Madame Rap a rencontré Fanny Polly, première rappeuse signée chez Scred Connexion, qui nous parlé de son premier album à venir « Tout une histoire », de son sud natal et du rôle-clé de la danse dans son appréhension du hip hop.
Quand et comment as-tu découvert le hip hop ?
J’ai découvert le hip hop vers 13 ans. Je voulais faire de la danse, j’avais essayé le modern’ jazz, mais ce n’était pas pour moi. A 15 ans, j’ai essayé le break et ça a été une révélation. Je me suis mise à fond dedans.
Les cours m’ont appris les bases, mais après j’ai vite compris le délire du hip hop, de ne pas s’entraîner qu’une fois par semaine, dans une salle de danse, avec un prof. C’est une des rares danses où tu t’entraînes mieux dans la street que dans une salle. Après, j’ai monté une association, X-pression Art d’corps, pour que l’on puisse s’entraîner où on voulait et louer des salles.
Pourquoi as-tu eu envie de fonder une association de danse ?
Pour donner des cours, des stages, organiser des événements. J’ai commencé à donner des cours à 17 ans et j’ai fondé X-pression Art d’corps en 2006. Quand tu es dans le hip hop, tu ne te dis pas que tu vas en vivre, mais que ce sera un « hobby ». Aujourd’hui, on ne fait plus d’événements, mais on est un groupe. Je danse toujours, mais je pratique beaucoup moins qu’avant. J’ai beaucoup travaillé avec des enfants, dans l’animation, j’ai passé un diplôme de coach sportif/prof de fitness pour pouvoir donner des cours. Tous mes choix professionnels ont été guidés par le hip hop.
Et le rap, tu l’as découvert à quel âge ?
Vers 13 ans. Les premiers rappeurs que j’ai écoutés, c’était Psy 4 de la Rime, après Sniper, 113, Booba. Les rappeurs de l’époque. Et petit à petit, je me suis intéressée aux rappeurs d’avant, la Fonky Family, IAM, NTM. Je ne commence que maintenant à écouter les tous premiers rappeurs. J’ai fait le truc à l’envers !
J’écoutais aussi des meufs, comme Diam’s, Keny Arkana et Casey.
J’écoute du rap américain pour danser, mais à part les classiques, du style Dre, Eminem ou Busta Rhymes, je n’écoute que du rap français. J’aime trop la langue française, quand je ne comprends pas, ça me dérange.
J’ai toujours écrit mais j’ai commencé à essayer de rapper mes textes vers 16 ans.
Tu viens de Mouans-Sartoux (06) mais tu vis à Paris aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
Je suis née à Cannes et j’ai grandi à Mouans-Sartoux. J’en suis partie à 25 ans, il y a six ans. Parce que j’en avais un peu marre. J’avais envie de voir autre chose. Je venais d’avoir mon diplôme un an avant et je voulais acquérir de l’expérience rapidement.
Dirais-tu que la scène hip hop est importante dans les Alpes-Maritimes ?
Non pas du tout ! En danse, il y a Break The Floor, un gros événement break au Festival de Cannes. Mais c’est à peu près tout. En rap, il n’y a pas grand-chose. Le problème chez nous, j’en parle un peu dans le titre « Mon Sud », c’est qu’il y a beaucoup de racistes. Et qui dit racistes, dit ne pas aimer la culture hip hop. Les gens font tout pour la freiner et beaucoup de concerts sont annulés… C’est très compliqué. Si tu demandes à ceux qui font du hip hop, soit ils ont dû en partir pour en vivre, soit ils sont restés mais n’en vivent pas ou n’ont pas le succès qu’ils méritent. C’est un peu pour ça aussi que je suis partie. En mode, quand je vais revenir, ça va vous faire mal !
Comment as-tu rencontré la Scred Connexion ?
