Née au Cameroun, la rappeuse et productrice 7 vit en Belgique depuis dix ans. L’artiste bruxelloise, qui se définit comme agenre et androgyne, nous parle de ses débuts dans le hip hop, de son projet en développement, de sa musique « alternative et multi-dimensionnelle » et de son féminisme intersectionnel.
Peux-tu te présenter brièvement ? Quels pronoms doit-on utiliser ? Comment te définis-tu en termes d’identité de genre ? …
Je m’appelle 7 (Seven). J’ai 24 ans, j’ai grandi au Cameroun et j’habite en Belgique depuis dix ans. « Elle » est le pronom qui me convient le mieux. En termes d’identité de genre, je me définis plutôt comme une personne agenre et androgyne parce que je sais que je ne rentre pas dans les cases de ce que la société attend d’une femme ou d’un homme. Il y a des jours où je me sens plus d’un côté que de l’autre.
Je suis une personne qui n’aime pas trop être mise dans des cases. Ça m’arrive parfois de sortir du « contexte LGBT+ » et d’être juste moi. Même si la communauté est très soudée, on a tendance à mettre les gens dans des cases et à leur dire « tu as dit que tu étais ça et finalement tu n’es plus ça… »’. Je reste assez libre dans la conception de mon identité. C’est quelque chose qui est hyper fluide et qui varie.
D’où vient ton nom de scène ?
Mon nom de scène est encore en construction. Au début, je m’appelais XY pour marquer la séparation de genre parce qu’à un moment, je ne me sentais absolument pas femme.
Après, je suis passée à 7XY parce que le chiffre 7 était comme un chiffre porte-bonheur. Quand je n’arrivais pas à prendre de décision, je regardais autour de moi et si je voyais le chiffre 7, ça voulait dire que j’étais dans la bonne direction.
Finalement, j’ai gardé 7 (prononcez Seven, ndlr), parce que je me suis dit qu’il y avait des jours où je me sentais hyper femme et j’aime bien embrasser ma féminité. Donc j’ai juste gardé le chiffre 7. Mais si ça se trouve, demain j’aurai un autre nom de scène parce que je suis encore en développement !
Quand et comment as-tu été en contact avec la culture hip hop pour la première fois ?
Depuis le berceau. J’ai des oncles et des grands frères qui sont dans le rap. C’est vraiment une chose avec laquelle j’ai grandi. Quand j’étais plus jeune, j’étais la seule fille dans ma famille et autour de moi il n’y avait que des hommes. C’est ce qu’ils écoutaient et c’est ce que j’ai toujours écouté depuis que je suis née.
Comment as-tu commencé à rapper ?
C’est du hasard total. J’ai toujours rappé, mais au départ, je rappais les sons des autres, à l’école, pour déconner. Quand mon frère a commencé à produire, en écoutant ses prods, je me suis dit « pourquoi ne pas écrire des textes sur ses sons » ?
Tu es également productrice. As-tu reçu une formation particulière ou es-tu autodidacte ?
Comme je l’ai dit, je suis entourée de personnes qui sont dans l’industrie de la musique ou qui font de la musique par passion. Mon frère est producteur et m’a montré ce qu’il faisait. C’est comme ça que je me suis dit que je pouvais aussi essayer de le faire moi-même.
En fait, on a toujours produit ensemble même si je n’étais pas directement derrière l’ordinateur. Il me disait « tu veux rajouter un truc ? Tu veux tester quelque chose ? » J’ai toujours fonctionné comme ça avec les personnes avec qui je travaillais.
Et aujourd’hui, j’essaie de le faire toute seule à 100 %. Mais évidemment, c’est toujours plus fun de produire avec d’autres personnes. Pour moi, c’est comme un amusement. Tu mets une couche et puis j’en mets une autre.
Comment définirais-tu ta musique et ton univers ?
