Première femme DJ à participer aux DMC France, L.Atipik est aussi la première femme lauréate de cette compétition, qui s’est déroulée le 14 septembre dernier à Biarritz. La DJ nantaise nous a parlé du sens de cette victoire et de la place des femmes dans le deejaying, qui n’évolue pas aussi vite qu’elle le souhaiterait.
Que s’est-il passé pour toi depuis ta victoire aux DMC France ?
Depuis, je suis allée aux Championnats du Monde qui se sont déroulés à Londres le 28 septembre dernier. Je suis sortie en demi-finale contre le champion du monde en titre, mais suis très contente de mon parcours. Je suis d’autant plus fière que j’étais la première femme au monde à participer aux DMC World dans la catégorie « battle » (il y a deux catégories :le battle for World Supremacy et la catégorie 6 minutes). J’espère que ça ouvrira la porte à beaucoup d’autres femmes.
Comment se prépare t-on à un tel événement ? Est-ce que tu t’étais entraînée ?
J’avais cet objectif en ligne de mire depuis un an. J’ai donc beaucoup bossé tout au long de l’année mon beat juggling, une technique de turntablism que je maîtrisais très mal, et j’ai commencé la construction de mes routines en juin dernier. En gros, pendant trois mois cet été, je n’ai vu ni plages ni barbecues, mais seulement mon studio dans lequel je suis restée enfermée pour créer mes routines et m’entraîner.
Est-ce que tu participes souvent à ce type de compétitions ? Pourquoi ?
J’avais déjà participé à des battles de scratch, mais attendais d’être plus complète techniquement, notamment en juggling, pour participer au DMC. Quand j’ai commencé cette pratique il y a une dizaine d’années, je regardais les vidéos de cette compétition en rêvant d’y participer un jour. C’était donc un accomplissement personnel et un objectif de longue date que je m’étais fixé.
Qu’est-ce que ce type de compétition apporte aux DJs ?
Au niveau personnel, c’est une très bonne expérience, notamment pour la gestion du stress et de la pression, ça apporte de la confiance en soi, ça permet aussi de se challenger et ne pas se reposer sur ses acquis. Sinon, en termes de retombées et de visibilité, ça n’apporte pas grand-chose. Le turntablism est une niche qui n’intéresse ni le grand public ni les programmateurs.
Ces événements sont encore très masculins, tant parmi les candidats que dans la composition des jurys. Y vois-tu une évolution ?
Honnêtement pas vraiment, à mon grand regret. Ce concours est, à mon avis, devenu trop basé sur la technique pure et dure. C’est la course à celui qui ira le plus vite, sera le plus précis… À mon sens, on a perdu le groove, la musicalité et le charme de l’imperfection.
De mon côté, j’ai vraiment essayé de ramener de la musicalité et de raconter une histoire dans mes routines. Et pour parler de jurys, au DMC World la semaine dernière, je faisais partie du jury de la catégorie 6min, j’étais la seule femme et je suis la seule qui a voté complètement différemment de tous les autres … Ça m’a quand même valu beaucoup de critiques …Mais je suis restée intègre et ai voté pour les gens qui me racontaient une histoire, qui avaient du groove, qui m’ont fait bouger la tête, même si l’exécution n’était pas parfaite. Peut-être que s’il y avait plus de femmes dans ces évènements, ces concours deviendraient un peu plus accessibles et amèneraient le grand public à s’y intéresser davantage.
Tu es la première femme à gagner cette compétition. Comment l’expliques-tu ? (en dehors de ton talent bien sûr !)
Peut-être que je suis arrivée avec une sensibilité différente qui a ramené un peu de fraîcheur par rapport aux autres participants, je ne sais pas… Et quant au fait d’être la première à y participer, peut-être que la majorité des femmes ne se retrouvent pas dans ce concours de « celui qui aura la plus grosse » et aspirent à un côté plus artistique que sportif … Je n’ai pas vraiment de réponse ni de certitudes en fait, je sais juste que j’ai attendu d’être vraiment prête pour y aller, je m’étais mis une pression de malade en me disant que j’étais la première et qu’il fallait représenter comme il se doit … En tout cas, j’espère que d’autres femmes suivront et que tout ça évoluera dans le bon sens !
Quels sont tes prochains projets ?
J’ai pas mal de soirées à venir, un séjour à Los Angeles où je vais rencontrer celle qui a été mon rôle modèle dans ce milieu, l’américaine DJ Shortee, et peut être la création d’un spectacle mêlant turntablism et vidéo.
Que peut-on te souhaiter ?
De continuer à kiffer et pouvoir faire ce qui me plaît au quotidien.
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