Madame Rap a interviewé la très prometteuse MoniNayo, rappeuse originaire de Brooklyn désormais basée à West Palm Beach en Floride, et lui a parlé de la Harlem Renaissance, la Women’s March, Black Lives Matter et du pouvoir du vagin !
Quand as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à rapper ?
J’ai toujours adoré écouter de la musique et en écrire. J’ai commencé à écrire quand j’étais très jeune, mais je m’intéressais davantage au R&B et à la chanson. J’ai toujours écouté du hip hop (surtout 2Pac), mais je n’avais pas envie de rapper à proprement parler. Ce n’est qu’en première année de fac que quelqu’un m’a demandé de rapper et je me suis dit « oh je peux le faire, c’est facile. » J’avais tort parce que j’étais assez mauvaise, mais bien sûr, je l’ignorais à l’époque. Plus tard, j’ai commencé à faire des freestyles sur YouTube. Je me suis fait repérer par un label indé et j’ai en quelque sorte suivi une formation intensive de hip hop. C’est là que je me suis vraiment perfectionnée et que je suis devenue totalement obsédée par le hip hop (je veux dire le vrai hip hop).
En décembre 2015, tu as sorti un album intitulé « Pussy Power: The Plot Thickens » (« Le pouvoir de la chatte : l’histoire se complique »). Quels pouvoirs spéciaux la chatte possède-t-elle à tes yeux ?
Lol. En fait, le titre ne parle pas de « chatte » en tant que telle mais des femmes et du pouvoir des femmes. Le projet débute par ces phrases : « These are the passages I write; about the passages of life. » (« Voici les passages que j’écris ; sur les passages de la vie »). C’est ce que nous vivons, nous femmes, et ce que nous traversons tout en restant fortes. Le vagin représente le passage de la vie. Il peut supporter tant de douleur, créer la vie, et se rétablir rapidement, alors existe-t-il quelque chose de plus puissant au monde ?
L’un des titres de cet album s’appelle « Harlem Renaissance ». En quoi ce mouvement social et artistique t’a t-il inspiré ?
J’écrivais un papier pour un ami dans le cadre d’un cours de littérature africaine-américaine et lui ai demandé son manuel. J’ai commencé à lire des choses sur la Harlem Renaissance. J’ai tout de suite su que je voulais une chanson qui porte ce nom, c’était une célébration de l’art, de la littérature et de la pensée à une époque où il était très difficile pour des Africains-Américains de recevoir une bonne éducation, alors qu’ils étaient perçus comme tellement classes et dégoûtants à la fois. Harlem était alors comme La Mecque noire des Américains. C’est triste parce que la plupart des gens connaissent très peu la Harlem Renaissance. Je pense que ce n’est pas un sujet jugé suffisamment important pour être enseigné en cours d’histoire au lycée. Mais apparemment, ç’est quand même l’Amérique à vos yeux !
Que penses-tu de mouvements comme la Women’s March et Black Lives Matter ?
Je crois qu’ils ont émergé à un moment bien pratique, c’est-à-dire après des tragédies, qui pourtant, se déroulent tous les jours. Ces combats doivent être menés en dehors d’incidents dramatiques comme Ferguson. J’ai l’impression que nous avons encore tant à faire parce que peu de choses ont changé en réalité. En ce qui concerne la Women’s March, honnêtement, Trump n’est pas le plus grand des désastres (pourtant je ne le soutiens pas). On ne marche pas quand des millions de filles noires se font kidnapper. Si on considère que le fait que l’un des hommes les plus sexistes devienne président est plus important que le fait que la vie de ces filles soit en danger, sommes-nous vraiment féministes ou sommes-nous féministes quand ça nous arrange ?
Qui sont tes rôles modèles féminins ? Pourquoi ?
J’en ai tellement, probablement trop à nommer, mais en voici quelques-unes. Oprah, parce que waouh comment être aussi forte d’esprit ! Venir d’une famille abusive et finir multimilliardaire, c’est incroyable. J’aime Maya Angelou pour les mêmes raisons, elle a dépassé tous ses traumatismes et a su rester positive avant tout. Beyoncé est l’un de mes principaux rôles modèles parce qu’elle a juste tellement la classe, elle n’a jamais sombré dans la bêtise et a bossé comme une malade pour être où elle en est aujourd’hui et se présente comme une reine. Dans le monde du divertissement, elle est clairement l’un des meilleurs rôles modèles que des jeunes filles puissent avoir.
Te définis-tu comme féministe ? Pourquoi ?
Je pense qu’il y a beaucoup de formes de féminisme dans l’air. Ma définition du féminisme est une complète égalité entre les sexes à tous les niveaux et en ce sens, je suis féministe. J’aime profondément les femmes et j’aime leur rendre hommage parce que on est géniales comme vous le savez lol.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
J’écoute beaucoup le projet de J. Cole « 4 Your Eyez Only », tous les vieux Jay-Z et beaucoup de hip hop old school. J’ai récemment commencé à écouter pas mal de Nas aussi. Je n’avais jamais accroché avant mais depuis peu, j’apprécie différemment sa musique et elle me plaît vraiment.
Quels sont tes projets à venir ?
Je prépare une tournée pour cet été, principalement sur la côte est des Etats-Unis (et en Californie) et j’espère que tout ça va bien se goupiller. Je suis aussi en train d’enregistrer mon prochain projet, qui devrait être bientôt terminé. Je sais déjà comment il va s’appeler mais je ne veux pas en dire plus pour le moment !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’adore le fait que Madame Rap s’intéresse aux femmes dans le hip hop parce que nous n’avons pas la place que nous méritons dans cette industrie dominée par les hommes et il y a très peu de rappeuses grand public. C’est drôle parce que ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas, mais c’est juste parce que c’est comme ça que l’industrie fonctionne aujourd’hui ! Le seul conseil que je pourrais vous donner serait de continuer à exister et à grossir pour que de plus en plus de gens découvrent les talents incroyables des dames du hip hop que vous mettez en avant. Parce que nous en avons grandement besoin en ce moment.
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