Je pense que je suis quelqu’un d’assez alternatif. Même si je rentre dans la case hip hop, ma musique n’est pas à 100% hip hop. Comme mon identité et ma relation à ce monde, avec tous les voyages et les déménagements que j’ai pu faire, ma musique et mon univers sont multi-dimensionnels et évoluent tout le temps.
Comment composes-tu un morceau en général ?
Je m’assieds, j’écoute la prod et j’écris en même temps que le producteur ou moi ajoutons des éléments. Ça se fait naturellement sur le coup. J’ai du mal avec le fait qu’on m’envoie une prod et que j’écrive dessus. Pour moi, ça doit être un processus sur le moment, instantané. On rajoute, on enlève, on change, et moi j’adapte, j’écris, je barre… C’est comme si j’allais au sport et que je faisais des exercices !
Tu as sorti le EP « 3 à 5 » au mois de juillet. Comment as-tu travaillé sur ce projet ?
Mon EP s’est fait un peu comme ça. Les producteurs avec qui je travaillais faisaient des sons et je leur demandais d’ajouter ou d’enlever des éléments. Quand on a fini, on a retravaillé l’ensemble. À chaque fois, c’était un peu hasardeux.
Je me suis dit : « arrête de dépendre des gens, finis cet EP, fais ce que tu as faire et apprends à produire toi-même. Comme ça tu seras 100 % indépendante. »
Te définis-tu comme féministe ? Si oui, comment définirais-tu ton propre féminisme ?
Oui, je me considère comme féministe. Mon féminisme dit aux femmes qu’elles ont le droit d’être qui elles veulent tant qu’elles ne nuisent pas à la société.
C’est un féminisme intersectionnel parce que je suis noire et il y a plein de fois où dans l’industrie, le féminisme ne m’a pas sauvé. Malheureusement, en tant que femme noire, la question du féminisme ne se pose pas forcément à 100 % parce qu’on doit déjà faire ça aux gros combats que sont le racisme et le colorisme. Malgré le fait que je sois féministe, c’est quelque chose qui m’a parfois porté préjudice.
Aujourd’hui, je ne peux plus me plus me définir uniquement en tant que féministe, je suis obligée de rajouter le mot intersectionnel. Parce que si je ne prends pas en compte le fait que je suis noire, je me fais aussi écraser par les autres femmes qui se considèrent au-dessus de moi parce qu’elles ont une autre couleur de peau.
Est-ce que la musique est ton métier aujourd’hui ? Si non, est-ce un objectif à terme ?
Ça fait quelques mois que j’ai compris que la musique allait être mon métier. Même au niveau de la santé mentale, quand je n’écris pas, que je ne suis pas derrière un micro ou que je ne crée pas quelque chose, ça ne va pas !
Quels sont tes projets à venir ?
Travailler et apprendre. Apprendre à faire les choses. Je ne suis pas dans la précipitation. Je pense que j’ai déjà montré une petite part de ce que je savais faire. Je laisse les gens apprécier et venir à moi. Je suis ouverte à tout pour travailler parce que c’est pour le fun qu’on fait ça. Même si j’aimerais pouvoir en vivre !
Que penses-tu de Madame Rap ? Des choses à changer/améliorer ?
J’aime beaucoup et j’admire Madame Rap. C’est dommage que le média n’ait pas plus d’impact dans la sphère publique. Parce que le travail que vous faites est incroyable et nécessaire. On ne peut pas se passer de ça.
D’ailleurs, j’organise maintenant des événements pour promouvoir des artistes féminines plus jeunes que moi et qui ne savent pas par où commencer. J’essaie de leur dire : « venez ici, ne vous perdez pas dans l’industrie, faites ce que vous aimez et vous allez trouver une place en étant vous-même ». C’est ce sur quoi je travaille en parallèle : faire des soirées, créer un « safe place », promouvoir les talents… Peut-être qu’un jour on fera une collab ensemble !
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©Marie Lennertz (@fille.reussie)