La rappeuse québécoise Kayiri, ancienne membre du collectif Bad Nylon mais également violoniste et championne de boxe du Canada en 2018, nous parle de son rapport à l’écriture, de ses rôles modèles et de la place des femmes sur la scène hip hop de Montréal.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le hip hop au début de mon adolescence, dans les années 2000. C’est grâce à aux Tops 5 francos et anglos ainsi qu’à l’émissions Hip Hop animée par Malik Shaheed à Musique plus. De plus, à l’école et dans mes activités sportives, mes amis garçons faisaient des cyphers de freestyle et de dance battle. Parfois, ils me demandaient de les accompagner au violon. Je les regardais avec beaucoup d’admiration. Je n’aurais jamais cru qu’un jour je pratiquerais ce style de musique et que cela me passionnerait autant.
Comment et à quel âge as-tu commencé à rapper?
Mon goût pour l’écriture remonte à mon enfance. Tout récemment, j’ai retrouvé plusieurs cahiers de poèmes que j’avais écrits à cette époque. Pendant l’adolescence, je pratiquais plus la musique que l’écriture puisque j’ai poursuivi des études en musique classique. L’envie de rapper a commencé à se manifester lorsque j’ai eu 21 ans après avoir vu des shows de Nomadic Massive (groupe dans lequel se produisent deux rappeuses, Meryem Saci et Tali Taliwah) et un show, mon premier, d’Alaclair Ensemble. C’est à 23 ans, que j’ai décidé de faire le saut en suivant des ateliers d’écriture avec Dramatik (un des pionniers du rap québécois). Depuis ce temps, je suis profondément passionnée par cet art et je passe pratiquement tout mon temps à étudier le rap en l’écoutant, en écrivant et en étudiant son histoire. Mais je trouve que, comme l’opéra pour la musique classique, le hip hop représente l’art total, ou Gesamtkunstwerk, pour la musique populaire.
Tu as fait partie du groupe Bad Nylon, qui n’est plus actif aujourd’hui. Comment as-tu rejoint ce projet et pourquoi a-t-il pris fin ?
Marie-Gold (la leader) est mon amie depuis la première édition du projet. Lorsqu’elle s’est rendu compte que j’étais aussi passionnée par cette discipline et que l’ancienne formation du groupe n’existait plus, elle m’a proposé de ressusciter le groupe et de m’inclure. Le projet s’est terminé, car nous n’avions plus toutes la même vision et les mêmes objectifs dans le groupe.
Comment écris-tu ? As-tu des rituels ? Des thèmes de prédilection ?
J’écris pratiquement tous les jours. J’aime écouter l’album d’un artiste plus moderne et celui d’un artiste plus « vieille école » et de m’en inspirer. Souvent, mes chansons me viennent après une émotion très vive qui me donne envie de l’exprimer avec des mots. Je suis une fille assez simple, donc j’aborde des sujets qui nous concernent tous et des sentiments que je ressens, comme l’amour, la tristesse, la joie et les injustices. J’essaie de former de belles métaphores qui les expriment. Le rap est une thérapie pour moi et l’endroit où je me sens le mieux au monde, c’est vraiment sur une scène.
A quoi ressemble la scène hip hop au féminin à Montréal ?
Elle se développe de plus en plus. Nous nous encourageons entre nous et nous essayons de créer des événements. Je n’hésite pas à donner des conseils à des copines qui veulent se lancer dans cette discipline. Moi-même, je ne suis pas la MC la plus expérimentée, mais ça me fait du bien de rapper et je pense que les sujets que j’aborde peuvent faire du bien aux autres aussi. La scène devient de plus en plus génératrice de talents et je crois que beaucoup de nouvelles « dopes MC » vont en émerger très bientôt.
Qui sont tes rôles modèles féminins et pour quelles raisons ?
Lorsque j’étais petite, j’avais une grande admiration pour Michaelle Jean, car c’était la seule femme de couleur que je voyais à la télévision. Aujourd’hui, parmi les artistes, j’aime les femmes qui se permettent d’être simplement des femmes et de faire ce qu’elles ont envie, sans se censurer.
Dans le hip hop, j’admire beaucoup Queen Latifah et Lauryn Hill à cause de leur authenticité et des sujets qu’elles ont abordés en tant que femmes. Sinon, sur la scène plus actuelle, j’adore Nicky Minaj qui est juste sensationnelle tout le temps, Young MA et Princess Nokia.
De nombreuses femmes m’inspirent au Québec, il y a beaucoup de talents locaux, notamment les MC de Random Recipe, que je considère comme mes mentors, Sarah Mk, Malika Tirolienne, Aiza, Pony, MCM, Sereni T, Iri Di, Mariana Maza, les femmes de Strange Froots et bien d’autres.. Ce sont toutes ces incroyables chanteuses et rappeuses de Montréal qui m’encouragent et m’offrent des plateformes.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Bien sûr. Pour moi, être une femme qui évolue dans des milieux majoritairement masculins (le rap et la boxe) et qui prend sa place, c’est déjà une prise de position féministe. De plus, puisque je suis en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, je suis féministe.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je suis en train de revoir les albums de Wu Tang en lisant The Wu-Tang Manuel de RZA. Dans le « old school », j’écoute du MF Doom et Ilmatic de Nas. Sinon, à la fin de semaine dernière, j’ai écouté EVERYTHING IS LOVE de The Carters. Certains classiques me font du bien comme Noname, Alaclair Ensemble, Anderson Paak, Princess Nokia, MC Solaar, IAM. Je suis éclectique dans mes goûts musicaux. J’écoute une grande variété de styles pour avoir des inspirations différentes quand je compose des textes et des beats.
Quels sont tes projets à venir ?
L’été prochain, je participerai à plusieurs spectacles dans différents festivals au Québec. De plus, je vais faire deux prestations dans un festival au Sénégal avec le groupe K-Iri, dans lequel je suis chanteuse violoniste et avec le groupe WOYO, dans lequel je suis violoniste.
Je suis déjà en studio pour un prochain projet solo avec le beatmaker Nicholas Craven. Sinon j’ai envie de faire beaucoup de projets de collaboration afin de permettent que le plus grand nombre possible de MC puisse s’exprimer.
J’ai aussi le projet de devenir la championne du Canada en boxe pour 2018. Je suis déjà championne du Québec.
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