Comment as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai commencé à rapper très jeune. J’ai découvert le rap à travers le hip hop, notamment la danse puisqu’à la base je suis danseuse et je donnais des cours de hip hop. Ensuite, au lycée, j’ai monté un petit groupe de rap avec des amis, mais c’était juste comme ça, pour rigoler. Puis, je me détournée de cette voie et me suis mise au chant parce que c’était les codes. Une fille, ça ne rappait pas, ça chantait. Et finalement, je suis revenue à ma première passion, le rap.
Tu dis « une fille, ça ne rappe pas, ça chante ». C’est ce qu’on te dit souvent
Avec la génération avec laquelle j’ai grandi, c’était ça. C’était les mecs qui rappaient et les filles, ça chantait. Et ça ne chantait même pas une chanson en entier, ça chantait sur le refrain ! A part des filles comme K-Reen qui se sont imposées, on ne voyait la plupart d’entre elles que sur des refrains. Il y a eu Wallen et des filles comme ça qui ont remis les choses à leur place, et les rappeuses sont arrivées : Sté, Lady Laistee… Mais c’est vrai qu’au début quand je disais que je voulais rapper, on me disait que je ne pouvais pas. On me disait « ça fait bonhomme ». Et je pense que les gens ont un peu gardé ça en tête. Alors qu’on peut être féminine, avoir les cheveux longs, être maquillée et faire du rap.
Comment as-tu réussi à t’émanciper de ce stéréotype ?
Si je veux faire quelque chose en général dans la vie, du rap ou autre chose, je ne vois pas pourquoi je devrais me poser la question juste parce que je suis une femme. Si j’ai envie, je le fais, que ça plaise ou pas. Ce n’est pas aux autres de me dicter ma conduite.
Tu sorti ton premier projet Une vie au mois d’avril. Que raconte cet album
Je parle beaucoup de mon statut de femme et je m’amuse de situations habituellement stéréotypées et considérées comme masculines, sans pour autant montrer du doigt. Je ne suis pas là pour dire, « les mecs vous êtes comme ci et nous on est comme ça ». Le but est juste de m’amuser des situations de la vie.
Ça fait longtemps que je suis dans la musique, mais j’ai eu plusieurs parcours. J’ai été dans le sport de haut niveau, dans la danse, après dans le théâtre… J’ai fait beaucoup de choses, toujours autour de l’artistique. C’est pour ça que j’ai appelé l’album Une vie, j’ai l’impression d’avoir mis quasiment une vie pour le faire.
Comment définirais-tu ta musique ?
Déjà, mon rap est authentique. Je ne joue pas un jeu. On dit que le rap est un game, moi je ne suis pas dans le game. Je ne suis pas ces codes. Je dis ce que je pense, comme ça me vient. Je suis toujours dans l’ironie et ne dramatise jamais rien. Je peux être très crue dans ce que je dis mais ce n’est jamais vulgaire. Si on sait utiliser les mots, on arrivera toujours à faire passer son message.
Je me souviens que sur l’album de Diam’s, tous les morceaux que j’aime et qui marchent sont des morceaux authentiques. C’est ce que je dis toujours aux jeunes qui commencent dans la musique et qui me demandent de quoi ils peuvent parler. Je leur dis de parler de ce qui est vrai parce que la personne en face va se reconnaître. Arrêtez d’inventer des histoires et des vies qui n’existent pas. Parce que mine de rien, il y a des gens qui vous écoutent et qui s’inspirent de vous. Et quand vous ne racontez que de la merde, vous laissez de la merde aux gens, et vous créez des générations de merde. Il faut le dire, parce qu’on a quand même un rôle. Même s’il n’y a que trois ou quatre personnes qui écoutent ton morceau, elles vont s’inspirer de ce qu’elles ont entendu.
Après, on peut être dans l’ironie et parler de tout. Je pense que rien n’est dramatique dans la vie. Dans Une vie, j’ai une chanson sur les terroristes et je ne l’ai pas abordée de manière dramatique. La situation était déjà assez difficile pour ne pas en remettre une couche, mais j’ai quand même réussi à faire passer mon message en mettant un peu d’humour. Quand je dis : « Va donc dire à tes frères terroristes, à vrai dire on s’en tape des critiques, et oui on s’embrasse, même en public, selon les temps, on est même échangistes », c’est pour apaiser les tensions. C’est mon rap, je suis toujours dans l’ironie.
Dans « Je déserte » tu dis « Ce soir je vais m’amuser, me faire belle, me faire draguer, peut-être même faire la tasspé ». Qu’entends-tu par là ?
Ce n’est pas pour rabaisser les femmes. C’est juste pour dire que nous aussi parfois on a envie de s’amuser. Si pour les hommes ce n’est pas grave, alors pour nous ça ne doit pas l’être non plus.
Pourquoi penses-tu que les gens continuent de percevoir le rap comme la musique la plus sexiste qui existe ?
En général, dans les clips de rap, tu vois des gonzesses à poil, peu mises en valeur, au-delà de leurs corps qui sont magnifiques. Il y a toujours ce côté un peu bandit et évidemment on a du mal à imaginer une femme là-dedans parce qu’on se demande où est sa place. Les gens ne s’imaginent pas qu’une femme peut rapper et raconter d’autres choses. Moi la première, j’écoute des textes hardcore de mecs. J’aime le rap vraiment hardcore. Mais aujourd’hui, je pense que c’est pour ça que le hip hop a cette mauvaise image. Parce qu’à la base, le hip hop raconte l’histoire de la rue, que ce soit dans le graffiti ou la danse, les histoires premières sont celles de la rue. Aujourd’hui, ça a évolué ou alors c’est fait autrement.
Qui sont tes rôles modèles féminins ?
Lauryn Hill m’a beaucoup inspirée et j’ai découvert la musique à travers Mary J. Blige. Ça a été la révélation. Je m’en rappellerai toujours. C’est un ami qui m’a fait découvrir l’un de ses maxis, (comme once qu’on appelait les 5 titres à l’époque). Il y avait l’instru, tu pouvais rapper dessus, c’était énorme. Ensuite est arrivée Lauryn Hill, qui rappait et qui chantait, et qui a un talent fabuleux.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Oui, je veux que la femme ait sa place et prenne sa place. La cause des femmes, ce n’est pas seulement vouloir le même salaire, mais c’est beaucoup de choses. Je préfère être une part de cette cause plutôt qu’à part entière dans cette cause. Ça ne veut pas dire que je ne la soutiens pas néanmoins.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Il y a des talents et des gens qui émergent. J’aime beaucoup Sofiane, je trouve qu’il reste dans l’authenticité. Même Booba. Il est resté Booba, et je pense qu’il faut lui reconnaître ça. Il y également Kaaris. J’aime aussi beaucoup Kalash Criminel. En fait, j’aime tout ce qui est authentique.
Quels sont tes projets à venir ?
Des collaborations avec La Belle Hip Hop et Bookingz N Queenz qui s’occupent de me manager et de me trouver des dates. Je vais aussi sortir des morceaux inédits ici et en Afrique, avec Afrikamer qui s’occupe de mon image là-bas. Les choses sont en train d’évoluer un peu. C’est grâce à l’album. Même s’il n’y a pas eu beaucoup de communication parce qu’on a fait avec les moyens du bord, on a réussi à le faire entendre et ça a ouvert beaucoup de portes.
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
Même moi, en tant que rappeuse, je ne savais pas qu’il y avait autant de nanas qui rappaient. J’ai relu les interviews que vous avez faites et franchement c’est énorme. Je pense que le jour où les mecs vont arrêter de faire les machos, ils vont se prendre des petites branlées !
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