La rappeuse canadienne Haviah Mighty nous a parlé de sa carrière solo, de son expérience avec le trio de rappeuses The Sorority et de la manière dont les productrices sont perçues aujourd’hui.
Comment as-tu découvert le hip hop et comment as-tu commencé à rapper ?
Au début de l’adolescence, par la radio, la télé et au lycée. J’ai vu quelque chose de très beau dans la manière dont les rappeuses·eurs racontaient leurs propres histoires. Je me suis reconnue dans cette musique. À 13 ans, j’ai commencé à essayer d’écrire mes propres histoires sur des instrus. Et c’est ça qui a suscité ma curiosité. Ensuite, j’ai commencé à faire et enregistrer mes propres raps.
Quel·le·e artistes écoutais-tu quand tu étais plus jeune ?
Quand j’étais petite, j’écoutais plus de chansons et de la pop comme Lauryn Hill, Céline Dion, Britney Spears, Christina Aguilera et des boys bands comme B2K. Plus tard, quand j’ai commencé à être à fond dans le hip hop, j’ai eu une période Ludacris et tout le movement Disturbing Tha Peace.
« C’est plus difficile pour une femme d’être acceptée et reconnue en tant que productrice. »
Est-ce que tu as suivi une formation musicale ?
Oui, j’ai pris des cours de chant pendant sept ans. Ma sœur a pris des cours de piano donc j’ai grandi dans cet environnement.
Tu es également productrice. Comment es-tu perçue en tant que femme qui produit ?
Oui, je produis depuis que j’ai 14 ou 15 ans. C’est plus difficile pour une femme d’être acceptée et reconnue en tant que productrice. Les gens s’attendent à ce que les producteurs soient des hommes. On ne s’attend pas à ce que tu sois douée à cause de ton genre, donc c’est beaucoup plus difficile pour une femme de se faire remarquer. Mais il y a de plus en plus de productrices qui commencent à attirer l’attention aujourd’hui et à être reconnues.
Penses-tu que le public est prêt à accepter des productrices ?
De manière générale, le public aime savoir comment un titre a été fabriqué. Quand on écoute une chanson, on ne sait pas qui l’a produite et je pense que beaucoup de gens seraient surpris d’apprendre que c’est une femme qui a produit une chanson qu’ils apprécient. Très souvent, cela vient aussi de l’ingénieur du son, de l’artiste et d’autres personnes dans l’industrie musicale qui ont le pouvoir d’ouvrir ou de fermer la porte à une productrice et de lui donner l’opportunité de faire ce en quoi elle excelle.
Qu’as-tu appris de ton expérience avec The Sorority ?
J’ai appris la convivialité, l’esprit de communauté et à travailler dans d’autres cercles pour le plus grand bien. J’ai appris beaucoup de la vie sur la route et en tournée, mais aussi à développer différentes compétences en termes d’écriture, à me mettre au défi sur des scènes différentes devant des publics différents tout en apprenant à interagir avec d’autres MCs. C’est un voyage incroyable!
« Je suis une femme qui soutient les droits des femmes et en parle ouvertement dans et en dehors de sa musique. »
Tu as sorti en mai dernier ton premier album solo 13th Floor qui comporte plusieurs titres qui encouragent les femmes à s’assumer et à s’unir. Peut-on dire que cet album est féministe ?
Je ne sais pas si je dirais que c’est un album féministe. Je pense que c’est aux gens de déterminer s’il l’est ou pas. Je dirais que je suis une femme qui soutient les droits des femmes et en parle ouvertement dans et en dehors de sa musique. Pour cette raison, j’imagine que son existence est lié au féminisme.
Ta sœur et ton frère ont également travaillé sur cet album. Qu’est-ce qui te plaît dans le fait de travailler en famille ?
Tout d’abord, ils sont extrêmement talentueux et sont très exigeants dans leur travail, un peu comme moi ! C’est très facile de leur faire confiance parce que ma famille m’a encouragée à tenir mes critères d’exigence. Nous ne sommes pas forcément perfectionnistes mais nous nous efforçons toujours d’aboutir au meilleur résultat. Ma famille comprend également mes intérêts et me soutient de manière inconditionnelle. Donc, je fais de même avec eux.
Si quelqu’un ne connaît pas ta musique et a envie de la découvrir, quel titre lui conseillerais-tu d’écouter en premier ?
Je dirais Blame. Il montre mes qualités de rappeuse, ma capacité d’écrire dans le cadre d’un concept défini avec un flow rapide, articulé de manière efficace et propre. Il y a de l’énergie, du fun, et à la fin du morceau, un changement de prod qui montre ma singularité, mes compétences en tant que productrice et chanteuse. Blame propose une large palette de ce que je sais faire.
Quels conseils donnerais-tu à une adolescente qui veut devenir rappeuse ?
Vas-y ! La société ne sera pas ta meilleure alliée ou ton plus grand soutien au début, mais ça se passera dans ton cœur : ce besoin impérieux de tenir le micro, cet engagement que tu es prête à prendre et alors, tu pourras commencer à bâtir ton public. Va dans des espaces que tu aimerais conquérir. Des salles de concerts. Des interviews. Sois mal à l’aise pendant un temps. Fais savoir que c’est ça que tu fais, n’accepte pas qu’on te dise non et prends chaque espace qu’il faudra. Tes véritables soutiens, ceux chez qui ton message, ton énergie, ta vibe et tes chansons résonnent, viendront ensuite. Et ne cherche pas trop ton public. N’essaie pas de faire quelque chose qui n’est pas toi. Fais juste ce que tu fais et rends le accessible. Promeus-le. Et tu trouveras ton public.
Quels sont tes projets à venir ? Une tournée européenne peut-être ?
Travailler sur des nouveaux titres, sortir plus de singles de 13th Floor. Repartir en tournée en Europe, et aussi, j’espère, faire d’autres concerts aux États-Unis et partout ailleurs. Je suis prête.
Que peut-on te souhaiter pour 2020 ?
Je souhaite continuer à progresser. J’ai envie de poursuivre cet élan. Tout ce que je veux, c’est continuer à grandir en tant que musicienne, artiste et être humain.
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© Matt Barnes