Madame Rap a rencontré la Nantaise L.Atipik qui nous a parlé de son parcours et de l’absence de femmes dans le milieu du deejaying hip hop en France.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à mixer ?
J’ai découvert le hip hop au début des années 90 en entendant le titre « Boogie Man de NTM ». J’ai aimé l’énergie que ça dégageait et je me suis intéressée à ce mouvement. Pour le mix c’est venu bien plus tard, en 2006 j’étais à une soirée, j’ai vu un DJ scratcher en live, je me suis dit « wouah moi aussi je veux faire ça »… Le lendemain, je m’achetais des platines.
Tu es autodidacte, que t’as apporté le fait de te former toute seule ?
Je ne sais pas s’il y a de réels avantages à s’être formée seule, je dirais plutôt que j’ai perdu du temps, pris de mauvaises habitudes qu’il a fallu effacer par la suite. Tu peux rester bloquée sur une technique des mois entiers alors qu’il te manque juste le petit truc que tu n’as pas capté. Un œil extérieur peut te débloquer ça en deux minutes rien qu’avec un conseil, une astuce ou un mouvement que tu n’avais pas compris. J’ai vraiment progressé et fait évoluer mon scratch le jour où j’ai commencé à m’entraîner avec d’autres scratcheurs.
Avec la technologie actuelle, mixer semble plus facile qu’il y a 20 ans et de nombreux DJs délaissent les platines au profit de logiciels. Que penses-tu de cette évolution ?
Je vis avec mon temps, je suis sur platine vinyle car pour le scratch c’est le toucher que je préfère, mais honnêtement si je pouvais faire la même sur contrôleur, logiciel ou autre, ça ne me poserait aucun problème, au contraire ça m’éviterait de me casser le dos en trimballant les platines de soirée en soirée. Perso, je n’ai pas le sentiment que ce soit plus facile aujourd’hui, en tous cas je suis pas attachée au support, du moment que le résultat sonne, c’est tout ce qui m’importe.
Tu viens de Nantes. A quoi ressemble la scène hip hop au féminin dans cette ville ? Des artistes à nous recommander ?
Je suis toujours sur Nantes. Concernant la scène hip hop féminine, si ce n’est en danse, où je sais que les filles sont bien présentes, c’est un peu désertique pour être honnête, en turntablism tout particulièrement. Il y a une rappeuse que j’affectionne pour sa qualité d’écriture et sa sensibilité c’est Eli MC, mais je crois qu’elle a arrêté la musique.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Mon modèle féminin dans ce milieu c’est la DJ américaine Shortee, sans hésitation. La meuf a su faire sa place grâce à son niveau et non sa plastique. Respect à elle.
Il existe très peu de femmes reconnues dans le DJing hip hop en France. Pourquoi d’après toi et que faire pour les visibiliser davantage ?
C’est une question qu’on me pose tout le temps et honnêtement j’en ai aucune idée, ça reste un mystère. Pourquoi on n’est pas plus nombreuses derrière les platines ? Envoyez vos théories sur ma boîte mail !! Merci d’avance.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Si on est bien d’accord que le féminisme c’est vouloir abolir les inégalités homme-femme, alors oui, clairement, je suis féministe. Mon militantisme, c’est d’être la seule fille à participer à un battle de scratch et de le gagner.
Quels sont tes projets à venir ?
Mon projet immédiat c’est de voyager, je pars bientôt pour quelques mois en Asie. A mon retour je reprendrai la scène avec la Compagnie S. On a un spectacle pour enfants mélangeant danse et turntablism. J’ai à cœur de rendre le turntablism un peu plus accessible au grand public et j’aime à me dire que c’est une bonne manière de susciter l’intérêt des plus jeunes, notamment des filles, à la pratique du deejaying.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Bravo et longue vie à Madame Rap. C’est cool de mettre un coup de projecteur sur le hip hop féminin comme vous le faites. L’occasion pour moi de découvrir sur votre site un paquet d’artistes dont je n’avais jamais entendu parlées. Merci à vous !