tu viens de sortir ton premier clip Arkham. Pourquoi ce titre ? L’asile d’Arkham est un hôpital psychiatrique fictif servant de prison qui apparaît dans les comics Batman. Le personnage de Batman représente-il l’une de tes influences ?
Mon clip s’appelle Arkham en raison de la folie qui me caractérise ! On ne peut pas dire que je sois quelqu’un qui rentre dans la norme. J’ai ce franc-parler typiquement marseillais et un caractère bien trempé. Cela peut parfois mettre mal à l’aise, mais je suis comme ça. Pour moi, Arkham représente l’incompréhension que j’ai pu ressentir vis-à-vis du monde qui nous entoure, la cruauté gratuite, l’avarice et le fait qu’on ne pense plus aux choses réellement importantes, le fait qu’on veuille me mettre en quarantaine loin de la population lambda au vue de mes idéaux politiques, du fait que je ne veuille pas rentrer dans le moule et rester moi-même.
J’ai ces démons qui me torturent, l’État en bourreau, beaucoup de métaphores se retrouvent dans mon clip. L’univers des comics m’a toujours accompagné, Batman n’est pas ma seule référence. D’ailleurs, une petite anecdote : à l’école, j’étais persuadée que mon vrai père était Batman !
Comment écris-tu tes morceaux ? As-tu des rituels particuliers et/ou des thèmes de prédilection ?
J’écris souvent dans les transports en commun, ça m’inspire. Le fait de voir la réalité, les gens, leur humeurs parfois même leur état, voir un cadre assis à côté d’un ouvrier, une personne qui rentre de soirée quand une autre se lève pour aller au travail, toutes ces différences qui peuvent nous séparer ou nous rapprocher…
Cela me conforte dans mes idéaux et convictions. Je me vois comme une artiste qui décrit le monde qui l’entoure. Je tente de faire la critique de la société actuelle, de me remettre en question aussi. Il m’arrive de me réveiller en pleine nuit pour écrire une phase qui me passe par la tête. En fait j’arrête toute activité quand se pointe l’inspi.
Quelle place les rappeuses occupent-elles sur la scène hip hop marseillaise ?
Les rappeuses se font rares malheureusement. Je pense que la scène marseillaise est en train de prendre un tournant. Le rap est devenu facile d’accès, les petites salles sont mises à l’écart… Difficile de se faire une place, vous me direz. Je me considère comme quelqu’un qui veut changer la donne, motiver les plus jeunes et celles qui n’osent pas se lancer. J’ai de la chance de vivre dans une grande ville et d’être entourée d’autres rappeuses.
Quel·le·s sont les artistes qui t’inspirent ?
C’est compliqué de répondre à cette question. Je m’inspire de beaucoup d’artistes, qu’iels soient du milieu hip hop ou non, comme par exemple Brassens, Ella Fitzgerald , Jannis Joplin… Niveau hip hop ce serait plus Sinik, Furax, KDD, Funkdoobiest, le label Hight Focus et ses artistes, Kekra, Capo plaza, Alpha 520, Casey, Princess Nokia, Doja Cat, Gavlyn, Lady Leshurr et tellement d’autres…
Généralement ce qui m’inspire, ce sont leurs paroles ou leurs flows pour certains.
« Ça me soule qu’on veuille faire la différence entre ce qu’on a dans le froc. »
Te définis-tu comme féministe ?
Je ne me considère pas comme féministe mais humaniste. Ça me soule qu’on veuille faire la différence entre ce qu’on a dans le froc. On se lève tous le matin et on se couche tous le soir, quoique ça dépend du mode de vie !
J’ai l’impression que notre société est constamment en train de créer de la conflictualité. Le combat féministe est tout à fait légitime dans la mesure où il vise une égalité des droits entre les hommes, les femmes et les non-binaires. Je déplore malgré tout que ce soit souvent les femmes qui soient victimes de violences, de discriminations, de harcèlement et d’injustices. J’ai envie de conserver et de faire progresser les droits des femmes.
Féministe pour moi, c’est s’ancrer dans l’humanisme et ne pas faire de différences.
Quels sont tes projets à venir ?
Je travaille énormément ma musique. J’ai écrit et composé beaucoup de morceaux qui sortiront dans les prochains mois, mais je vous laisse la surprise !
En parallèle, j’organise des concerts, notamment le 24 janvier avec le KINT FLOSH CREW au Makeda (103 rue Ferrari 13005 Marseille) où ne joueront que des rappeuses. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, mais j’ai hâte de vous présenter mes projets.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Heureusement que des sites comme ça existent et donnent de la confiance aux femmes du milieu hip hop, boostent des carrières ou donnent tout simplement de la visibilité et proposent à l’auditeur des artistes variés, sans peur de jugement. Ce serait génial de créer une appli Madame Rap !
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