Rappeuse, chanteuse et productrice queer et féministe, Finna est signée sur le petit label indépendant allemand Audiolith Records, qui rassemble des musicien·nes antifascistes en lutte contre le sexisme et le racisme dans l’industrie musicale. L’artiste hambourgeoise nous parle de body-positivisme, de beatmaking, d’inclusivité et de son prochain album Zartcore qui sortira le 20 mai.
Quand et comment as-tu découvert la culture hip hop ?
La première fois que j’ai perçu le hip hop de manière positive, c’était il y a 10 ans quand j’ai entendu parler de la rappeuse queer féministe Sookee et du collectif hip hop TickTickBoom. J’étais vraiment impressionnée et j’ai tout de suite su que je voulais en être parce qu’ils utilisaient le hip hop pour véhiculer des messages politiques. Donc mon tout premier single s’appelait « Musik ist Politik », qui signifie la musique est politique, et j’ai essayé de mettre en application ce message jusqu’à aujourd’hui.
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai commencé à rapper il y a 7 ans. J’ai suivi un atelier au festival « bigger than…! » à Hanovre avec le fantastique rappeur Sir Mantis et j’ai totalement adoré le fait de jouer avec des mots, des rimes et des rythmes.
Mais quand j’ai commencé à rapper de manière professionnelle, tout est allée très vite dans cette grosse industrie musicale, et j’ai fait une dépression au bout de deux ans, parce que la pression était trop importante pour moi. Du coup, je suis ravie de bien aller aujourd’hui et de savoir que c’est OK de ne pas aller bien quand on fait de la musique.
Tu es aussi beatmakeuse. Es-tu autodidacte ou as-tu reçu une formation ou une éducation musicale ?
Oui. J’ai demandé à tous les gens que je ne connaissais de m’aider à produire ma musique au début et j’ai beaucoup appris des tutoriels YouTube. Mais aujourd’hui, j’ai un super réseau avec d’autres producteurs·ices hip hop à qui je peux demander de l’aide et des retours.
Pour chaque beat depuis mon single “Overscheiß”, j’ai travaillé avec la très talentueuse productrice Spoke, qui mixe et ajoute des sons s’il manque quelque chose. J’apprécie beaucoup ce travail d’équipe et de co-production avec Spoke. Je crois que vous avez déjà interviewé Sorah, qui travaille avec Spoke.
Quand as-tu créé le personnage de Finna et comment le définirais-tu ?
Je n’ai jamais vraiment créé de personnage. Finna est mon nom, comment tout le monde appelle aussi en privé et c’est purement moi. J’ai toujours pensé que ce serait sympa d’avoir quelque chose de différent ou une figure artistique mais ça ne collait pas pour moi et ma musique, parce que mes textes ressemblent à un journal intime. Partager mon empowerment et mes dépressions, mais aussi la douceur et le courage sont mes marques de fabrique.
En 2020, tu as sorti le titre « Overscheiß » qui célèbre la diversité des corps. En quoi le rap peut-il être un outil pour promouvoir le body-positivisme ?
Je crois que le rap est le meilleur outil pour dire ce qu’on pense et le meilleur canal pour diffuser des messages politiques. “Overscheiß” était aussi le morceau de mon retour après une pause. Je savais que tout le monde allait commenter mon corps, mais je voulais devancer ça et ne pas laisser d’autres le faire.
Aussi, le clip était une expérience vraiment empouvoirant pour moi parce que mes amies qui sont aussi des activistes body-positive comme Magda Albrecht, Saskia Lavaux, Ina Holub et Helene étaient avec moi.
Malgré les normes de beauté à l’œuvre dans le hip hop, es-tu d’accord pour dire que le rap semble plus inclusif que n’importe quel autre style musical ?
Je ne sais pas, peut-être. Mais dans l’industrie musicale, ces normes de beauté fonctionnent aussi de manière capitaliste. Surtout dans les grosses majors allemandes, il n’y a jamais eu d’espace pour l’inclusion jusqu’à maintenant. J’espère vraiment que cela va changer parce que ce milieu devrait être plus inclusif, et le hip hop et le rap sont politiquement importants en raison de leur histoire.
Tu viens de sortir le titre et le clip « Zartcore« , qui sonne très trap. Est-ce que tu te reconnais dans la trap ou dans d’autres genres de rap ?
J’aime la trap, mais parfois j’aime la mélanger avec des éléments acoustiques ou rock. Dans « Zartcore » par exemple, nous enregistrons des batteries en live avec la batteuse queer féministe Lars Watermann et la reine indie rock Saskia Lavaux à la guitarr basse pour pimenter un peu la production électro trap et j’adore. Ce sont deux genres qui se marient vraiment bien selon moi.
Ton album Zartcore sort le 20 mai. À quoi devons-nous nous attendre ?
C’est une affirmation à la fois douce et courageause et un album complétement D.I.Y. fait dans une bulle féministe queer. Il parle de « slut prides », d’être mère, d’échec et porte de nombreux messages politiques contre le patriarcat et des chansons pour la communauté queer. Je suis vraiment très impatiente de le partager. J’ai mis des années à franchir cette important étape et je suis plus prête que jamais.
Comment écris-tu ? As-tu des sujets de prédilection ou des routines ?
J’aime vraiment commencer par une carte mentale et rassembler tous les éléments intuitifs en lien avec le sujet que je souhaite aborder. Mais parfois, quelque chose m’interpelle dès la première seconde et je laisse couler.
Quel est le morceau dont tu es la plus fière à ce jour ?
Je crois que mon préféré est « Overscheiß » parce qu’il m’a fallu beaucoup de courage pour le sortir et revenir dans l’industrie musicale. Et j’aime le fait que le tout m’ait poussé à continuer jusqu’à aujourd’hui.
Quelles sont les principales difficultés que tu as dû/dois affronter au cours de ta carrière ?
Je pense que les principales difficultés sont moi-même. Le fait de sortit des titres et de me montrer n’est pas toujours facile pour moi mais je suis ravie de mon réseau qui est bienveillant et prend soin de moi et de mon manque de confiance.
À quoi ressemble la scène des rappeuses et rappeurs·euses queer à Hambourg ?
Vraiment sympa et p***** de talentueuses ! Surtout notyre collectif hip hop Fe*Male Treasure qui est d’un grand soutien mais aussi les ami·es et rappeurs·euses autour du collectif. <3
Qui sont tes rôles modèles ?
Des rappeuses comme Silvana Imam, Lizzo, Sookee ou Babsi Tollwut. Des chanteuses comme Alicia Keys, Sia ou Beth Ditto et des productrices comme Spoke.
Comment définirais-tu ton féminisme ?
Intersectionnel, doux, empouvoirant, combattif et soutenant.
As-tu d’autres projets outre ton nouvel album et ta tournée ?
Je suis une formation pour devenir ingénieure du son et mes premiers examens se sont très bien passés. Je vais continuer et j’aimerais devenir une professionnelle du studio pour pouvoir soutenir mes rappeurs·euses préféré·es.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore le soutien de votre réseau et je vous suis depuis quelques années maintenant. Être interviewée ici est comme un rêve qui ser réalise. Merciiii beaucoup de m’avoir et de soutenir mon travail avec votre site. Merci de ne rien changer ! <3
© Katja Ruge
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