Rappeuse, autrice-compositrice, productrice et chanteuse, Gonix est originaire de Gorzów Wielkopolski, dans l’ouest de la Pologne, et vit aujourd’hui à Varsovie. L’artiste nous parle de son parcours d’autodidacte, de son dernier single « Trzęś », de son féminisme et de la scène hip hop queer dans son pays.
Comment as-tu appris la musique ?
Je suis musicienne autodidacte, une artiste DIY, en quelque sorte. Au cours de mon parcours, j’ai pris des cours de guitare avec un prof et j’ai suivi un cours d’été sur la composition de chansons à Londres. Est-ce que cela fait de moi une musicienne professionnelle ? Haha, probablement pas. Je suis une grande passionnée de musique. J’absorbe, j’évolue et j’étudie tous les jours. L’apprentissage ne s’arrête jamais.
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
Je ne me souviens pas exactement du moment où j’ai commencé. Mon père était poète, j’ai donc toujours été attirée par les rimes. Même s’il ne vivait pas avec nous, il m’a influencée et le fait de porter ça dans mon sang résonnait en moi.
Mon premier souvenir de hip hop est une vidéo de Salt-N-Pepa qui passait sur une chaîne de la télévision publique polonaise dans les années 90. C’était le clip d’un morceau intitulé « Champagne ». Je me souviens des émotions que j’ai ressenties à ce moment-là. Je voulais être aussi insouciante et émancipée qu’elles, même si je n’étais qu’une enfant à l’époque.
Au début des années 2000, j’ai fait mes premiers beats, puis j’ai commencé à rapper. J’étais une fan inconditionnelle de Missy Elliott et une grande admiratrice du catalogue de Rawkus Records.
Comment présenterais-tu ta musique et ton identité artistique aux personnes qui ne te connaissent pas ?
Je qualifie ma musique de « rap dziewczyński », ce qui signifie en polonais « rap de fille », mais avec une connotation de voyou haha.
En ce qui concerne les paroles, l’ingrédient caché dans ma sauce est toujours le progrès social. Je m’attaque à l’idée que seuls les hommes sont autorisés à exprimer leurs idées en public, idée qui est malheureusement toujours présente dans la société patriarcale polonaise.
Ma musique est dynamique, pleine d’humour et d’énergie, parfois soul et sentimentale.
Tu mélanges différentes influences et sonorités dans ta musique. Avec quoi aimes-tu le plus expérimenter ?
J’adore expérimenter. J’aime inverser les récits et mélanger des sons qui, à première vue, ne collent pas ensemble. Mon amie Dusia Zuo me taquine en m’appelant la Skłodowska (Maire Curie, ndlr) du rap, surtout quand je passe trop de temps sur une chanson, haha. Je suis inspirée par le génie de Marie Curie, sa ténacité, sa persévérance, et j’adore l’allégorie entre le studio de musique et le laboratoire de chimie, donc je me reconnais bien dans ce surnom.
Quel est le morceau dont tu es la plus fière jusqu’à présent ?
Sur le plan de la production, j’aime ce que nous avons fait sur le single « Trzęś » (« Shake It » en anglais). Nous nous sommes inspirés à la fois de la bounce de la Nouvelle-Orléans et de l’âge d’or du hip hop eastcoast.
J’adore ce que nous avons fait sur « Nic » (« Nothing » en anglais) – nous avons combiné le son synthétique d’Atlanta avec du punk rock.
En ce moment, ma chanson préférée est « Abstract ». C’est un morceau vibrant et pétillant inspiré par la culture ballroom. Il n’est pas encore sorti. Mes titres préférés sont généralement ceux qui sont en cours d’élaboration.
Comment as-tu travaillé sur ton single « Trzęś » ?
C’était un travail d’équipe. L’idée est née lors d’une session avec le coproducteur de ce morceau, St.Elmo. Nous aimons tous les deux creuser dans les sous-genres musicaux. Nous avons commencé par ébaucher un beat inspiré de la bounce de la Nouvelle-Orléans dans la DAW (station audionumérique, Digital Audio Workstation en anglais, ndlr) puis nous avons dérivé sur du rap eastcoast des années 90. Nous avons ensuite demandé des cuts à notre ami DJ Bulb, champion du monde IDA, et nous avons demandé un rap à notre reine du hip hop – une danseuse et une rappeuse, la seule et l’unique Ryfa Ri.
Le morceau a été mixé et masterisé par Yaro, une légende de la scène musicale polonaise. Le résultat vous offre la quintessence du hip hop : coopération, sampling, échange de compétences au sein de la communauté. J’encourage tout le monde à découvrir ce que nous avons concocté. Nous nous sommes beaucoup amusés en le faisant.
Quel est ton processus de création ? (Comment écris-tu habituellement ? As-tu des sujets ou des routines préférés ? …)
Je reste en état d’éveil permanent, je collecte des idées, puis je les écris ou je les enregistre sur mon dictaphone. Si je me rends compte que les pensées désordonnées que j’ai notées forment une structure, j’essaie de les organiser sous la forme d’une chanson.
Es-tu en lien avec la scène hip hop polonaise féminine/queer ? Quelle est la situation de ces artistes sur cette scène ?
J’ai participé à un album de l’artiste queer Drinu. J’ai aussi une collaboration avec Aljas en préparation. Je ne fais pas partie de cette scène donc je ne suis pas en mesure de vous parler de la situation réelle, mais je peux vous recommander de contacter Aljas, une personne extraordinaire qui a son propre mouvement.
Te considères-tu comme féministe ? Si oui, quel est ton propre féminisme ?
J’ai toujours dit que j’étais féministe, même si je ne savais pas ce que cela signifiait. Il faut garder à l’esprit que dans les années 90 et au début des années 2000, le mouvement féministe n’était pas populaire en Pologne. Pourtant, j’ai été élevée par une femme forte, et aujourd’hui, je pense comme elle. C’est à ma mère que je dois ce que je suis.
Ce en quoi je crois correspond parfaitement à l’idée de base du féminisme, mais je déteste qu’on me colle une étiquette. Je suis fière d’être une personne sans étiquette et ouverte d’esprit. Disons que mon « isme » préféré est le lyrisme, lol.
Quels sont tes prochains projets ?
Mon prochain EP s’intitule Hippie Hood. Il sortira à la fin du mois de juin. Mon précédent EP Riot Flow et Hippie Hood forment un ensemble cohérent. C’est en quelque sorte la suite de mon premier LP Funky Cios, Sexy Głos (en anglais, Funky Punch, Sexy Voice).
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore Madame Rap. Nous avons besoin de nos propres médias pour représenter nos voix. Merci pour ce que vous faites.
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