Arrivée à Paris, j’ai fait une formation professionnelle de danse à la « Juste Debout School » pendant deux ans. On a remonté le groupe X-pression Art d’corps avec les meufs de l’école. On en a fait un show qui s’appelait « Tout une histoire », comme mon album à venir, dans lequel on avait inclus du rap. Ça m’a réveillé l’envie de rapper. À Paname, par rapport à chez moi, j’ai l’impression que tout est possible. J’ai fait un open mic et j’ai rencontré la Scred Connexion. C’était vraiment eux que je voulais. Je m’étais dit, « si je fais un album, c’est avec eux ». J’avais contacté Haroun à la base, mais il était en Suisse et le hasard a fait que ce sont eux qui m’ont appelée.
Tu vas sortir ton premier album fin novembre. Avec qui as-tu travaillé en termes de prod ?
Je travaille beaucoup avec Marion Napoli, qui vient du Sud aussi. Elle est musicienne et fait de la prod. Un tiers des prods de l’album ont été faites par elle. Un autre tiers a été fait par El Gaouli, qui m’a été présenté par la Scred. Ça me parle ce qu’ils font. Après il y en a aussi des prods de Itam et Djam…
Que peux-tu nous dire sur ce projet ?
Il sortira fin novembre. Il y aura 16 titres et il ne manque plus que la pochette ! On va essayer de clipper un maximum de titres.
Comment s’est passée ta collaboration avec Demi Portion ?
On s’est rencontré au Demi Festival, on a tourné le clip le lendemain à Sète. Ça s’est fait un peu à l’arrache, mais c’est les meilleurs plans !
Si tu devais définir ton son, tu dirais que c’est quoi ?
Je ne dis même pas aux gens que je fais du rap ! Je dis que je fais de la musique. Je trouve que les gens ont encore beaucoup d’à priori à ce niveau-là. Dès que je dis à des gens hors milieu hip hop que je fais du rap, je sens un changement chez eux et ils me renvoient de vieux clichés, font des amalgames. C’est aussi un peu de la discrétion. Dans mon travail, je n’ai pas envie de tout mélanger.
Mais si on me demande quel style de rap je fais, je vais avoir tendance à dire que je fais plutôt du « rap conscient ». Mais je ne mets pas trop dans une case. Si tu écoutes mon album, tu vas trouver du boom bap, de la trap, de l’afro, des délires rock n’ roll ou même hard rock…
En tant que rappeuse, te retrouves-tu souvent confrontée au sexisme ?
Oui. Les clichés les plus fréquents quand tu dis que tu fais du rap, c’est de penser que tu es une caillera ou un garçon manqué. Les gens qui ne sont pas là-dedans vont commencer à te parler en « wesh-wesh ». Même si le break a un peu une image de bonhomme, c’est différent avec la danse. Les gens hors milieu hip hop sont plus admiratifs d’une meuf qui tourne sur la tête que d’une meuf qui rappe. Ou alors il y en a qui se disent que c’est nul sans avoir écouté. Sans me le dire directement, mais je sens bien qu’ils ne me prennent pas au sérieux.
Est-ce que tu te définis-comme féministe ?
Non. Pour moi, par définition, une femme est féministe. À partir du moment où tu es une femme, tu dois te défendre tous les jours. Pour moi, ce terme devrait être réservé aux hommes. Je trouve qu’on est toutes militantes au quotidien. Je ne fais pas de manif, ce genre de choses, mais ce que je fais, quand je suis sur scène avec 5 meufs devant mille gars, c’est une manif en soi. Donc dans ce sens-là, je suis féministe, mais je ne me reconnais pas dans ce terme. Être une femme, c’est un combat en soi.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Ce que je kiffe, c’est que c’est international, donc ça m’a fait découvrir plein de meufs partout dans le monde. Je pense que ce serait bien qu’il y ait plus d’interviews vidéo. Parce qu’en tant que rappeuse, je préfère répondre aux questions à l’écrit mais en tant que lectrice, je préfère voir les gens !